François Michel, administrateur délégué de John Cockerill, était l'invité de Sandra Gandoin et Raphaël Legendre dans Good Morning Business, ce mardi 15 juillet. Ils sont revenus sur l'entreprise John Cockerill, le plus grand groupe dans l'ingénierie des systèmes stratégiques pour produire de l'énergie, des équipements de défense, ainsi que des technologies sidérurgiques appliquées, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
00:00Le grand entretien, c'est un vaste sujet que nous abordons ce matin avec François-Michel, CEO du groupe John Coquery.
00:08On va parler bien sûr d'hydrogène vert, de stratégie européenne.
00:11On parlait beaucoup d'hydrogène vert il y a trois ans au moment du plan France 2030 et on va y revenir.
00:16Mais avant tout, présentez-nous ce groupe John Coquery parce qu'on le connaît assez mal en France.
00:22Bonjour, John Coquery est un groupe très ancien en Belgique.
00:26Il a plus de 200 ans, il est l'héritier du grand groupe Coqueryl-Sambre, en fait Coqueryl, des grandes années de la sidérurgie.
00:33Il a été pendant très longtemps le plus grand groupe belge et c'est une entreprise qui, dans ses activités d'ingénierie,
00:41fait depuis 200 ans des systèmes stratégiques pour produire de l'énergie, des équipements de défense et puis des technologies sidérurgiques ou sidérurgiques appliquées.
00:51Et vous venez de reprendre à la barre McPhee qui était l'ex-pépite française de l'hydrogène vert pour 600 000 euros,
01:02qui est un peu le symbole de ce secteur de l'hydrogène qui est un peu abandonné ou en tout cas en perte de vitesse depuis quelques années maintenant.
01:09Alors est-ce que c'était une bonne affaire pour vous ? Pourquoi cette reprise ?
01:12Est-ce que ce n'est pas un peu soit le symbole de l'échec de la stratégie française ou alors vous allez nous dire peut-être une aubaine industrielle pour vous ?
01:19On en était fiers de McPhee nous ici, on en a beaucoup parlé.
01:23Oui, je pense que d'abord on peut être très fiers de McPhee, des équipes de McPhee que je salue au passage,
01:28qui sont des gens d'extrêmement bonne qualité, extrêmement professionnels et qui ont développé tout un tas de technologies
01:34qui justement nous intéressent et vont nous permettre d'accélérer encore davantage dans notre déploiement de technologies pour faire de l'hydrogène vert.
01:42John Cochril aujourd'hui est le leader mondial pour faire des électrolyseurs.
01:46On a à peu près une part de marché l'année dernière d'à peu près 25% dans le monde
01:51et on livre ces électrolyseurs pour produire de l'hydrogène décarboné à des grands clients,
01:58pour des grands projets qui se font principalement en dehors d'Europe.
02:02C'est d'ailleurs ce que sait faire le groupe John Cochril dans son ensemble,
02:05c'est-à-dire amener des technologies à l'échelle avec de la rupture technologique, avec de l'ingénierie de haut niveau.
02:11Et ce qu'on voit, c'est qu'en Europe, des entreprises de taille intermédiaire comme McPhee,
02:16malgré le talent des ingénieurs, malgré des soutiens publics qui ont été parfois très très importants,
02:22en fait elles n'ont pas pu toutes passer à l'échelle.
02:24Mais il y a quelque chose d'assez naturel finalement.
02:26C'est une question de marché, c'est ça qui manque en Europe ?
02:29C'est un marché qui n'est pas assez grand ?
02:30Alors il y a deux choses, il y a un mouvement qui est finalement assez naturel d'une filière qui arrive à maturité,
02:37et donc il y a une forme de consolidation, c'est-à-dire que les grands sont en train de consolider des technologies des plus petits
02:44qui ne peuvent pas passer à l'échelle.
02:45Et puis séparément à ça, il est vrai que les différents mécanismes de soutien en Europe,
02:51pour créer des applications européennes, pour le moment n'ont pas du tout fonctionné.
02:55On va revenir sur ce que vous faites, vous, et ce que faisait McPhee.
02:58C'était deux technologies différentes, vous allez allier votre savoir-faire avec celui qu'avait McPhee pour créer un nouveau produit.
03:06Est-ce que vous pouvez nous en parler et nous parler des usages concrets ?
03:10Alors la base technologique, la philosophie de la technologie,
03:15elle est relativement similaire entre ce que McPhee développait à petite échelle pour des petits électrolyseurs
03:21et ce que nous aujourd'hui produisons à grande échelle sur des grands électrolyseurs.
03:26Pour donner un ordre de grandeur, on a gagné l'année dernière un contrat de 640 MW en Inde,
03:32c'est l'équivalent d'une centrale nucléaire indienne de pleine capacité qui serait branchée sur nos électrolyseurs.
03:38Donc on fait des gros électrolyseurs et McPhee a développé un certain nombre de technologies
03:42qui peuvent être utiles, qui peuvent être intéressantes à intégrer dans ces électrolyseurs de grande capacité.
03:48Donc le cumul des deux va créer de la valeur et va nous permettre réellement d'accélérer.
03:52Votre promesse c'est 10 à 15% de gains de compétitivité sur les nouveaux électrolyseurs.
03:58A quel horizon ?
04:00D'ici une petite dizaine d'années.
04:04Une petite dizaine d'années.
04:05En fait, ce sont des métiers technologiques.
04:09On a un plan d'amélioration de la technologie
04:13qui comprend de l'amélioration du design des électrolyseurs,
04:17de la manière dont on les intègre dans des plateformes de production d'électrolyse, etc.
04:21Nous ne faisons d'ailleurs pas tout seul.
04:22On est marié avec SLB, l'ancien Schlumberger,
04:26et on est marié avec Technip Energy,
04:27on est maintenant aussi marié avec Fluxis en Belgique,
04:30pour ne pas être seul pour mener cette aventure industrielle.
04:33Et dans le cadre de ce plan d'amélioration,
04:35qui comprend d'autres choses aussi,
04:37on pense que l'intégration des technologies clés de McPhee
04:40va nous permettre de gagner une dizaine de pourcents sur le coût des électrolyseurs.
04:43Vous venez de finaliser une augmentation de capital pour cette branche hydrogène,
04:47116 millions d'euros destinés à accélérer à l'international,
04:50parce que c'est à l'international que justement,
04:53il va y avoir de réels cas d'usage.
04:55Où est-ce que vous allez travailler ?
04:56Alors, en Europe, il y a un certain nombre d'endroits
05:00où on pourrait produire de l'hydrogène de manière compétitive,
05:04mais ce ne sont pas des petits projets à petite échelle
05:06qui vont nous permettre de le faire.
05:07Il y a le nucléaire la nuit en France, si on veut vraiment le faire.
05:10Il y a certains pays du sud de l'Europe
05:13qui ont accès à de l'énergie renouvelable de manière très compétitive,
05:18comme en Espagne par exemple.
05:20Et puis, il y a le pourtour de la mer du Nord,
05:22parce qu'on sait que si on installe beaucoup d'éoliens en mer du Nord,
05:25une partie de cette énergie va être électrolysée.
05:27Mais le gros de la production d'hydrogène et de ses dérivés,
05:32notamment l'ammoniaque,
05:33qui va être le dérivé principal de l'hydrogène vert,
05:36va être produit en dehors d'Europe.
05:38Il va être produit dans des zones où l'énergie renouvelable est très peu chère,
05:43notamment au Moyen-Orient, en Inde et dans certains autres pays asiatiques.
05:46En Inde, vous construisez une usine d'ailleurs, je crois.
05:48En Inde, on construit deux choses.
05:50On est en train de livrer d'ailleurs le deuxième plus grand coté au monde
05:54pour faire cet ammoniaque vert.
05:57Et puis, on construit une usine pour faire des électrolyseurs en Inde
06:00et pour d'ailleurs donner à l'Inde une forme de souveraineté
06:03sur l'approvisionnement de ces électrolyseurs qui conduisent à une dépendance.
06:08Si on vous entend là, l'Asie est quand même en train de prendre une sérieuse avance
06:13par rapport à l'Europe sur l'hydrogène vert.
06:16Sur le plan technologique, l'Europe a tout ce qu'il faut
06:20pour être capable d'être un leader, un leader technologique dans le domaine de l'hydrogène.
06:27Qu'est-ce qui manque ?
06:28Aujourd'hui, on n'a pas de marché.
06:29Il y a très peu de marchés européens.
06:31Et donc, on a besoin de marier les acteurs européens de la filière
06:36avec des grands investisseurs, des grands producteurs d'hydrogène et de ses dérivés
06:41qui vont être au Moyen-Orient, aux Etats-Unis, en Asie, etc.
06:45On manque de temps, on va revenir sur cette annonce.
06:48Vous faites des équipements de défense, vous l'avez dit tout à l'heure.
06:50L'année dernière, vous avez acquis Arcus,
06:53principal fournisseur de véhicules militaires de l'armée française.
06:55Et Arcus et Demler viennent d'annoncer développer et produire une alliance,
07:00en tout cas pour développer et produire des véhicules militaires à nouveau.
07:03Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
07:04Comment ça s'inscrit dans la stratégie militaire de l'Europe ?
07:07Bien sûr.
07:08John Coquery a acquis l'année dernière l'ancien Renault Truck Défense
07:13qui s'appelle Arcus pour constituer un leader franco-belge
07:18ou belgo-français, comme on veut, des véhicules blindés légers
07:23avec des tourelles très performantes
07:25et puis le cœur du savoir-faire historique français
07:27pour faire des véhicules blindés légers.
07:29Une partie de ce dont on a besoin, c'est aussi de livrer des camions
07:35ou des systèmes logistiques qui sont plus gros, qui sont au-delà de la gamme d'Arcus.
07:39Et pour ce faire, historiquement, on a travaillé avec un certain nombre de partenaires
07:43et on vient de signer un partenariat très important
07:45avec effectivement le groupe Demler pour ces poids-lors.
07:49C'est le futur de la défense européenne, ça et de la base industrielle de technologie
07:52et de défense, comme on l'appelle aujourd'hui,
07:54ces partenariats européens qui sont en train de se multiplier.
07:58Exactement.
08:00Notre vision de la consolidation européenne en matière de défense
08:03qui est absolument nécessaire et qui est d'ailleurs poussée par le gouvernement.
08:07Ici, c'est d'abord et avant tout que les industriels fassent leur travail
08:10et travaillent entre eux.
08:11Quand on travaille avec des industriels sur la base de projets très concrets,
08:15on a déjà des synergies, on a déjà de la création de valeur
08:18et c'est ce qu'on fait au cas par cas en fonction des marchés
08:22ou en fonction de la technologie que chacun peut apporter.
08:25Ça veut dire qu'on attend beaucoup de l'Allemagne.
08:26On parle beaucoup de l'Allemagne dans la stratégie de défense,
08:28mais c'est du côté de la Belgique qu'il faut regarder en fait.
08:30La Belgique, historiquement, est un grand pays industriel,
08:33un pays très innovant et peut-être un modèle
08:36pour certains actifs français, c'est certain.
08:40Merci beaucoup, François Michel, d'être venu nous voir,
08:43CEO de John Coqueryl.
08:45Merci d'être venu dans la matinale de l'économie.