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  • il y a 5 jours

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Transcription
00:00Mais d'abord, Eugénie Bastiette avec nous sur Europe 1. Bonjour Eugénie.
00:03Bonjour à tous.
00:04Vous souhaitez revenir ce matin, Eugénie, sur la proposition portée par Gabriel Attal et des députés Renaissance
00:09de nommer Alfred Dreyfus, général de brigade, à titre posthume proposition
00:14qui semble l'objet d'un bras de fer entre l'Elysée et le Parlement.
00:18Oui, c'était le 2 juin dernier, l'Assemblée Nationale a adopté à l'unanimité cette proposition de loi
00:23portée par Gabriel Attal qui permet cette promotion posthume à Alfred Dreyfus
00:27dont on sait évidemment la tragique histoire.
00:30Or, selon le canard enchaîné de la semaine dernière, le président de la République, Emmanuel Macron,
00:33ferait tout pour ensabler le texte au Sénat et ce, pour ne pas contrarier les militaires qui seraient hostiles.
00:40Alors, le président avait déjà, il y a quelques années, émis des réserves sur une telle réparation.
00:44Il craignait d'ouvrir la boîte de Pandore des réhabilitations ou dégradations posthumes.
00:49Voilà ce qu'il disait.
00:50J'aurai demain des demandes de tel ou tel pour dégrader des généraux qui ont participé à la colonisation
00:55ou à telle ou telle guerre.
00:56Le grand risque, c'est de revisiter la hiérarchie militaire ou l'histoire avec le regard d'aujourd'hui.
01:02Alors, est-ce une inquiétude sincère du président de la République ?
01:04Ou veut-il simplement couper l'herbe sous le pied de son rival Gabriel Attal ?
01:08Reste que ces joutes politiciennes sur l'honneur bafoué d'un homme ne sont guère glorieuses.
01:13Mais sur le fond, Génie, est-ce que ce ne serait pas une bonne idée que de réparer par la loi
01:17cette injustice qui a privé Alfred Dreyfus de mener la carrière militaire qu'il aurait sans doute mérité ?
01:24« Je n'étais qu'un officier d'artillerie qu'une tragique erreur a empêché de suivre son chemin »,
01:28avait dit le capitaine Dreyfus à son petit-fils.
01:31Patriote, fidèle à la République et à la France malgré les avanies subies,
01:34Dreyfus est certainement un modèle pour notre époque.
01:37Mais hélas, je pense, comme Emmanuel Macron, qu'une telle initiative ouvrirait une brèche
01:41dans laquelle s'engouffrerait toutes les demandes.
01:43Pourquoi, par exemple, ne pas donner aussi le bâton de maréchal à titre posthume
01:47au général Castelnau, qui en a été privé pour ses opinions catholiques
01:50par la même République qui avait réhabilité Dreyfus ?
01:54Mais le danger le plus grave, c'est de blanchir ce qui aujourd'hui participe à l'antisémitisme.
01:59Quand je vois que la France insoumise et ses députés David Guiraud, Thomas Portes, Louis Boyard
02:03ont voté ce texte de Gabriel Attal des deux mains,
02:06tout en appartenant à un parti qui ne cesse de faire de la nouvelle judéophobie une rente électorale,
02:11on voit bien que cet unanimisme de façade ne fait que masquer les compromissions présentes.
02:18Il est plus facile de combattre l'antisémitisme du passé que de lutter contre celui du présent.
02:23Il est plus simple d'aller compenser l'impuissance politique par la surenchère mémorielle.
02:28Cette initiative de vouloir élever à titre posthume Dreyfus au grade général,
02:33est-ce que ça n'est pas symptomatique d'une tendance aussi du politique à surinvestir les enjeux mémoriels ?
02:39Oui tout à fait, vous savez que l'historien Pierre Nora, qui est disparu il y a quelques jours,
02:43avait bien documenté ce passage de l'histoire à la mémoire.
02:47Il s'insurgait contre l'habitude envahissante des politiques de dire l'histoire.
02:51Il avait critiqué aussi l'unanimisme compensatoire se donnant en spectacle,
02:55ce sont ces mots qui se donnaient à voir par exemple lors des commémorations médiatiques de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
03:00Cette mémorialite a culminé avec Emmanuel Macron qui n'a cessé de jalonner son mandat de grands rendez-vous mémoriels,
03:07parfois très réussis au demeurant, mais qui semble trahir par l'obsession du passé l'incapacité à répondre efficacement aux défis d'aujourd'hui.
03:15« Tout commence en mystique et se dégrade en politique », disait Charles Péguy à propos de l'affaire Dreyfus.
03:22L'écrivain déplorait que le noble et beau combat Dreyfusard pour l'innocence d'un homme
03:26ait été dévoyé en combine politicienne sous la Troisième République.
03:31Aujourd'hui encore, la mémoire d'Alfred Dreyfus est utilisée pour combler le vide parlementaire
03:37et mieux masquer les démissions du présent.
03:39Signature Europe 1, Eugénie Bastier. Merci beaucoup Eugénie.
03:42Dans un instant, la revue de presse d'Olivier Delagarde, 8h44.

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