Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • aujourd’hui
Esther Perel, psychothérapeute spécialiste des relations amoureuses, était l'invitée de France Inter, mercredi 25 juin. Elle est en résidence à Paris jusqu'au 27 juin 2025.

Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Et Léa, ce matin, vous recevez une spécialiste de l'amour.
00:04Bonjour Esther Pérel.
00:05Bonjour.
00:06Merci d'être avec nous ce matin, on est très content de vous recevoir et de vous faire connaître au public français
00:10parce qu'aux Etats-Unis, vous êtes une star, vous êtes l'experte en relations amoureuses la plus connue du monde selon le New York Times.
00:17On va parler de votre parcours passionnant, étonnant, mais d'abord mes questions rituelles.
00:22Si vous étiez un couple idéal, un livre et un pays, vous seriez qui, vous seriez quoi ?
00:29Un couple idéal serait le couple qui, à la fois, sait se protéger et se donner la sécurité qu'on a besoin
00:39et à la fois se donner la liberté et l'espace pour s'accomplir chacun.
00:43Mais vous avez une image de couple idéal, de rôle modèle ?
00:47Non, je vais vous dire mieux encore. Je pose cette question systématiquement.
00:51Quels sont les couples qui vous inspirent ?
00:53C'est pour ça que je vous la pose.
00:55Généralement, les gens en ont très très peu.
00:57J'ai deux, trois amis auxquels je pense quand je réponds à cette question,
01:01mais je n'ai pas de nom connu pour dire voilà qui je voudrais être.
01:05Un livre ?
01:07Un Man's Search for Meaning, la recherche du sens de Viktor Frankl.
01:12Un pays ?
01:13Un pays, le Brésil.
01:15Pourquoi ?
01:16Parce que c'est un pays de syncrétisme, à la fois culturel, religieux, artistique, musical.
01:25On ne peut pas ne pas être sensible au Brésil.
01:29Le syncrétisme, c'est un peu l'histoire de votre vie, Esther Perel.
01:31La France, vous ne connaît pas encore, mais vous êtes un phénomène vraiment aux Etats-Unis,
01:35où vous vivez depuis 40 ans.
01:37L'une des psys les plus célèbres.
01:39Vous vous êtes reçus dans tous les talk shows de la télé américaine.
01:41Vous avez 2 millions d'abonnés sur Instagram.
01:43Votre podcast est écouté par 15 millions de personnes.
01:45Vos conférences TED sont vues par 25 millions de personnes.
01:49Vos livres sont des best-sellers.
01:51Mais tout ça, ce parcours, ce n'était pas du tout écrit.
01:54Puisque vous êtes né à Louvain, en Belgique.
01:57Vous avez grandi à Anvers, de parents polonais, juifs polonais.
02:00Comment vous êtes devenue la docteure love préférée des Américains ?
02:05Ça n'a pas été immédiat, ce parcours.
02:09Non, mais j'ai pratiqué...
02:12En fait, c'est très simple.
02:13J'ai pratiqué pendant 35 ans dans mon cabinet à New York.
02:17J'enseigne dans le monde entier.
02:19Donc, ce n'était pas uniquement aux Etats-Unis.
02:21J'ai déjà enseigné en France aussi.
02:23Mais après les TED Talk, j'ai décidé qu'il y avait un besoin
02:27d'ouvrir les portes du cabinet.
02:29de faire rentrer toutes les personnes dans le cabinet
02:31qui ne peuvent généralement pas y avoir accès.
02:33La thérapie, ce n'est pas toujours démocratique.
02:35C'est souvent très cher.
02:37Et de donner la possibilité d'entendre les révélations
02:41et les insights que les gens ont dans le cabinet.
02:44Et donc, j'ai commencé à donner des conférences au grand public.
02:47Après TED.
02:48Après les conférences TED.
02:50Après la première conférence TED.
02:52Là, effectivement.
02:54Elles ont chacune 25 millions.
02:55Et je me suis dit, si les gens ont vraiment envie d'écouter tout ça,
02:58il faut que je trouve un moyen pour avoir une conversation directe.
03:02Mais vous, comment vous atterrissez aux Etats-Unis ?
03:04Comment vous choisissez la psychanalyse, la psychothérapie
03:08alors que vos parents étaient...
03:09Ils avaient un magasin, c'est ça ?
03:13Ils habitaient en Belgique.
03:15Comment on arrive à ça ?
03:17Alors, j'ai grandi au-dessus du magasin.
03:20J'ai appris à servir les gens à ranger, à travailler dès que je pouvais parler.
03:25Mais j'ai très vite été intéressée à la psychologie et surtout aux relations humaines.
03:29À cet aspect-là de la psychologie.
03:32Pour le bien et pour le mal.
03:34Mes parents étaient des réfugiés.
03:36Mes parents sont des rescapés de la Shoah.
03:38Et toute la communauté dans laquelle j'ai vécu.
03:40Et j'ai aussi été très intéressée de...
03:43Qu'est-ce qui fait que certaines personnes survivent et d'autres personnes se remettent à vivre ?
03:47Qu'est-ce que c'est que cet élan vital ?
03:49Et je l'ai gardé en tête quand j'ai commencé à travailler avec des couples.
03:52Je n'ai jamais été psychanalyste.
03:53Je suis systémique.
03:54Je travaille avec des couples et des familles.
03:56Et je suis ce que vous appelez en France une ethno-psychologue.
03:58Oui.
03:59Et comment...
04:00D'où naît cet élan vital ?
04:02Et chez vous, ou dans votre communauté, c'est aussi lié à l'érotisme et à la sexualité.
04:07On va en parler.
04:08Mais vous dites...
04:09J'ai lu ça dans Le Point, je crois.
04:11J'ai toujours imaginé que je ferais quelque chose d'important dans ma vie.
04:14Oui.
04:15Vous le saviez, ça.
04:16Oui.
04:17Enfin, je le savais.
04:17Je le voulais.
04:19Je ne savais pas si j'allais le faire.
04:20Mais je me souviens, j'avais 8-9 ans.
04:22J'étais dans mon lit.
04:24Je réfléchissais.
04:24Je me disais, moi, en fait, je suis une sorte d'enfant miracle.
04:29Mes parents sont les seuls survivants de toute leur famille.
04:32Je vis pour des centaines de gens qui n'ont pas pu survivre.
04:36Il ne faut pas que je sois là à rien faire.
04:38Je vais faire quelque chose qui compte, quelque chose d'important.
04:41Mais je n'avais aucune idée quoi, ni où, ni comment.
04:43Et le détonateur va être à la fin des années 90.
04:46Donc là, vous avez votre cabinet, vous recevez des gens à New York.
04:49Et puis, éclate l'affaire Monica Lewinsky, Bill Clinton.
04:53Et là, Esther Perel, vous vous demandez pourquoi...
04:56Il y a plein de questions qui vous interrogent.
04:58Pourquoi cette infidélité, cette adultère fait tellement scandale alors qu'on peut divorcer quatre fois et ça ne pose aucun problème ?
05:04Ça vous pousse, ça, et le fait de parler de ce qui se passe dans votre cabinet, de raconter ça, ça vous pousse à écrire un premier livre.
05:11L'intelligence érotique qui deviendra un best-seller.
05:13Puis, vous lancerez votre podcast.
05:15Vous deviendrez une référence.
05:16Vous êtes aujourd'hui une référence sur le couple, l'amour et la sexualité.
05:19Et évidemment, pour la Saint-Valentin, la queen Oprah Winfrey, elle invite Esther Perel.
05:23Beaucoup de gens se préparent à la Saint-Valentin cette semaine.
05:31Et je sais que pour certains, ça fait penser à l'amour ou au manque d'amour.
05:35Mon invité est connu, reconnu comme thérapeute et experte du couple.
05:41Elle l'étudie, le connaît viscéralement, dans son esprit, dans son cœur et dans son cerveau.
05:47Esther Perel dit que toutes nos relations avec nos familles, nos amis, même nos voisins, ont un impact réel sur nos relations les plus intimes.
05:58Esther Perel, je le dis bien.
06:00Pourquoi ce scandale, Clinton-Lewinsky, vous donne envie d'écrire une théorie sur l'infidélité ?
06:06Je me suis dit, en fait, c'était nous les étrangers et les chauffeurs de taxi qui avions une conversation parallèle à ce qui se passait dans la culture, dans la société américaine.
06:19Qui était vraiment ça.
06:20Pourquoi est-ce qu'aux Etats-Unis, on peut se divorcer 4-5 fois d'affilée, se remarier, parce que les Amériens aiment bien se remarier, et personne ne lève un sourcil.
06:28Tandis qu'il y a une infidélité une fois et on est infidèle à vie.
06:32Or, dans les sociétés plus collectives, dans les sociétés où la famille est plus dominante et moins le bonheur individuel,
06:39on a toujours fait un compromis par rapport à l'infidélité, par la générosité des femmes, bien entendu, ou le manque de choix des femmes, je dirais.
06:47Et c'est ça qui fait qu'il y a une attitude assez différente ici, dans certains pays latins, plutôt qu'aux Etats-Unis.
06:54Et je me suis dit, les Américains ne se posent pas cette question.
06:57Ils sont là en train d'émettre leurs opinions, mais en fait, chaque fois je disais « And how is it if a person divorces 4 times ? »
07:05Et qu'est-ce qui se passe quand une personne se divorce 4 fois d'affilée ? Est-ce que ça pose problème ?
07:09Alors on me regardait, je dis « Mais là, vous démantelez tout le système, tout le réseau familial, toutes les relations, et personne ne dit rien, tandis que... »
07:16Une infidélité, et c'est un scandale absolu.
07:19Et c'est là que j'ai commencé à écrire, et j'ai écrit avec une perspective, je dirais, en Amérique, je l'appelle une perspective européenne ou francophone,
07:29mais dans un langage américain.
07:31C'est-à-dire que j'écris avec un vocabulaire qui est accessible, que tout le monde peut comprendre.
07:36Mais vous essayez au fond de diffuser ce qui est notre manière de voir le couple, notre manière européenne ou latine, de voir le couple et la relation à l'infidélité.
07:45Vous le développerez ensuite dans un autre livre qui a aussi cartonné « Je t'aime, je te trompe » chez Robert Laffont.
07:50En fait, le fond de l'histoire, c'est que pour vous, l'infidélité n'est pas forcément une trahison, mais peut-être un moyen de réinventer le couple, de le relancer, de faire une révision du couple.
07:59C'est ça l'idée force que vous développez ?
08:02Non, c'est toujours une trahison. Il y a de la trahison, il y a une souffrance, il y a un déchirement de l'accord, il y a « violation of trust », ce qu'on dit.
08:13Mais il y a aussi le pourquoi, pas juste « ça s'est passé », mais quel est le sens de cette infidélité ?
08:19Et en fait, moi j'étais intéressée que, je vais le lire vite comme ça, dans le premier livre, la question était, les gens viennent chez moi, j'ai toujours un cabinet,
08:30et ils me disent « on s'aime toujours autant, on s'aime, mais on ne fait plus l'amour ».
08:35Et donc, j'ai écrit en fait une thèse sur le désir à long terme, et sur la dynamique entre amour et désir.
08:40Ça arrive la question, sur le désir à long terme.
08:42Et de là, je suis partie à « qu'est-ce qui se passe quand le désir va voir ailleurs ? ».
08:46Et là, j'ai compris qu'en fait, souvent, quand les gens venaient me dire « j'aime, j'ai pas du tout envie de partir, et j'ai une liaison »,
08:53que ce qu'ils disaient aussi, c'était « c'est pas que je voulais quitter la personne avec qui je suis, mais je voulais quitter la personne que je suis moi-même devenue ».
09:00Et en fait, on crée, en fait, même le conflit ou la tension ou la trahison que représente une infidélité peut créer un autre lien.
09:06C'est ça que vous essayez d'expliquer ?
09:07Oui, parce que dans les crises, il y a des opportunités, il y a des couples, c'est le coup fatal et c'est la fin.
09:12Et puis, il y en a d'autres pour qui c'est le jour le plus terrible, le plus douloureux, mais c'est aussi le moment où les choses ont commencé à bouger.
09:19Et une renaissance, du coup.
09:20Une renaissance, ce qui ne veut pas dire que la fidélité est bonne pour le couple, mais ça veut dire que des couples peuvent sortir, tirer quelque chose de bien et de bon.
09:27C'est ça, vous n'êtes pas en train de dire « tromper tout le monde », c'est pas ça que vous dites.
09:30Vous dites « mais peut-être s'il y a une crise, vous pouvez en faire quelque chose », et c'est ça que vous expliquez.
09:34Vous dites aussi « on peut avoir plusieurs mariages dans un même mariage ».
09:37Oui.
09:38Il y a un ou deux ou trois mariages.
09:40En gros, on n'est pas la même quand on se marie à 25 ou à 30 ans qu'une femme de 60 ans.
09:43Vous parlez souvent de vous, puisque vous êtes mariée au même homme, ça fait 40 ans que vous êtes mariée.
09:50Il est psychothérapeute, vous avez deux enfants, et votre histoire d'amour personnel a survécu autant.
09:57Et c'est de là que m'est venue cette idée.
09:59Je me suis dit « aujourd'hui, en Occident, beaucoup de gens auront deux ou trois relations au mariage,
10:04tu dis le mot « mariage » très librement, dans leur vie.
10:09Certains d'entre nous vont le faire avec la même personne.
10:12On va se marier plusieurs fois avec la même personne.
10:13Oui, on va se réinventer, on va se redéfinir, on va récalibrer la relation,
10:19on va raffiner, encore une fois, tout le rapport d'interdépendance qu'il y a dans le couple.
10:25Et soit on peut se changer en étant avec la même personne et on change la relation,
10:32soit on change avec une nouvelle personne.
10:34En fait, c'est ça qui se passe.
10:35On veut changer, on doit changer.
10:37Mais certains d'entre nous arrivent à le faire sans devoir démanteler tout le système qu'on a créé pendant 10, 15, 20 ans.
10:44Vous dites « tout le monde comprend qu'il faut amener la voiture au garage de temps en temps ».
10:47Eh bien, il faut amener le couple au garage de temps en temps pour faire une révision.
10:51Il faut se donner de l'air, il faut réinventer les choses.
10:54C'est ça aussi le message ?
10:56Il faut de l'air pour une flamme, déjà pour commencer.
10:58Bien sûr.
11:00Je pense que très souvent, on se met dans une complaisance, dans une passivité, dans une paresse.
11:07On espère que ce qu'on a mis en place 20 ans auparavant va durer comme ça.
11:12Et après, à un moment, quand on se regarde et on dit « mais il n'y a pas d'énergie, c'est vide, c'est plat, c'est mou, il n'y a pas de communication, il n'y a plus de désir ».
11:20Mais comment est-ce qu'on peut être étonné ?
11:24Tellement de gens, aujourd'hui, apportent le meilleur d'eux-mêmes quand ils vont au travail et ils ramènent les restes à la maison.
11:30À la maison, il ne faut pas faire d'efforts.
11:32À la maison, on peut être avec le visage dans l'écran tout le temps.
11:35Si les gens se comportaient avec leurs partenaires ou leurs compagnons comme ils se comportent avec leurs clients, tout irait mieux.
11:41Et sur les écrans, vous dites « regarder l'écran, c'est ne pas regarder l'autre » aussi.
11:44« Ah mais regarder l'écran, c'est être dans un état de perte ambiguë, permanent, en fait. Est-ce que tu es là ou est-ce que tu n'es pas là ?
11:53Est-ce que quand je te parle, tu m'écoutes ? En anglais, il y a une très belle distinction entre « to be there and to be present ».
12:00Comme la sexualité est au cœur de votre réflexion, Esther Perel, on va se faire plaisir avec Marvin Gaye, le plus sexy des chanteurs.
12:06Vous dites dans une interview « je me sers de la sexualité comme d'un baromètre ».
12:30Votre première conférence TED en 2013, qui s'appelait « Le secret du désir dans une relation longue » a cumulé 25 millions de vues.
12:38Qu'est-ce qui fait durer le plaisir, le désir dans une relation longue, Esther Perel ?
12:43Comment on maintient l'épanouissement sexuel dans la durée quand la routine, le stress, les enfants s'en mêlent ?
12:51C'est la distinction entre sexualité et érotisme.
12:54La sexualité, c'est pas juste quelque chose... Le sexe, c'est pas juste quelque chose qu'on fait.
12:59On ne fait pas... En français, on dit « faire l'amour ».
13:02Mais en fait, on peut faire l'amour ou on peut avoir des rapports sexuels et ne rien sentir du tout pendant des années.
13:08Et les femmes ont l'expérience de ça des siècles.
13:10Donc la différence, c'est que dans l'érotisme, on peut faire très peu et sentir beaucoup.
13:15Dans le sexe, on peut faire beaucoup et sentir très peu.
13:17Donc je fais déjà une distinction que la sexualité, c'est pas un acte qu'on commet ou qu'on fait, c'est un lieu où on va.
13:27Et donc je demande aux gens, et ça n'a rien à voir avec ce qu'ils font physiquement, les positions et tout ça.
13:32Vous allez où ? Qu'est-ce que vous essayez d'exprimer ?
13:35Et là, on commence à parler de curiosité, d'imaginaire, de l'aspect ludique, de la jouissance, du plaisir.
13:41Le plaisir, il est dans la connexion, il est dans la présence, il est dans l'intimité,
13:45il n'est pas ni dans la fréquence, ni dans ce que font les gens.
13:50Et de séparer ça, d'enlever le modèle hétérosexuel de sexualité, de pénétration, d'un acte qu'il faut accomplir,
13:59qui a un résultat et qui a une performance, ça, ça va déjà libérer beaucoup de gens.
14:04Ça va libérer parce qu'on peut faire l'amour, pour reprendre l'expression, d'une autre manière,
14:08sans forcément une pénétration, il faut développer l'érotisme dans le couple, ce que vous dites.
14:12Et l'érotisme, c'est les ingrédients essentiels, c'est la vitalité, c'est se sentir vivant,
14:17ce n'est pas ce qu'on est en train de faire.
14:19Mais comment on fait quand ça dure dans la durée ?
14:21Comment on exprime à l'autre qu'on a envie d'érotisme ou qu'on a envie de quelque chose
14:25quand ça fait 10, 15, 20, 30 ans que vous êtes avec la même personne, avec le même corps ?
14:29Il y en a beaucoup qui n'y arrivent pas et il y en a beaucoup qui arrivent de temps en temps aussi.
14:33Est-ce qu'il faut se donner une hygiène de vie en disant qu'il faut faire l'amour une fois par semaine
14:36ou une fois toutes les trois semaines, je ne sais pas ?
14:39Pour toutes les questions de « est-ce qu'il faut faire ceci ou cela ? », je dirais qu'il faut faire un peu de tout.
14:44Il n'y a pas une réponse et il n'y a pas un modèle qui convient à tout le monde.
14:48Et ni le modèle de deux personnes pour 30 ans ne convient à tout le monde non plus.
14:52Donc aujourd'hui, on est dans une réflexion où « qu'est-ce qui fonctionne pour moi ? »
14:57Mais est-ce qu'on peut ressentir du désir pour quelqu'un avec qui on est depuis des années ? Absolument.
15:01Est-ce que c'est le même désir qu'au départ ? Non.
15:04Est-ce qu'on peut apprendre à se faire plaisir ensemble ? Pourquoi pas ?
15:10Les gens ne posent jamais cette question quand on dit qu'on aime écouter Marvin Gaye pendant 40 ans.
15:15Oui, c'est vrai qu'on l'aime pareil. Là, pour le coup, on ne change pas beaucoup.
15:18Personne n'a dit « comment est-ce qu'on peut écouter Marvin Gaye 30 ans après ? »
15:21Vous dites aussi que la franchise sexuelle est vraiment difficile, mais est-ce qu'elle est souhaitable ?
15:25Faut-il parler de tous ces fantasmes avec son compagnon ?
15:28Ça dépend avec qui on est, ça dépend de la relation.
15:30Il y a des gens pour qui parler de ces fantasmes, ça anime, ça émousse.
15:35Et il y en a d'autres pour qui ça rend jaloux, ça crée des peurs.
15:38Tout ça est contextuel. Les relations sont contextuelles.
15:41Il n'y a pas de réponse nette, fixe, racontée.
15:45Il y en a qui ont raconté et c'était la pire erreur.
15:48Et il y en a d'autres qui ont raconté après 20 ans et c'était vraiment « mais comment... »
15:51Non, je n'ai jamais su. Pourquoi tu ne m'as jamais rien dit ?
15:54Il y a une tendance de fond qui est que les jeunes font de moins en moins l'amour.
15:58Ça, c'est une tendance qu'on voit partout.
15:59Un homme sur trois de moins de 30 ans aux Etats-Unis n'a pas eu de relation depuis un an.
16:0540% des jeunes adultes au Japon sont vierges.
16:07Comment vous expliquez cela ? Est-ce que c'est une tendance de fond ?
16:10Est-ce qu'il faut lier cela au développement des applications, de l'intelligence artificielle,
16:15les applis de rencontres, etc. ?
16:16Aujourd'hui, 25% des Américains, c'est beaucoup moins en France, c'est 12%,
16:20mais 25% des Américains consomment ce rencontre par des applis de rencontres.
16:25Et 12% en France.
16:26Oui.
16:26Il y a une question que je pose toujours dans mes conférences, et c'est flagrant comme réponse.
16:36Est-ce que vous avez grandi en jouant librement dans la rue, sur la cour ?
16:41La plupart des gens enlèvent la main.
16:42Did you grow up playing freely on the street ?
16:45Et puis je demande, est-ce que vos enfants ou des enfants que vous connaissez aujourd'hui jouent librement dans la rue ?
16:51Et c'est cinq doigts qui se lèvent.
16:53La différence, c'est que quand on jouait librement comme ça, on avait un terrain pour apprendre la négociation sociale.
17:01On se faisait des amis, on se faisait des ennemis, on faisait la guerre, on faisait des batailles, on faisait la paix,
17:05on avait des coalitions, on apprenait à être blessé, on apprenait à se relever.
17:10Il y a une atrophie sociale qui est croissante et qui est terrifiante.
17:14C'est à la fois parce qu'on passe beaucoup plus de temps sous les écrans, une quantité énorme d'adolescents aujourd'hui communiquent plus en écrivant qu'en parlant.
17:24On ne se regarde pas dans les yeux.
17:26Tout ça, c'est le début qui mène à avoir un suite des relations sexuelles quand on est jeune et à développer des histoires d'amour.
17:35On n'est plus seul, on n'est plus isolé, on ne doit pas sortir de chez soi ni pour travailler, ni pour manger, ni pour étudier, ni pour faire du sport.
17:42Je veux dire, c'est ça qui mène à toute cette récession sexuelle, ce qu'on appelle.
17:47Esther Perel, vous êtes en France pour quelques semaines, invitée de la résidence Tallard Programme de Cadiste.
17:53Ça a été inauguré dans le Marais à Paris.
17:55Vous succédez au cinéaste Werner Herzog et Jim Jarmusch.
17:58Question très rapide, est-ce que les Américains ont une vision différente du sexe, du couple, que les Français ou que les Européens en général ?
18:06Les Américains ont une vision pragmatiste de ces choses-là, qui est assez différente d'ici.
18:12Ici, il y a quand même très longtemps eu un culte de l'ambiguïté, de la nuance, des choses qui ne doivent pas être très précises, qui sont plus opaques, etc.
18:21Mais avec l'intelligence artificielle, on va avoir une toute autre approche qui va être beaucoup plus nette, beaucoup plus blanc et noir, beaucoup moins nuancée.
18:31Et on va surtout vouloir croire que tous les problèmes relationnels peuvent être résolus, quand en fait, la plupart des problèmes relationnels sont des paradoxes qu'on gère.
18:40Les Impromptus, pour terminer, vous répondez rapidement, sans trop réfléchir.
18:43Est-ce que c'est vrai qu'Ollywood vous envoie les scénarios des films pour tester la crédibilité des relations entre les personnages ?
18:48Oui.
18:48Paris, New York ou Anvers ?
18:51Paris.
18:52Qu'avez-vous d'Européens et qu'avez-vous d'Américains ?
18:56Je travaille pour vivre, je ne vis pas pour travailler.
19:01En Amérique, la première question, c'est qu'est-ce qu'on fait ?
19:04Ici, on fait des choses pour pouvoir vivre la vie qu'on aime vivre et je pense que c'est une très grande différence.
19:11Vous parlez neuf langues, c'est vrai ?
19:13Oui.
19:13Vous pratiquez en combien de langues ?
19:15Sept.
19:16En sept langues ?
19:17Vous pouvez recevoir des passages en sept langues différentes.
19:20Vous pouvez lesquelles ?
19:22Je reçois en flamand, français, allemand, hébreu, espagnol, portugais.
19:29Voilà, on a du travail autour de la table.
19:32Si Donald Trump venait vous voir pour une consultation dans ses relations avec les femmes, vous lui conseillez quoi ?
19:37On m'a demandé ça à sa première élection aussi.
19:43Je lui demanderais...
19:45Répétez-moi la question, je n'ai trop de choses à dire sur Trump.
19:48Trump, il vient vous voir et vous dit « j'ai un problème dans ma relation avec les femmes », vous lui dites quoi ?
19:53« Vous qui vous connaissez aussi bien que vous pensez vous connaître, que diriez-vous rend la vie avec vous impossible et difficile et douloureuse ? »
20:02Elle est comment, Oprah Winfrey ?
20:05C'est une femme formidable.
20:07C'est une vraie pro.
20:09C'est une vraie pro.
20:10Le jour où je suis allée chez elle la dernière fois, parce que je l'ai déjà fait plusieurs fois,
20:14elle fait quatre interviews en une journée, d'une heure chacune.
20:18L'enchaînement.
20:19Et elle est aussi présente.
20:21Elle se rappelle de tout.
20:22On avait des dames, des gens à l'écran qui nous posaient des questions, mais elle se rappelait le nom de chaque personne.
20:28Elle est impressionnante.
20:29La question, Jacques Chancel, pour terminer, est Dieu dans tout ça, Esther Perel ?
20:34Dieu, on ne peut pas l'ignorer, mais il ou elle ou ce ne fait pas partie de ma réflexion.
20:42Merci d'avoir été avec nous ce matin.
20:44J'espère que le public français apprendra à vous découvrir, lira vos livres, écoutera vos podcasts.
20:49Qui s'appelle, il faudrait peut-être donner le nom, « Where Should We Begin ? »
20:54Avec deux premiers épisodes traduits en français pour la première fois.
20:58Ah, le podcast, pardon, « Where Should We Begin ? »
20:59J'écris le livre.
21:00« Where Should We Begin ? »
21:02Alors, on commence.
21:03C'est ça, la première question.
21:04Voilà ce que je dirais à Trump aussi.
21:07« Where Should We Begin ? »
21:09C'est une vaste question.
21:10On a trois jours pour y réfléchir avec Charline Vanhoenacker.
21:13Merci infiniment d'avoir été avec nous, Esther Perel.
21:15Très belle journée à Paris et très beau séjour.
21:17Merci beaucoup.
21:17Merci beaucoup.

Recommandations