Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin souhaite une grande réforme du Code pénal, le but ? Simplifier les peines. Et le calendrier est déjà très clair, fin juillet, il remettra sa copie à François Bayrou et à Emmanuel Macron. En septembre il sera « prêt » pour un examen du texte au Parlement avant un vote possible en janvier. Le garde des sceaux envisage notamment d'étendre à de nouvelles situations la procédure de plaider-coupable. Quel regard portent les magistrats sur ce projet de réforme ? Regardez L'invité de RTL Matin avec Vincent Derosier du 29 juillet 2025.
00:05Et l'invité de RTL ce matin, c'est donc Alexandre Availlant, secrétaire générale de l'Union syndicale des magistrats.
00:10Bonjour à vous.
00:11Bonjour.
00:11Alors un big bang judiciaire. Gérald Darmanin a exposé hier son projet de réforme d'une partie du système judiciaire.
00:18Il propose notamment de passer de 225 peines à 4.
00:21On va reprendre tout ça avec vous, Alexandre Availlant.
00:23Mais d'abord, est-ce que le système est devenu laxiste, comme il le dit ?
00:27Alors c'est une accusation que l'on entend beaucoup.
00:31Toujours une petite musique populiste qui revient concernant les magistrats.
00:34Les magistrats sont là pour appliquer la loi.
00:37Ils ne sont ni trop répressifs, ni trop laxistes.
00:40Ils appliquent la loi en fonction du dossier qui leur est soumis, en fonction de ce qu'il y a dans le dossier.
00:45Donc en disant, en fait et en droit, en rendant une décision.
00:52Donc partir de ce projet en disant sous l'angle que la justice est trop laxiste,
00:57Non. Est-ce qu'on a besoin à nouveau de réformer le droit de la peine ?
01:01Ça c'est la question, puisque le gros sujet porte sur une énième réforme du droit de la peine.
01:06C'est un sujet complexe, une matière qui n'arrête pas de changer au fur et à mesure des années.
01:12On va changer, un coup on va être sur plus d'aménagement, un coup sur moins d'aménagement.
01:17Nous, nous avons besoin un moment d'une ligne claire, quelle qu'elle soit, pour pouvoir appliquer correctement la loi.
01:24Mais pour pouvoir appliquer correctement la loi, il faut aussi des moyens donnés aux magistrats pour appliquer les lois déjà votées.
01:31Donc est-ce qu'il y a un intérêt aujourd'hui à refaire une énième réforme sur une matière complexe qui n'arrête pas de changer ?
01:38Nous n'en sommes pas certains. En tout cas, si le projet doit aboutir, il faudra prévoir des moyens pour l'appliquer correctement.
01:46Sinon, nous resterons sur un effet d'affichage.
01:48Il y a dix articles dans son projet de loi, on va entrer dans le détail.
01:52Mais d'abord, il dit que c'est un texte pour répondre à la crise de confiance dans l'effectivité des peines et leur délai d'exécution.
01:58Et je cite, l'incapacité progressive à juger les crimes les plus graves dans des délais raisonnables.
02:02Vous faites le même constat aujourd'hui ?
02:04Sur la problématique des délais, nous, malheureusement, faisons tous le même constat.
02:10Mais pourquoi nous faisons ce constat ?
02:12Depuis des années, nous le rappelons à l'USM, nous ne sommes pas suffisamment nombreux en termes d'effectifs de magistrats et de greffiers en France
02:21pour apporter une réponse dans tous les contentieux, qu'on soit au civil ou au pénal, à nos concitoyens.
02:27Et le vrai problème, il est là.
02:28Aujourd'hui, le problème des délais, c'est la conséquence de 30 ans d'abandon de la justice par les pouvoirs publics, ni plus ni moins.
02:38Des peines minimales sur le principe des peines planchées, mais adressées à tous et pas seulement à ceux qui ont un casier.
02:43Solution utile ?
02:45La peine minimale, ce n'est pas exactement le principe de la peine planchée.
02:48C'est-à-dire qu'aujourd'hui, sur n'importe quelle infraction, vous avez une latitude du juge de choisir une peine de 0 à 10 en délectuel, par exemple, en emprisonnement.
03:02La peine minimale, c'est de réduire ou de refaire une échelle.
03:07C'est un choix politique.
03:08S'il est fait et qu'il aboutit, les magistrats appliqueront.
03:12Alors, Gérald Darmanin souhaitait supprimer totalement le sursis.
03:16Finalement, il existera toujours, mais pour celles et ceux qui ont un casier vierge.
03:22Et sa révocation sera automatique en cas de commission d'une nouvelle infraction.
03:25Là aussi, votre réaction ?
03:27Alors, on en avait discuté avec le ministre lors d'une réunion bilatérale début juillet.
03:33Nous ne sommes pas persuadés que changer actuellement les règles du sursis simple contribue à améliorer la confiance des Français pour leur justice.
03:43Donc, nous ne sommes pas très sûrs que cette mesure proposée dans le projet de loi du ministre soit essentielle aujourd'hui.
03:49La création de peines très courtes, des peines de prison d'un mois, depuis mars 2020, il n'est plus possible de prononcer une peine de prison ferme inférieure à un mois.
03:58Comment on fait avec des prisons qui sont en surpopulation permanente ?
04:01Alors, l'USM s'est toujours montré extrêmement sceptique sur les courtes peines de prison, à cause notamment du fait de la surpopulation carcérale, comme vous venez de le rappeler.
04:11Par ailleurs, il n'existe pas aujourd'hui de consensus scientifique sociologique sur l'efficacité des courtes peines.
04:18Donc, on ne pense pas que ce soit la réponse idoine aujourd'hui.
04:21La réponse idoine, c'est d'apporter des moyens pour pouvoir déjà adopter et mettre en œuvre efficacement les lois votées.
04:33Et en matière de peine, c'est quoi l'intérêt pour tout le monde ?
04:35C'est qu'une personne condamnée soit sanctionnée, ça c'est normal, qu'on puisse réparer le dommage et ensuite qu'on puisse réinsérer l'objectif ultime de la peine.
04:45Il faut le rappeler, ce n'est pas moi qui le dis, c'est la loi par ailleurs.
04:48C'est de pouvoir réinsérer pour que la personne condamnée ne recommette pas de nouveaux faits.
04:54Et pour qu'on travaille sur cette réinsertion et l'absence de récidive, in fine, il faut des moyens en prison, à l'extérieur de la prison.
05:04Il faut plus d'agents pénitentiaires, de greffiers, de magistrats dans le suivi des peines.
05:09C'est ça le vrai débat aujourd'hui.
05:11Les moyens sur toute la partie exécution des peines pour que ça soit beaucoup plus effectif et efficace.
05:17On va parler de cette création du plaidé coupable, proposition jugée par beaucoup comme la plus inflammable.
05:23Alors ça concerne tous les crimes, meurtres, viols.
05:25Le garde des Sceaux envisage notamment d'étendre à une nouvelle situation cette procédure de plaidé coupable qui permet donc une décision sans procès.
05:33Pas de procès pour les victimes qui ont besoin souvent d'un procès pour se reconstruire.
05:39Vous en pensez quoi là aussi ?
05:41Alors de manière générale, et nous l'avions dit au ministre, l'USM s'est positionnée contre une CRPC criminelle.
05:50Notamment si c'est pour calquer la procédure en matière de crime sur ce qui existe déjà en matière délictuelle.
05:56Parce qu'effectivement en matière délictuelle CRPC, vous avez juste une audience d'homologation où le juge va ratifier une peine qui a été décidée entre le parquet, la personne poursuivie et son avocat.
06:11Et généralement la place de la victime est extrêmement réduite à part pour demander des indemnités dans le cadre de l'audience d'homologation.
06:20Si on calque ça en matière criminelle, qu'est-ce qu'on fait de la place de la victime ?
06:25C'est vraiment une ligne rouge pour l'USM.
06:28Dans les procès criminels, il y a un rôle cathartique de l'audience.
06:32Que ça soit pour la victime, également pour la personne poursuivie.
06:36Il y a un intérêt d'avoir un débat judiciaire de qualité, ce que permet encore la justice criminelle aujourd'hui.
06:43Donc pourquoi vouloir changer aujourd'hui ce point ?
06:46Cette justice reconnue de qualité par la plupart des professionnels du droit.
06:51On entendait un avocat pénaliste sur l'antenne d'Hertel ce matin qui redoute, lui, des erreurs judiciaires.
06:56Que des gens s'accusent de crimes qu'ils n'ont pas commis.
06:59Il y aura un rôle si la procédure proposée doit aller jusqu'au bout, évidemment à jouer par les avocats,
07:05mais également par les magistrats.
07:07Il y aura des vérifications minimales procédurales à faire.
07:11Mais j'aimerais revenir sur pourquoi on parle aujourd'hui de cette création.
07:14Pourquoi ? Parce qu'il y a quelques mois, le procureur général près de la Cour de cassation
07:18rappelait lors de l'audience de rentrée en janvier à propos de la justice criminelle
07:22« Nous allons dans le mur ».
07:24Et pourquoi nous allons dans le mur ?
07:26Parce que les dernières réformes faites en matière criminelle
07:28l'ont été contre l'avis de tous les professionnels, à moyen constant,
07:33qu'aujourd'hui nous n'avons plus les moyens d'audancier rapidement.
07:37Et c'est pour ça qu'aujourd'hui on est au pied du mur
07:39et qu'on se dit peut-être on va devoir créer cette procédure
07:42qui a priori n'est pas demandée par la majorité des professionnels du droit.
07:47C'est six ans d'attente pour qu'un viol soit jugé aujourd'hui.
07:49Oui, un problème de délai, mais ça nous en avons conscience.
07:51Mais pourquoi ce problème de délai ? Je le rappelle.
07:53La dernière réforme, c'est la généralisation en matière criminelle,
07:57c'est la généralisation des cours criminels départementales
07:59qui nécessitent plus de magistrats professionnels pour juger.
08:04Et quand les parlementaires ont décidé de cette généralisation,
08:08on les a alertés sur le fait qu'à moyen constant, ça ne tiendrait pas.
08:13Eh bien, on est quelques années après, ça ne tient pas,
08:16on est au pied du mur et pour nous c'est important de le rappeler.
08:20Si aujourd'hui...
08:20On est très sceptiques quand même ce matin.
08:22Si on s'interroge sur la possible création d'une CRPC criminelle,
08:26c'est parce que nous avons un problème de moyens qui perdure depuis des années,
08:30notamment en cette matière criminelle, notamment en termes de délai.
08:34Évidemment, le problème du délai est fondamental et ce n'est pas normal
08:38qu'une victime ou un accusé attendent des années une réponse judiciaire à un dossier.