Ce lundi 14 juillet, Bertrand de Cordoue, conseiller défense et armement à l'Institut Jacques Delors, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Sandra Gandoin. Ils sont revenus sur la hausse des dépenses de défense annoncée par Emmanuel Macron lors de son allocution dimanche. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
00:00C'est Caroline Voyer qui me rejoint sur ce plateau. Nous sommes en direct avec Bertrand de Cordoue, conseiller défense et armement de l'Institut Jacques Delors.
00:07Merci beaucoup d'être avec nous dans cette matinale de l'économie. On revient sur cette traditionnelle allocution aux armées à la veille de la fête nationale.
00:15Hier soir, Emmanuel Macron a donc annoncé une hausse des dépenses de défense. 3,5 milliards de plus en 2026, 3 milliards de plus en 2027.
00:24Ça fait un budget qui aura quasiment doublé sous ses deux mandats. 64 milliards d'euros. Est-ce qu'on sait concrètement à quoi va servir cet argent ?
00:34Oui, bonjour Sandrine Gondouin. Merci de m'avoir invité. Je suis désolé de ne pas être sur votre plateau. Je suis à Bruxelles où le 14 juillet n'est pas férié.
00:43Alors à quoi va servir cet argent ? Il faut savoir que ça va servir à financer la loi de programmation militaire qui court entre 2024 et 2029.
00:55Et qu'une loi de programmation militaire, c'est à la fois une planification budgétaire, donc des annuités budgétaires qui sont garanties pour la défense.
01:02Et puis en face de ça, il y a un contenu physique. Et donc ces financements prévus dans la LPM, dans la loi de programmation militaire, doivent être affectés à des commandes de matériel qui sont programmées à l'avance.
01:16Alors il semblerait que, en tous les cas c'était les échos qui remontaient du ministère des Armées, qu'aujourd'hui, avant les déclarations du président Macron hier, la LPM était sous-financée.
01:28Et donc les crédits qui ont été annoncés vont peut-être, en tout cas c'est ce qu'espère le ministère des Armées, permettre de financer tout ce qui était prévu dans la LPM jusqu'en 2029.
01:40Caroline, M. de Cordoue, le président affirme que les ressources supplémentaires annoncées devraient permettre de combler nos zones de fragilité. Quelles sont-elles, nos fragilités ?
01:52Alors il n'est pas rentré dans les détails, il n'a rien cité en particulier, mais il a quand même beaucoup insisté, notamment vis-à-vis de l'industrie, sur la nécessité de produire plus, de produire plus vite et de produire moins cher.
02:07Donc les zones de fragilité, elles ont été mises en évidence par ce qui se passe en Ukraine et par notre difficulté à apporter de façon quantitative et qualitative le soutien demandé par l'armée ukrainienne.
02:22Donc en particulier, évidemment, il y a l'idée de basculer davantage sur la production et peut-être un peu moins sur le développement des armements futurs.
02:30Donc ça sera peut-être une réallocation au sein de la LPM vers l'industrie de production, vers les équipements de production, de façon à tenir des séries et à avoir à la fois des stocks et ce que demande l'armée ukrainienne.
02:47– C'est très difficile de mener le développement industriel qui va servir finalement à ce développement de cette défense.
02:56On sait que nos entreprises sont prêtes, mais que jusqu'ici il manquait les commandes.
03:01Est-ce que ça va se mettre avec ces annonces en ordre de bataille pour pouvoir faire ce qu'on voulait finalement de notre défense française ?
03:08– Alors ça a été moins relevé dans les commentaires, mais le président au détour d'une phrase a aussi dit hier soir qu'on allait dégeler les crédits pour 2025.
03:18Alors ça, c'était une attente qui créait beaucoup d'impatience.
03:21Et en effet, le ministère des Armées, c'était notamment dû au fait que le budget n'avait pas pu être voté à la fin 2024 comme prévu.
03:31Le ministère des Armées attendait avec impatience que les crédits pour 2025 arrivent enfin dans les caisses et qu'ils puissent débloquer les commandes et procéder à des paiements.
03:41Donc ça, l'industrie en bout de chaîne l'attendait avec grande impatience.
03:44Ça va permettre aussi de relancer un petit peu la machine sur un certain nombre de programmes qui étaient, pas gelés, mais un peu suspendus par ces défauts de financement.
03:54– On a besoin d'armes, on a besoin d'équipements, mais on a aussi besoin d'hommes.
03:57Le chef de l'État a finalement repoussé la refonte du service national universel.
04:01Il appelle par ailleurs à gonfler la base de réservistes.
04:06Est-ce qu'on sait exactement de combien d'hommes on manque ?
04:09Et qu'est-ce qu'on doit faire concrètement pour avoir un nombre d'hommes suffisant face à la menace actuelle ?
04:17– Ça, c'est une question à poser au chef militaire.
04:20Je pense que s'il a mis en propre parenthèse ou reporté les annonces sur la réserve ou sur un éventuel service militaire,
04:28c'est aussi pour des raisons budgétaires parce que ça coûte très cher.
04:31Et puis ça monopoliseraient les armées et l'outil militaire pour recruter, former, encadrer.
04:42Et donc, c'est évident qu'aujourd'hui, ce n'est pas non plus la priorité de nos armées.
04:47La priorité de nos armées, c'est de se réarmer et de se préparer à un éventuel conflit.
04:51– Emmanuel Macron a évoqué hier la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française
04:58en soulignant avoir mandaté le ministre des Armées pour engager un dialogue stratégique
05:02avec nos partenaires européens qui y sont prêts.
05:05En effet, la France aujourd'hui, même si c'est elle qui a la force de dissuasion nucléaire,
05:09elle ne peut pas agir seule ?
05:12– Oui, alors l'Europe, il en a parlé à la fin de son allocution,
05:17à divers titres, au titre de la dissuasion.
05:20Ça, c'est un dialogue qu'on va qualifier de politico-stratégique.
05:23Ça met en jeu beaucoup de déclaratoires.
05:27Les moyens, ils resteront français et contrôlés,
05:32le bouton restera entre les mains du président de la République.
05:34On ne voit pas comment faire autrement.
05:36Mais il en a aussi parlé pour rappeler qu'il y avait eu plusieurs initiatives
05:40qui avaient été prises par l'Union européenne pour soutenir l'industrie de défense.
05:44Et il a fait une allusion au programme CEF,
05:46qui est le programme qui est en train de se mettre en place à Bruxelles.
05:49Vous le savez, c'est les 150 milliards que l'Europe se propose d'emprunter
05:54et de reverser aux États de membres qui en feront la demande
05:57pour acheter des matériels européens et pour acheter de façon groupée.
06:03Et à Bruxelles, je peux vous dire qu'il y a une grande attente actuellement
06:06pour savoir si la France va prendre un ticket dans ce programme CEF
06:10et à quelle hauteur.
06:12C'est intéressant parce que ça compléterait les annonces
06:15qui ont été faites pour 2026 et 2027.
06:17Ce serait de l'argent frais, mais ça serait de l'emprunt
06:20à des conditions favorables, puisque ce serait une condition d'emprunt
06:24dont bénéficie l'Union européenne aujourd'hui sur les marchés.
06:27Une question un peu plus générale.
06:29Le chef de l'État dit qu'on fait aujourd'hui face à un monde de plus en plus brutal.
06:33Alors c'est vrai qu'on a une guerre aux portes de l'Europe,
06:35une guerre en Ukraine.
06:36Mais est-ce que vous diriez, vous, que le monde d'aujourd'hui est plus brutal ?
06:42C'est incontestable.
06:43Je suis moins bien placé que le président Macron pour le dire,
06:46mais c'est incontestable qu'on vit dans un monde qui a beaucoup changé
06:50depuis quelques années et où, visiblement, il y a des conflits
06:54qui poussent un peu à droite, à gauche, dans lesquels la France,
06:58directement ou indirectement, est partie prenante.
07:02Donc, le plus évident, c'est l'Ukraine, parce que c'est sur le territoire européen,
07:06mais ce qui se passe au point de l'Orient n'est pas rassurant plus.
07:08Et c'est vrai aussi que le comportement un peu erratique des Américains
07:13ne rassure pas et oblige à prendre les choses en main,
07:16au niveau français, comme ça a été dit hier, mais également au niveau...
07:19Merci beaucoup Bertrand De Cordou, conseiller défense et armement de l'Institut Jacques Delors.
07:24Merci d'avoir été en direct ce matin dans la matinale de l'économie.