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Ce jeudi 24 juillet, David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Sandra Gandoin. Ils ont discuté de la visite d'Ursula von der Leyen et d'Antonio Costa en Chine ce jeudi pour marquer les 50 ans de relations diplomatiques entre le pays et l'Union européenne, ainsi que des sujets qui pourraient être abordés lors du sommet. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Avec Caroline Loyer qui m'a rejoint sur le plateau, nous recevons David Bavray, investisseur, essayiste spécialiste de la Chine.
00:06Merci d'être avec nous. On va commenter évidemment cette visite d'Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne,
00:13et d'Antonio Costa, le président du Conseil européen, en Chine aujourd'hui.
00:17Alors pour marquer les 50 ans des relations diplomatiques entre la Chine et l'Union européenne,
00:21mais aussi pour voir un petit peu ce que ça va donner par la suite.
00:25La relation est tendue, il y a des dossiers qui fâchent, quels sont-ils ?
00:29On va peut-être commencer par le plan commercial.
00:31Oui, alors effectivement, 50 ans sont des années de...
00:34Normalement c'est une noeuse d'or, et on y va avec des pieds de plomb.
00:36Donc apparemment il y a un truc qui coince.
00:39Et ce n'est pas seulement sur le plan diplomatique, sur le désaccord sur le soutien de la Russie dans la guerre d'Ukraine,
00:45c'est qu'on se rend compte sur le plan économique du choix qui a été fait par la Chine en 2022,
00:49accélération de l'entrée en économie de guerre,
00:51ce qui signifie exportation subventionnée d'excédents industriels par opposition à maintenir la demande intérieure.
01:04Donc ça finit par un déficit commercial abyssal pour l'Europe de 300 à 400 milliards,
01:09qui est un table, et c'est justement ce qui est sur la table aujourd'hui.
01:11Caroline.
01:12Ursula von der Leyen dit espérer faire progresser et rééquilibrer les relations avec la Chine.
01:16De quelle manière sont-elles déséquilibrées aujourd'hui nos relations au-delà de ce déficit commercial,
01:22de ce déséquilibre en défaveur de l'UE ?
01:24Alors le vrai déséquilibre, c'est que la Chine a été très très constante depuis 20 ans,
01:28c'est que l'Europe n'existe pas.
01:30Et que ce que fait la Chine, c'est que la Chine nous divise systématiquement,
01:32prend le maillon faible de la chaîne, qui aujourd'hui s'appelle la Hongrie et l'Espagne,
01:38et dit contre quelques investissements industriels qui sont en dizaines de milliards,
01:42je vais m'assurer un excédent commercial en centaines de milliards.
01:45Donc vous voyez que le rapport, il est de 1 à 10.
01:48Dans la négo, on se trompe totalement de sujet.
01:51On parle d'investissements chinois industriels en Europe pour quelques dizaines de milliards,
01:55alors qu'en fait, le déficit commercial, il est en centaines de milliards.
01:58Donc voilà la raison pour laquelle on ne peut pas s'entendre.
02:00La Chine est clairement en position de force, on peut le dire, dans cette situation.
02:05Que peut espérer négocier l'Europe ?
02:08Alors non, pas forcément.
02:09C'est juste selon ça, parce que la Chine, en fait, n'a jamais eu autant besoin de nous.
02:12Il faut arrêter de parler de la Chine.
02:15Pour moi, il y a deux Chines.
02:16Il y a d'un côté les néo-lénino-marxistes qui ont pris le pouvoir depuis 2022,
02:22et qui font que l'économie officiellement en croissant sur 5%,
02:25en fait, est stable en valeur, dans le meilleur des cas.
02:28Et donc, la Chine a un problème de croissance économique.
02:31Et l'autre partie de la Chine sont les entrepreneurs privés chinois,
02:35avec lesquels nous, on travaille depuis 20 ans.
02:36Donc, on n'a pas des noces d'or, nous, on a des noces, je crois que c'est porcelaine.
02:40Et la porcelaine, c'est chinois.
02:41Donc, avec ces gens-là, nous, on a quelque chose à jouer,
02:45qui est qu'aujourd'hui, ces gens sortent leur argent de Chine.
02:48Donc là, Hong Kong, où j'habite, nous avons, depuis le début de l'année,
02:51100 milliards de dollars, c'est quand même pas rien,
02:53qui sont sortis de Chine pour aller s'investir sur la bourse de Hong Kong.
02:56La bourse de Hong Kong est en hausse de 25% depuis le début de l'année.
02:58Et tout cet argent, il va être investi partout en Asie du Sud-Est
03:04pour construire des chaînes de sourcing alternatives au schéma chinois.
03:10Donc, nous, Européens, nous avons tout intérêt à continuer à travailler
03:14avec ces entrepreneurs chinois qui sont en fait...
03:16On a 100% d'alignement d'intérêts.
03:19Et construire ce qu'on appelle dans le jargon le Chine plus un,
03:23qui va nous permettre de contourner l'affrontement entre la Chine et les États-Unis,
03:28qui vont découpler dans les années à venir.
03:30Ça peut se faire dans un délai court, à court terme, cet échange ?
03:34Ah ben, ça se passe aujourd'hui parce que les 100 milliards,
03:36ils sont sortis depuis le début de l'année.
03:37Et c'est en hausse de 100% par rapport à l'année précédente.
03:40Donc, on voit véritablement une accélération.
03:42Le capital privé sort de Chine.
03:45Et donc, c'est pour nous l'opportunité de continuer de travailler avec la Chine.
03:49Les entrepreneurs privés chinois, mais non plus en Chine,
03:51mais dans le reste du monde.
03:52Caroline, la Chine se présente aujourd'hui comme un partenaire fiable,
03:56plus fiable que les États-Unis.
03:57Est-ce que c'est ça, finalement, son meilleur argument
03:59face à l'imprévisibilité dont on parle tant de Trump ?
04:02Alors, je pense que son caractère fiable, c'est qu'elle gagne systématiquement.
04:07C'est ça.
04:07Prenez, par exemple, l'un des rares aspects où on s'attend à ce qu'il y ait un accord,
04:12c'est le plan climatique, un accord sur le climat.
04:15Et en fait, c'est quoi cet accord sur le climat ?
04:16C'est renforcer notre dépendance vis-à-vis de la Chine,
04:19puisque la Chine contrôle les chaînes de production
04:22entre 2 tiers et 75 % de la transition écologique.
04:26Et puis, deuxièmement, la Chine n'a qu'une crainte,
04:29c'est que nous taxions son CO2.
04:31Je vous rappelle qu'en Europe, nous sommes seulement 7 à 8 % des CO2 dans le monde.
04:34On taxe nos entreprises européennes tous les jours.
04:36Et par contre, les 30 % de CO2 qui sont produits en Chine,
04:39ils rentrent chez nous sans aucun problème,
04:41puisque le mécanisme d'adaptation,
04:43il porte seulement sur entre 2 et 4 % des importations chinoises chez nous en valeur.
04:47Donc, vous voyez que même quand on est d'accord officiellement dans un domaine,
04:54quel climat, c'est que la Chine gagne sur tous les fronts.
04:57Donc ça, il ne faut pas en vouloir les Chinois.
04:59C'est juste nous qui sommes mauvais et les Chinois qui sont très bons.
05:02Ursula von der Leyen voudrait également tenter d'obtenir un assouplissement
05:06des restrictions sur l'exportation de terres rares chinoises.
05:10Est-ce qu'il y a une ouverture là-dessus ?
05:12Qu'est-ce qu'on peut obtenir ici ?
05:13Alors, les terres rares ne sont pas rares.
05:14Je vous rappelle qu'on ne va en consommer que 4 % d'ici 2050.
05:18Les Chinois ont déjà fait le coup aux Japonais en 2010.
05:21Ça a duré seulement 6 mois.
05:22Parce que si ça dure plus de 6 mois, il s'agit d'un raffinage des terres rares.
05:27Et donc, on pourra le refaire.
05:28Je vous rappelle que Ron Poulenc, en 2001, en France,
05:32est le premier producteur de terres rares dans le monde.
05:35Donc, c'est le génie chinois.
05:37Vous savez, si vous prenez une voiture, vous n'avez que 150 euros de terres rares dans une voiture,
05:40mais les Chinois arrivent à bloquer une chaîne de production de 30 à 50 000 euros
05:45qui est le prix d'une de nos voitures.
05:46Donc, le vrai message des terres rares, ce sont les nouvelles dépendances
05:51que nous avons créées depuis 20 ans vis-à-vis de la Chine
05:53et qu'il faut absolument qu'on tourne en interdépendance.
05:56Parce qu'autrement, à chaque fois, on va se faire avoir.
05:58Et c'est ça, le vrai message.
05:58Si Jinping a déclaré que Pékin et Bruxelles doivent faire le bon choix stratégique,
06:04c'est quoi aujourd'hui le bon choix stratégique pour la Chine vis-à-vis de l'Europe
06:07dans cette guerre commerciale, si on doit résumer ?
06:09C'est quoi sa bonne approche pour lui et pour ses intérêts ?
06:11Le paradoxe, c'est que, compte tenu de la politique de Donald Trump,
06:15on devrait normalement, Chine et l'Europe, se rapprocher.
06:18Et qu'en fait, on ne fait que se séparer.
06:21Et la vraie politique, c'est comme je vous dis d'aller voir la Chine,
06:24en disant qu'il y a deux Chines et toute la partie néo-lénino-marxiste.
06:27« Désolé, on est en rivalité systémique et on va être très très dur avec vous.
06:33On va vous taxer toutes les subventions étatiques et on va vous taxer tous vos CO2.
06:37Parce qu'autrement, on ne va pas pouvoir s'entendre. »
06:39Vous avez commencé à le dire tout à l'heure, il y a un aspect diplomatique là-dedans.
06:43L'Union européenne accuse Pékin de soutien indirect à l'effort de guerre russe en Ukraine.
06:48Est-ce que ça va vraiment peser dans les autres dossiers, cette partie-là, finalement, dans les discussions ?
06:55Alors, je crois que malheureusement, nous n'arriverons jamais à faire bouger la Chine dans ce domaine
07:00parce qu'elle fait un deal tellement fantastique.
07:04Aujourd'hui, elle a ses hydrocarbures à quasiment zéro
07:07puisque les Russes sont obligés de recevoir de la monnaie chinoise.
07:10Donc, ils sont obligés de troquer leur pétrole contre des exportations en provenance de Chine.
07:15Et naturellement, la Chine envoie en Russie ce qu'elle ne pourrait pas vendre dans le reste du monde.
07:19Donc, il n'y a aucune chance que ça...
07:21Je pense qu'essayer...
07:23Enfin, rêver d'un découplage entre la Russie et la Chine, je n'y crois pas du tout.
07:27Dernière question, Caroline ?
07:28Alors, je n'avais pas de dernière question, mais si vous...
07:32Je pense qu'on peut s'arrêter là.
07:34Le message clé, c'est que ces 50 ans qui devraient être des noces d'or,
07:38en fait, doivent être pour nous l'opportunité d'être très dures, très firmes vis-à-vis de la Chine,
07:44des néo-lénon-marxistes, et au contraire, de se rapprocher des entrepreneurs privés
07:47avec lesquels on travaille depuis 20 ans,
07:49et où on peut répliquer le succès des 20 dernières années dans le reste du monde,
07:53et notamment l'Asie du Sud-Est,
07:55qui est, à mon avis, l'une des régions les plus fantastiques pour les 10 prochaines années.
07:59Une fois encore, la solution va passer par les entrepreneurs.
08:02On le dit très souvent sur cette antenne.
08:04Merci, David Bavré, investisseur et spécialiste de la Chine,
08:09d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.

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