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Selon le ministère de la Santé, l’alcool est responsable de 49 000 décès par an en France. Malgré une tendance générale à la baisse de la consommation, ces chiffres soulignent l'ampleur du problème de l'alcoolisme en France. 
Un pays où alcool rime avec convivialité, tradition et “bonne ambiance”, pour beaucoup la réalité est bien plus sombre. 
Dans cette émission, notre journaliste Noham Huclin, reçoit Samuel Blaise ancien addict bercé par alcool, drogue et travail pendant 30 ans, il revient sur son histoire. 
Sur le plateau, le docteur Diogo Alves de Oliveira, psychiatre et addictologue, est là pour nous aider à y voir plus clair sur ce sujet de société. 
Vous retrouverez également le regard de l’opinion publique à travers notre micro trottoir habituel, ainsi qu’un court reportage immersif au sein des Alcooliques Anonymes. 
On vous en dit +, c'est tous les jeudis à 18h30 sur 20Minutes TV. 

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Transcription
00:00L'alcool en France, c'est un peu partout.
00:01Apéro, fête, anniversaire...
00:04Mais derrière ce côté joyeux se cachent des chiffres alarmants.
00:07En France, la consommation d'alcool représente un enjeu de santé publique majeur
00:11puisqu'elle est à l'origine de 49 000 décès par an.
00:14A l'échelle européenne, l'alcool est responsable de plus de 7% des maladies et décès prématurés.
00:20On pourrait alors croire que c'est une fatalité.
00:22Mais heureusement, certains chiffres nous redonnent de l'espoir
00:24puisque les jeunes boivent de moins en moins, et ça depuis 30 ans.
00:28Mais alors, quels sont les risques liés à l'alcool ?
00:30Comment faire pour freiner ou carrément arrêter sa consommation ?
00:33On vous en dit plus.
00:50L'alcool est présent partout dans notre société, dans nos traditions, nos fêtes, nos moments de convivialité.
00:56L'alcool fait partie intégrante de notre culture, mais derrière cette apparente normalité,
01:01il cache des conséquences graves, parfois irréversibles, sur la santé physique et mentale.
01:07Aujourd'hui, on vous en dit plus sur l'arrêt de l'alcool notamment.
01:11La promesse de notre émission, analyser cette problématique par le regard de notre témoin,
01:16Samuel Blais, 55 ans, entrepreneur, originaire de Normandie,
01:20qui est ici pour partager avec nous son histoire, son combat et son parcours en tant qu'ancienne alcoolique.
01:25Merci d'être avec nous.
01:27À vos côtés, le regard de notre expert, le docteur Diogo Alves, psychiatre et addictologue à Paris,
01:34qui nous apportera un éclairage médical sur les risques liés à une consommation excessive d'alcool.
01:39Merci docteur d'être avec nous.
01:42Mais avant cela, vous le savez, nous commençons toujours cette émission par votre regard.
01:47Notre regard à tous sur la question, c'est l'opinion publique.
01:50Et ce sont nos journalistes Hugo Valentin et Adèle Place qui sont allés dans la rue pour vous tendre le micro.
01:58Fête, tradition, apéro, mais aussi excès, dépendance, malaise.
02:02On a voulu savoir quel est le rapport des Français à l'alcool aujourd'hui
02:05et comment chacun perçoit sa consommation d'alcool.
02:08L'alcool, il y a pas mal de membres de ma famille qui sont alcooliques,
02:11mais moi j'ai découvert l'alcool assez tard.
02:14J'ai commencé à boire un petit peu à 19 ans et enfin voilà, je bois modérément, je bois en soirée, je bois socialement.
02:19Je suis un buveur occasionnel, je bois pas réellement tout le temps.
02:23Ça m'arrive de temps en temps quand je suis en soirée avec des amis,
02:25mais honnêtement je bois pas vraiment toutes les semaines.
02:28Je bois pas vraiment, ça m'arrive de boire si je sors en soirée ou quoi, mais c'est à peu près tout.
02:35Selon Santé publique France, malgré les dangers,
02:37l'alcool continue de bénéficier de représentations favorables dans la société française
02:41et les idées fausses ont la vie dure, 20% des Français pensent que l'alcool est bon pour la santé.
02:48La frontière entre consommation et dépendance n'est pas toujours claire,
02:51alors on a demandé à nos personnes interrogées,
02:53à partir de quand considère-t-on qu'on est alcoolique ?
02:56Les réponses sont parfois floues, vous allez le voir, et parfois très claires.
02:59Je sais, on est alcoolique à partir d'un verre par jour.
03:02Si on boit constamment un verre par jour, on est déjà considéré comme alcoolique.
03:06Parce que ça dépend, tous les corps réagissent différemment à l'alcool,
03:09mais je pense qu'à partir du moment où tu deviens alcoolique,
03:13à partir du moment où tu te sens mal, ça te fait mal la portion à laquelle tu bois,
03:16mais tu t'arrêtes pas.
03:18C'est quand on commence à boire tout seul quand même, et tous les jours.
03:20Entre bonne résolution et vraie remise en question,
03:23certains ont peut-être déjà envisagé de lever le pied.
03:26On leur a donc posé cette question toute simple,
03:28avez-vous déjà songé à arrêter l'alcool ?
03:31Et c'est une chose de vouloir arrêter, mais c'en est une autre d'y arriver,
03:56surtout dans une société où l'alcool est omniprésent.
03:59Alors on a voulu savoir, est-ce que la société actuelle aide ou freine
04:03celles et ceux qui veulent dire stop ?
04:05Regardez.
04:05Non, je pense qu'ils sont pas au point de la cigarette non plus,
04:09mais en vrai je pense que ça reste assez accessible quand même.
04:12Donc si à mon avis ils voulaient vraiment arrêter,
04:15ils auraient mis beaucoup plus de taxes dessus.
04:18Ça dépend, c'est une question large,
04:19c'est facile de tomber dans l'alcool dans certains contextes,
04:23en tout cas dans des petites villes, dans des milieux étudiants, des trucs comme ça.
04:27Et enfin on s'est demandé comment l'alcool est perçu socialement aujourd'hui,
04:31est-ce encore un symbole de convivialité, un passage obligé ?
04:35Ou au contraire, est-ce en train de changer ?
04:37Est-ce bien vu socialement de boire de l'alcool ?
04:39Les réponses de nos personnes interrogées.
04:41Ouais, ouais, c'est bien vu de boire de l'alcool je pense dans plein de milieux,
04:44après ça dépend.
04:45Si tu bois un verre en soirée, pourquoi ça serait mal vu ?
04:48Après si t'as vraiment un problème avec l'alcool
04:51et une relation malsaine avec l'alcool,
04:53j'imagine que ouais, c'est mal vu.
04:55Ça dépend vraiment de l'environnement.
04:56Ouais, moi je trouve que les gens qui se tuent en boîte,
04:59moi je trouve que c'est pas ouf.
05:02Ouais, c'est pas ouf, c'est pas ouf, c'est pas ouf.
05:04Ce qu'on retient de ces réponses,
05:05c'est que le rapport à l'alcool est profondément culturel,
05:08mais aussi de plus en plus questionné.
05:10Entre tradition et prise de conscience,
05:12les mentalités évoluent doucement,
05:14mais sûrement, une chose est sûre,
05:16parler d'alcool, ce n'est plus un tabou.
05:18Et peut-être que c'est par là que commence le changement.
05:22Passons maintenant à notre témoin,
05:25il s'appelle Samuel, il a 55 ans,
05:27il a commencé à boire de l'alcool à l'âge de 12 ans
05:30et pendant 30 ans, il a été pris dans une spirale d'addiction,
05:33alcool, drogue, travail,
05:35jusqu'à ce que sa vie personnelle et professionnelle se désintègre.
05:38Il devait boire chaque soir jusqu'à l'effondrement.
05:41Il nous raconte son parcours.
05:42Samuel, merci d'être avec nous.
05:48La première question que j'ai envie de vous poser,
05:51c'est qu'est-ce que vous ressortez de tout ce qu'on a vu dans l'opinion publique ?
05:56Là, il y a des choses qui vous parlent ?
05:58Oui, ce sont des clichés communs qui montrent bien en fait
06:01que le rapport à l'alcool et surtout à la maladie d'alcoolisme est très flou.
06:06On peut être alcoolique en ne buvant qu'une fois par semaine
06:10parce qu'on ne contrôle pas.
06:12Et ne pas l'être si on boit un verre de vin tous les jours modérément
06:15et qu'on fait une pause le week-end.
06:16Tout ça est très flou.
06:18Ça, le docteur, vous pourrez nous l'expliquer après.
06:20Justement, comment ça a commencé pour vous ?
06:23Je le disais tout à l'heure, ça a commencé très jeune.
06:25Comment on commence à boire si jeune ?
06:27Par hasard, avec un copain de collège, on sèche les cours en cinquième.
06:31On passe chez lui et pour faire comme les grands, on goûte un verre de whisky
06:35qui était exécrable.
06:37Sauf que moi, chez moi, ça m'a provoqué une sensation d'apaisement, de soulagement.
06:42Ça a évacué toutes mes douleurs physiques, psychiques, existentielles.
06:46Ça a calmé toutes mes souffrances.
06:48Et je l'ai entraîné, on a fini la bouteille qui était neuve.
06:52À deux ans ?
06:53Oui.
06:53Ok.
06:54Et à partir de là, je n'ai pas cessé de boire.
06:59Justement, pour moi, c'était un médicament.
07:01C'est-à-dire que vous aviez conscience que vous aviez des problèmes ?
07:05Vous parlez de problèmes que ça venait calmer.
07:07Ça, vous en aviez conscience ?
07:09Non, à 12 ans, on n'a pas conscience de ces problèmes.
07:12Il y a un mal-être, il y a une existence pleine de souffrances, de questions.
07:17Pourquoi suis-je comme ça ?
07:18Qu'est-ce qui me rend différent des autres ?
07:20Il y a moi et le monde que je ne comprends pas.
07:24Donc, l'alcool était un anesthésiant.
07:27D'accord.
07:28Quand vous vous êtes réveillé le lendemain, il s'est passé quoi dans votre tête ?
07:33Ça allait.
07:33Ça allait ?
07:34Ça allait et je me suis dit que j'ai découvert ce qui va me sauver la vie.
07:38D'accord.
07:39C'est paradoxal.
07:40Et j'ai régulièrement refait ça quand j'étais jeune ado.
07:44Quand mes parents étaient couchés, j'allais dans le bar de la maison Normandie avec les
07:50alcools, les spiritueux, les calvas, les whisky, les pastis.
07:54Et je mélangeais tout ça savamment en petites quantités pour ne pas qu'on voit les niveaux
07:59baisser dans un grand verre.
08:00J'appelais ça un cercueil.
08:01D'accord.
08:02Et je le buvais petit à petit, pas trop vite pour ne pas vomir, pas trop lentement
08:07pour avoir le temps de laver le verre.
08:09Et après, j'allais me coucher et c'était un anxiolytique magique pour moi.
08:13Et alors, comment ça s'est passé ensuite ? C'était quoi la suite ?
08:17La suite, c'est le collège, le lycée, les études, la vie professionnelle.
08:23Voilà, puisque je suis resté alcoolique 30 ans, de 12 à 42 ans.
08:28D'accord.
08:29Voilà, sans réelle pause.
08:31Donc la suite, c'est une augmentation régulière des fréquences, des quantités,
08:37voilà, qui rend difficilement conciliable avec une activité, qu'elle soit professionnelle,
08:45familiale, amicale, voilà.
08:47Mais quand on vieillit, on doit se rendre compte à un moment qu'il y a un problème ?
08:52Oui.
08:52Et ça, ça a été votre cas ?
08:54Ça s'est passé comment ?
08:55Je m'en suis rendu compte en 2010.
08:59Ma boîte avait des gros soucis parce que, bien évidemment, j'étais de plus en plus absent
09:03dans l'exécution, dans le management.
09:06C'est un entrepreneur, on le rappelle.
09:07Oui, bien sûr.
09:09Mon entourage familial, social commençait à s'effondrer et ma santé physique et psychique
09:15était dans le chaos.
09:18Je suis allé de voir mon médecin de famille qui m'a fait un bilan complet et qui m'a
09:22dit que si je continuais comme ça, à l'horizon 3-5 ans, je mourrais.
09:26Au revoir.
09:27D'un AVC, d'une crise cardiaque, d'un accident, etc.
09:31Bon, je n'ai pas voulu le croire, bravache.
09:33Je suis allé consulter un autre généraliste, lui demandant la même analyse et j'ai eu
09:38le même diagnostic.
09:39D'accord.
09:39Donc là, force a été de constater que oui, j'étais malade alcoolique et qu'il fallait
09:44que je me soigne.
09:45Mais il a fallu quelques mois entre ces deux diagnostics et le fait que j'intègre le fait que oui,
09:51j'étais malade.
09:52C'est-à-dire que souvent, un malade alcoolique dit fièrement « je suis alcoolique », elle
09:58le revendique.
09:59C'est un peu rock'n'roll.
09:59Et à un moment donné, il faut l'intégrer comme étant en vrai une vraie pathologie.
10:04Et donc à partir de ce deuxième rendez-vous, le temps s'écoule, vous en prenez conscience.
10:10Oui.
10:10Il se passe quoi ? Comment vous vous en sortez ?
10:12Eh bien, première démarche, je vais dans les associations de non-buveurs, notamment
10:18les alcooliques anonymes.
10:19J'ai une référente, une femme extraordinaire qui m'accompagne pendant plusieurs mois.
10:25Je fais des centaines de réunions.
10:28Je la sollicite dans des états pas possibles.
10:30Elle est magique, elle a une bonne écoute, mais je n'arrive pas à m'en sortir.
10:34C'est plus fort que moi, la volonté n'y peut rien.
10:36Je rencontre des addictologues qui me prescrivent toute la batterie des médicaments qui existent.
10:42Je les ai tous testés.
10:43Ça me provoque un léger mieux pendant quelques semaines, un mois ou deux.
10:48Une baisse de la consommation, mais pas un arrêt.
10:51Et puis systématiquement, des rechutes de plus en plus profondes.
10:54Cure de sevrage, cure avec trois semaines de vacances isolées en Bretagne, mais systématiquement
11:01des rechutes, des rechutes.
11:02Et plus les rechutes s'accélèrent, plus j'allais profondément.
11:05D'accord.
11:07Vous pouviez boire quoi en termes de quantité par jour ?
11:13Mon craving arrivait tous les jours à 18h.
11:16Ok.
11:17Vraiment une horloge suisse.
11:18Il fallait que je cesse tout, séance tenante.
11:22Et que je me précipite dans un bar pour ingurgiter 3, 4 bières fortes.
11:27Pour tout de suite calmer la bête.
11:30Sans plaisir finalement.
11:31Sans plaisir.
11:32C'était vraiment un médicament pour vous.
11:33Exactement.
11:34Comme quand vous avez très très soif après une journée de boulot dans un champ, vous allez
11:37avaler une bouteille d'eau.
11:38Moi j'avais un litre ou deux de bière costaud.
11:42Et ensuite j'enchaînais sur du vin, beaucoup, une bouteille, deux bouteilles.
11:50Et je m'achevais avec du whisky, du rhum, ou ce qui traînait.
11:55Quand on est alcoolique on boit tout.
11:57Il y en a qui boivent de l'eau de Cologne.
11:59C'est dur, c'est fort ce que vous venez de dire.
12:01Je m'achevais.
12:01Oui.
12:02Donc vous aviez conscience que là c'était la fin de la journée.
12:05C'était la recherche.
12:07Ma recherche était véritablement d'anéantir le cerveau, les pensées obsédantes, d'anéantir,
12:15de tirer le rideau, de fermer la lumière.
12:18Vous avez eu peur à un moment ?
12:21Non.
12:23Non, j'ai pas eu peur.
12:25Non.
12:26Même quand le médecin vous dit 3 à 5 ans c'est peut-être fini, même ça, ça vous a pas fait peur ?
12:33Ce qui m'a fait prendre conscience c'est qu'en 2010 mon fils avait 3 ans et c'était après une nuit où je suis rentré un matin à 8h où j'avais fini dans les caniveaux dépouillés par quelques racailles,
12:53comme ça m'arrivait régulièrement, dans des états pas possibles.
12:56Et je rentre chez moi et j'ouvre la porte et je tombe nez à nez avec mon petit loulou qui, sa mère, l'accompagnait à l'école maternelle.
13:04Et là soudainement je me suis dit c'est pas possible, je peux pas laisser cet enfant sans père.
13:09Quel sentiment là vous aviez ?
13:10Ah de rage, vraiment de rage.
13:13Vous avez été en colère contre vous-même ?
13:14Ah oui tout à fait, absolument.
13:16Une rage violente.
13:17Comment vous en êtes sorti justement ?
13:19Je m'en suis sorti grâce à l'association Baclofen qui m'a permis de rencontrer un psychiatre et dictologue et qui m'a prescrit le 7 janvier 2012 du Baclofen en dose croissante.
13:34Et quelques semaines plus tard, j'ai rencontré mon indifférence qui est un concept très particulier, c'est-à-dire que ça n'est pas de l'abstinence.
13:43C'est véritablement un moment en fait où les bouteilles ne nous parlent plus.
13:48Cette molécule a cet effet extraordinaire de faire qu'à une dose qui est vraiment propre à chaque patient, on n'a plus ce besoin irrépressible de boire, sans aucune force, sans aucune contrainte.
14:01Et ça devient naturel et on redevient comme tout le monde.
14:05Vous avez le docteur à côté de vous, psychiatre et addictologue.
14:09Qu'est-ce que vous aimeriez lui poser comme question ? Il faut en profiter, il est là.
14:13Je pense qu'il y a une question pivot pour un malade, c'est d'après vous docteur, quelle serait la clé, la clé fondamentale pour qu'un malade puisse s'en sortir et entame une démarche de soins.
14:30C'est une question fondamentale parce que même dans votre parcours, on voit qu'il y a un peu des évolutions et ce moment un peu pivot où vous êtes nana avec votre fils, il y a un mécanisme dans votre esprit de se dire non, là c'est plus possible.
14:46Et donc pour toute personne qui peut avoir des difficultés avec l'alcool, je pense que la question c'est vraiment cette prise de conscience.
14:55Je prends conscience qu'il y a quelque chose qui ne va plus et que j'ai besoin d'aide et j'ai besoin de m'en sortir.
15:00Parce que les parcours de personnes qui souffrent de problèmes d'alcool souvent sont émaillés de...
15:07Voilà, ce n'est pas un chemin tout droit, la plupart du temps c'est sinueux, mais le moment où il y a vraiment cette prise de conscience, les gens sont engagés.
15:15On est là pour aider les gens, les professionnels l'entouragent, mais on ne peut pas faire sans la personne.
15:20On ne peut pas la forcer à se soigner et donc ça c'est vraiment un point clé.
15:23On approfondira dans un instant.
15:27Plonger dans l'intimité de celles et ceux qui luttent chaque jour contre l'alcool, c'est ce qu'a fait notre journaliste Antoine Boitelle.
15:35En immersion dans un centre des alcooliques anonymes à Paris, il a pu participer à une séance d'échange il y a quelques jours pour préserver l'anonymat.
15:44Les noms et les voix des personnes que vous allez voir ont été modifiés.
15:49J'ai tout perdu à cause de l'alcool plusieurs fois.
15:52Mes logements, mes travails, ma femme, tout, absolument tout.
15:59Dans l'alcool il n'y a rien qui marche pour moi, il n'y a rien qui fonctionne.
16:02Moi je suis quelqu'un qui suis, je parle pour moi, je suis humainement sans défense de vin envers de l'alcool.
16:09Je prends une bonne résolution, je me dis je ne bois pas demain, demain j'arrête, demain je bois.
16:14Je suis allé une centaine de fois chez le médecin, sortir avec une ordonnance de médicaments,
16:19et j'allais après au bar, je me mettais des médicaments dans le verre, et trop noir.
16:25Je me réveillais attaché à l'hôpital, ou en dégrisement au commissariat, j'ai dû faire le tour des commissaires, enfin tout.
16:33Ce livre s'appelle Les Alcools Canoniques, c'est le big book, c'est le livre fondateur de tout ce qui a été fait depuis le début par les Alcools Canoniques.
16:44Il y a douze étapes, douze traditions, douze concepts. La première étape, l'essentiel, c'est qu'on reconnaît qu'on a perdu des moyens de voir l'alcool.
16:53Pour pouvoir faire des amendements normaux, il faut non seulement pouvoir dire à l'autre ce qu'on a à lui dire, des conneries qu'on a fait,
16:59mais surtout, et plus important encore, être capable d'entendre ce que l'autre va nous dire.
17:04Parce qu'il y a ce qu'on croit qu'on a fait aux gens, et il y a ce qu'on a fait réellement aux gens,
17:07donc plutôt ce que les gens vont te dire du mal que tu leur as fait.
17:12Et il faut du rétablissement pour ça, parce que quelquefois, ça peut être super dévastateur, en fait,
17:17t'entendre que, oui, ben oui, tu m'as fait chier, et puis je vais t'en remettre une bouche,
17:23et je vais t'expliquer dans les détails ce que tu m'as fait, et ce que tu as peut-être oublié même.
17:26Moi, je sais qu'il y a des personnes avec qui je n'arrive pas à c'est avec mes parents, avec ma soeur, la famille.
17:32Donc, mon premier parrain m'a dit, mais c'est pas grave, tu changes de comportement,
17:38et puis, voilà, et moi, je me suis dit, voilà, en gros, moi, j'ai picolé pendant 8 ans, à peu près, très fort.
17:45Je me suis dit, ben, je vais bien me comporter pendant 8 ans, et ça va rattraper, quoi, ça va équilibrer.
17:51Et voilà, j'ai 8 ans à mon garçon, et les 8 ans sont passés,
17:57et le truc est toujours resté, quoi, et je...
18:01Là, je me rends compte que, là, maintenant, j'ai une nièce, une petite puce, là, de 3 ans,
18:07avec qui je m'entends super bien, et il y a un truc assez fluide avec elle,
18:11il y a un truc assez naturel, que je n'ai pas avec ma soeur, que je n'ai pas avec mes parents,
18:15et je me suis fait cette réflexion-là, je me dis, mais oui, c'est la seule personne de ta famille
18:19à laquelle tu n'as pas d'amende honorable à faire, quoi.
18:21Docteur, une réaction sur tout ce qui vient de se dire, le reportage, le témoignage de Samuel,
18:30l'opinion publique de tout à l'heure, ça vous laisse penser quoi ?
18:33Je voudrais quand même remercier Samuel, parce que je trouve que c'est très courageux,
18:39il a évoqué le stigmate que représente encore l'alcoolisme dans notre société,
18:46même au XXIe siècle, et donc c'est très important que d'autres personnes
18:50qui sont confrontées à ça à titre personnel ou dans leur entourage puissent entendre ce type de discours-là.
18:56Et donc je pense que son témoignage et son expérience, elle lui est très personnelle,
19:03et en même temps, beaucoup de gens qui ont des troubles avec l'alcool peuvent s'y reconnaître.
19:07C'est un parcours semé d'obstacles, d'ambuches, de moments où on a l'impression de régresser,
19:14peut-être de moments où on peut perdre complètement espoir,
19:17et finalement il y a cette chose aussi, il y a une pluralité de choses qui ont fait que Samuel s'en est sorti.
19:26– Vous dites « trouble avec l'alcool », c'est la même chose qu'alcoolisme ?
19:30– Oui, je suis toujours très attentif aux mots qu'on emploie,
19:35parce qu'il y a toujours des représentations, ou des choses,
19:40les mots en eux-mêmes véhiculent des tas de choses.
19:43Je trouve que tel qu'on perçoit le mot « alcoolisme » dans la société,
19:48il est encore très chargé de beaucoup de marginalisation, de stigmatisation,
19:54et le fait de faire cet effort, de faire la périphérie, d'avoir un trouble de l'usage de l'alcool,
19:59ça permet de sortir de ça, comme si notre cerveau, il prenait les choses de façon plus neutre.
20:05Samuel parlait d'une maladie, et bien oui, prenons-la comme une maladie.
20:09Et donc cette connaissance-là, on peut l'intégrer en changeant les mots.
20:13Il y a des consensus au niveau de cliniciens ou de chercheurs
20:18pour prendre en charge et faire de la recherche sur ce type de problème.
20:21Les termes ont évolué. À un moment donné, on parlait d'alcoolisme,
20:24à un moment donné, on parlait d'abus de l'alcool, ou de dépendance à l'alcool.
20:28Aujourd'hui, on a choisi de regrouper toutes ces difficultés de comportement avec l'alcool
20:34sous le terme « trouble de l'usage d'alcool ».
20:36Et ça va être des niveaux différents dans cet usage,
20:40qui pourraient être de personnes qui ont ponctuellement des alcoolisations ponctuelles importantes,
20:45les anglo-saxons appellent ça « binge drinking »,
20:48jusqu'à des personnes qui sont dans une consommation plus régulière, quotidienne, chronique.
20:54Mais il y a des choses qui les caractérisent de façon commune.
20:58Alors à quel moment, vraiment, on se dit « là, il y a un problème,
21:02là, il y a vraiment un trouble lié à l'usage de l'alcool, ou pas forcément ? »
21:06Restons simples.
21:07Les chiffres à retenir, c'est pas plus de deux verres par jour.
21:10Hommes ou femmes, pas plus de deux verres par jour.
21:12Et si on considère une semaine, pas plus de dix verres sur la semaine.
21:15C'est-à-dire pas tous les jours.
21:18Si on veut considérer la définition du trouble de l'usage d'alcool ou de l'alcoolisme,
21:23si vous voulez l'appeler comme ça, il y a la question de la durée.
21:25Il faut que ça se développe pendant au moins douze mois.
21:31Et ensuite, vous avez des critères.
21:32On ne va pas tous les citer, il y en a onze.
21:34On peut les trouver facilement sur Internet,
21:36mais il faut retenir qu'il y en a deux parmi ces onze qui définissent ce trouble.
21:39Et puis ensuite, la quantité de critères utilisés va définir léger, moyen ou sévère.
21:45Pour vous en donner plusieurs, il y a la question de la quantité.
21:50On a parlé du nombre de verres.
21:51Il y a la question de percevoir que la consommation,
21:55elle nous pose des problèmes.
21:57Des problèmes de santé, des problèmes relationnels,
22:00des problèmes à répondre à nos obligations familiales, de couple, professionnels, etc.
22:05Il y a la question de la tolérance, c'est-à-dire, pour avoir le même effet,
22:10on parlait tout à l'heure d'utiliser le produit pour s'anesthésier,
22:14il faut que, en fait, à chaque fois, pour avoir le même effet,
22:17on est obligé d'augmenter la dose.
22:19Ça, c'est vraiment caractéristique des addictions et des dépendances.
22:22Et puis, pour la dépendance, il peut y avoir aussi l'effet de sevrage.
22:25Si vous consommez régulièrement tous les jours et que vous arrêtez,
22:29vous aurez des signes de sevrage parce que votre corps, votre cerveau s'y habitués.
22:33Et donc, c'est un manque.
22:34Est-ce qu'on peut vraiment en guérir ou est-ce qu'il peut y avoir un point de non-retour ?
22:40Qu'est-ce que vous voulez dire par point de non-retour ?
22:41C'est-à-dire qu'on ne peut plus revenir en arrière.
22:43Oui, c'est ça.
22:46Peut-être qu'on peut distinguer l'aspect psychologique de l'aspect corporel.
22:50Malheureusement, les conséquences de l'alcool peuvent entraîner à des stades très évolués
22:53pour le cerveau, pour le foie, des maladies qui sont irréversibles.
22:58Il y a des démences qui sont allées à l'alcool,
22:59il y a la cirrhose que tout le monde connaît.
23:01Mais si je mets ça de côté, tous les matins, je répète ça à mes patients,
23:08tous les matins, on se réveille avec un nouveau cerveau.
23:11On ne se réduit pas un cerveau.
23:12La psychologie, tout ce qui est les relations sociales, etc.
23:15Mais tout ça, c'est quelque part intégré dans notre esprit, dans notre cerveau.
23:19Et tous les matins, on se réveille avec un nouveau cerveau.
23:21Donc, toutes les expériences des 24 dernières heures
23:24peuvent remodeler notre expérience de vie.
23:27Et donc, oui, on peut en guérir.
23:29Après, le témoignage de Samuel est très intéressant parce qu'on voit que dans son cas,
23:34il y a une période où la consommation était problématique, abusive, toxique pour son corps et son esprit.
23:40Et il a réussi aujourd'hui à revenir presque à un état préalcoolique.
23:44Il y a un vrai switch, finalement.
23:46C'est ça.
23:46Mais malheureusement, il y a des personnes pour qui ça ne pourra pas être le cas.
23:50Et ils seront plutôt dans un parcours de zéro alcool,
23:54donc d'abstinence totale.
23:56Comme si, finalement,
23:57imaginez que la consommation d'alcool était dans un jardin en jachère,
24:02qu'on a laissé de côté.
24:03On a si un tronc d'arbre,
24:05mais ses racines restent profondément racinées.
24:07Et chez certaines personnes,
24:09mettre un tout petit peu d'alcool sur cet arbre
24:10va le faire au plus de cette résidence.
24:12Et ça, il peut y avoir des variabilités entre les personnes.
24:15Samuel, vous vouliez réagir ?
24:17Oui, je rebondis sur ce que vous dites, docteur,
24:18parce que vous dites en filigrame qu'il y a effectivement toute cette dimension psychologique.
24:21L'alcoolisme est une maladie multicausale.
24:24Et personnellement, j'ai fait le choix d'être accompagné par un psychologue
24:28dès ma première rencontre avec ce psychiatre addictologue,
24:33parce que j'ai su qu'il allait falloir non seulement traiter les symptômes de l'alcoolisme
24:37pur et dur d'un point de vue pharmaceutique,
24:39mais qu'il allait falloir aussi traiter toute la destruction psychique,
24:43psychologique d'une quarantaine d'années.
24:46Et je pense qu'il y a cette reconstruction de l'homme ou de la femme,
24:50et cette reconstruction de l'être que l'on est quand on sort de l'alcool,
24:53qui est nécessaire,
24:54parce qu'on fait quand même face à un bilan qui est quand même catastrophique
24:57quand on sort de 20-30 ans d'alcoolisme.
25:00Il ne s'agit pas de se foutre en l'air ou de replonger dans la bouteille pour oublier.
25:03Et effectivement, cette reconstruction et l'appui psychologique est vraiment fondamentale.
25:08– Quel conseil vous donneriez justement aux personnes qui nous regardent,
25:12qui là peut-être se disent « tiens, j'ai peut-être un problème avec l'alcool »
25:15ou pas forcément, qu'est-ce qu'on leur dit à ces gens ?
25:19En tout cas, qui consomment de l'alcool très régulièrement.
25:20– Pour les aider, peut-être pour lever le tabou,
25:24c'est pas mal de s'informer, d'aller chercher l'information à titre personnel,
25:28échanger aussi avec votre entourage, qu'en pensent les autres,
25:31et puis ensuite essayer de trouver de l'aide sur les professionnels.
25:35Alors, à la fin de l'émission, je pense qu'on donnera des informations et des sites
25:38qui peuvent aider là-dessus.
25:40On a la chance d'habiter en France avec des dispositifs publics,
25:45dont la plupart sont gratuits, on a cette chance en France.
25:48Et puis il y a aussi des dispositifs, je travaille en cabinet privé,
25:52donc pour les procès de santé psychiatres, psychologues, infirmiers, médecins.
25:56Et puis, effectivement, peut-être aller du côté des associations de patients,
26:03on a parlé d'alcoolique anonyme, mais il y en a plusieurs.
26:05Je cite aussi « Vie libre », par exemple.
26:07Alcoolique anonyme, c'est d'origine américaine,
26:09et donc certains patients, j'ai des retours qui peuvent être gênés
26:12par l'aspect un peu religieux qu'il peut y avoir derrière ça,
26:15mais spirituel, mais voilà.
26:16Et puis, ça c'est un point très important.
26:22Dans les suivis, avec mes patients, j'ai parfois des patients qu'on perd de vue.
26:28Et quand on les revoit au bout d'un certain temps,
26:30ce qui a pu se passer, c'est qu'en fait, ils sont très investis,
26:32très engagés dans un suivi, et en fait, ils se sentent engagés
26:35vis-à-vis du professionnel de santé.
26:37Si jamais ils rechutent, ils ont tellement honte,
26:39même avec un professionnel, qu'ils se disent « Non, je ne suis pas valable,
26:43et donc je vais arrêter ».
26:45Et donc, c'est notre rôle.
26:47Finalement, on est là pour accompagner, c'est un parcours,
26:49on disait, semé d'embûches, et il faut se rappeler
26:51qu'à chaque fois qu'on réessaye, cette fois-là,
26:54la probabilité que ça marche est supérieure.
26:57Il ne faut jamais perdre espoir, il y a toujours la possibilité
26:59de relancer quelque chose, et d'utiliser, entre guillemets,
27:03ce faux pas ou cette rechute, cet échec,
27:06comme la préparation de la future victoire.
27:09Merci beaucoup, à tous les deux, d'être venus sur notre plateau.
27:12Et pour aller plus loin, on le rappelle, le site,
27:15internet de l'association Baclofen,
27:18que vous représentez aujourd'hui également, Samuel,
27:20baclofen.org, et .com pour le forum.
27:26Et si vous vous sentez concerné par ce sujet,
27:28ou si l'un de vos proches est en difficulté face à l'alcool,
27:30sachez que des dispositifs existent partout en France.
27:33Vous pouvez contacter Alcool Info Service,
27:36une ligne téléphonique anonyme et confidentielle,
27:38ouverte tous les jours de 8h à 2h du matin au 0980 980 930,
27:46ou encore vous rendre dans des groupes de soutien,
27:48comme les Alcooliques Anonymes, que nous avons vus dans cette émission,
27:51ainsi que des centres de soins spécialisés,
27:53qui peuvent également vous accompagner dans cette démarche.
27:56Toutes les informations sont disponibles sur les sites
27:58alcool-info-service.fr, ainsi que sur drogue-info-service.fr.
28:05C'est la fin de cette émission, merci de l'avoir suivie.
28:09Vous pouvez retrouver l'intégralité de ces contenus sur 20minutes.fr
28:12et sur nos réseaux sociaux.
28:14La semaine prochaine, on parlera d'un tout autre sujet,
28:17avec l'arrivée de l'été, on parlera de la galère des vacances.
28:21N'hésitez pas à nous dire quel sujet vous aimeriez que l'on traite sur 20minutes,
28:26parce que 20minutes, c'est votre compagnon du quotidien.
28:28Donc n'hésitez pas, portez-vous bien et à la semaine prochaine.

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