- 16/06/2025
Robin Campillo était l'invité de France Inter, lundi 16 juin, pour "Enzo", un film sur l'adolescence, "ce moment où on se prend des vérités en pleine gueule", dit-il. Il a co-écrit ce film, en salles mercredi, avec Laurent Cantet, et l'a réalisé après la mort de ce dernier en 2024.
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
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00:00Et Léa, ce matin, vous recevez un réalisateur.
00:03Bonjour Robin Campillot.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être avec nous ce matin.
00:06Si vous étiez, c'est mes questions traditionnelles, un âge de la vie, un acteur et une émotion ?
00:12Il faut dire les trois.
00:13Alors moi, pour l'âge, je pense que l'important, c'est l'âge qu'on a.
00:16Il ne faut pas se tromper, il faut être au présent.
00:19Et je crois que ce n'est pas la peine d'avoir des nostalgies, etc.
00:22Je pense qu'il faut vivre l'âge qu'on a, quoi.
00:24Et c'est comme ça, c'est la vie.
00:25C'est très bien.
00:26C'est très bien ainsi.
00:27Un acteur.
00:28Un acteur serait une actrice, c'est Delphine Serig, qui est une actrice que j'ai toujours adorée
00:32et que c'est vraiment un de mes regrets de ne pas avoir pu tourner avec elle, évidemment.
00:37Et voilà, je trouve que c'est une actrice qui a réussi à faire des films tellement différents
00:40comme Jeanne Dillemann ou des Rennais, etc.
00:43Je trouve que c'est vraiment une personnalité incroyable, quoi.
00:45Une émotion ?
00:47Une émotion, ce serait...
00:48Alors moi, c'est toujours cette émotion, c'est l'insouciance.
00:51Et notamment, je pense toujours à l'insouciance, par exemple, des corps avant l'arrivée de l'épidémie de VIH,
00:57avant le sida et cette insouciance que j'ai adorée, l'insouciance d'avant, mais aussi cette
01:05insouciance qui est un refuge auquel on peut se référer toujours de temps en temps, même
01:09dans les pires moments.
01:10Et on traverse une période historique qui n'est pas très, très joyeuse.
01:14Et je pense que l'insouciance, par moments, c'est vraiment une manière de couper les ponts
01:18avec toute cette morosité, quoi.
01:20De respirer.
01:22L'adolescence est le seul temps où l'on ait appris quelque chose, écrivait Proust.
01:26Vous êtes d'accord ? L'adolescence, c'est le seul moment de la vie où on apprend quelque chose.
01:30Alors moi, j'ai l'impression qu'on apprend vraiment tout le temps.
01:33Oui, c'est ça.
01:34Vous ne voulez pas...
01:35Non, non, non, mais ce n'est pas ça.
01:38C'est que je trouve que vraiment, moi, par exemple, j'apprends tout le temps en faisant des films.
01:41J'apprends énormément de choses sur les gens, sur les situations.
01:46L'adolescence, c'est le moment où on se prend en pleine gueule des vérités.
01:51Et c'est vrai que ça marque énormément.
01:53C'est au fond ce trauma des vérités qui...
01:56C'est-à-dire, et notamment, l'impression que ce qui nous entoure,
02:00il y a une forme de théâtralité sociale et dans la famille, etc.
02:04Et que d'un seul coup, il y a un côté bas les masques.
02:06On voit un peu la scène de théâtre à ce moment-là.
02:08Et donc, c'est une énorme vérité quand même qu'on se prend en plein visage.
02:11Et c'est ce qu'on voit dans le film dont vous venez nous parler ce matin.
02:14L'adolescence qui est au cœur d'Enzo.
02:16Le film que vous réalisez, qui sort mercredi.
02:18Ce mercredi, un très beau film.
02:21Sensible, solaire, lumineux.
02:23Unanimement salué par la critique.
02:25Transfuge de grâce pour Libération.
02:27Magnifique et bouleversant pour le Figaro.
02:29C'est un film sur l'adolescence et ses contradictions,
02:31ses tourments, ses transgressions.
02:33Sur l'intensité et la confusion des sentiments aussi de l'adolescence.
02:36Mais c'est aussi un film qui a une histoire singulière.
02:39Puisqu'on peut lire sur le générique « Film de Laurent Canté, réalisé par Robin Campillo ».
02:45Ce n'est pas vous qui l'avez écrit ce film.
02:47Ce n'est pas vous qui deviez le réaliser, ce film.
02:50C'est Laurent Canté qui est décédé cette semaine avant le début du tournage,
02:54déçu d'un cancer l'an dernier.
02:55Et qu'il vous l'a confié.
02:57Il vous a confié son film avant de mourir.
03:02Et donc ce film, évidemment, on le regarde d'abord par sa beauté,
03:05mais aussi par cette histoire d'amitié magnifique que vous avez, lui et vous.
03:10Et c'est aussi, voilà, c'est l'histoire d'une transmission et une histoire d'amitié magnifique.
03:14C'est-à-dire qu'en fait, on l'a quand même écrit ensemble.
03:17On a travaillé ensemble parce que quand on a su qu'il était atteint d'un cancer,
03:21il avait ce projet.
03:23Déjà qu'il avait écrit une vingtaine de pages.
03:25Il l'avait écrit avec Gilles Marchand, un ami à moi aussi.
03:28Et en fait, moi, j'étais très enthousiaste sur le film.
03:31Et on s'est mis à travailler ensemble en sachant qu'effectivement,
03:34il risquait d'être fatigué sur le tournage,
03:37qu'il risquait d'y avoir des traitements, etc.
03:39Donc, on a travaillé ensemble sur le scénario.
03:41On a travaillé sur le casting tout de suite pour essayer de voir aussi,
03:45parce qu'on savait que j'allais être sur le tournage un peu comme un poisson pilote.
03:50Et voilà, mais en fait, les choses se sont aggravées assez vite.
03:55On avait trouvé les quatre acteurs principaux.
03:57Et donc, oui, quand il était à l'hôpital, vraiment les derniers jours,
04:00on a discuté de la possibilité que je reprenne le film.
04:04Et avec la productrice Marie-Ange Luciani,
04:05on a décidé que je reprenais le film.
04:10Qu'est-ce qu'il vous a dit avant de mourir ?
04:12D'abord, au départ, on s'est parlé de choses évidemment personnelles,
04:15mais surtout quand je suis rentré dans sa chambre d'hôpital,
04:19il m'a tout de suite dit, c'est bon, tu vas pouvoir faire ton film,
04:22on laisse tomber celui-là, etc.
04:24Et donc, moi, j'étais un peu surpris, un peu désarçonné.
04:27Puis j'en ai discuté avec la productrice tout de suite après,
04:30dans les couloirs de l'hôpital.
04:31Et elle m'a dit, mais est-ce que tu lui as dit que tu avais envie de faire le film ?
04:36Et donc, je suis retourné dans la chambre et avec sa compagne Isabelle,
04:40qui, elle, voulait lui dire qu'elle avait envie de voir le film.
04:42Et moi, je lui ai dit, moi, ça me ferait très plaisir de faire ce film.
04:46Et il m'a dit, OK.
04:48Et je lui ai dit, par contre, je ne sais pas ce que ça veut dire,
04:50faire un film à ta manière ou même faire un film à ma manière,
04:54je vais faire ce que je peux.
04:54Et il vous a dit, il a eu cette phrase, tu fais comme tu peux.
04:59Les réalisateurs, les réalisatrices font comme ils peuvent.
05:02Le style, c'est le truc qui pègue.
05:05Ça veut dire quoi, le style ?
05:06Qu'est-ce qu'il voulait dire en disant ça ?
05:08Parce que le style, ce n'est pas un truc qui s'invente.
05:10On a un style à son corps défendant.
05:13Ce n'est pas un truc, on n'a pas des règles comme ça qu'on observe.
05:16On fait un film, c'est très incarné, le cinéma.
05:18C'est vraiment une question d'incarnation.
05:20Donc, il vous a dit, d'une certaine manière, fais-le à ton style.
05:22C'est mon film, mets ton style.
05:25Ou comme il l'a dit, fais-le comme tu peux.
05:26C'est-à-dire qu'il a bien compris qu'effectivement,
05:29ce qu'il est lui resterait dans le projet.
05:33C'est son projet quand même.
05:34C'est son film, vraiment, je le considère.
05:37Mais après, savoir ce qui vient de moi, ce qui vient de lui,
05:40franchement, il aurait fait le film, ça aurait été un film différent, je pense.
05:43Il faut être honnête.
05:44C'est son film, mais c'est le mariage de vous deux.
05:46C'est cette histoire d'amitié qu'on voit et qu'on ressent.
05:48Je ne sais pas comment vous dire.
05:49Vous, vous l'exprimez comme ça en disant, du coup, le film est devenu,
05:52il y avait quelque chose de mystique qu'on ressent quand on est spectateur du film.
05:57Parce que c'est un film qui se passe à la Ciota, une ville où il habitait partiellement.
06:01Gorgé de lumière, c'est ensoleillé.
06:04On est pris par cette histoire.
06:05Et je vais raconter l'histoire dans un instant.
06:06Mais c'est vrai.
06:08Et depuis le début de l'interview, vous parlez, vous dites « on », Robin Campiot.
06:12Et ça se ressent « on », parce qu'aussi, c'est une belle histoire, cette histoire-là,
06:15cette histoire de ses potes, de l'IDEC.
06:17Parce que c'est une histoire d'amitié entre vous, Laurent Canté.
06:20Laurent Canté, on rappelle juste que c'est entre les murs Palme d'Or à Cannes.
06:24Vous, c'est 120 battements par minute.
06:26Mais pas que.
06:27Il y a aussi Dominique Molle, le réalisateur césarisé de la nuit du 112.
06:31Ou encore Gilles Marchand, scénariste et réalisateur lui aussi.
06:34Vous vous êtes tous rencontrés à l'IDEC, qui est l'ancêtre de la FEMIS.
06:36L'école, la grande école des réalisateurs.
06:38Vous vous êtes rencontrés il y a 40 ans.
06:39Et vous êtes toujours restés amis entre vous, à vous conseiller les uns les autres sur les projets.
06:43C'est ça qui est beau aussi.
06:44C'est-à-dire qu'en fait, on travaillait quand on était à l'IDEC.
06:46Alors, j'étais dans l'année de Laurent.
06:48J'étais pas dans l'année de Gilles Marchand.
06:50Et d'ailleurs, si j'étais ami avec Laurent, c'est parce qu'on a des noms qui commencent par C.
06:54Et qu'on était dans le même groupe, le groupe des C.
06:57Et donc, voilà.
06:58Mais c'est vrai qu'on a découvert le cinéma ensemble.
07:00Et on a toujours été techniciens sur les films des autres.
07:02On a été Perchman.
07:03Et donc, ça s'est un peu reconduit ce truc-là.
07:06Et donc, je faisais le montage, etc.
07:08Mais ce qui est curieux avec Laurent, je me suis aperçu de ça.
07:11Parce que quand on sort un film, on s'aperçoit qu'on finit par avoir des éléments de langage.
07:15Vous savez, quand on répète les choses sur les films.
07:18Mais le fait de le faire sur Laurent, sur sa mort, etc.
07:20Il y a un moment où je me dis, ça fait comme une répétition, mais presque une répétition de théâtre.
07:25Et je me dis, mais en fait, à ces moments, je fais comme s'il était mort.
07:28Mais il est mort.
07:29Et j'ai toujours un petit trouble existentiel ces temps-ci.
07:32Je me suis dit, je ne sais pas quand je vais me sortir de cette histoire.
07:36Mais c'est assez compliqué.
07:38Et voilà.
07:39Mais c'est vrai que c'est tellement...
07:41Et en plus, vous l'avez senti.
07:42Vous dites qu'il était hors champ, mais il était sur le tournage.
07:45Vous avez senti sa présence, quoi.
07:46Ce n'est même pas que j'ai senti sa présence.
07:48Moi, je suis comme un gosse.
07:49Je n'arrive pas à croire complètement que les gens ont disparu.
07:52Je pense qu'il va me falloir un temps infini pour le comprendre.
07:55Et voilà.
07:56Et donc, en fait, je reste dans ce truc joyeux de la fabrication du film, quand même, qui a été un moment assez jubilatoire.
08:04Il faut en être conscient.
08:05Le tournage, pour le coup, de par son absence présence, le choix des comédiens qui l'avaient validé avant, le fait que sa compagne était là, la directrice de casting, justement, c'est sa fille.
08:16Enfin, c'est tout ça et votre amitié.
08:17Et c'est tout ça qu'on voit dans ce film, l'histoire.
08:20Alors, c'est celle d'Enzo, un adolescent de 16 ans qui vit dans une famille bourgeoise, dans une belle villa de la Ciotat, avec des parents sympas, père universitaire, mère ingénieur, un frère qui prépare les grandes écoles parisiennes.
08:30Bref, pas de gros problèmes évidents, pas de famille dysfonctionnelle, pas de problème d'argent, sauf qu'il étouffe.
08:36Il étouffe.
08:37Il étouffe dans cette famille, dans ce modèle social trop lisse, trop parfait.
08:40Il est en échec scolaire et du coup, il quitte l'école pour faire un CAP et devenir apprenti maçon, grand dame de ses parents et de son père, notamment.
08:47Et là, sur les chantiers, il rencontre Vlad, un ouvrier ukrainien qui hésite à repartir faire la guerre en Ukraine.
08:54Et il découvre la vraie vie, il découvre le monde, les tourments du monde, la guerre, le désir aussi.
09:00Et une place dans le monde, et une place dans la vie, c'est là où ce gosse bourge, comme lui dit son père, t'es un bourge qui se raconte des histoires.
09:10Et bien, c'est là, sur les chantiers, qu'il va trouver sa place.
09:14Oui, mais ça arrive parce que c'est vrai qu'on est dans une société où je pense que c'est encore plus difficile qu'avant de trouver sa place.
09:20Et notamment quand on est jeune, et surtout, ce qu'on propose aux jeunes aujourd'hui, c'est un parcours, on parle de parcours sud, c'est un parcours très balisé, etc.
09:31À chaque fois, j'évoque ce truc de Borges qui disait, il n'y a pas de pire labyrinthe qu'un labyrinthe en ligne droite.
09:36Et il y a un peu ce sentiment comme ça.
09:39Et en dehors de ce chemin, il y a le chaos du monde.
09:43C'est-à-dire qu'il y a la guerre en Ukraine, il y a Gaza, il y a maintenant l'Iran, etc.
09:48Et la remise en question du droit international, enfin, des choses très, très troubles.
09:53Et donc, il y a un hiatus très fort qui se crée entre ces deux choses.
09:56Et lui, c'est comme s'il devançait l'appel aux armes.
09:59C'est-à-dire qu'il veut se cogner à la réalité de la fabrication de maisons, et puis à travers Vlad, la réalité de la guerre.
10:06Donc, son père a raison de dire que c'est un petit Borges qui se raconte des histoires.
10:10Mais on peut dire de l'adolescence que ce sont toujours des gens qui se racontent des histoires parce qu'il y a du désir d'idéal.
10:16Et on a envie que l'idéal nous arrache à notre famille, que nous rend presque orphelins de notre famille pour se réaliser soi-même en dehors de tout ça.
10:24Cette question de la place, de notre place dans la famille, de notre place dans la société, c'est une question qui a hanté le travail de Laurent Canté.
10:31Depuis tous ses films, depuis un de ses premiers films, Ressources humaines, qui a raconté l'histoire d'un fils d'ouvrier qui devient DRH de l'usine de son père.
10:40Et le film se termine par cette question, et toi, elle est où ta place ?
10:44On va écouter Laurent Canté qui parle de ça, de la question de la place.
10:47Où est ta place ?
10:48Je pense qu'il y a une autre constante dans mes films qui est le groupe, qui pour moi est très important parce que je pense que c'est à la fois quelque chose dont moi-même j'ai très très besoin,
11:00mais où je sens aussi combien il faut à chaque fois y négocier sa place.
11:05Et je trouve que négocier sa place dans ce groupe, c'est aussi négocier sa place dans le monde, c'est aussi essayer de comprendre ce qu'on représente pour les gens qui nous sont proches ou moins proches.
11:16Et c'est effectivement, d'ailleurs Ressources humaines se terminaient par la question, et toi elle est où ta place ?
11:21Qui me semblait être assez centrale aussi.
11:24En fait, c'est un transfuge de classe à l'envers ce film.
11:27C'est-à-dire que ce n'est pas le gosse d'ouvrier, non, c'est le gosse de riche qui n'est pas juste pas heureux.
11:33En fait, c'est aussi ça qui dit, tu peux ne pas te sentir à ta place, tu peux ne pas être profondément malheureux.
11:39Même quand tu as un univers idyllique et pas une famille dysfonctionnelle, ce que les parents ne vont pas comprendre.
11:45Ce qui est très beau aussi dans le film, c'est l'incompréhension, l'impuissance des parents qui sont cools, qui aiment leur enfant.
11:52Et à un moment, le père dit, j'ai l'impression que mon fils se noie et je ne peux rien faire.
11:57Et c'est ça aussi que raconte le film.
11:59C'est quand les parents se trouvent totalement démunis devant ce gamin de 16 ans.
12:03Il y a le grand qui lui est tout parfait, prépare les grandes écoles, va être prêt à Henri IV, etc.
12:07Et puis le petit qui ne veut pas de leur vie, en fait, ils ne comprennent pas ça.
12:11Parce qu'en fait, quand vous dites que ce n'est pas une famille dysfonctionnelle,
12:13moi j'ai l'impression que toutes les familles sont à un endroit ou à un autre un peu dysfonctionnel.
12:17Et c'est vrai que, simplement parce que la famille, c'est une construction très aléatoire de la société.
12:23En fait, contrairement à ce qu'on pense, on la prend pour naturelle, etc.
12:26Mais en fait, il y a un côté, effectivement, on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille.
12:30Il y a quand même quelque chose qui est un peu étrange.
12:32Et c'est vrai que là, le monde et l'avenir est un peu incertain.
12:37Donc, c'est facile pour les jeunes de ne pas arriver à se projeter.
12:43Et donc, en fait, de se sentir en échec et d'accepter cet échec comme une malédiction.
12:48Comme une malédiction, oui.
12:49Et je pense qu'il y a ce truc aussi de ne pas comprendre ce qu'on demande à ces jeunes.
12:57Et je pense qu'on voit bien aussi la question de la bourgeoisie, de la famille bourgeoise.
13:01C'est aussi une famille qui protège son corps, par exemple.
13:05Et l'idée de se cogner, de se faire mal quand il va revenir avec des blessures du chantier.
13:11De mettre son corps à l'épreuve, c'est une drôle d'idée pour une famille bourgeoise.
13:15Donc, il y a quand même un truc.
13:16Et je veux dire que sur le père, il est bienveillant.
13:19Mais sa bienveillance a quelque chose de coercitif.
13:21On peut dire, dans le film, il fait même des tâches qui sont souvent associées aux tâches féminines, etc.
13:27De ramasser le linge, faire à manger, etc.
13:30Mais le fait de ramasser le linge, c'est une manière pour lui d'être intrusif dans la vie de son fils,
13:34de rentrer dans sa chambre, etc.
13:35Donc, on voit bien que c'est à double tranchant sa bienveillance et son attention à son fils.
13:41Et il y a Elodie Boucher, ce qui est parfaite comme toujours.
13:44Je sais que Laurent Canté voulait travailler avec elle et vous aussi.
13:47qui joue la mère et qui dit à un moment, c'est marrant, les gamins, on s'inquiète pour eux.
13:52Mais quand ils rentrent dans les rangs, on regrette leur folie.
13:55Et effectivement, on aimerait que les enfants soient à la fois dans le rang, dans le bon rang,
14:00qu'ils fassent bien les études et en même temps qu'ils restent, qu'ils gardent leur folie.
14:03Et bien, c'est jamais comme ça.
14:05Et puis, il y a dans le film, le jeune Enzo qui essaye de rapper sur une chanson de Jossman,
14:08du rappeur Jossman, qui s'appelle Intro.
14:10C'est cette chanson-là qui dit beaucoup.
14:17Et puis, je voudrais terminer par
14:35« Le désir et la sensualité qui traversent le film et cette lumière ».
14:39Désir explosif, compliqué, fluide, désir de l'adolescence qui va dans tous les sens,
14:44que vous filmez très bien.
14:46On pense évidemment à « Call me by your name » de...
14:51Comment il s'appelle ? Luca Guadigno ?
14:54Avec Timothée Chalamet, ce film magnifique,
14:58sur la confusion des sentiments.
15:00Et puis, je veux dire juste un mot des deux acteurs principaux.
15:03C'est-à-dire, le jeune Enzo joué par Eloi Pouhu,
15:06qui ressemble incroyablement à Laurent Canté jeune.
15:08C'est quand même fou qu'il ait choisi comme ça.
15:11C'est quand même fou qu'au seuil de sa mort,
15:12il écrive sur l'adolescence et sur l'enfance.
15:14En fait, c'est sur ça qu'il a choisi son dernier film.
15:16C'est sur ça et c'est très beau.
15:18Et puis, un mot sur cet Ukrainien,
15:21Maxime Slivinsky,
15:22qui était un ouvrier ukrainien
15:24qui n'est pas du tout acteur.
15:26Non, qui n'est pas du tout acteur.
15:27Encore une fois, quand on parle de noms professionnels,
15:28on les choisit parce qu'ils jouent bien.
15:30Donc, en réalité, c'est quand même des acteurs, au fond.
15:33Et lui, le truc, c'est qu'effectivement,
15:34ils nous ont envoyé une vidéo d'un quart d'heure
15:37où ils se présentaient.
15:38Ce qui était génial, c'est qu'ils parlaient en français
15:40très, très mal.
15:41Mais on sentait son désir d'en être,
15:45d'être dans le film, etc.
15:46Et quand on l'a vu avec Laurent,
15:47il est arrivé tonitruant sur le tournage.
15:50Et je me suis aperçu de la finesse
15:52qu'il a portée au tournage.
15:52Je me souviens d'une scène,
15:54d'un dialogue entre les deux,
15:55où moi, je l'ai poussé à la fois dans le côté joyeux,
15:58et en part contraste dans la colère
16:00contre Enzo.
16:02Et je me suis aperçu que je m'étais trompé
16:05et que j'ai gardé au montage
16:06les premières prises.
16:08C'est-à-dire le travail qu'il avait produit,
16:09lui, sur le personnage,
16:11qui était d'une grande finesse.
16:12Et donc, vous voyez,
16:13c'est aussi parce qu'on trouve les bonnes personnes,
16:16comme Éloi Pauus,
16:17c'est des acteurs qui n'ont pas besoin
16:18qu'on les prenne par la main.
16:20Ils produisent quelque chose
16:21et ils sauvent le film, d'une certaine manière.
16:23Ils sont éblouissants, les deux.
16:25Éblouissants de beauté et de sensualité aussi.
16:27Franchement, c'est un bonheur de la regarder.
16:29Je termine par les impromptus.
16:30Vous répondez très rapidement.
16:31Le Maroc, l'Algérie ou Madagascar ?
16:33Vous avez vécu dans les trois.
16:35Oui, c'est Madagascar
16:36parce que c'est mon pays d'enfance,
16:37même si je n'y ai vécu que deux ans et demi.
16:39La Ciota ou Aix-en-Provence ?
16:41La Ciota.
16:42Le Festival de Cannes ou la Mostra de Venise ?
16:44Vous avez eu des films dans les deux.
16:45Robin Campiot.
16:46La Mostra de Venise.
16:47Quartier préféré dans Paris ?
16:50Le 11e, quelque part dans le 11e.
16:52Rebecca Zlotowski ou Julia Ducourneau ?
16:55Rebecca Zlotowski, mais c'est parce que je la connais beaucoup plus.
16:59La dernière fois que vous avez pleuré ?
17:01Je ne sais pas.
17:04C'est forcément devant un film.
17:07Je ne pleure pas beaucoup dans la réalité.
17:09Le cinéma, c'est là que passe mon émotion.
17:12Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
17:14Fraternité.
17:15Et Dieu dans tout ça ?
17:16Et Dieu, ce n'est pas la peine de se poser la question.
17:18C'est trop compliqué.
17:19C'est trop complexe pour nos petits cerveaux humains.
17:21C'est un film miraculeux, Enzo, qui sort ce mercredi.
17:24Une histoire d'amitié de 40 ans, des acteurs éblouissants.
17:27C'est De Laurent Conte, réalisé par Robin Campiot.
17:31Allez-y, il va faire caniculaire toute la semaine.
17:33Allez au cinéma, il y a la clim.
17:35Et en plus, vous sortirez heureux de ce film.
17:38Merci et très belle journée.
17:39Merci à vous.
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