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00:00Bonjour Thomas Chenel, on accueille votre invité.
00:02Bonjour Nicolas Bavré.
00:04Bonjour.
00:04Historien, économiste, éditorialiste au Point au Figaro, merci d'être en direct avec nous.
00:08Alors, assistons-nous aujourd'hui à une reddition commerciale ou un compromis honorable ?
00:13On a beaucoup de questions après cet accord qui a été trouvé dimanche soir
00:16entre Ursula von der Leyen et Donald Trump qui porte les taxes à 15%
00:20sur les produits de l'Union Européenne que nous exportons vers les Etats-Unis.
00:24Tout d'abord, Nicolas Bavré, est-ce que la France est la grande perdante de cet accord ?
00:30Alors, je pense qu'il n'y a pas que la France, il y a surtout l'Europe dans son ensemble
00:35parce que vous avez parlé de compromis, mais en fait, c'est vraiment le ralliement
00:40à une décision unilatérale de Donald Trump avec une asymétrie complète des engagements.
00:47Quand on prend les droits, les droits des exportations européennes vers les Etats-Unis
00:52vont donc augmenter de 4,7 à 15%.
00:55On oublie de rappeler que les droits des exportations américaines vers l'Europe,
01:01ces droits-là restent figés à 4%.
01:03Donc, d'un côté, on triple, de l'autre côté, et on a maintenant un rapport de 1 à 4
01:09entre les droits appliqués aux Etats-Unis et ceux appliqués en Europe.
01:13Et puis, les autres engagements sont aussi très préoccupants.
01:16D'ailleurs, ils sortent complètement des compétences de l'Union européenne.
01:23Il y a l'engagement d'acheter 750 milliards de dollars de pétrole et de gaz de schiste sur 3 ans.
01:28C'est quand même l'énergie la plus sale du monde.
01:31Donc, c'est complètement opposé à la stratégie de décarbonation de l'Union européenne.
01:38Ensuite, on dit qu'on va investir 600 milliards de dollars sur le territoire américain.
01:42Et là encore, ça va nous priver des capitaux qui sont nécessaires pour financer la mise à niveau
01:49de la compétitivité des entreprises européennes, la révolution numérique,
01:53la transition écologique et le réarmement.
01:55Et enfin, on s'engage à acheter des armements.
01:58Et c'est extravagant, puisqu'on va même très au-delà des engagements budgétaires
02:02qui ont été pris au sein de l'OTAN, qui par ailleurs est la bonne structure pour discuter de défense.
02:07Et j'ajoute qu'au passage, l'Europe a abandonné et renoncé à l'accord fiscal de l'OCDE
02:14qui fixait un impôt minimal de 15% sur toutes les entreprises mondiales.
02:19Et on en a exonéré les entreprises américaines.
02:21Ce qui veut dire que cet accord, maintenant, dans la réalité, est totalement caduque.
02:26Donc, c'est vraiment... Vous avez utilisé...
02:28Le mot de reddition, on peut dire aussi capitulation.
02:31Et de fait, aujourd'hui, ce que c'était évoqué tout à l'heure,
02:38là où c'est très préoccupant, c'est que c'est la première fois
02:42que l'Europe, dans le cœur de sa compétence,
02:45montre que l'Union, en fait, fonctionne moins bien que le cavalier seul.
02:50C'est d'une certaine manière la première victoire du Brexit.
02:53449 millions d'Européens ont donc tous aidés devant 347 millions d'Américains.
02:58Mais on obtient beaucoup moins bien que 69 millions de Britanniques
03:02puisque, pour les Britanniques, les droits sont de 10%.
03:05Et ça fait une énorme différence.
03:08Avions-nous vraiment le choix ?
03:09Est-ce que Ursula von der Leyen ne devait pas se résoudre
03:13à accepter l'accord commercial proposé par les États-Unis ?
03:16Qu'est-ce qu'on avait dans notre besace pour répondre au bras de fer de Donald Trump ?
03:21Alors, je crois qu'on s'est complètement trompé de stratégie
03:24avec la stratégie de l'apaisement.
03:27Donc, premier argument, quand on regarde la Chine
03:29qui a choisi une ligne de fermeté,
03:32c'est la Chine qui a gagné face aux États-Unis.
03:34Et la Chine a utilisé les terres rares.
03:36Elle a aussi vendu massivement, mais sans trop le dire,
03:38des titres de dette américaines.
03:40Qu'est-ce que nous avions, nous, dans notre arsenal ?
03:45Premièrement, nous n'avons jamais appliqué des représailles sur les droits
03:50alors que nous pouvions le faire.
03:52On a établi des listes de produits, mais on n'est jamais passé à l'action.
03:56Deuxièmement, l'Union européenne s'est dotée d'un mécanisme anti-coercition.
04:00C'était destiné à la Chine, mais c'était un cas d'école.
04:04Pour le mettre en fonctionnement, on y a renoncé.
04:07Troisièmement, il est bien vrai que les États-Unis ont un déficit commercial
04:13de 200 milliards face à l'Union européenne sur les biens,
04:17mais ils ont un excédent de 150 milliards sur les services.
04:21Et donc, il y avait la possibilité de répliquer sur les services.
04:25Et enfin, nous finançons, nous expédions 300 milliards d'euros d'épargne par an aux États-Unis.
04:33Et en fait, la Chine se désengage de la dette américaine.
04:37C'est maintenant l'Europe qui est parmi les plus gros acheteurs de dette américaine.
04:42Et donc, il y avait enfin cette dernière rétorsion possible.
04:45On a déjà eu une alerte sur les titres de la dette américaine
04:50à cause des ventes chinoises.
04:53Et l'Union européenne aurait pu faire tout ça.
04:56Mais elle a renoncé d'emblée, en fait.
04:59Elle s'est installée, enfermée dans une stratégie d'apaisement
05:03qui est exactement ce qu'attendait Donald Trump.
05:09Et on a...
05:10La stratégie de l'apaisement, vous savez, c'est Churchill qui disait
05:13que c'est nourrir un crocodile avec l'espoir qu'on sera mangé en dernier.
05:17Et bien là, on a été bel et bien croqué.
05:20Demain, les filières économiques ont rendez-vous à Bercy,
05:23le patronat, les fédérations, les alliances.
05:26Comment est-ce que vous sentez le pouls, justement, des différents acteurs économiques ?
05:32Alors, d'abord, ça pose la question des zones d'ombre de cet accord.
05:38Par exemple, sur la pharmacie, on ne sait pas exactement où elle est.
05:44Les spiritueux, a priori, seraient exonérés, mais pas le vin.
05:48L'acier et l'aluminium restent taxés à 50%, ce qui est énorme.
05:53Donc, il est vrai qu'on est moins exposé que l'Allemagne.
05:58Les exportations vers les États-Unis, c'est à peu près 1,8% du PIB.
06:02En revanche, il y a quelques filières qui sont extrêmement exposées.
06:07Et on a plusieurs dizaines de milliers d'entreprises
06:09pour lesquelles les exportations vers les États-Unis sont vitales.
06:15Donc, l'impact sera loin d'être négligeable dans une économie française
06:21qui est déjà complètement à l'arrêt.
06:25Et je crois que, si vous voulez, il y a quand même quelques leçons à en tirer.
06:30La principale leçon qui est très importante,
06:33c'est que le monde a changé et que l'Union européenne refuse de le voir.
06:37On est dans un monde des empires.
06:39Que vaut la parole de l'Union européenne dans le reste du monde, maintenant ?
06:43La première chose impressionnante, c'est la parole de Trump,
06:48puisque Trump dit lui-même que, par ailleurs,
06:51il ne s'engage que tant que les accords passés
06:54servent les intérêts de l'économie américaine.
06:56Donc, quand on dit qu'on a un système stable, c'est faux.
06:59Trump a toujours affirmé qu'il pouvait sortir à tout moment
07:02et remettre en question tous ces arrangements
07:05s'il trouve que ce n'est pas encore assez positif pour l'économie américaine.
07:10Il est certain que, pour l'Europe,
07:12on a vraiment fait un affeu de faiblesse qui est terrible
07:16et on va être pris en tenaille,
07:17parce que, d'un côté, nos exportations vers les États-Unis vont beaucoup réduire.
07:22De l'autre côté, les exportations de la Chine vers l'Union européenne vont bondir,
07:27puisque la Chine est en train de réorienter
07:29ces exportations qu'elle destinait aux États-Unis vers l'Europe.
07:33Les exportations chinoises vers l'Europe
07:36augmentent de 15% par mois.
07:39Et derrière, je pense que la leçon,
07:42il faut absolument bouger là-dessus très vite,
07:45c'est que, dans ce monde des empires,
07:48où la force prime le droit,
07:51essayer de faire jouer le soft power sans hard power
07:55et sans être adossé au hard power,
07:57ça ne marche pas.
07:58Et donc, l'Union européenne
08:00est en train de rater complètement,
08:03à cause de l'impérissie de Mme Ursula von der Leyen,
08:07sa réorientation vers la souveraineté et la sécurité.
08:12Et il faut absolument qu'il y ait une réorientation majeure.
08:20L'autre point qui est préoccupant,
08:22c'est évidemment les divergences d'intérêts au sein même de l'Union.
08:26Parce que ce pseudo-accord, il faut bien reconnaître
08:29qu'il est complètement aligné sur les intérêts de l'Allemagne.
08:31On a d'un côté la normalisation de l'automobile
08:33et de l'autre côté des achats massifs de gaz d'armement aux États-Unis,
08:37la liberté sur les services financiers.
08:40Ça, c'est une équation qui est une équation allemande
08:43et qui est totalement orthogonale aux intérêts français.
08:46Donc, il faut absolument revenir et remettre les États dans le jeu
08:51parce qu'il faut pouvoir adosser ces négociations
08:56à tous les instruments de la souveraineté,
08:58y compris le recours possible à la force armée.
09:01Merci Nicolas Bavré pour votre analyse sur Europe 1 ce matin.
09:05Merci beaucoup, merci à tous.
09:06Très bonne journée à vous, historiens, économistes, éditorialistes,
09:09au point au figuero.
09:09Merci d'avoir été en direct sur Europe.
09:11Merci à tous.

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