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  • 15/06/2025
L'invité du grand entretien de ce dimanche est Jean-Louis André, réalisateur de documentaires et essayiste, auteur de “Notre chez-soi. La maison des Français depuis les Trente Glorieuses” (Odile Jacob).

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00Un grand entretien en intérieur aujourd'hui. On s'invite chez vous, dans la maison des Français depuis les 30 glorieuses.
00:13C'est le sous-titre du livre tout juste publié par notre invité Jean-Louis André, réalisateur de documentaires et essayiste.
00:19Bonjour.
00:20Bonjour.
00:20L'ouvrage s'appelle « Notre chez soi ». Il est publié chez Odile Jacob et il montre s'il le fallait que notre maison, ce ne sont pas seulement des murs.
00:27C'est vous qui le dites, c'est un toit, c'est notre intérieur.
00:31Questions, témoignages, chers auditeurs, faites-nous rentrer chez vous au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:39Alors Jean-Louis André, votre livre présente l'évolution de nos logements depuis l'après-guerre avec des exemples très personnels.
00:45Votre chambre d'étudiants à Paris, l'appartement de vos parents à Marseille.
00:49C'est important parce que « Notre chez nous », ce n'est pas seulement un lieu, c'est une part de nous, il nous ressemble.
00:54C'est la projection de notre intériorité, de tout ce que nous sommes.
00:59Alors parfois, une projection un peu trompeuse parce qu'on ne réussit pas vraiment toujours à avoir l'appartement qu'on voudrait ou la maison, la belle maison qu'on voudrait.
01:06Mais n'empêche qu'on l'investit, qu'on la modifie et qu'on en fait quelque chose qui finalement est assez à notre image.
01:10Vous dites qu'on y place nos espoirs et nos économies.
01:14Vous dites même que depuis quelques décennies, on survalorise le logement, notre maison, c'est tout nous.
01:19Est-ce que justement c'est une question de prix ? Est-ce que c'est parce qu'il compte tellement dans notre budget qu'il est aussi important ?
01:24Je pense qu'on est dans une espèce de double bind, d'injonction contradictoire.
01:30C'est-à-dire qu'on a d'un côté une survalorisation de notre logement, qui est à la fois un peu le showroom, notre showroom personnel.
01:37On montre ce qu'on peut faire ou ce qu'on est.
01:42Et en même temps, il y a énormément de clichés, de choses qui sont standardisées, qui traversent tout ça.
01:51Et qu'en plus, dernier point, il y a une sorte d'inflation sur les prix qui fait qu'on a de moins en moins accès au logement qu'on voudrait.
02:01Donc tout ça est assez contradictoire et parfois crée des tensions chez les gens.
02:05Parce qu'il y a eu des moments de rupture aussi, qui peut-être ont fait que notre logement était important.
02:11Par exemple, l'urbanisation, par exemple aussi, plus récemment, la Covid.
02:15Oui, la Covid a permis, enfin a montré que notre intériorité était, enfin notre intérieur était fondamental.
02:22Que si on n'avait pas, alors notre intérieur et notre extérieur.
02:25C'est-à-dire que tout d'un coup, c'est aperçu que quand on est chez soi, si on peut sortir, on va mieux.
02:29Et ça a changé complètement, par exemple, le rapport qu'on a au jardin.
02:34Le jardin est devenu non plus le potager, ça c'était les années 50, on y faisait le potager.
02:38Aujourd'hui, c'est devenu une prolongation de notre salon.
02:41Alors on le protège, on lui met une clôture, etc. On ne veut plus qu'on le voit.
02:44Il y a une intimité de l'extérieur qui s'est créée depuis 4-5 ans.
02:48Et on le voit aux palissades, aux clôtures qui s'opacifient, aux palissades qui montent dans les quartiers pavillonnaires.
02:54Vous, vous datez la crise du logement, même d'avant les 30 Glorieuses, d'avant la guerre des années 20.
03:00Pourquoi est-ce qu'on a toujours l'impression, et c'est encore le cas aujourd'hui, qu'on manque de logement ?
03:05On est toujours en pénurie de logement ?
03:07Oui, c'est vrai. Et parce qu'au fond, aussi, les habitudes et les exigences changent.
03:14Lorsque, dans les années 50, on accepte de vivre à 5, 6 dans un logement relativement petit,
03:21les enfants acceptent de partager leur chambre, acceptent d'avoir une seule télévision, etc.
03:28Aujourd'hui, tout s'éclate, et donc on veut des logements de plus en plus grands, etc.
03:34Puis il y a plein de choses qui se passent aussi dans la société.
03:36La multiplication des couples monoparentaux, qui font que là où vous aviez un logement,
03:41et trois personnes avec un enfant, vous avez deux logements, et voilà.
03:45Donc on a ça, on a aussi la crise économique, la position des banquiers qui ne prêtent pas toujours ce qu'il faudrait pour qu'on puisse investir.
03:54Avec des taux parfois élevés encore.
03:55Avec des taux parfois élevés, etc.
03:57Donc il manque toujours de logements.
03:59On n'a pas vraiment deux mots, nous, pour désigner notre chez-nous.
04:03Les Anglais, ils ont house, la maison, et ils ont home, justement le chez-nous, le foyer.
04:09Est-ce que c'est une erreur, finalement, de ne pas distinguer les deux ?
04:11C'est une erreur, on n'est pas rien, c'est la langue.
04:13Oui, bien sûr qu'il y a deux mots en anglais, qui sont le house, qui est la maison concrète,
04:19et puis le home, qui est notre foyer, l'endroit où on se retrouve.
04:21Mais le mot maison en français, lui-même, il est déjà porteur d'une certaine ambiguïté.
04:27La maison, c'est aussi la famille.
04:29La maison Bourbon, la maison des… voilà.
04:32Et puis, la maison de la radio.
04:34C'est vrai, notre maison.
04:35La maison de tous les auditeurs et la maison de tous les Français, d'ailleurs,
04:38qui contribuent à la financer aussi.
04:41Votre livre, Jean-Louis André, il est chronologique.
04:44Alors, dans un premier temps, après la guerre,
04:46pour les Français, pour les citoyens, il s'agit de retrouver un chez-soi.
04:50Et puis ensuite, il va falloir, dans un deuxième temps, loger massivement les gens.
04:54Après, il y a une sorte de ce que vous appelez un retour sur terre.
04:57Et puis, tout ce qui se passe depuis les années 2000,
04:59est-ce que vous disiez le retour en intérieur, la place de l'individu.
05:04Et on voit émerger petit à petit aussi le rêve du pavillon en banlieue,
05:09qui a l'air d'être encore un idéal aujourd'hui.
05:1190%, je crois, des Français qui rêvent d'un pavillon.
05:15Il y a un sondage Cantar il y a quelques années.
05:16C'est ça, il y a des sondages qui sont édifiants.
05:19Mais en réalité, ce rêve, il est déjà présent dans les années 50.
05:22Alors, on n'a pas les moyens, parce qu'il faut industrialiser la construction,
05:26et donc on construit des grandes barres en masse.
05:28Mais déjà, il commence à y avoir des gens qui rêvent de pavillons, etc.
05:32Et puis la grande époque, effectivement, c'est les années 80,
05:36début des années 80, où là, la France va se pavilloniser.
05:39Et où on voit des grandes fortunes se constituer autour des grandes entreprises.
05:45Et où on voit même, ça c'est assez intéressant,
05:47on voit même la campagne rêvée de pavillons.
05:50C'est-à-dire que vous avez ces paysages très étonnants,
05:53mais qu'on a tous vus, dans lesquels on a la ferme familiale,
05:56belle, en pierre de taille, etc.
05:58Et plus personne ne l'habite.
05:59Et tout autour, vous avez les enfants qui ont construit leur pavillon.
06:02C'est-à-dire que c'est vraiment en train de devenir un idéal
06:05qui touche bien sûr le monde, enfin la ville.
06:09Mes parents, à ce moment-là, des ménages vont habiter dans la banlieue de Marseille,
06:15qui touchent la ville, mais aussi la campagne.
06:17Et là, c'est encore plus étonnant.
06:18Il y avait eu une grosse polémique en 2021.
06:20Je ne sais pas si vous vous souvenez,
06:21la ministre du Logement, Emmanuel Wargon,
06:23qui avait qualifié ce modèle de pas soutenable.
06:26Ça avait vraiment déclenché la colère à l'époque ?
06:29Ben oui, bien sûr que ça avait déclenché la colère,
06:31mais qu'est-ce que vous voulez y faire ?
06:33En réalité, elle a pratiquement raison.
06:36C'est le bon sens, j'ai un fils qui a...
06:38C'est une question d'environnement, en fait.
06:39Ce qu'elle disait, c'est qu'on n'a pas la place de mettre tout le monde
06:42comme ça dans une maison individuelle qui va coûter aussi cher à chauffer, etc.
06:45J'ai un fils qui a 7 ans, on se promène dans les quartiers nord de Marseille,
06:48il regarde les bars comme ça, il me dit
06:50« Je comprends pourquoi on a fait ça. »
06:52Parce que si on mettait tous ces gens à côté les uns des autres,
06:54on ne s'en sortirait plus.
06:55Et c'est vrai que ça prend beaucoup plus de place,
06:58donc ça prend plus de services publics, ça prend plus de routes,
07:00ça prend plus de...
07:01Voilà, ça oblige, effectivement, écologiquement, c'est difficilement soutenable.
07:05Donc il va falloir trouver des formes qui sont entre le collectif et l'individuel,
07:09qui sont des manières de, à la fois, faire tenir les maisons,
07:12mais permettre à chacun...
07:13C'est le rêve de tous les architectes, depuis les années 50.
07:16Il y a des architectes qui inventent des espèces de gros blocs comme ça,
07:20dans lesquels on est comme dans une maison individuelle, mais ensemble.
07:23Voilà, donc ça va continuer.
07:24Justement, les bars dont vous parliez, c'est un peu le point de départ du livre,
07:28puisqu'on est dans l'après-guerre, il y a beaucoup de logements qui ont été détruits,
07:31le gouvernement crée un ministère de la reconstruction,
07:35et puis il y a le matériau star qui arrive, c'est le béton.
07:39À l'époque, on en met partout.
07:41On en met partout et le béton, c'est très ambigu.
07:43C'est à la fois la chose que le public déteste.
07:47« Ah, ils ont bétonné partout, ils ont tout bétonné, c'est horrible ! »
07:50Et la chanson de Dutron, enfin, la fleur de béton à la boutonnée, enfin, etc.
07:54Donc, c'est à la fois quelque chose que le public déteste,
07:57et c'est quelque chose que les architectes adorent.
07:59Parce que c'est la pierre liquide, parce que ça permet de faire des formes nouvelles,
08:02parce que ça permet de faire des formes continues aussi.
08:06Quand vous empilez des pierres, même sur une colonne romaine,
08:08il y a toujours la petite jointure qui fait que,
08:10« Hum, on n'a pas réussi à faire quelque chose de lisse. »
08:12Là, vous faites des portants, et le grand geste architectural des années 60,
08:16c'est évidemment le cnid de la Défense, grand comme la place de la Concorde,
08:19dont Malraux dit « On n'a rien fait d'aussi beau depuis le temps des cathédrales. »
08:23On parle de la grande dalle, effectivement, au niveau de la Défense,
08:28mais le béton, quand même, il pose question aujourd'hui.
08:30On s'interroge notamment sur son impact environnemental.
08:33C'est très coûteux en termes d'énergie, pour fabriquer le craquin,
08:37et c'est donc effectivement un problème environnemental.
08:40Après, tous les matériaux finissent par poser des problèmes, même le bois.
08:44C'est vrai, cette époque des grands ensembles, justement,
08:47on l'entend très bien dans un film que vous aimez bien, je crois.
08:50C'est « Mélodie en sous-sol », un film d'Henri Verneuil en 1963.
08:54« Quoi ? Ils n'ont tout de même pas rasé ma cabane ? »
08:57« Ginette m'aurait écrit. »
09:00« Eh ben, c'est-à-dire que j'avais acheté ça pour les arbres et puis pour les jardins. »
09:05« Ils appelaient ça la zone verte. »
09:07« C'est devenu New York, la zone verte. »
09:10« C'est devenu New York, la zone verte, Jean-Louis André. »
09:17« C'est Sarcelles, en vrai. »
09:18« Oui, c'est Sarcelles, ce n'est pas New York, c'est Sarcelles. »
09:21« Et c'est Jean Gabin qui cherche son chez-lui, il sort de prison et puis il ne reconnaît plus rien du tout. »
09:26« Ils ont tout de suite été détestés, ces grands ensembles ? »
09:29« Non, il y a eu, chez les architectes par exemple, c'est quelque chose, on croit souvent que les architectes font des bâtiments rabais. »
09:38« Ils font ça de façon, au contraire, avec une certaine fierté. »
09:42« C'est tous des prix de Rome. »
09:43« C'est Zerfus par exemple à Nancy qui construit ce qui va devenir, c'est la légende, la plus grande barre d'Europe, le Haut-du-Lièvre,
09:49qui d'ailleurs on est en train en ce moment de déconstruire.
09:51C'est l'architecte de l'UNESCO, c'est l'architecte qui a reconstruit Sfax en Tunisie,
09:56c'est l'architecte qui a construit le CNIT justement.
09:59Donc il arrive à Nancy en disant « Je ne vais pas faire de la banlieue, des cages à poules. »
10:03Il dit « Je vais faire un chef-d'œuvre, je vais faire aussi beau que la place Stanislas. »
10:06« Oui, alors on se souvient aussi de la chanson de Renaud, mon HLM. »
10:11Vous savez où il décrit, alors il y a toute une diversité de personnages qui habitent dans son HLM,
10:18qui sont très très différents.
10:20C'est plus du tout ça aujourd'hui les grands ensembles et les HLM.
10:24« C'est plus du tout ça, mais effectivement ça l'a été. »
10:26C'est-à-dire qu'il y a une vraie concurrence dans les années 60
10:29entre les gens qui arrivent et qui sont des vrais mal logés.
10:32Parce que la France des années 60-70, c'est encore une France des bidonvilles
10:36dans laquelle à Nanterre, à Massy, il y a des gens qui sont là
10:39et qui regardent pousser ces bâtiments-là avec envie.
10:42En se disant « Si seulement on pouvait sortir de la boue et de la crasse dans laquelle on vit
10:45et aller vivre là-dedans, ça c'est une partie. »
10:48Et l'autre partie, c'est la classe moyenne qui est toujours logée à l'époque dans les centres-villes
10:53et qui dans les centres-villes a des maisons, enfin des appartements dans lesquels il n'y a pas de toilettes
10:57et où les toilettes sont sur le balcon, c'était le cas chez ma grand-mère.
11:00Il n'y a pas de chauffage, il n'y a pas de salle de bain.
11:03Pas de salle de bain chez mes deux grands-parents à Marseille quand même, en plein centre-ville.
11:07Voilà.
11:07Donc, on a tout ça et ces deux publics se font concurrence, mais le HLM de l'époque passe pour une promotion.
11:15Donc, on y trouve aussi bien.
11:16Rappelez-vous, dans la chanson de Renaud, effectivement, on y trouve la nana qui part au Club Med et qui bosse dans la pub.
11:22Aujourd'hui, c'est plus difficile de trouver ce genre.
11:24C'est plus vraiment ça.
11:24Il y a 10 millions de Français quand même qui sont en logement social aujourd'hui.
11:273 millions qui attendent encore.
11:29Là aussi, on manque, on est en pénurie.
11:31Oui.
11:32Et alors, ce qui est toujours étonnant, c'est...
11:33Mais bon, après, ça pose des questions sur lesquelles il faut réfléchir, qui sont des questions presque philosophiques.
11:38C'est qu'en même temps, qu'est-ce qu'on donne aux gens ?
11:40C'est-à-dire qu'en même temps, on détruit des logements.
11:42On est dans une période où on est détruit ou on implose.
11:45Enfin, on n'implose plus d'ailleurs.
11:46Mais où on grignote petit à petit des grandes barres.
11:51L'eau du lièvre est en train d'être fragmentée, par exemple, en ce moment même.
11:53C'est une sorte de réaménagement maintenant plutôt que d'explosion.
11:56On est passé à une autre sorte de traitement.
11:58Oui, parce que ça choque beaucoup les gens, quand même, de voir exploser le bâtiment dans lequel on a vécu.
12:05Je me souviens, à l'époque, j'étais journaliste au Monde et je me souviens d'une émission, je faisais Critique Télé,
12:10on m'avait parlé d'une émission, on m'avait dit qu'il va y avoir une émission incroyable dans laquelle ils vont casser les tours des Minguettes,
12:16ils vont les faire imploser, ça va être mis en musique par Jean-Michel Jarre.
12:19Aujourd'hui, on ne pourrait plus faire ça.
12:21On n'oserait plus avoir ce côté triomphal.
12:24Un drôle de spectacle quand même.
12:26Oui, il avait été annulé d'ailleurs.
12:28Pascal nous appelle de Grenoble. Bonjour Pascal.
12:31Oui, bonjour.
12:32Vous avez une question pour Jean-Louis André ?
12:34En fait, ce n'est pas vraiment une question, c'est plutôt un témoignage.
12:37Moi, j'occupe une maison qui date de 1880, qui a été occupée par de nombreuses personnes avant moi.
12:43Et quand je suis arrivée ici, j'avais l'impression que c'était elle qui m'occupait plutôt que moi.
12:48Et il a fallu un certain nombre d'années pour qu'on se partage la chose.
12:53Elle m'occupe toujours et moi, je l'occupe un peu.
12:55Et puis, ce sera le cas, je pense, de ceux qui me succéderont.
12:58Et je trouve que c'est quelque chose de merveilleux à ressentir.
13:01Enfin, pour moi, en tous les cas, c'est magique.
13:04Merci beaucoup pour ce témoignage, Pascal.
13:06Jean-Louis André, on voit bien là le lien affectif.
13:08C'est bon, cet attachement à la maison.
13:10Je crois que les lieux nous habitent autant que nous les habitons, ou plus encore que nous les habitons.
13:15Alors, il y a sur l'application France Inter, une question qui est intéressante.
13:18Est-ce que la taille de notre maison a une influence sur notre manière de vivre ?
13:22C'est Max qui demande ça.
13:25Je crois que c'est plutôt l'inverse.
13:28C'est-à-dire que notre manière de vivre a une influence sur notre maison.
13:31C'est-à-dire qu'on va faire le choix, par exemple, de vivre, si on aime bien sortir.
13:38Et quand on est jeune, on va plutôt faire le choix d'habiter un appartement en centre-ville,
13:41même s'il est petit, surtout s'il est à Paris, s'il est tout petit, même s'il est minuscule.
13:45Et que si, au contraire, on a besoin d'être en famille, d'avoir des enfants et de les voir jouer,
13:50on va plutôt habiter dans la banlieue pour avoir un jardin.
13:52Et on revient à notre petit pavillon.
13:55Alors, si on poursuit un peu la lecture du livre,
13:57les grands aménagements dont on parlait tout à l'heure,
14:00et vont laisser place à ce que Télérama va définir en 2010 comme la France moche.
14:04Les zones grises, commerciales, entre centre-ville et banlieue.
14:08Ça existe encore, ça, la France moche ?
14:09Elle existe, oui, bien sûr qu'elle existe encore.
14:12Mais après, moi, je suis...
14:14Enfin, après, je discute ce terme-là.
14:16Parce que, oui, elle est moche.
14:18D'abord, c'est un regard.
14:19C'est un regard, même, peut-être, de classe.
14:21On peut dire qu'il y a un regard qui n'est pas neutre.
14:24De dire, c'est moche, c'est beau.
14:25Qu'est-ce qui est moche ? Qu'est-ce qui est beau ?
14:26Et puis, je trouve qu'il y a surtout, au bout de 20 ans,
14:29il commence à y avoir une histoire, même, du pavillon.
14:32Vous allez dans certains quartiers,
14:34dans certaines villes périphériques,
14:36certains villages périphériques,
14:37et là, vous trouvez à la fois des pavillons des années 80,
14:40mais qui ne sont pas les mêmes, des pavillons,
14:42que ceux qu'on construit aujourd'hui.
14:44Aujourd'hui, on va faire du blanc.
14:45On ne va pas mettre de volets ou alors des volets roulants.
14:48À l'époque, il y a beaucoup de volets pleins.
14:51Vous avez des enduits qui sont des enduits rustiques.
14:53Les années 80, c'est les années du rustique, par exemple.
14:56C'est les années où on va faire des cheminées avec des poutres en bois,
14:59où on va mettre du crépit au mur, y compris à l'intérieur.
15:02On se fait mal quand on se coigne dans les murs, quand même,
15:04parce que c'est grave.
15:05Oui, il y a ça chez mes parents.
15:07En fait, il y avait la loi zéro artificialisation,
15:11je vais y arriver, nette,
15:12qui devait améliorer les choses un peu sur cette France,
15:15considérée par certains comme moche.
15:17Elle devait permettre de remplir ces zones, de les densifier.
15:20Et puis, elle a connu un recul récemment à l'Assemblée nationale.
15:23Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
15:24Je pense qu'en même temps, c'est la ville qui se fait.
15:27On est obligé, enfin, on va y venir, forcément,
15:30à ce retravail.
15:32Et que c'est ça qui est beau, au fond.
15:34Que ce soit sur les grands ensembles,
15:35ou que ce soit dans les lotissements pavillonnaires,
15:37ce qui est beau, c'est quand il y a une deuxième couche,
15:39puis une troisième d'intervention humaine.
15:43Parce qu'au fond, la ville, on sait bien que c'est un millefeuille,
15:45que c'est des couches successives.
15:47Mais là, on force un peu les couches avec cette loisanne
15:49qui oblige à densifier les parties
15:52qui sont laissées un petit peu en jachère
15:54entre les zones commerciales et les pavillons.
15:56C'est une évidence que c'est mieux
15:57que d'aller coloniser des champs de betterave ou de blé
16:00dont on a besoin par ailleurs.
16:01Alors, il y a beaucoup de choses aujourd'hui
16:02qui changent notre rapport au logement,
16:04qui viennent aussi le fragiliser.
16:06Le réchauffement climatique, la montée des eaux,
16:08les fissures aussi qui menacent nos maisons.
16:10Et puis, il y a les séismes.
16:12Je voulais vous faire écouter un extrait
16:13du 20h de France 2 cette semaine.
16:15Ça m'a marquée et j'ai pensé à vous
16:16qui étiez pressentis déjà dans cette matinale.
16:20Ça se passe à la grève sur le Mignon
16:21en Charente-Maritime
16:22après un tremblement de terre
16:23qui a eu lieu il y a un an.
16:25C'est ma chambre.
16:26C'est ma chambre qui est en train de tomber.
16:31Il faut imaginer le bulldozer
16:32à sa démolition.
16:33C'est une page du livre de mon histoire
16:41qui se tourne.
16:43Sur le plan psychologique,
16:44c'est un peu violent en fait.
16:45Bravo.
16:50À l'intérieur,
16:52je peux ?
16:52On distingue encore
16:54les fissures
16:55apparues à la suite
16:56du tremblement de terre.
16:58Des dégâts irréparables.
16:59Alors là,
16:59on parle de menaces sismiques,
17:01mais par exemple,
17:01on voit aussi les maisons se fissurer,
17:03voire être condamnées
17:04à la destruction
17:04par les phénomènes
17:06plus ou moins naturels,
17:07donc le réchauffement,
17:08la montée des eaux aussi.
17:09Ça, c'est un traumatisme véritable ?
17:11C'est forcément un traumatisme,
17:13mais c'est...
17:14Alors là,
17:14on n'y peut rien,
17:15enfin c'est...
17:16Mais c'est toujours...
17:17Mais c'est au fond
17:18le traumatisme
17:18dont on parlait tout à l'heure
17:20quand on disait
17:20faire imploser des tours.
17:22Moi, j'ai vu
17:22dans le Haut-du-Lièvre
17:23toujours un Ancy,
17:24grande barre
17:25qui est en train
17:26d'être déconstruite
17:27et je vois tout d'un coup
17:28deux, trois ouvriers
17:29qui sont des jeunes du quartier
17:30qu'on a embauchés
17:32et qui me disent
17:33« Vous vous rendez compte, monsieur,
17:34on est en train
17:35de casser l'appartement
17:36dans lequel on a vécu,
17:37enfant.
17:38Je casse l'appartement.
17:39Là, je viens d'appeler ma mère
17:40et je lui ai montré...
17:42Parce que ça faisait 20 ans
17:43qu'on avait déménagé
17:44et je lui ai montré
17:45comme un dernier spectacle,
17:47je lui ai montré
17:48la cuisine, tout ça.
17:49Et bien maintenant,
17:49on va le casser. »
17:50Et vraiment,
17:51quand vous voyez arriver
17:52les gens qui vont casser
17:53un appartement
17:54pour le rénover
17:56ou pour le...
17:57Ce n'est pas la question.
17:57Mais les gens qui cassent,
17:59on a l'impression
17:59d'être à Beyrouth
18:00dans les années 70.
18:02C'est-à-dire,
18:02c'est une violence extraordinaire
18:04quand même
18:04quand on détruit.
18:06Alors, vous allez faire
18:06un documentaire
18:08sur le sujet.
18:09Je voulais vous parler
18:10quand même
18:10de ce mouvement paradoxal
18:12parce que vous dites
18:13« On a réinvesti nos logements,
18:15on a mis des clôtures,
18:16on est un peu dans
18:17un espace privé
18:17depuis le début
18:18des années 2000.
18:19Mais on les laisse aussi
18:20parfois vacants
18:20pour les louer
18:21sur des plateformes
18:22comme Airbnb,
18:23comme Abritel.
18:25Vous êtes favorable,
18:26vous,
18:26à ces règles
18:27qu'on met en place,
18:28que mettent en place
18:29les municipalités
18:30pour éviter
18:31que les locations
18:32de courte durée
18:32vident les centres-villes,
18:33qu'il y ait cette France
18:34des volets fermés
18:35comme disait
18:35le Parisien Magazine
18:36cette semaine ?
18:37Oui, c'est très compliqué.
18:38C'est-à-dire qu'effectivement,
18:40on n'a pas envie
18:40de voir des centres-villes
18:43entiers
18:44devenir des accumulations
18:47de Airbnb.
18:48Mais en même temps,
18:50moi, je trouve que
18:50permettre aux gens
18:52de se promener
18:53dans le monde,
18:54en France,
18:55en Europe,
18:55partout,
18:56et d'être dans une maison,
18:58ça n'est pas rien
18:58quand même.
18:59Alors,
19:00il se trouve que
19:00ce geste généreux
19:02et intéressant
19:02qui consiste à dire
19:04tu vas pouvoir habiter
19:05non pas à l'hôtel,
19:06mais tu vas pouvoir habiter
19:07dans une maison
19:07acheter des rougers,
19:09des dorades
19:09chez le poissonnier
19:10quand tu es à nappe
19:10et les faire cuire
19:11et les cuisiner.
19:12C'est très intéressant.
19:14Ça change la position
19:15qu'on a en tant que touriste
19:16ou que voyageur.
19:17Et en même temps,
19:18c'est évidemment
19:19tout ça est récupéré
19:21par les promoteurs
19:23et par les investisseurs.
19:26Moi, je trouve qu'effectivement,
19:27il n'est pas acceptable
19:28qu'on ait 8, 10.
19:30Enfin, il n'est pas acceptable.
19:31C'est dommage
19:32qu'on ait parfois
19:33des investisseurs
19:34qui aient 10 appartements
19:35à louer sur Airbnb.
19:37Ce n'est pas un métier Airbnb.
19:37Ça doit être une plateforme d'échange.
19:39Vous nous parlez des promoteurs,
19:40Jean-Louis André.
19:41Je me fais l'écho de Cécile
19:42qui nous a appelé
19:42qu'on n'a malheureusement
19:43pas le temps de prendre en ligne
19:44mais qui n'est pas contente.
19:45Elle a dit que les promoteurs
19:46font parfois des appartements
19:47mal pensés,
19:48mal fabriqués
19:49pour les gens.
19:50Bref, tout n'est pas rose
19:51aussi dans ce monde
19:52du logement,
19:53dans notre chez-soi
19:53que vous décrivez
19:54dans ce livre
19:55La maison des Français
19:57depuis les 30 glorieux.
19:58C'est aux éditions
19:59Odile Jacob.
20:00Merci beaucoup
20:00d'être venu ce matin,
20:01Jean-Louis André.
20:02Merci à vous.

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