Conflit en Israël et l'Iran : «On a une imprévisibilité de Monsieur Trump», souligne Frédéric Encel

Europe 1

16/06/2025

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00:00Sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le docteur en géopolitique Frédéric Ancel.

00:05Bonjour Frédéric Ancel.

00:07Bonjour.

00:08Bienvenue sur Europe 1, enseignant à Sciences Po au Paris.

00:10Votre dernier livre, La guerre mondiale n'aura pas lieu.

00:13Les raisons géopolitiques d'espérer, c'est paru chez Odile Jacob.

00:17Tout le week-end, l'Iran et Israël se sont rendus coup pour coup par frappes militaires interposées,

00:22missiles balistiques et drones côté iranien,

00:24frappes aériennes et opérations au sol en territoire ennemi côté israélien.

00:28C'est quand même une drôle de guerre, Frédéric Ancel, sans combat direct,

00:31guerre qui tombe du ciel pour les deux peuples.

00:33Est-ce que vous pensez que cela va durer, Frédéric Ancel ?

00:37Oui, oui, ça va durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

00:41Oui, oui, pour deux raisons.

00:42La première, c'est que les Israéliens, l'état-major israélien, le gouvernement israélien,

00:46ont décidé d'en finir avec l'épée de Damoclès immédiate du nucléaire iranien.

00:51Je dis bien épée de Damoclès immédiate.

00:53Il s'agit bien de ne pas croire, parce que personne ne le croit,

00:56que des formules situées au fond d'ordinateurs ou de cerveaux vont tout d'un coup disparaître sous les bombes.

01:01Évidemment, l'Iran conservera un haut niveau de technicité nucléaire.

01:05Mais ces derniers jours, ces dernières semaines,

01:09il semblait que vraisemblablement l'Iran allait arriver très rapidement à la capacité nucléaire militaire,

01:15ce qui pour Israël est une menace existentielle.

01:17Donc les Israéliens pensent surtout, c'est ce qu'ils ont comme objectif,

01:21à retarder de plusieurs années, voire de plusieurs décennies, cette capacité.

01:26Et puis du côté iranien, ça va se poursuivre parce que le roi est nu.

01:30Et depuis octobre dernier, et l'écrasement du Hezbollah,

01:33au fond, la République islamique n'a plus que ses missiles à propulser essentiellement sur des villes civiles,

01:39pour montrer qu'il n'est pas définitivement à terre.

01:42Oui, et certains décrivent le régime des Mollahs comme faible et dangereux.

01:45dangereux parce que faible, justement, Frédéric Ancel.

01:50Oui, absolument, c'est le syndrome de la bête blessée, c'est vrai.

01:53Mais en même temps, aux yeux, en tout cas, des Israéliens d'une part,

01:56mais de la communauté internationale, et notamment de l'AIEA,

01:59de l'Agence internationale de l'énergie atomique, d'autre part,

02:02ce régime n'est pas si faible au sens de sa capacité de nuisance nucléaire.

02:06Il faut quand même rappeler d'un mot que, depuis 2002, l'AIEA, c'est-à-dire l'ONU,

02:11ce n'est pas le Likoud de Netanyahou, c'est l'ONU,

02:13stigmatise l'Iran pour son avancée illégale en droit international de ses capacités nucléaires.

02:20Et je rappelle également d'une date que, le 1er janvier 2007,

02:24le Conseil de sécurité des Nations Unies, c'est-à-dire aussi Moscou et Pékin,

02:28avait décidé d'une série de trains de sanctions,

02:31qui d'ailleurs, depuis, n'ont jamais été levées, toujours, sur le dossier nucléaire.

02:34Donc, il est faible, oui, à l'intérieur, il est faible aussi,

02:38parce que la population le déteste, ce régime,

02:39il est faible aussi de la perte de son proxy principal, qui était le Hezbollah,

02:43mais il conserve, pour l'instant, et on le voit bien,

02:45une capacité de nuisance balistique très considérable.

02:48Est-ce que vous pensez que le gouvernement de Benyamin Netanyahou

02:50espère un changement de régime à Téhéran ?

02:53Il y a eu cet appel, quand même, de Benyamin Netanyahou à la population iranienne

02:56à se soulever contre le régime en place.

03:01Oui, mais je pense que là, on est dans la pensée magique.

03:02C'est-à-dire qu'on comprend bien pourquoi Netanyahou appelle le peuple iranien

03:07à se soulever, et il s'agit aussi, en stigmatisant très durement,

03:12et sur le plan moral, et à juste titre, ce régime inique,

03:15mais pour légitimer ou surlégitimer, en quelque sorte,

03:18son offensive militaire massive.

03:20Ça, on le comprend.

03:21Mais le problème, c'est que les régimes ne chutent que très exceptionnellement

03:25du fait d'opérations militaires extérieures.

03:28D'abord, parce qu'une grande partie du peuple iranien,

03:31et c'est tout à fait compréhensible et légitime,

03:33est très patriote, sinon nationaliste.

03:35Donc, si vous voulez, être libéré dans les fourgons de l'étranger,

03:37ce n'est jamais quelque chose de très positif.

03:39Et puis, deuxième point, on fait une révolution lorsqu'on est exaspéré

03:42au quotidien, sur le plan social ou sur le plan de la répression permanente.

03:46Mais pas parce que des bombes extérieures tombent sur les chefs,

03:50y compris au nid de votre propre régime.

03:52Et qu'est-ce que vous pensez que va faire Donald Trump ?

03:55Que vont faire les Etats-Unis,

03:58qui, à ce stade des opérations, se montrent assez hésitants ?

04:02J'ai suivi toute la nuit sur les réseaux sociaux,

04:04les spéciales et fondues de ce qu'on appelle l'OSINT,

04:06c'est-à-dire l'information, le renseignement en open source.

04:11On a beaucoup commenté l'envol d'avions ravitailleurs militaires américains

04:15qui se dirigent actuellement vers l'Europe.

04:17Pourquoi vont-ils se positionner en Europe ?

04:19Est-ce le signe que les Américains pourraient s'engager militairement en Iran ?

04:22Oui, là on est sur la quintessence de l'imprévisibilité du président américain.

04:31Parce qu'en réalité, lui souhaite,

04:33se fiche un peu qu'il serelle et l'Iran se fassent la guerre.

04:36Mais je rappelle toujours que son prisme moyen-oriental,

04:38et on l'a vu il y a encore quelques semaines,

04:40c'est l'Arabie Saoudite.

04:41En fait, ce que craint Trump, comme la peste,

04:44c'est que perdu pour perdu,

04:45le régime islamique d'Iran cherche à tout casser,

04:47et y compris les installations pétrolières saoudiennes,

04:53et pourquoi pas d'ailleurs émiraties,

04:54puis surtout à bloquer la voie de navigation commerciale fondamentale du Golfe.

05:00Et là, ça coûterait très cher.

05:01Absolument.

05:02Et ça coûterait très cher à tout le monde,

05:03et surtout aux Américains.

05:04Je rappelle que l'Arabie Saoudite vient de promettre l'achat à concurrence

05:10de 140 milliards de dollars de matériel et de services militaires,

05:14essentiellement américains, et c'est comme ça depuis des décennies.

05:18C'est pour ça que je vous dis que Trump, lui, il est prêt à soutenir,

05:20et c'est pas nouveau, Israël à fond contre l'Iran.

05:23Je rappelle d'ailleurs que c'est le même Trump qui, en août 2018,

05:27était sorti du fameux accord du 14 juillet 2015 sur le nucléaire,

05:30qui avait été signé avec les Européens notamment,

05:34et les Russes et les Chinois aussi, et les Iraniens.

05:37Et donc c'est lui qui est revenu dans des négociations,

05:39et d'après les Israéliens, ces dernières semaines,

05:41ces négociations, en réalité, elles n'étaient pas sérieuses,

05:43elles tournaient en rond.

05:44Donc on a aujourd'hui une imprévisibilité réellement très très grande,

05:49et j'allais dire à l'épreuve du terrain de la part de M. Trump.

05:54Merci Frédéric Ancel, enseignant à Sciences Po Paris,

05:57votre dernier livre, La guerre mondiale n'aura pas lieu,

06:00les raisons géopolitiques d'espérer, c'est chez Odile Jacob.

06:02Merci beaucoup Frédéric Ancel.

06:04Merci à vous.

06:05Il est 7h17 sur Europe 1.

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