00:00Gros coup de mou, vous nous le disiez, pour la farine française, on en exporte 90% de moins qu'il y a 30 ans, 90%.
00:07C'est énorme, qu'est-ce qui s'est passé ?
00:08Oui, le meunier s'est endormi et les moulins ne vont pas fort.
00:12A l'image de la désindustrialisation, en fait la France a perdu en compétitivité et n'a pas suffisamment investi ces dernières années.
00:19Alors c'est un souci parce que la filière fait quand même tourner 386 moulins dans le pays
00:24et fait travailler 6300 personnes selon l'Association Nationale de la Meunerie Française.
00:29Et comment ça s'explique ce décrochage ? On mange moins de pain ?
00:32Non, et d'ailleurs 99% du blé tendre que nous récoltons est utilisé, blé tendre pour le pain donc, et blé dur pour les pâtes, les coquillettes, voilà les nouilles.
00:42En fait il n'y a pas de gaspillage, simplement il y a 10 ans, nous étions le premier exportateur mondial,
00:47on vendait 1,6 million de tonnes de farine à l'étranger en 1995 et l'an dernier on est tombé à 214 000 tonnes seulement.
00:56En 2024 avait été une mauvaise année de récolte.
00:59C'est vrai, la pire depuis 30 ans, mais le problème n'est pas là, en fait le souci c'est le coût de la transformation du blé en farine.
01:06Vous allez voir que le parcours de cet épi de blé est dingue.
01:10Nous le moissonnons en ce moment en France.
01:12Il quitte le pays pour être transformé en farine en Belgique ou en Allemagne.
01:16Et il revient chez nous sous forme de paquets d'un kilo,
01:20des paquets vendus 30 à 40 centimes de moins que ceux qui ont été produits en France.
01:24L'an dernier, on a sorti 4 millions de tonnes de nos moulins et on en a importé 400 000 tonnes.
01:30Nous sommes importateurs nets depuis 2018, c'est ce que signalait d'ailleurs Emmanuel Ducro dans le journal L'Opinion hier.
01:36Et comment ça s'explique Martial ?
01:3760% de nos moulins sont trop petits, trop vieux, ne sont pas rentables.
01:41A côté les Allemands ont des machines de guerre capables de moudre 200 000 tonnes par an.
01:46Ils ont 15 moulins de ce type quand nous n'en avons qu'un seul dans le pays.
01:49Évidemment, on fait des économies d'échelle en produisant beaucoup au même endroit.
01:53Un quart des paquets de farine que nous achetons dans les grandes surfaces,
01:57sous marque distributeur, viennent de l'étranger.
02:01Et si vous voyez un petit drapeau bleu-blanc-rouge sur le paquet, ce n'est pas un mensonge.
02:05Le blé était bien français à l'origine, mais il a été transformé en Allemagne.
02:09Et malgré le transport, il est quand même moins cher.
02:11Et nos clients internationaux n'achètent plus notre farine ?
02:14Nos clients internationaux se sont émancipés.
02:16Et l'Afrique écrase son blé et les autres céréales désormais.
02:20Ça lui coûte moins cher et ça lui permet d'être un peu moins dépendante de certains pays producteurs en Occident.
02:25C'est un moyen de réduire le risque d'émeute de la faim, comme on en a connu il y a une dizaine d'années.
02:30La Turquie est aussi devenue le premier marchand de farine au monde,
02:33parce qu'elle, elle a des prix très bas en travaillant à partir du blé russe.
02:37Finalement, qu'est-ce qui nous reste en France ?
02:39La France, son image, bien sûr, de qualité.
02:41Aujourd'hui, nous sommes leaders sur les farines haut de gamme pour les boulangeries artisanales à la française, comme on dit.
02:48Un boulanger français sur trois est encore un artisan, alors que c'est 1 sur 5 en Allemagne.
02:52Il faudrait maintenant investir pour rendre notre production plus compétitive.
02:56On garde l'excellence, comme souvent.
02:59Ce n'est plus un marché de niche, mais un marché de miche.
