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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Il vous est sûrement arrivé un jour ou une nuit, à la faveur d'un moment de silence particulier, de vous entendre respirer.
00:21C'est une chose fantastique la respiration, ça se fait tout seul, sans contrôle permanent à chaque seconde que Dieu fait.
00:31Vous pouvez essayer de vous pincer le nez, de bloquer vos poumons, au bout de quelques secondes, il faudra bien s'aider.
00:39Quelque chose de plus fort que vous, de plus puissant que votre propre volonté, vous oblige à respirer quand même.
00:46C'est fantastique, et c'est angoissant aussi la respiration.
00:53Qui n'a pas contemplé un nouveau-né qui dort, en surveillant anxieusement son souffle léger,
01:00si léger qu'on a l'impression, et c'est bête, qu'il pourrait s'arrêter d'une seconde à l'autre ?
01:07Ça a l'air d'une la palissade, et c'en est une.
01:10Tout ce qui vit respire.
01:14Respire.
01:14Le mot lui-même a l'air d'un souffle.
01:19Il est léger comme l'air, aussi léger que notre dossier d'aujourd'hui.
01:24Pourtant lourd.
01:26Très lourd de conséquences.
01:28Richard Corbett est un petit garçon bien élevé, extrêmement bien élevé.
01:53Il a sept ans.
01:54Son père est un monsieur distingué, important et anglais.
01:59Il est diplomate.
02:00Sa mère est une jolie dame, douce, blonde et française.
02:06Richard parle français avec un accent qui fait rire ses petits camarades.
02:10Son précepteur tente de le faire disparaître, mais au profit d'un accent du midi qui embrouille tout.
02:16Le précepteur est natif de Montpellier.
02:19Richard a aussi une grand-mère anglaise, galloise avant tout.
02:24Une vieille dame environnée de dentelles qui vit loin de Richard, au pays des vacances, un pays plein de chevaux et de moutons.
02:31Le pays de Galles.
02:32Richard adore sa grand-mère.
02:37Elle l'autorise de temps en temps à servir le porto au salon quand il est encore en vacances au manoir.
02:41Et c'est un plaisir éblouissant que d'attraper à deux mains la carafe de cristal,
02:46de verser le vin doucement sans faire tomber de gouttes,
02:48et d'apporter le verre jusqu'au fauteuil de grand-mère.
02:53Aujourd'hui est un jour bizarre.
02:56Maman a renvoyé le précepteur français.
02:58Richard l'a vu traverser le parc depuis la fenêtre de sa chambre.
03:01il n'y aura pas de cours.
03:04Père est malade.
03:06La nurse a demandé à ne pas faire de bruit
03:08et de ne pas jouer avec Scotty, le chien qui boude dehors sur le gravier.
03:15La journée de Richard va être longue et triste.
03:19Sa mère ne viendra pas le voir.
03:21Depuis que son mari est malade, elle passe toutes ses journées près de lui.
03:25Le soir venu, le monde entier semble à l'envers.
03:29Sir Corbett est mort.
03:34Richard a vu pleurer sa mère, il a pleuré aussi parce qu'elle pleurait,
03:38mais il n'a pas bien compris ce que cela voulait dire, être mort.
03:44Il a demandé à la nurse, qui a eu l'air scandalisée,
03:47« Richard, il ne faut pas demander des choses comme cela. »
03:52Et puis, devant les yeux inquiets du garçon, elle a enfin répondu quelque chose.
03:58« On est mort quand on ne respire plus. »
04:04Richard s'en est souvenu longtemps.
04:07Ça l'avait frappé.
04:08Et le soir, tout seul, dans son lit, il s'était bouché le nez pour voir.
04:13Mais ça n'avait pas marché.
04:16En fait, la mort de son père, c'était ce souvenir-là,
04:20le seul précis qui lui gardait.
04:22Mais cela l'avait impressionné, car il l'avait écrit à sa grand-mère,
04:26une petite lettre chiffonnée d'une écriture hésitante,
04:28et que, plus de vingt ans après, il retrouvait dans les papiers de sa mère.
04:34Après la mort de Sir Corbett, en octobre 1906,
04:37Richard a vécu chez sa grand-mère paternelle, deux ans, au Pays de Galles.
04:42Sa mère avait trop de chagrin pour s'occuper de lui.
04:45Les mois ont passé, gris et froid, dans le vieux manoir anglais.
04:48Richard regrettait le précepteur français avec son drôle d'accent,
04:51« Le soleil de la France et de sa mère. »
04:54Quand on lui demandait s'il était anglais ou français, il répondait
04:57« Comme maman. »
05:01En 1910, enfin, il passe des bras de sa grand-mère à ceux de sa mère retrouvée
05:05dans une petite maison au soleil, à Yer.
05:08En 1928, il y est toujours.
05:10Il a 28 ans et peu de souvenirs.
05:12L'école sans histoire, la guerre au Maroc contre les rebelles,
05:15l'affection des deux femmes qui occupent sa vie,
05:18sa grand-mère et sa mère.
05:21L'univers s'arrête là.
05:23Richard est un bon garçon.
05:24C'est le modèle des fils et des petits-fils.
05:26Il ne dilapide pas l'argent familial.
05:28Il a opté pour la nationalité française,
05:30mais reste galois de cœur pour sa grand-mère.
05:33Il ne joue pas, ne sort pas,
05:35ne fait pas la cour au midinette
05:36et n'entretient aucune passion cachée.
05:38Si les certificats de bonne conduite existaient pour les grandes personnes,
05:42l'abbé Boyer, qui fréquente la maison,
05:44le lui donnerait sûrement.
05:45Maintenant, nous avons l'essentiel sur Richard Corbett
05:49et croyez-moi, je ne vous cache rien de lui.
05:53Il ne s'agit pas d'une façade.
05:55Il ne cache pas derrière des manières de fils dévoués,
05:57de militaires courageux
05:58et de façon un peu sévère,
06:00une arme de voyous ou de criminels.
06:02Non.
06:03Richard Corbett est beau, jeune.
06:05Il adore sa mère et sa grand-mère.
06:08Il a un tempérament doux
06:09et conciliant.
06:10Maintenant,
06:14nous allons aborder un événement dans la vie de ce garçon.
06:17Un événement
06:18qui va faire de lui quelqu'un d'autre.
06:22Du moins,
06:22pensons-nous
06:23que cet événement transforme Richard Corbett.
06:26Mais au fond,
06:28peut-être pas.
06:35Les récits extraordinaires de Pierre Delmar,
06:38un podcast européen.
06:41Lorsque Richard Corbett,
06:42le 4 novembre 1929,
06:45a raconté cet événement
06:46devant les jurés des Assises du Var,
06:49deux des membres de ce jury
06:50se sont évanouis.
06:52Un chroniqueur de l'époque écrit
06:54« Il régnait dans les débats
06:56une atmosphère d'émotion si intense
06:58que les assistants la supportèrent péniblement. »
07:02Si vous le voulez bien,
07:03je me contenterai donc
07:04de vous raconter cet événement
07:05par ordre chronologique
07:07en m'aidant des propres déclarations
07:09de l'accusé.
07:09En novembre 1928,
07:13Richard est près de sa grand-mère
07:14en Pays de Galles
07:15pour un séjour de quelques mois.
07:17Sa mère lui écrit régulièrement
07:18et longuement,
07:19mais la dernière lettre
07:20qu'il vient de recevoir est courte.
07:21L'écriture est hachée, inquiétante.
07:25Mon cher fils,
07:27je ne te l'ai pas dit pour ne pas t'inquiéter,
07:29mais depuis juillet,
07:30je suis bien malade.
07:32Le docteur Valmire est venu ces jours-ci
07:34et m'a parlé d'une opération urgente.
07:36« Je n'ai pas bien compris ce qu'il m'a expliqué,
07:39mais j'ai peur
07:40et tu n'es pas là.
07:42Je deviens folle.
07:44Réponds-moi
07:44télégraphiquement. »
07:48Richard Corbett
07:49ne prend pas le temps de répondre.
07:51Il fait ses bagages le jour-même
07:52et à son arrivée ailleurs,
07:53se présente
07:54chez le docteur Valmire
07:55avant même de rejoindre sa mère.
07:57Le médecin
07:59hésite à peine
08:00devant l'affolement du jeune homme.
08:03Je l'ai examiné
08:05il y a quelques jours
08:06et pour ne pas l'affoler,
08:08je lui ai parlé
08:08d'une petite opération.
08:11Mais c'est plus grave.
08:15Elle a un cancer.
08:18Richard n'est pas homme
08:19à se laisser abattre.
08:21En dépit d'un caractère doux
08:23et faible en apparence,
08:24c'est un courageux,
08:24opiniâtre même.
08:26Il prend immédiatement
08:27des décisions,
08:27fait appel au chirurgien
08:28le plus connu de la région
08:29et s'installe au chevet de sa mère.
08:32Le chirurgien déclare
08:33la maladie inopérable
08:35et parle de radium.
08:38Nous sommes en 1928,
08:40je vous le rappelle.
08:42Richard tente l'expérience
08:43dans une clinique privée.
08:44Après plusieurs séances,
08:46sa mère semble aller mieux
08:47et Richard,
08:47qui ne la quitte pas,
08:49vit d'espoir
08:49pendant quelques semaines.
08:51Pas longtemps.
08:53Car la rechute est grave.
08:56Le radiologiste
08:57estime qu'il n'y a plus rien à faire.
08:59À son avis,
08:59la science a donné
09:00tout ce qu'elle pouvait.
09:02Désespéré,
09:02à nouveau,
09:03Richard frappe à toutes les portes
09:04des sommités médicales
09:05de l'époque,
09:06aussi bien en France
09:06qu'en Angleterre.
09:07Là aussi,
09:08on lui parle de radiation,
09:10de limite,
09:10de la science.
09:11sa mère est intransportable
09:13et il cherche seul
09:14de spécialistes en charlatans
09:16de Glasgow à Paris.
09:17On essaie une ceinture électromagnétique
09:19sans résultat,
09:20bien entendu.
09:21De plus en plus,
09:22les réponses sont les mêmes
09:23autour de Richard.
09:24Il faut abandonner.
09:26Il n'y a plus rien à faire.
09:27La science est impuissante.
09:30Il n'y en a plus que pour
09:31quelques mois.
09:31L'évolution de la maladie est rapide.
09:35Madame Corbett est entrée
09:36dans une phase de douleur
09:37insupportable.
09:40Nuit et jour,
09:41heure après heure,
09:43Richard se bat
09:43contre la douleur.
09:44Il supplie le médecin
09:45de faire quelque chose.
09:46Sa mère n'est plus
09:47qu'une douleur vivante.
09:49Et le médecin répond
09:49« Il n'y a plus que la morphine. »
09:53Cour répit.
09:54Chaque piqûre fait de l'effet
09:55mais l'espace
09:56entre chaque piqûre
09:57se réduit bientôt
09:58de jour en jour
09:59puis d'heure en heure.
10:00Richard est terrorisé
10:01par les crises
10:02depuis six mois.
10:03Il n'a pas quitté
10:03sa mère des yeux.
10:05Il est obsédé
10:05par sa respiration
10:06quand elle dort,
10:08enfin calmée
10:08pour quelque temps.
10:11Il se prend à souhaiter
10:12que cette respiration
10:14s'arrête
10:15pendant son sommeil.
10:18Il la guette curieusement.
10:20Cette respiration
10:21désespérée
10:23est soulagée
10:25en même temps
10:26de la voir reprendre
10:27éternellement
10:27son rythme saccadé.
10:29Comme si la vie
10:30se moquait
10:31de la douleur endormie
10:32prête
10:33à hurler de nouveau.
10:37Le 7 mai 1929,
10:39Richard est épuisé.
10:41Plus rien ne calme
10:41sa mère
10:42qui gémit
10:42sans interruption
10:43dans une sorte
10:44de coma douloureux.
10:46Elle ne le reconnaît
10:47même plus.
10:48Quand elle ouvre
10:49les yeux,
10:50c'est pour supplier
10:51sans le voir.
10:52Quand elle parle,
10:54c'est pour supplier
10:55sans l'entendre.
10:57à l'approche
11:00de la nuit,
11:01Richard n'en peut plus.
11:03Il sait que les nuits
11:04sont encore plus pénibles
11:05pour sa mère
11:06que les journées.
11:07Il sort
11:08et marche dans la ville
11:10pendant près de deux heures.
11:12Il a une idée fixe
11:13en tête.
11:15Il faut que ça s'arrête.
11:16Il faut que ça s'arrête.
11:17Il faut que ça s'arrête.
11:21Personne ne peut l'aider.
11:23Le médecin
11:24ne délivre la morphine
11:26qu'à petite dose.
11:27Inutile.
11:29Le prêtre
11:29parle de la volonté
11:30de Dieu.
11:32À grandes enjambées,
11:33Richard arpente
11:34les trottoirs de la ville
11:35endormis.
11:36Il est minuit passé.
11:37S'il rentre maintenant,
11:39ce sera pour entendre
11:39les plaintes,
11:40les supplications.
11:42Il faut que ça s'arrête.
11:44Il faut que ça s'arrête.
11:45À une heure du matin,
11:48Richard est calme.
11:50Sa décision est prise.
11:51Une double décision.
11:54Il rentre à la maison.
11:56Il prépare pour sa mère
11:57un concentré de narcotiques,
11:59du dial sida
11:59à très forte dose.
12:01Il faut d'abord
12:01qu'elle dorme.
12:02Puis,
12:04il prépare un autre verre
12:05pour lui
12:05du même narcotique.
12:07Il cale la malade
12:09sur ses oreillers
12:10et la fait boire lentement.
12:13Il boit lui-même.
12:15Puis,
12:15s'assied près d'elle
12:16et attend
12:18droit sur sa chaise.
12:23À deux heures du matin,
12:26la respiration de sa mère
12:27est profonde,
12:28presque calme,
12:30ses traits
12:31légèrement détendus.
12:34Elle dort.
12:37Richard se lève.
12:40Il gagne sa chambre
12:41et prend son revolver
12:45qui l'arme.
12:48De retour au chevet
12:49de sa mère,
12:52il appuie doucement
12:53le canon sur la tempe
12:54et tire
12:57à bout portant.
12:59cela, c'était la première partie
13:04de sa décision.
13:05Richard était encore lucide.
13:08Mais le choc
13:09de l'acte accompli
13:10et les narcotiques
13:12l'abrutisent complètement.
13:15Il raconte.
13:15J'ai failli tomber.
13:20Je me suis agrippé
13:21au cadre de la porte.
13:23J'avais l'impression
13:23que des fourmis
13:25glacées
13:25montaient le long
13:26de mes vertèbres
13:26jusqu'à mes cheveux.
13:28J'étais dans le couloir,
13:30houleux.
13:32Les murs bougeaient,
13:33les lumières étaient floues.
13:35Je n'arrivais pas
13:36à fixer les choses.
13:38J'ai dû tomber par terre
13:39et y rester longtemps.
13:42À l'aube,
13:45je suis retourné
13:46dans la chambre.
13:49Je l'ai regardé.
13:52J'ai ramassé
13:53le revolver.
13:54Et j'ai tiré sur moi.
14:02Le coup était bien dirigé
14:03en pleine poitrine.
14:05Richard est tombé
14:05sur le lit de sa mère.
14:07C'est un rescapé
14:08que l'on juge
14:09devant les assises du Var.
14:11La balle
14:12a frôlé la pointe du cœur,
14:13perforé le poumon
14:14et s'est logé
14:15sous l'homme à plate gauche.
14:18Pendant sa convalescence
14:19à l'hôpital d'hier,
14:20Richard Corbett
14:21a écrit une longue lettre
14:22au journal Le Matin
14:23qu'il a publiée
14:23le 29 mai 1929
14:25sous le titre
14:26« Pourquoi j'ai tué ma mère ? »
14:29Ce document
14:29qui figure dans les pièces
14:30de notre dossier
14:31est un plaidoyer en faveur,
14:32je cite,
14:33« des martyrs
14:34auxquels la loi
14:35devrait accorder
14:36le droit
14:36de la mort libératrice ».
14:38Richard Corbett
14:39demande au médecin
14:40la création
14:41d'une sorte
14:41de conseil supérieur
14:42destiné à prendre
14:43ce genre de décision.
14:45Il estime en effet
14:46que seule la médecine
14:47est capable de trancher
14:48et qu'il est inhumain
14:49de laisser décider
14:50seul
14:51un individu
14:53isolé.
14:55L'affaire
14:55Richard Corbett
14:56s'est déroulée
14:57en 1929.
14:58Il y a donc
14:59près d'un demi-siècle
14:59de cela.
15:01Et vous le savez,
15:02l'actualité
15:03ces jours-ci
15:03s'est emparée
15:04d'un autre dossier.
15:05La plupart
15:05de nos magazines
15:06publient cette semaine
15:07la photo
15:07d'une jeune américaine
15:08de 21 ans,
15:10Karen Ann Killian.
15:11Cette jeune étudiante
15:12est dans le coma
15:13depuis six mois
15:14et ses parents,
15:15vous le savez,
15:15ont demandé
15:16à la justice
15:16du New Jersey
15:17de leur accorder
15:18un droit,
15:19celui de laisser
15:20mourir leur fille.
15:22Or,
15:23le juge,
15:23Robert Muise,
15:24en rendant son verdict,
15:26vient à nouveau
15:26de refuser
15:27une décision judiciaire
15:28en répondant
15:29« C'est à la science
15:30de trancher ».
15:32Ainsi,
15:33malgré les progrès
15:34réalisés en 50 ans,
15:35il semble bien
15:36que l'euthanasie
15:37ne soit toujours pas
15:38une affaire de justice.
15:40Souvenez-vous,
15:41en novembre 1962,
15:43le fameux procès
15:44de Liège,
15:45une jeune femme
15:45avec l'aide
15:46de sa mère,
15:46de sa sœur,
15:47de son mari
15:47et de son médecin,
15:48cette jeune femme
15:49qui avait empoisonné
15:50elle-même
15:50sa petite-fille,
15:51un bébé de quelques semaines
15:52à l'aide d'un biberon
15:53empoisonné.
15:54Pourquoi ?
15:55La thalidomide.
15:57Inutile de vous rappeler
15:58les visions d'épouvante
15:59liées à ce nom.
16:01La cour de Liège
16:01acquitte la famille
16:03et le médecin.
16:04Souvenez-vous,
16:05en 1973,
16:06une femme médecin hollandaise
16:08qui tue sa mère
16:08d'une dose massive
16:09de morphine.
16:11Dans ces cas-là,
16:12la justice
16:13admet ce qu'elle appelle
16:14le meurtre
16:15par compassion.
16:16Et lorsqu'il y a condamnation,
16:18ce sont la plupart du temps
16:18des condamnations de principe.
16:20Mais la loi,
16:21dans tous les pays du monde,
16:22n'en est pas modifiée
16:23pour autant sur le fond.
16:24Seule la forme
16:25s'adapte tant bien que mal
16:26à ce que pense
16:27au fond de lui
16:28M. Tout-le-Monde.
16:29On parle
16:30d'exceptions,
16:31bien sûr,
16:31de morts vivants
16:32revenues à la vie
16:33après des mois
16:33ou des années
16:34de désespoir.
16:35Par exemple,
16:35ce grand physicien soviétique
16:37sortit miraculeusement
16:38d'une mort clinique
16:39après plusieurs mois
16:40et qui vécut
16:41quatre ans
16:42en pleine possession
16:42de ses moyens intellectuels
16:43alors que tout laissait supposer
16:45des lésions graves.
16:47Mais qui dira ?
16:48L'extraordinaire effort
16:49de science
16:49et d'argent déployé
16:50par les soviétiques
16:51pour récupérer
16:52ce cerveau important.
16:54Ces moyens,
16:54bien sûr,
16:55ne sont pas
16:55à la portée
16:56de M. Tout-le-Monde.
16:57Et M. Tout-le-Monde
16:58continue de se poser
16:59la question
16:59en assistant
17:00depuis un mois
17:01à ce genre
17:01de déploiement
17:02gigantesque
17:03de la science
17:03pour un chef
17:04d'État européen.
17:05À quoi ça sert ?
17:06Bien sûr,
17:07il y a d'autres M. Tout-le-Monde
17:08qui résistent toujours
17:09dans l'exception
17:10et contre vents et marées.
17:12Il y a cette maman de France
17:13qui lutte seule
17:14auprès de son fils
17:15depuis 1959.
17:16Il y a cette autre Américaine
17:17depuis 34 ans
17:18au chevet de sa fille
17:19et cette autre
17:20depuis 20 ans.
17:22C'est que la mort
17:23n'est plus ce qu'elle est.
17:25La mort n'est plus
17:26ce que l'on expliquait
17:27au petit Richard Corbett
17:28qui demandait au début
17:29de ce siècle
17:29« C'est quoi quand on est mort ? »
17:32C'est quand on ne respire plus.
17:34La mort aussi
17:35est devenue compliquée.
17:36Il y a ceux
17:37qui ne respirent plus
17:37et qu'un poumon d'acier
17:38sépare de la mort,
17:40ceux dont le cœur
17:40ne bat plus
17:41et qu'un stimulateur cardiaque
17:43entretient
17:43ceux dont le cerveau est mort
17:45mais qui respirent encore
17:46spontanément.
17:48Et il y a les médecins,
17:49de grands médecins
17:49qui disent
17:50« L'euthanasie,
17:51cette mort douce,
17:52il faut la pratiquer
17:52mais ne pas la permettre,
17:54ne pas en parler. »
17:55Et ce n'est pas
17:56de l'hypocrisie
17:56de leur part
17:57mais de la pudeur
17:58tout simplement.
17:59Dans un monde
18:00où la mort n'est plus naturelle
18:01où l'instinct de conservation
18:02n'a plus de règles établies
18:03que reste-t-il
18:04sinon
18:05la pudeur.
18:08Cette pudeur
18:08si difficile à préserver
18:10dès que l'on parle
18:10de justice
18:11et qu'on réclame
18:13des lois.
18:15Nous n'avons pas
18:16quant à nous
18:16la prétention
18:17d'émettre une opinion.
18:19Il nous a semblé
18:19que ce dossier exceptionnel
18:20est mince
18:21qui ne demanda
18:23en 1929
18:24qu'une heure
18:24de délibération
18:25aux douze jurés
18:26des assises du Var
18:27méritait toutefois
18:28de figurer dans cette série
18:29car il n'a d'exemplaire
18:31justement
18:32que son effrayante
18:33simplicité.
18:35Richard Corbett
18:36fut acquitté.
18:38Ce n'était pas
18:39un homme exceptionnel
18:40dans une époque exceptionnelle.
18:42C'était un homme simple,
18:44courageux,
18:46qui aimait sa mère
18:46et qui a tenté
18:48de supporter
18:49le quotidien
18:50devenu lentement
18:52exceptionnel.
18:53il n'a pas pu.
18:56Il a voulu décider
18:58et il n'a pas supporté
19:01non plus sa décision.
19:03C'est seulement cela
19:04qui peut nous faire réfléchir.
19:07C'est seulement cela
19:08qui, à nos yeux,
19:10méritait
19:10d'être rappelé.
19:13Rien d'autre.
19:14Vous venez d'écouter
19:34les récits extraordinaires
19:36de Pierre Bellemare,
19:37un podcast
19:38issu des archives
19:39d'Europe 1.
19:40Réalisation et composition musicale
19:44Julien Tarot
19:44Production
19:45Estelle Laffont
19:47Patrimoine sonore
19:48Sylvaine Denis
19:50Laetitia Casanova
19:51Antoine Reclus
19:52Remerciements
19:54à Roselyne Bellemare
19:55Les récits extraordinaires
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