Intoxication alimentaires E. Coli dans l'Aisne : devant l'ampleur de l'affaire, le pôle santé du parquet de Paris est saisi de l'enquête. Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 01 juillet 2025.
00:05Il est 8h18 l'interview d'Amandine Bégaud alors que l'on n'a toujours pas bien compris la cause des intoxications alimentaires en série à Saint-Quentin dans l'Aisne.
00:12Et parce que vous avez envie de comprendre ce qu'il se passe, Amandine, vous avez choisi d'inviter ce matin Laure Bécouot.
00:18C'est la procureure de Paris qui vient de récupérer le dossier. Bonjour et bienvenue à vous.
00:22Bonjour et merci d'être avec nous ce matin.
00:25Je voudrais d'abord qu'on fasse un point sur le nombre de victimes.
00:28On était à 29 cas dimanche soir ou en est-on mardi matin ?
00:31Aujourd'hui, le chiffre précis, c'est de 30 cas qui nous ont été signalés au cours de ce qu'est l'enquête épidémiologique.
00:40C'est-à-dire que chaque cas qui se manifeste désormais dans un centre hospitalier est repéré et analysé.
00:46Et donc, ce sont 30 cas de contamination à cette bactérie E. coli qui nous sont désormais connus dans le cadre de l'enquête que nous avons repris au pôle de santé publique.
00:5530 cas, un décès, cette petite fille de 11 ans, la petite Élise, 30 cas et 29 enfants en tout ?
01:05Oui, c'est ça. Sur les âges, on est entre, pour la plus petite, 11 mois et une personne plus âgée, puisqu'elle est née en 1951, donc âgée de 73 ans.
01:15Tout ça depuis le 12 juin. On évoquait la petite Élise, bien sûr, qui est décédée le 16 juin. Comment vont les autres aujourd'hui ?
01:21Alors aujourd'hui, il reste peu de personnes hospitalisées. Un certain nombre de personnes restent sous surveillance à domicile.
01:27Et au regard des chiffres qui m'étaient donnés hier, il y avait encore 7 personnes hospitalisées, mais un certain nombre étaient sortantes dans les jours prochains.
01:36Chaque jour, on a l'impression que cette liste de victimes s'allonge.
01:41Les derniers cas ont été identifiés ces toutes dernières heures.
01:44Et on n'a toujours aucune explication très précise. On va essayer de comprendre tout ça avec vous.
01:48Est-ce que vous avez la certitude, madame, ce matin, que ces intoxications sont liées à de la consommation de viande ?
01:54Au regard de la nature et du type de la bactérie qu'on a identifiée, c'est l'hypothèse la plus probable.
02:00Encore une fois, dans le cadre de cette enquête de santé, puisqu'il y a deux enquêtes qui se déroulent parallèlement,
02:05mais qui vont avoir des ponts entre elles, c'est l'enquête de santé, dite épidémiologique,
02:10et l'enquête judiciaire qui est sous mon contrôle, si je puis dire.
02:13Et donc, cette enquête épidémiologique détermine effectivement que cette bactérie E. coli, dans sa structure,
02:20a pour origine plutôt une contamination à la consommation de viande.
02:24On sait quel type de viande ou non ?
02:25Pas de type de viande, mais ce qu'on sait, c'est qu'on commence à connaître le type de cette bactérie.
02:32Et donc, ce qu'on est en train de faire au niveau santé publique, ce qui nous servira évidemment dans le cadre de l'enquête judiciaire,
02:38c'est de séquencer le génome.
02:40En fait, on veut presque ce que je qualifierais d'empreinte digitale de cette bactérie.
02:44Le phénomène unique qui nous permettra donc de déterminer avec certitude que l'ensemble des victimes,
02:50dont je vous ai dit le nombre, a été contaminé avec la même bactérie.
02:54Et ensuite, on fera la comparaison sur ces mêmes séquençages de génome de la bactérie,
02:59avec les prélèvements qu'on a effectués dans les boucheries qui ont été ciblés,
03:03parce que là, les familles ont été entendues, et on a fait des points communs sur leurs achats de viande.
03:09C'est comme une enquête judiciaire, on tire un fil, on interroge tout le monde,
03:13et on essaye de faire des points communs, et de voir, comme disent souvent les enquêteurs, où est-ce que ça matche.
03:19Il y a six boucheries qui ont été fermées, cinq boucheries précisément,
03:24plus un rayon boucherie d'un magasin intermarché.
03:27Lui, il a été autorisé à rouvrir, ça veut dire qu'il n'y avait pas la bactérie.
03:32Ça veut dire que dans les cinq autres boucheries, on a trouvé cette bactérie ?
03:35Alors, on a trouvé une bactérie E. coli, mais il faut savoir encore une fois que la bactérie E. coli, on la trouve partout.
03:41Chaque individu en a même dans son intestin.
03:44La difficulté, c'est qu'il y a des bactéries E. coli qui sont dites pathogènes.
03:48Et c'est ces bactéries pathogènes qui provoquent les syndromes qu'on a connus,
03:53notamment neuf cas sévères qui se sont avérés dans le cadre de ce dossier.
03:56Les cinq boucheries qui restent fermées n'ont pas le même fournisseur, ça veut dire que ça ne vient pas du fournisseur ?
04:01L'enquête le déterminera.
04:03C'est-à-dire que là, du coup, on tombe dans l'enquête judiciaire.
04:07Ce qu'il faut savoir, c'est que le pôle de santé publique s'est saisi. Pourquoi ?
04:10Il s'est saisi d'abord en raison du nombre des victimes, de la complexité des investigations.
04:14On en a déjà une idée au cours de notre échange.
04:17Mais aussi parce qu'ensuite, il va falloir analyser la réglementation applicable.
04:22Et au cours du parcours de production de la viande, la réglementation n'est pas la même.
04:28Elle n'est pas la même sur celui qui, je veux dire, l'éleveur.
04:31Elle n'est pas la même sur celui qui abat l'animal.
04:34Elle n'est pas la même sur celui qui la transporte, etc.
04:37Donc, au cours de cette enquête judiciaire, on confondra les responsabilités et les comportements de chacun
04:43aux règles qui leur sentent applicables.
04:45Les derniers cas remontent à ces toutes dernières heures.
04:49On le disait, première intoxication identifiée le 12 juin.
04:53On est le 1er juillet.
04:56Le dernier cas, c'est le 30 juin.
04:58Ça fait 18 jours.
04:59Ça paraît extrêmement long.
05:00Est-ce que vous redoutez encore d'autres cas ?
05:02Alors, il ne faut pas penser qu'on n'est pas dans un phénomène épidémique.
05:07C'est-à-dire qu'on ne va pas s'auto-contaminer et ça ne va pas se développer.
05:10Le point d'origine, il est similaire et on peut, grâce encore une fois à cette enquête,
05:14dire que c'est vraisemblablement parmi les 6 boucheries, et plutôt les 5, qui restent désormais fermées.
05:22Maintenant, le point de départ de la contamination est la consommation de la viande.
05:26Donc, imaginez qu'une personne ait acheté le 2 juin, qu'elle congèle cette viande,
05:31qu'elle la décongèle et qu'elle la consomme maintenant.
05:34Eh bien, on peut voir apparaître de nouveaux cas, mais pourtant, le point de départ, il est unique.
05:38Donc, ce qu'il faut savoir, c'est que le point, je dirais, de développement et d'apparition des symptômes,
05:45il est entre 10 et 15 jours.
05:47Donc, vous voyez, là, on est dans la baisse de l'apparition des nouveaux symptômes.
05:50Les deux derniers, comme je vous l'ai dit, c'est de la contamination secondaire, c'est par les mains.
05:54C'est-à-dire qu'une personne contaminée a dû, c'est le cas plus fréquent, sortir des toilettes sans bien se laver les mains,
06:01et tenir les mains d'une autre personne qui, du coup, va être contaminée en contamination secondaire.
06:06Et c'est pour ça que l'Agence régionale de santé recommande un plus que jamais ces gestes qui nous paraissent extrêmement simples,
06:12mais se laver systématiquement les mains après être allé aux toilettes et avant de faire la cuisine.
06:17On le disait, c'est extrêmement long.
06:18On a compris, Madame la procureure, qu'effectivement, il y avait toute cette enquête et ces fils à dénouer.
06:25Est-ce que vous savez aujourd'hui à peu près quand vous pourrez dire d'où vient cette contamination ?
06:31Et rassurer surtout tous les habitants de Saint-Quentin dans l'Aisne, on avait la maire de la commune la semaine dernière
06:36et qui nous le disait, il y a une vraie inquiétude sur place.
06:40Alors, je pense que déjà l'inquiétude, elle doit baisser parce qu'encore une fois,
06:43le simple constat depuis la découverte de cette contamination qui, je le rappelle, date du 12 juin,
06:49donc avec des réactivités des autorités sanitaires qu'il faut saluer quand même.
06:54On est pour le coup dans un pays où les phénomènes épidémiologiques sont analysés de façon extraordinaire.
07:00Mais je dirais que je pense avoir des résultats plus précis de séquençage du génome,
07:04vraisemblablement au milieu de semaine, c'est-à-dire mercredi.
07:07Je sais que l'ensemble des magistrats du pôle santé publique...
07:09Donc demain ?
07:10Voilà. Oui, nous sommes déjà à mardi, donc c'est demain.
07:12Voilà, c'est ça.
07:13Vraisemblablement mercredi où nous aurons un certain nombre de résultats plus précis,
07:18sauf difficultés dans les analyses, mais qu'on ne m'a pas signalées.
07:20Alors, Bécaud, Gérald Darmanin était assis à votre place, ici même, sur RTL,
07:26ministre de la Justice, qui évoquait hier la révolution qu'il souhaite mener en matière de peines.
07:31Il finit le sursis, il souhaite réduire le nombre de peines.
07:34Il veut en finir aussi avec l'aménagement des peines de moins d'un an
07:38et arriver finalement à un modèle comme ce qui existe en Allemagne,
07:41ce qu'il nous expliquait, c'est 3 à 5 peines maximum,
07:44contre 235 aujourd'hui à disposition des magistrats en France.
07:48Est-ce que vous y êtes favorable, vous, en tant que procureur ?
07:50Ce qui me semble important de redéfinir aujourd'hui dans le système d'exécution des peines,
07:58c'est, je dirais, la certitude de l'exécution de la peine.
08:02Et en ce sens, la réflexion qui est amorcée, je dirais, par le ministre de la Justice,
08:07m'apparaît correspondre aux attentes des praticiens.
08:10C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce qu'il faut mettre en évidence,
08:14c'est que les peines prononcées doivent pouvoir être prononcées dans une temporalité rapprochée des faits,
08:20parce que sinon ça peut provoquer un sentiment d'impunité d'une certaine manière,
08:25et puis aussi des attentes des victimes qu'on ne saurait admettre.
08:28Mais surtout, il faut qu'une fois que la peine est prononcée, elle ait un sens.
08:32Aujourd'hui, peut-être qu'on a trop privilégié un regard immédiat de l'aménagement de peine,
08:38donc il faut déjà se dire, eh bien, on exécute la peine,
08:41et ensuite les juges d'application des peines reprennent leur rôle en l'aménageant si nécessaire.
08:47Après, il faut savoir que tout ça sera des conséquences.
08:50Aujourd'hui, vous le savez, les magistrats et l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire
08:55sont très préoccupés par les sujets de la surpopulation carcérale.
09:00Dans le ressort de Paris, il y a le Paris de la Santé, comme on dit,
09:04le taux d'occupation est de 177% au moment où je vous parle.
09:09Si on exécutait immédiatement, sans aménagement, les peines de moins d'un an,
09:13il y a à l'heure actuelle, à Paris de la Santé, 1261 détenus.
09:16Si j'exécutais l'ensemble des peines de plus d'un an qu'on a aménagées l'année dernière,
09:22ça ferait 1200 détenus.
09:25C'est-à-dire que je doublerais la population carcérale de Paris de la Santé.
09:28Ce que vous dites ce matin au ministre, c'est pourquoi pas, mais construisez des places,
09:32parce que sinon on ne pourra pas le faire.
09:33Pourquoi pas ce raisonnement de sens de l'exécution de la peine,
09:37après sans exclure l'aménagement,
09:40parce que l'aménagement de la peine, c'est aussi un moyen d'empêcher la récidive
09:44quand on tient compte de la personnalité.
09:46Mais il faut peut-être le sortir de son automaticité
09:49qui crée l'incident de l'aménagement.
09:52Aujourd'hui, les juges d'application des peines disent qu'ils ne sont plus les juges du projet
09:55qu'ils sont les juges de l'incident.
09:57Il faut les faire redevenir les juges du projet.
10:00Vous évoquiez la prison de la Santé.
10:01Juste un mot avec la canicule.
10:06177 de taux d'occupation.
10:08On imagine des conditions extrêmement difficiles.
10:10Est-ce que vous avez reçu au parquet de Paris des consignes
10:12pour limiter les placements en détention ou autre ?
10:14Nous n'avons pas reçu de consignes particulières à cet égard.
10:17Mais évidemment, nous sommes conscients,
10:19parce que nous sommes en relation quotidienne
10:22avec le personnel de direction de la maison d'arrêt, son greffe,
10:26et nous savons à quel point les conditions sont rudes.
10:30Il y a aujourd'hui, toujours pour ne parler que de Paris la Santé,
10:3568 matelas au sol et 71 cellules triplées.
10:41Vous connaissez la température dans les cellules ?
10:43Je sais qu'elle est pire que celle que nous connaissons à l'heure actuelle
10:47et qu'elle va monter aujourd'hui.
10:49Donc il y a des choses qui sont mises en place pratiquement
10:52pour alléger la difficulté,
10:54mais nous, nous sommes très attentifs
10:56à ne pas augmenter cette surpopulation carcérale.
10:59Ce qu'il faut savoir, si vous le permettez,
11:01c'est qu'à Paris la Santé,
11:03il n'y a que 42% des personnes qui sont en exécution de peine.
11:06Le reste, ce sont des gens qui sont en détention provisoire,
11:09soit parce que détenus par des juges d'instruction,
11:11soit parce qu'on attend de leur décision de jugement.