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2 ans après le coup d'état de Boumediene

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00:00...
00:00Même si vous tournez longtemps en rond dans le centre pour garer votre voiture.
00:07Mais Alger, est-ce bien l'Algérie ?
00:10Quelle part faut-il faire aux apparences dans cette capitale méditerranéenne d'Afrique
00:14où vivent un million d'Algériens sur treize ?
00:17Le pays, indépendant depuis cinq ans, s'affirme mobilisé depuis le 5 juin dernier,
00:22mobilisé pour la Palestine, oui, mais comment ?
00:25Le gouvernement dispose d'une armée de métiers dont les effectifs et le travail sont tenus jalousement secrets.
00:30Pour les civils algérois, la mobilisation, c'est donc d'abord la censure.
00:35Les journaux étrangers n'arrivent qu'au compte-gouttes.
00:37C'est aussi, comme le prouvent les vignettes sur les pare-brises,
00:40la multiplication des taxes et des impôts, dont l'un immédiatement destiné à soutenir l'effort de guerre.
00:45Ce sont enfin les restrictions.
00:47Tout d'abord, l'imitation des importations, jouets, produits laitiers, par exemple.
00:51Ensuite, pas de vacances hors des frontières cette année.
00:55Fait marquant, le port est entré en léthargie.
01:02Les visiteurs sont rares.
01:04Et leurs pavillons n'apportent pas grandes surprises.
01:12Les touristes européens, eux aussi, ne sont pas venus.
01:15On comptait les héberger au club des pins, dans des villas luxueuses, tout près du palais.
01:19Construits en hâte, voici deux ans, sur les ordres de Benbella,
01:23pour abriter la conférence afro-asiatique qui n'y siégea jamais.
01:26La plage n'est pas déserte pour autant à Moretti.
01:29L'élite algéroise, l'administration, les professions libérales, le commerce prospère,
01:33la main-d'oeuvre qualifiée, en un mot, les nantis,
01:35qui représentent au maximum le 10% du peuple algérien,
01:38viennent y goûter les charmes peu orthodoxes d'une civilisation dite de consommation,
01:43dont la défunte colonisation leur a laissé le secret.
01:49Dans l'échelle sociale actuelle algérienne, vous vous situez où ?
01:58Dans le milieu, si vous voulez.
02:04Réellement ? Villa, voiture, tout de même, c'est pas mal.
02:07Je n'ai pas les statistiques algériennes, mais je crois me situer dans le milieu.
02:13Pour la ville d'Alger ?
02:15Pour la ville d'Alger, oui.
02:16Et par rapport à l'ensemble du pays ?
02:19Parmi les privilégiés, quand même.
02:24Est-il réel qu'il y a beaucoup de pauvreté en Algérie ?
02:27C'est des conséquences de la colonisation.
02:33Cette pauvreté disparaîtra probablement dans quelques années.
02:38C'est une pauvreté qui avait été voulue, qui avait été voulue.
02:40instaurée même.
02:44Parce que nous, nous avons justement, si moi aujourd'hui, je possède cette village,
02:48si je peux élever mes enfants comme je le souhaite,
02:52leur donner une instruction que tout Algérien souhaite,
02:56c'est parce que j'ai eu la chance de me trouver, d'être né dans la capitale, si vous voulez,
03:02d'avoir les écoles à proximité, d'avoir un père qui, bien, qui est un prolétaire,
03:08était quand même fonctionnaire, travaillait comme boulanger dans une administration.
03:14Avez-vous l'impression d'avoir été vous-même victime d'une certaine discrimination ?
03:18J'en porte encore les traces.
03:21En quoi a-t-elle consisté ? Comment s'est-elle manifestée ?
03:24C'était quotidien.
03:25Des vexations, des empêchements,
03:29c'est inexplicable.
03:32C'était, je vous dis, quotidien, c'était quotidien.
03:35Misère et chômage.
03:36Même Alger n'est pas épargné.
03:38Il suffit d'ouvrir les yeux.
03:39Neuf personnes s'entassent ici.
03:41Un couple algéro-français, six enfants.
03:43La mère étant malade, la grand-mère alsacienne est venue à la rescousse.
03:46Elle parle allemand, ce qui ne lui permet plus de franchise en présence de son gendre.
03:50Ce n'est qu'un exemple, et de loin pas le pire.
03:54J'ai resté bien deux ans, deux ans.
03:59Deux ans sans travailler, sans trouver le travail ici.
04:03Maintenant, à peine 17 mois quand je travaille.
04:08Depuis 1966.
04:091966, quoi.
04:09Depuis qu'on a changé d'ailleurs la concierge.
04:11La concierge est là, que j'ai commencé à travailler.
04:15Mais vous êtes ancien combattant.
04:16Oui, oui.
04:17Vous avez travaillé dans le FLN en France.
04:19Dans le FLN en France.
04:20Oui, j'ai tous mes papiers.
04:21J'ai tous mes...
04:23Pour faire ce qu'il fallait, quoi.
04:25Ça ne vous a pas aidé à trouver du travail ?
04:26Non, non.
04:28Ça ne m'a pas aidé à trouver du travail.
04:29Parce qu'il fallait connaître quelqu'un, voyez.
04:32Dans une installation, il faut connaître quelqu'un pour qu'il puisse vous embaucher.
04:37D'abord, je ne dis pas, c'est toujours été comme ça.
04:40Et je vois que c'est toujours resté comme ça.
04:42C'est un pistonnage ?
04:44Un pistonnage, voilà.
04:45Qu'est-ce que vous faites pendant vos loisirs ici, quand vous en avez votre travail ?
04:49Rien.
04:50Je...
04:51Par exemple, quand tu es un moment de football, je vais au match.
04:55Je vais insister à voir les matchs.
04:57Et s'il y a un match, je dors, je vais faire un tour.
05:00Par exemple, avec les enfants, au jardin, on part.
05:03Et je retourne.
05:03Moi, je me couche, c'est bien.
05:05Et vous, madame, quels sont les plaisirs que vous pouvez prendre dans la vie ?
05:09Rien.
05:11Rien.
05:12Je suis toujours ici.
05:15Rarement, je sors.
05:17Je suis sortie tout le mois d'août, deux fois.
05:21Parce que vous avez beaucoup de travail ?
05:23Non, je ne sors pas.
05:26C'est parce que les souffrent.
05:29Parce que vous avez le sentiment qu'on ne vous accepte pas ?
05:31Qu'est-ce qui pourrait vous faire le plus grand plaisir dans la vie ?
05:42À moi.
05:43Un piftec.
05:48La vie est difficile ici.
05:52Oui, les premiers temps.
05:54Pourquoi ?
05:55La misère.
05:57La faim.
06:01La jeune république algérienne contrôle sévèrement l'information.
06:10Elle redoute que la presse étrangère n'exploite ses plaies.
06:12Les présidents de communes ont l'ordre de ne pas laisser filmer leur village sans autorisation.
06:17Et les autorisations savent se faire attendre.
06:19Mais la maladie, elle, n'attend pas.
06:23Vous savez combien de malades par jour, ma soeur ?
06:25Environ 180, en moyenne, 180 à 200.
06:29Quelquefois même, nous allons largement à 200.
06:32Et nous, certainement, nous les dépassons dans les grosses matités, quand il y a des grosses bourrées.
06:38C'est un dispensaire officiel ?
06:39C'est un dispensaire officiel.
06:41De l'État ?
06:41De l'État.
06:42Et quelles sont les maladies qui viennent d'avoir ?
06:45Tout vient au dispensaire.
06:49Alors, le dépistage se fait ici, pour envoyer à l'hôpital.
06:53Mais les maladies les plus fréquentes ?
06:55Ce qui est le plus fréquent ici en Algérie, ce sont les infections cutanées.
06:59Je crois qu'on peut leur donner la priorité.
07:03Et du point de vue de l'alimentation, est-ce que la population a suffisamment d'amorti ?
07:07Non, non, non, non. La population est sous-alimentée.
07:13Vous savez, par exemple, pour le repas de midi, chez les pauvres, on n'appelle pas ça un repas.
07:18Ils grignotent un peu de pain, un peu de galettes, avec des oignons, quelques fruits comme ça.
07:26Mais le vrai, vrai repas, les gens, je crois, ne savent pas beaucoup ce que c'est.
07:30Nous sommes à 40 kilomètres d'Alger, ma soeur.
07:32Est-ce qu'il y a une grande différence entre Alger et le reste de l'Algérie ?
07:36Il y a une grande différence entre Alger et le reste de l'Algérie.
07:39Et même la population d'Alger ne se rend absolument pas compte...
07:43Oh là là !
07:44Ne se rend pas compte de la misère du blèvre. Vraiment pas.
07:49Et vous avez un médecin ?
07:51Nous avons un médecin, un médecin algérien, mais qui ne vient pas souvent.
07:55Vous le voyez combien de fois ?
07:56Une fois par semaine, maintenant. Ce n'est pas beaucoup.
07:59Avez-vous suffisamment de médicaments ?
08:01Nous n'avons pas assez de médicaments.
08:02Alors ça, les médicaments en manquent, surtout les fortifiants.
08:08Surtout les fortifiants.
08:09Et puis alors les produits pour l'estomac, pour les maladies d'estomac.
08:13Parce que c'est la vérité, les trois quarts, je crois, les Algériens souffrent d'ulcère, de gastrite.
08:20Ça, c'est très très fréquent.
08:22Est-ce que vous êtes plutôt pessimiste ?
08:24Il ne faut pas être pessimiste.
08:28Je crois que c'est un très mauvais moment à passer pour l'Algérie.
08:32C'est un mauvais moment, mais après les mauvais moments, il y a les bons qui reviennent, comme on le souhaite.
08:37Mais que ce soit difficile.
08:38Quelles que soient les critiques qu'ils osent ou qu'ils n'osent pas formuler à l'égard du pouvoir d'hier ou d'aujourd'hui,
08:50tous les Algériens sans distinction de classe sont fiers de leur indépendance.
08:54Le sentiment douloureux de dépersonnalisation que leur a laissé la conquête française
08:58les stimule aujourd'hui dans la voie de l'arabisation.
09:00Dès cet automne, par exemple, les deux premières années d'école seront données en arabe.
09:08Alger, encore très francophone, figure en tête de ce programme, dont l'étendue ne fait pas l'unanimité.
09:14Juste qu'il parle, quand on entend discuter des Algériens, il parle volontiers de leur quartier.
09:18Ça paraît très important, on dit que c'est un frère du quartier, un gars du quartier, un ami du quartier.
09:23Je veux savoir ce que représente un quartier pour vous.
09:25Oui, un quartier, un quartier, je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est un ensemble évidemment de copains.
09:33Comme vous le voyez, nous sommes tous des copains entre nous, l'un a vu grandir l'autre.
09:40Nous sommes liés aussi sentimentalement, non seulement par l'amitié, mais aussi par quelques années de lutte, de peine et d'humiliation.
09:49Je crois, en ce qui me concerne, que si vous voulez, cette vie intime du quartier, comme je l'ai signalé tout à l'heure,
09:58peut s'expliquer sur deux plans.
10:01Au plan général, à savoir, cela tient au caractère général de la vie dans les villes de tous les Méditerranéens.
10:09On n'avait qu'à voir, enfin, à travers les films ou les voyages, on retrouve la caractère des gens vivent dehors,
10:13ils aiment se rencontrer, et il y a, je dirais même, promissuité au sens non péjoratif du terme, contact et autres.
10:20Il y a un second plan qui est interne, qui est propre, je dirais, à l'Algérie, peut-être au monde musulman,
10:28à savoir, on retrouve, au monde arabo-musulman, et plus exactement, on retrouve, si vous voulez,
10:33dans le quartier, une restructuration du clan ou de la tribu.
10:37L'esprit de clan se manifeste dans la jeune Algérie, à tous les étages et jusqu'au plus haut niveau.
10:44Les forces nationales cataloguées, grosso modo, se distribuent entre le parti, l'armée, les syndicats
10:50et les grandes associations, principalement celles des étudiants et des femmes.
10:54Mais à l'intérieur de ces différents corps, les clans ressurgissent, dont certains observateurs vont jusqu'à dire
10:58qu'ils paralysent et même qu'ils déchirent secrètement le pays en face des problèmes urgents à résoudre.
11:04Le plus dramatique de ces problèmes reste le chômage.
11:06On peut estimer, suivant un rapport officiel, que parmi la population active totale,
11:11moins d'une personne sur quatre trouve un emploi.
11:15Le chômage sous le salaire algérien prend la forme d'une sous-occupation endémique
11:18que l'esprit fraternel de quartier adoucit quelque peu.
11:22À cette sombre fresque s'ajoute l'une des plus fortes natalités du monde.
11:25La population de l'Algérie s'accroît chaque année de plus de 3%.
11:28Les salaires, enfin, sont très bas.
11:31Un ouvrier sans qualification gagne à peine 250 francs suisses par mois.
11:34Il doit, avec ce maigre salaire, nourrir, en plus de sa femme et de ses enfants,
11:38des frères, des cousins, des neveux qui sont sans travail.
11:41Et la vie est chère, en ville surtout.
11:43Pour faire face, tous les petits négoces sont bons.
11:46On vante à la sauvette et l'on disparaît à la vue de la police.
11:49On se débrouille.
11:50On se sert, cas échéant.
11:52Le vol prend par moment des proportions inquiétantes.
11:54Les automobilistes en font souvent les frais.
11:56Il faut raisonnablement se demander, au milieu d'un tel contexte social,
12:01la place que le citoyen algérien peut réserver dans ses préoccupations
12:05aux appels à la lutte de son gouvernement.
12:07Un gouvernement dont il est convenu de reconnaître
12:09qu'il ne peut garder une telle hauteur de vue
12:11que grâce à l'ultime soutien du franc français.
12:14La disparition du chômage nécessite la mise en place
12:24d'un ensemble industriel prospère.
12:26Or, à part le pétrole, qui représente le seul atout vraiment solide
12:29dont dispose le pouvoir,
12:31les péripéties de Khartoum sont là pour nous le rappeler,
12:33l'industrie algérienne s'organise avec peine.
12:36On cite des dettes astronomiques, des bilans capricieux,
12:39des faillites coûteuses pour l'État.
12:41Le choix n'est pas toujours fait, en dépit d'une vocation socialiste
12:43et progressiste constamment réaffirmée,
12:45entre l'initiative privée, souvent étrangère,
12:48et l'économie nationale, étatisée.
12:50Il semble, aux dernières nouvelles,
12:52qu'une option se dessine en faveur d'un régime mixte.
12:54La nationalisation des industries étrangères devant se poursuivre,
12:57mais au sens politique et non économique du terme.
13:00L'État algérien, brusquement privé de cadre,
13:03ne peut sans vaciller porter seul sur ses jeunes épaules
13:06la charge de grands patrons.
13:08Mais comment partager les responsabilités
13:10sans partager les profits ?
13:13Ce dilemme apparaît également dans l'agriculture,
13:26où le brusque départ des propriétaires a exigé la mise en place
13:29sur les vastes domaines de la zone côtière
13:31d'un système d'autogestion par coopérative
13:33que le socialisme algérien revendique comme sa principale originalité.
13:37C'est une réussite inégale.
13:39Ailleurs, c'est la tragédie.
13:40Certaines régions sinistrées des Orestes sont privées de récolte
13:43pour la troisième année consécutive par suite de sécheresse.
13:46Il faudrait que les terres riches puissent financer l'irrigation des terres pauvres.
13:49Faute de quoi l'Algérie, hors d'Alger,
13:51pourrait bien être un jour mobilisée par la famine.
13:53Mais ce domaine est l'un des domaines qui marchent bien.
13:59C'est un domaine qui est d'ailleurs de 64, 65, il a fait près de 80 millions de bénéfices.
14:08Ce n'est pas le cas de tous les domaines.
14:09Ce n'est pas le cas de tous les domaines.
14:10Ça dépend des cadres de fonctionnement des domaines.
14:16Il y a la technique qui joue, c'est-à-dire la capacité des travailleurs.
14:24Il y avait déjà sur ce domaine des cadres algériens en place ?
14:28Oui, c'est-à-dire que vous prenez le chef de culture,
14:31vous prenez le pointeur, vous prenez le caviste,
14:34vous prenez tout le cadre, c'est-à-dire les titres d'avoir l'indépendance.
14:38Il y en a qui ont 30 ans, il y en a qui ont 40 ans,
14:40qui sont dans le domaine,
14:41qui connaissent la routine des terrains, comment ils fonctionnent.
14:46De façon générale, en Algérie, les domaines autogérés qui marchent bien
14:50finissent par payer pour les domaines qui marchent moins bien
14:52parce qu'il y a un système de compensation.
14:54Bien sûr, ça c'est normal.
14:55C'est normal.
14:56L'avance a été faite comme ça, mais maintenant, je crois que ça va changer.
15:00Ça va changer.
15:01Ceux qui travaillent bien, il sera récompensé.
15:04Ceux qui ne travaillent mal, il sera...
15:06Parce que j'imagine qu'il doit y avoir parfois des conflits
15:08entre différents comités de gestion.
15:09C'est exact.
15:10C'est exact parce que maintenant, vous travaillez,
15:13vous donnez de la peine et puis il y en a un autre qui s'en fout.
15:17Alors chacun, il défend un peu de son côté.
15:21Alger parle haut dans le monde.
15:23Mais que pensent au niveau du quotidien
15:24les plus jeunes citoyens de ce jeune État ?
15:26Le hasard nous met en présence d'un ancien combattant.
15:29Il a 23 ans.
15:30Engagé volontaire à 16 ans dans le FLN,
15:32il a été blessé et a frôlé la mort.
15:33La balle a passé tout près du cœur.
15:35On dit aujourd'hui que l'Algérie est en guerre.
15:36Vous êtes d'accord ?
15:38Ben non.
15:39Oui.
15:40Elle n'est pas en guerre du moment qu'on ne l'est pas.
15:42Peut-être si on l'est moralement, mais pas physiquement.
15:49Et quand on n'est pas physiquement, on n'est pas en guerre.
15:53Est-ce que vous seriez prêt à aller vous battre contre Israël,
15:58en République arabe unique, comme vous êtes battu dans le FLN ?
16:01Cela dépend.
16:03De quoi ?
16:03Cela dépendrait de nos hommes de gouvernement.
16:11Des aptitudes du genre du gouvernement.
16:16Et si le gouvernement vous mobilisait ?
16:20Ben à ce moment-là, j'irai.
16:23À contre-cœur ?
16:24Ça dépendrait des circonstances.
16:27Peut-être que j'irai de mon plein gré, peut-être à contre-cœur.
16:32Mais ça dépendrait de quelles circonstances ?
16:36Si tout le peuple est uni pour une seule cause,
16:41je serai tout à fait d'accord.
16:43Je ne peux pas faire le contraire.
16:44Mais si tout le peuple n'est pas d'accord pour aller combattre Israël,
16:50je ne pense pas que je serai volontairement.
16:55Est-ce que vous vous redoutez d'une mobilisation générale à l'Algérie ?
17:02Est-ce que quand on vous envoie faire la guerre ?
17:06Vous pensez que c'est possible, que ça pourrait arriver ?
17:08Oui, c'est fort possible.
17:11Vu qu'on mobilise les étudiants et tout ça pour leur donner.
17:14Même les gens du peuple, on les mobilise.
17:19Tous les soirs, on a deux heures de stage,
17:23de perfectionnement sur leur maman et tout ce qui s'ensuit.
17:26Vous aussi ?
17:28Non, moi, pas encore.
17:30Mais il y a certains jeunes, oui.
17:31Pourquoi pas vous ? Parce que vous êtes des anciens combattants ?
17:34Ben oui, on commence par les jeunes qui n'ont pas tenu d'arme.
17:38Qui n'ont jamais tenu une arme entre les mains.
17:40On pense que vous êtes déjà formé.
17:42Ben oui, je pense, oui.
17:44Quoiqu'il y a l'armement, un nouveau armement, c'est un armement russe.
17:47Mais on nous perfectionnera sur les armements russes.
17:53Mais il faut commencer d'abord par les gens qui ne connaissaient pas qu'est-ce que c'était qu'une arme.
17:58Mais de façon générale, vous souhaitez quoi pour votre pays ?
18:02Ben la paix et le bonheur.
18:03Comme n'importe qui.
18:07Et le bonheur, c'est quoi pour vous ?
18:08On ouvre les frontières, qu'on puisse voyager, circuler ?
18:12Oui, vivre.
18:14C'est ce que j'appelle vivre.
18:16Vivre en paix, quoi.
18:18Et les étudiants, qu'on a d'abord dit volontaires et qu'il a fallu mobiliser, que pensent-ils ?
18:23Ils sont 5000 garçons et filles qui viennent de passer 45 jours en caserne pendant leurs vacances.
18:28Nous aurions aimé les rencontrer et les interroger pour nous convaincre de leur enthousiasme
18:31à l'heure où l'on parle en Algérie, comme partout ailleurs, d'une dépolitisation de la jeunesse.
18:36On nous a refusé cette visite, ce qui nous autorise à supposer que la mobilisation n'est pas si populaire
18:41dans l'esprit des futurs cadres algériens.
18:44Pour les plus de 30 ans, c'est différent.
18:45Ils avaient en 1954 l'âge qu'ont aujourd'hui les étudiants.
18:49L'indépendance, c'est leur conquête.
18:51L'Algérie aura peut-être aussi son conflit de génération.
18:56Pourriez-vous vraiment aller faire la guerre en Égypte, comme vous l'avez faite dans la FNM ?
19:01Il est certain que la guerre que nous aurions à faire dans l'avenir contre les passionnistes
19:07ne serait pas du tout du même type que celle que nous avons menée contre l'occupant français.
19:12Il faudrait être aveugle, et quand même c'est un, je vous parle un temps,
19:16co-officier de réserve de l'armée française ayant subi 12 mois de service militaire
19:21dans une école militaire française, que la guerre de Guéria ne se présente pas du tout
19:26de la même façon qu'une guerre au modèle.
19:29Et il nous suffit, par exemple, de voir comment s'est déroulée la dernière guerre au Moyen-Orient
19:33pour en tirer des conclusions.
19:35Même ceux d'entre nous qui pouvaient rêver à une guerre de Guéria n'y rêvent plus.
19:39Et nous savons qu'actuellement, ce qu'il faut développer chez nous, c'est un potentiel économique.
19:44C'est pour cela que nous sommes convaincus que ceux qui disent que nous rêvons se trompent.
19:50Développer un potentiel économique, mais dans l'État, où est l'industrie algérienne,
19:56où se trouve l'agronomie, l'agriculture algérienne, pensez-vous pas qu'acheter des avions,
20:01acheter des canons, acheter des navets, c'est précisément un luxe ?
20:04C'est certain que si l'Algérie était isolée, que s'il n'y avait rien autour de l'Algérie,
20:11acheter des canons au moment où notre économie a besoin de se développer, d'acquérir un second souffle,
20:17il est certain que c'est un luxe, ce serait malhonnête de le méconnaître.
20:21Mais justement, parce que l'agression sioniste a des implications économiques, a des causes économiques,
20:27l'Algérie doit en même temps s'efforcer de développer son économie, et dans le même temps acquérir des armes.
20:32Avec des best-fils, dans le même temps ?
20:34Essayez. Du moins, on essaie de marier les deux.
20:38Non, mais de toute façon, si vous voulez, c'est un ordre de priorité.
20:41On pose le terme, si vous voulez, on va poser un siglogisme.
20:44Donc, on dit, si vous l'acceptez, vous ne l'acceptez pas, du moins c'est comme ça qu'on pose le problème.
20:48On dit, si vous voulez, postulat, l'État sioniste, actuellement, est une base, comment dire, impérialiste,
20:56qui pourrait gêner un jour ou l'autre, d'une manière ou d'une autre, directement ou indirectement, notre développement économique.
21:02Donc, pour faire le développement économique, il faut absolument d'abord, par ordre de priorité,
21:07se débarrasser d'une manière ou de l'autre, neutraliser cet État et ses alliés.
21:11Exactement, le raisonnement est du même type que celui qu'on a tenu pour la guerre d'indépendance.
21:16À l'époque aussi, on nous proposait des réformes socio-économiques et de vastes réformes
21:20qui, certainement, auraient réussi, mais on les a refusées.
21:24C'est ce que nous a confirmé le ministre des Affaires étrangères, M. Bouteflika,
21:27dans une interview qu'il nous a accordée à la veille de son départ pour la conférence de Khartoum.
21:31L'Algérie avait dit qu'il fallait continuer la lutte.
21:37C'est une position que nous ne pouvons pas changer,
21:42qui s'inscrit tellement dans nos mœurs,
21:48d'autant plus dans nos mœurs qu'elle s'inspire, en fait,
21:52de notre passé, de notre essence, de notre existence même,
21:59en tant qu'État indépendant.
22:01Quand il y a un vainqueur et un vainqueux,
22:07il y a toujours des conditions,
22:09les conditions du vainqueur.
22:15Comment voulez-vous créer une situation favorable
22:19si vous vous présentez avec un drapeau blanc ?
22:25Même si vous voulez examiner le problème des conditions du vainqueur,
22:33d'une manière ou d'une autre.
22:38Et autrefois, nous avons refusé la paix des braves,
22:43nous avons refusé l'affaire du drapeau blanc,
22:45qui théoriquement devait, peut-être, semble-t-il,
22:49d'après ce que l'on nous expliquait dans les contacts,
22:52aboutir au même résultat d'évion.
22:55Mais Evian était une autre situation.
22:58Evian était autre chose.
23:02Evian était autre chose.
23:06C'est pourquoi,
23:08si la lutte avait effectivement continué
23:16dans les pays arabes de la région,
23:19l'Algérie résolument engagée aux côtés de l'Angola, du Mozambique,
23:30résolument engagée aux côtés du peuple du Vietnam,
23:33de la cause cubaine,
23:35autrefois de la cause de Saint-Domingue,
23:36de toutes les causes de la liberté dans le monde,
23:40l'Algérie aurait fait son devoir de solidarité
23:42vis-à-vis des pays arabes.
23:45Et si cela n'aurait été qu'un devoir de solidarité,
23:51nous l'aurions fait.
23:53Si nous n'avons pas eu l'occasion de le faire complètement,
23:57nous revendiquons la responsabilité d'avoir voulu le faire
24:01et de continuer à vouloir le faire,
24:04si effectivement il y a une lutte.
24:06L'Algérie a une morale politique.
24:10Cette morale politique passe par le fait
24:11que nous ne pouvons pas cautionner l'agression
24:16sous quelque forme que ce soit.
24:21Nous ne pouvons pas cautionner la politique du fait accompli.
24:25Nous ne pouvons pas accepter la règle de l'encluse.
24:30L'occupation par la force d'un territoire donné
24:35qui puisse vous permettre ultérieurement
24:39de vous prévaloir de je ne sais quel droit
24:43parce que vous l'avez occupé par la force.
24:49Le troisième aspect que je voudrais mettre en relief,
24:54c'est que l'affaire du Moyen-Orient
24:55est absolument inséparable
24:57de ce qui se passe en Extrême-Orient.
25:00Dans le monde, il y a des forces progressistes.
25:05Il y a des forces impérialistes.
25:09Les forces progressistes sont évaluées,
25:13sont connues.
25:16Leur engagement est précis,
25:20est précisé aussi autour,
25:23si vous voulez, des pays socialistes
25:25avec même les tendances que nous savons.
25:31Les forces impérialistes sont connues aussi
25:34et leurs instruments sont connus.
25:36Et il ne fait aucun doute
25:42qu'au Moyen-Orient,
25:44l'impérialisme a frappé,
25:46cette fois-ci,
25:48par instruments interposés,
25:50à la différence
25:51de ce qu'il avait fait au Vietnam.
25:53Si nous ajoutons cet élément
25:59aux autres éléments
26:00africains,
26:03peut-être même
26:04qui se sont passés en Asie
26:05ou en Europe,
26:06d'autres,
26:09nous sommes obligés
26:10d'aboutir à la conclusion
26:11qu'il y a un plan.

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