00:01Merci de votre fidélité à Europe 1, 7h12, dans quelques instants les enfants d'Europe 1, mais avant cela nous accueillons votre invité Thomas Chenel, Franck Chouane.
00:10Bonjour Franck Chouane, bonjour président de la commission internationale de la CPME, la Confédération des petites et moyennes entreprises.
00:17Alors, quelles stratégies les entreprises françaises vont-elles adopter face au rouleau compresseur des droits de douane américains ?
00:23Non seulement après cet accord signé par l'Union Européenne, on prend 15%, en plus on s'engage à acheter des hydrocarbures américains, quels sont les secteurs qui vont le plus souffrir ?
00:31Et ceux qui peut-être sont un peu soulagés d'être exemptés. Aujourd'hui vous allez être reçu à Bercy, cet après-midi, par le ministre de l'économie. Qu'est-ce que vous allez lui dire ?
00:41Eh bien écoutez, en fait, vous me parlez d'un contrat qui est signé, mais aujourd'hui, les contours de ce contrat sont flous. Et le contrat est-il signé ?
00:52C'est la première question qu'on va leur poser. Parce que nous, nous n'avons pas vu le contrat, donc nous ne savons pas ce qu'il y a dedans.
00:58Nous ne connaissons pas les détails du contrat et quelles sont les contreparties, même si on nous parle aujourd'hui, par exemple, de 750 milliards de dollars d'achat d'hydrocarbures,
01:07ou d'investir près de 600 milliards de dollars sur le sol américain. Là encore, on n'a pas de confirmation et on ne sait pas si on est contraint à le faire.
01:18Je ne pense pas, puisque de toute façon, tous ces investissements sont des investissements privés. Donc comment peut-on contraindre des entreprises à dépenser sur le sol américain ?
01:26Ou bien, comment peut-on contraindre des opérateurs européens à acheter de l'hydrocarbures américains, sachant que, de toute façon, l'Europe s'est engagée à réduire sa consommation d'hydrocarbures.
01:37Je trouve qu'il y a beaucoup de contradictions dans tout ce qu'on nous annonce.
01:41Mais si on prend 15% de droits de douane supplémentaires, quel choix restera-t-il aux entreprises ?
01:46Comment est-ce qu'elles vont réagir ? Elles vont augmenter les prix ?
01:50Alors, certaines... Non, on ne va pas pouvoir augmenter nos prix.
01:56On va plutôt baisser nos prix pour pouvoir compenser en partie ces taxes.
02:01En général, dans ce cas-là, ce qui se passe, c'est qu'il y a un partage.
02:04Ça dépend des accords commerciaux.
02:06Mais nous, PME, quand on a négocié avec certains de nos importateurs,
02:12eh bien, on prend à notre charge une partie des taxes côté français, une partie des taxes côté américain,
02:16pour éviter un maximum d'avoir un impact sur le consommateur final.
02:21Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va perdre en marge, donc en compétitivité.
02:25Donc, nos entreprises sont tendues.
02:29Aujourd'hui, nous sommes très inquiets, parce que ça aura, de toute façon, des conséquences désastreuses sur l'économie française,
02:38mais aussi américaine, d'ailleurs.
02:39Parce qu'on oublie de dire que les Américains...
02:42Enfin, Donald Trump fustige qu'il a gagné dans son accord avec l'Europe,
02:48et qu'aujourd'hui, tout est possible.
02:50Notamment, ils vont pouvoir exporter à nouveau massivement leurs produits vers la France et l'Union européenne.
02:58Mais nous, nous ne gagnons rien dans cette histoire.
03:00Nous perdons de la compétitivité.
03:03Et là, quand nous allons nous rencontrer à Bercy, cet après-midi,
03:09nous avons plein de questions.
03:10Notamment, comment allons-nous réagir ?
03:15Comment allons-nous nous accompagner ?
03:17Parce qu'aujourd'hui, là, nous subissons,
03:20et on a besoin d'être soutenus pour relancer l'économie française et européenne en général.
03:29On a besoin de retrouver de la compétitivité.
03:31Alors, certains secteurs pourront peut-être faire face en délocalisant leur site de production.
03:35Je pense à L'Oréal, qui a déjà envisagé de développer ses moyens de production outre-Atlantique.
03:42Vous représentez les petites et moyennes entreprises.
03:44Ce sera sans doute moins évident de déménager aux Etats-Unis.
03:49Qu'est-ce que vous redoutez aujourd'hui ?
03:50Quelles sont les craintes que vous ont remontées, les entreprises que vous représentez ?
03:55Il est difficile.
03:56Alors, délocaliser, c'est certainement possible pour un certain nombre de grands groupes.
04:02D'ailleurs, ils ont aussi également des accords de prix minimum.
04:05directement avec le gouvernement américain.
04:07Nous, PME, nous n'avons pas la possibilité d'avoir des accords de prix minimum.
04:12Il est difficile souvent de délocaliser, notamment, le savoir-faire français.
04:16Comment pouvez-vous imaginer de délocaliser, par exemple, la maroquinerie française ?
04:22C'est un savoir-faire qui est lié à des humains.
04:25Le vin, c'est pareil.
04:26On ne va pas pouvoir produire du Bourgogne, du Bordeaux, aux Etats-Unis.
04:30Donc, c'est impossible.
04:31Il y a plein de produits comme ça, dont le savoir-faire est lié déjà au territoire et aux hommes.
04:36Donc, non, on ne pourra pas délocaliser les produits d'excellence à la française.
04:43Emmanuel Macron ne s'est toujours pas exprimé.
04:45Vous l'appelez à s'exprimer, peut-être à renoncer, à ratifier cet accord ?
04:51En effet, on peut regretter ce silence.
04:55Il y a certainement une raison.
04:56Mais, vous l'avez très bien dit, la grande question, c'est, va-t-on, la France a-t-elle ratifié cet accord ?
05:05Parce qu'aujourd'hui, l'accord, à mon avis, les contours, comme je vous le disais, sont flous.
05:10Il est loin d'être conclu, puisqu'en fin de compte, il y a encore des secteurs sur lesquels on ne sait pas quelles vont être les taxes appliquées.
05:17On sait que certains secteurs sont exemptés, notamment l'aéronautique, qui est un secteur stratégique.
05:22Mais qu'en est-il de certains secteurs comme les spiritueux, qui devaient être exemptés ?
05:29Quelle taxe va-t-on appliquer, par exemple, au vin, qui est aussi très stratégique pour la France ?
05:38Le bois, enfin, il y a énormément de secteurs sur lesquels il est flou, cet accord.
05:44Quand vous voyez ces images de Donald Trump et d'Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui se serre la main,
05:49qu'est-ce que vous vous dites ? Est-ce qu'Ursula von der Leyen, finalement, elle n'a pas à l'esprit l'entrepreneur français, quand elle signe cet accord-là ?
05:58C'est pour ça qu'en fait, d'un côté, on est heureux qu'il y ait un accord, parce qu'il faut de la stabilité.
06:03Mais d'un autre côté, cet accord n'est pas acceptable.
06:0615%, c'est énorme.
06:08Et on voit bien que, si vous regardez les communiqués de la Maison-Blanche, ils ont tout gagné.
06:17Donc, je pense que l'Europe aurait dû être plus ferme.
06:22Nous ne sommes pas assez fermes.
06:24Il faut des mesures de riposte, de rétorsion ?
06:28Nous sommes dans un moment où la négociation n'est pas terminée.
06:32Parler de riposte, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
06:35Demain, nous verrons comment nous allons réagir.
06:40Je pense qu'il y a deux temps.
06:41Il y a un temps court, où là, il faut trouver un accord.
06:44Il y a un temps long, où il va falloir se mobiliser au niveau de l'Union Européenne
06:49pour trouver des stratégies afin de se réindustrialiser et conquérir des nouveaux marchés.
06:55Il ne faut plus se focaliser sur le marché américain, qui est le plus gros marché actuellement.
07:02Il va falloir se réinventer et pouvoir tout simplement trouver des moyens d'augmenter notre marché local, national et européen.
07:13Mais dans l'immédiat, les petites et moyennes entreprises ont la capacité de se passer du marché américain ?
07:19Elles vont souffrir. Nous allons souffrir pendant des années.
07:23Trouver des nouveaux marchés à l'export, ça prend 2, 3, 4, 5 ans.
07:26Il faut trouver les marchés, il faut trouver les importateurs, les distributeurs.
07:30Il faut être présent sur le marché.
07:32Ça prend énormément de temps, d'investissement.
07:35Et on ne peut pas comme ça switcher d'un marché comme le marché américain en un an, en quelques mois.
07:39Ça prend des années. Il va falloir un soutien européen et national pour se réindustrialiser et se refocaliser sur des nouveaux marchés.
07:48Et donc c'est ça que vous allez demander cet après-midi au ministre de l'économie ?
07:51Voilà, du soutien pour temporiser, on va dire, pendant cette période de réorientation du développement ?
07:58Des questions très simples.
07:59Avez-vous eu l'accord entre les mains ?
08:02Personne ne l'a vu pour l'instant.
08:03Avez-vous prévu des mesures, en effet, pour nous accompagner ?
08:0815% de taxes, c'est autant de compétitivité en moins.
08:12C'est énorme.
08:14À cela, d'ailleurs, j'ai oublié de vous dire qu'il y a quand même la dévalorisation du dollar par rapport à l'euro,
08:22qui représente 13%, qui représente une augmentation déjà de 13% de nos prix.
08:26Donc en fin de compte, aujourd'hui, on n'est pas à plus 15%, on est à plus 15, plus 13, on est à plus 28%.
08:31C'est énorme.
08:32Quasiment 30%, au-delà de 30%, on franchit un seuil où on perd, mais totalement, notre compétitivité.
08:39Donc il y a ça, il y a compétitivité, comment on va pouvoir la soutenir en France, comment il y aura-t-il des contre-mesures ?
08:45Est-ce que, par exemple, sur les produits que nous allons accepter, américains,
08:50parce que l'importation des produits américains n'est pas taxée,
08:54ils nous demandent de faire tomber nos...
08:59Les droits de douane sont à 4,5%, je crois.
09:03Oui, quasiment rien.
09:04Donc,
09:06que va-t-il
09:07devenir des produits importés américains ?
09:10Je pense qu'il va y avoir une recrudescence
09:11des importations américaines
09:13vers l'Europe.
09:15Et les normes, apparemment,
09:18sont en train
09:19d'être
09:20aménagées, on dirait, pour le marché américain.
09:23Donc, va-t-on
09:24renier nos normes européennes
09:26au profit
09:26de cet accord,
09:28qui serait là encore plus mauvais ?
09:30Ça fait partie des questions que vous poserez cet après-midi
09:32au ministère de l'économie.
09:33Merci, Franck Chouane,
09:35d'être venu sur Europe 1 ce matin dans notre studio.
09:38Je dirais un mot final,
09:39souveraineté économique européenne,
09:41il faut la relancer.
09:42Moins de
09:43règles,
09:45plus d'efficacité.
09:46Merci.
09:46Président de la Commission internationale de la CPME,
09:49merci d'être passé par le studio d'Europe 1 ce matin