00:00Europe 1, Pascal Proué, de 11h à 13h sur Europe 1 Pascal avec votre invité en ligne, Gilbert Collard, ancien député européen, Rassemblement National.
00:08Bonjour M. Collard, pour parler de la justice en France.
00:11Bonjour, bonjour.
00:12Comment expliquer à ses enfants que le meurtrier de son papa ne va pas en prison ?
00:15Les mots de Christelle Gervais, son mari Alban a été tué le 10 mai 2022 d'une dizaine de coups de couteau devant l'école catholique de ses enfants à Marseille.
00:25Il venait récupérer ses deux garçons de 3 et 7 ans quand il a été sauvagement attaqué dans sa voiture.
00:31Sa fille de 20 mois se trouvait derrière sur le siège auto.
00:34Le meurtrier Mohamed El a été déclaré pénalement irresponsable, décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
00:41On peut peut-être écouter d'ailleurs Christelle Gervais avec nos confrères du Figaro, elle raconte l'attaque au couteau.
00:49Une partie de l'agression a lieu dans le véhicule où Alban se trouve avec ma fille qui est dans le siège auto à l'arrière.
00:54Il y a un deuxième temps d'agression qui a lieu devant la fenêtre de la porte.
00:58Puis le meurtrier va poursuivre Alban sur une vingtaine de mètres à peu près, le pousser dans un laurier et continuer à le poignarder.
01:05Il a dit qu'il l'avait tué au nom de Dieu, laissez-moi le finir, c'est le diable, je l'ai tué au nom de Dieu.
01:09On apprendra ensuite qu'effectivement par contre il est consommateur de cannabis et d'ailleurs il est positif au cannabis au moment de l'agression.
01:15Et puis il y a le parcours du meurtrier, ses déclarations et Christelle Gervais, je le répète,
01:20elle a pris la parole avec nos confrères du Figaro. Il y avait une interview dans le papier, dans le journal Le Figaro.
01:27Et puis il y avait également ces sons qui ont été mis sur le site de notre confrère.
01:32Écoutez Christelle Gervais.
01:34Au moins d'une heure auparavant, en fait, le meurtrier d'Alban va se présenter devant l'école des Lilas,
01:40qui est en haut de la rue de Sévigny, à peu près 800 mètres.
01:42Et il va entrer dans le véhicule sur le siège passager d'une enseignante de l'école.
01:47Exactement ce qu'il fait pour Alban, un appel à la police va être passé par la directrice de l'école,
01:52avec finalement très peu de réaction.
01:54À ce moment-là, le meurtrier d'Alban se déplace et donc il va se retrouver devant l'école Sévigny
01:58ou va refaire la même chose.
02:00Il a dit qu'il l'avait tué au nom de Dieu, laissez-moi le finir, c'est le diable, je l'ai tué au nom de Dieu.
02:04On apprendra ensuite qu'effectivement par contre il est consommateur de cannabis
02:08et d'ailleurs il est positif au cannabis au moment de l'agression.
02:11Il a été placé en unité malade difficile en août, début août 2022.
02:15Et très vite, en fait, la question de la psychiatrie, enfin de l'aspect psychiatrique va se poser.
02:20Tout le reste devient moins important quand même, en fait.
02:22Il va savoir nous dire qu'il ne savait plus qui il était, qu'il n'était plus lui-même,
02:27qu'il s'est retrouvé devant la timone, qu'il était perdu, qu'il ne savait plus où aller.
02:30Et puis quand on va lui poser des questions sur ce qui s'est passé dans la voiture, là, il ne sait plus.
02:35Vraiment, sa réponse est je ne sais pas, je ne sais pas, je n'étais pas moi-même.
02:38Il nous a répété ça de nombreuses fois.
02:39Par contre, voilà, il sait nous dire qu'il a entendu des voix.
02:42J'ai quand même la sensation d'une mémoire très sélective.
02:44Christelle Gervaise, l'épouse de Alban Gervaise, qui a donc été tué en 2022.
02:52Elle a également écrit une lettre bouleversante qui a été publiée sur les réseaux sociaux.
02:56Alban, pendant plus de 20 ans, tu as offert à ton pays tes talents exceptionnels de médecin, de radiologue.
03:01J'espère qu'un jour ton pays, que tu aimais tant et auquel tu étais si fidèle,
03:05te demandera pardon, pardon d'avoir permis ton agression pourtant évitable,
03:10pardon aujourd'hui de te laisser mourir pour rien,
03:13pardon un jour de permettre à ton meurtrier de briser d'autres vies.
03:17Ton meurtrier, dans la mémoire sélective, lui permet d'oublier ce qui pourrait le rendre condamnable.
03:21La justice a demandé à ce que ce monsieur soit en hôpital psychiatrique sans préciser la durée.
03:29Donc il peut sortir dans deux mois, pourquoi pas, si on juge qu'il était irresponsable durant l'acte,
03:37mais peut-être peut-il retrouver une forme de responsabilité qui permettrait qu'il sorte,
03:42ce qui est quand même extrêmement inquiétant.
03:44Donc Gilbert Collard, je voulais votre avis pour commencer cette prise de parole.
03:48Oui, écoutez, malheureusement dans ma carrière, j'ai rencontré par deux fois des fous
03:55qui ont donné un sens très particulier à ce qu'on appelle la folie.
04:02Je vous le raconterai en 30 secondes tout à l'heure.
04:04Mais ce qu'on peut dire d'entrée, c'est que quand il n'y a pas de procès, il n'y a pas de justice.
04:09Voilà. Donc Alban Gervaise, 40 ans, père de fils, n'aura pas droit à la justice.
04:21Quand les psychiatres décideront que Mohamed, elle, est guéri, il sera dehors.
04:27Permettez-moi de vous raconter ce que j'ai vécu.
04:30J'ai été l'avocat du père d'Anne Pavageau.
04:33On l'a oublié, bien sûr, parce que les morts s'oublient vite en France.
04:37Enfin, policière, tuée par un individu à coup de sabre japonais
04:41alors qu'elle assurait la garde d'une préfecture à Bourges.
04:46Il a été déclaré l'assassin fou.
04:50Abolition du discernement.
04:53Le père de la victime, trois ans après ou quatre ans après,
04:57se promène dans les rues et y croise l'assassin.
05:01Il avait été remis en liberté, moins de quatre ans après l'effet.
05:09Remis en liberté, non, pardon, déclaré guéri.
05:13Alors, je pourrais aussi évoquer l'affaire des infirmières de Bourges,
05:17dont je me suis occupé.
05:19Là aussi, Romain Dupuis, qui a décapité une infirmière,
05:26qui était déjà en état de soins,
05:30n'est plus du tout dans une unité spécialisée.
05:34Il est maintenant dans une unité dite...
05:36J'ai fréquenté trop de...
05:42On va sécuriser la ligne,
05:44parce qu'il y a des crachouillis sur la ligne,
05:47ce qui fait qu'on n'a pas entendu ce que vous disiez à l'instant.
05:50Je ne sais pas si elle est déjà sécurisée ou pas, la ligne.
05:52Non, laissez-moi quelques instants.
05:53Est-ce que nous écoutons un auditeur, peut-être, qui est avec nous ?
05:58Et est-ce que cet auditeur...
06:00Sans quoi je peux vous faire écouter plus longuement Christelle Gervais,
06:04ce qu'elle disait, comment expliquer à ses enfants, bien sûr.
06:10Mais d'abord, écoutez ce qu'ont dit les autres experts.
06:13On a aussi un psychiatre qui écrit
06:15« Je n'ai aucun argument, ce jour, pour une pathologie psychiatrique sévère ».
06:19Il y a un expert psychologue qui l'a vu en expertise,
06:22qui nous dit qu'on est probablement sur une bouffée délirante aiguë,
06:25mais qu'il ne peut pas exclure une simulation
06:27visant à éviter une condamnation pénale.
06:29Les psychiatres, dans leurs expertises,
06:31parlent déjà de sa future réinsertion dans la société.
06:35Les experts psychiatres vont quand même aller jusqu'à nous dire
06:38que le risque de récidive de l'individu,
06:41c'est vraiment impossible à prévoir,
06:43c'est comme un infarctus du myocarde.
06:44Mais finalement, la question de la responsabilité des psychiatres
06:47qui vont le faire sortir,
06:48on m'a quand même répondu « Oui, mais si on fait ça,
06:51on n'aura plus aucun psychiatre qui voudra prendre en charge ses patients ».
06:54Et comment expliquer tout ça à ses enfants ?
06:56Christelle Gervais pose la question.
06:58Comment expliquer à ses enfants
06:59que le meurtre crié de son papa ne va pas en prison,
07:03mes enfants sont aussi, depuis le début, ont très très peur en fait.
07:07Je pense que la confiance en la justice est quand même altérée.
07:12On est aussi condamnés, finalement, à avoir peur tous les jours
07:15de voir que Mohamed, elle, est passé à l'acte de nouveau.
07:18Et 11h26, on marque une pause.
07:20Gilbert Collard sera avec nous.
07:22A tout de suite.
07:23Et vous pouvez aussi réagir au 01-80-20-39-21.
07:26Vous écoutez Pascal Praud sur Europe 1.
07:28Merci beaucoup, Émilie Dazin, 11h32.
07:3211h-13h.
07:33Pascal Praud sur Europe 1.
07:34Et nous étions avec Gilbert Collard.
07:36On a été interrompu parce que la liaison n'était pas formidable,
07:39mais elle est rétablie.
07:40Gilbert, vous êtes avec nous.
07:41Oui, alors je ne sais pas à quel moment on a été interrompu,
07:46mais pour éclairer la question de ce qu'on appelle les criminels fous,
07:52j'ai été amené à m'occuper de l'affaire Anne Pavageau.
07:56Donc ça, vous nous aviez dit, Anne Pavageau,
07:59et après, vous nous aviez parlé, effectivement, des infirmières.
08:03Voilà, les fameuses infirmières, les malheureuses infirmières de Pau.
08:06Alors, je vous disais, c'est ce que ça rejoint exactement à votre propos de tout à l'heure,
08:12c'est que le meurtrier, Romain Dupuis,
08:15qui était placé dans une section très fermée, très spécialisée, très contrôlée,
08:20vient d'être, sur décision du juge des libertés,
08:24placé dans une unité classique.
08:27C'est-à-dire que maintenant, il s'achemine probablement vers une possible,
08:31je ne dis pas qu'elle aura lieu, vers une possible libération.
08:34Ce qui veut dire que cette décision dépend des psychiatres.
08:39Or, l'état de la psychiatrie générale et judiciaire en France est délabré.
08:44J'ai vu, j'ai vu au procès moitoiré,
08:47l'assassin du petit Valentin, tué de 41 coups de couteau,
08:517 ou 8 psychiatres à l'audience,
08:54se traitaient de tout,
08:56s'insultaient à tel point que le président a dû intervenir pour les séparer.
08:59On était chez Molière.
09:01Les uns disaient, il est fou, les autres disaient, il ne l'est pas.
09:03Alors, comment peut-on décider,
09:07à partir d'une matière, la psychiatrie, qui n'est pas une science,
09:13qu'un individu qui peut simuler, qui peut tricher,
09:15alors qu'on n'a pas des critères de décision...
09:16Donc, la conclusion de ce que vous dites, c'est qu'aucun criminel ne devrait être déclaré irresponsable pénalement,
09:26et que quoi qu'il arrive, il devrait y avoir un procès.
09:29C'est ça la conclusion de ce que vous dites ?
09:31Mais pour une raison très simple, Pascal, qui devrait venir à l'esprit de tous les démocrates,
09:36c'est qu'être fou, ça ne veut pas dire être coupable.
09:39Et que s'il n'y a pas de procès, un individu qui est déclaré fou et qui est innocent,
09:45ce sera un fou coupable.
09:47Il faut un procès.
09:47C'est des dispositions qui existent dans tous les droits du monde, si j'ose dire,
09:53dans toutes les justices du monde,
09:54où c'est une spécificité française d'être irresponsable pénalement ?
09:58Non, non, non, non, c'est pas qu'en France,
10:00mais il y a des pays quand même où il y a des...
10:02Ce qu'il faut, c'est le procès.
10:04Alors, après, les juges décident si le criminel est faux ou s'il ne l'est pas.
10:11Du reste, la règle, c'est que le juge n'est pas tenu par l'avis du psychiatre.
10:16C'est clair.
10:17Ça, il faut le dire et le répéter.
10:19Le juge n'est pas tenu par l'avis du psychiatre.
10:22Donc, il faut un procès.
10:23Ce sont les jurés qui décident.
10:24Là, cette décision, elle est susceptible d'un appel ou de quelque chose, non ?
10:30Non, non, non.
10:31Donc, c'est la chambre de l'instruction de la cour d'appel.
10:33En plus, c'est la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix.
10:35Donc, il n'y aura jamais de procès, quoi qu'il arrive.
10:37C'est fini.
10:37Non, non, non.
10:38Alors, tout ce qu'il peut y avoir, c'est une espèce d'audience fictive devant la chambre de l'instruction
10:43pour n'aboutir à rien.
10:46Ça ne modifiera rien.
10:47Donc, c'est fini.
10:48Mais il n'y aura pas de procès.
10:49Donc, Christelle Gervaise, elle devra expliquer à ses enfants plus tard que le meurtrier de son mari n'a pas été condamné.
10:56C'est un fantôme.
10:57C'est un fantôme qui n'existe pas.
10:59Qui n'a pas été condamné un jour, peut-être.
11:01Elle ne le connaît pas.
11:02On remarquera également, Gilbert Collard, qu'il y a des victimes dont on parle et des victimes dont on ne parle pas.
11:09Des cas, effectivement, qui sont médiatisés et d'autres qui ne le sont pas.
11:12Il n'y aura pas de collectif pour Christelle Gervaise.
11:16Il n'y aura pas un écrivain qui prendra la parole pour écrire son histoire.
11:20Il n'y aura pas autour d'elle des médias qui rapporteront...
11:24Elle est abandonnée.
11:25Oui, elle est seule.
11:26Elle est complètement abandonnée.
11:27J'ai des retours.
11:30J'ai des amis qui connaissent...
11:31D'abord, Alban était, d'après ce qu'on m'a raconté, un homme merveilleux.
11:35Merveilleux, mais d'une générosité, d'un dévouement, d'une gentillesse incroyable.
11:41Et la famille a été complètement abandonnée.
11:45C'est ça qui est dégueulasse.
11:46C'est que d'un côté, c'est le folklore de la pleurnicherie.
11:50Et puis de l'autre, c'est le dédain, l'abandon.
11:52C'est insupportable, franchement.
11:54Ce n'est pas acceptable.
11:56Ce n'est plus acceptable.
11:58Je pense que tout cela qui m'assert dans la société française
12:03peut, à un moment, évoluer.
12:05Sans doute parce que les uns et les autres ont la perception.
12:08Ils se rendent bien compte qu'il y a des victimes, je le répète, dont on parle,
12:11des victimes dont on ne parle pas.
12:13Donc, quelle sera la conclusion de cela ?
12:15Ce sera peut-être aux prochaines élections présidentielles
12:21qu'on verra comment les Français se prononceront.