- 19/05/2025
Le président du groupe de réflexion Shift Project Jean-Marc Jancovici était l'invité du Grand Entretien de France Inter ce lundi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-19-mai-2025-2881930
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00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin un ingénieur spécialiste de l'énergie,
00:05membre du Haut Conseil pour le Climat.
00:07Il préside le groupe de réflexion Shift Project.
00:11Question réaction 01 45 24 7000 sur l'application de Radio France.
00:17Jean-Marc Jancovici, bonjour.
00:19Bonjour.
00:20Bonjour et bienvenue.
00:22Bienvenue.
00:22Très générique ce bonjour.
00:23Merci d'être au micro d'Inter pour parler de l'ambitieux projet du Shift Project
00:30qui entend peser sur la présidentielle de 2027.
00:34On va y venir dans un instant, mais on voulait d'abord votre regard sur le moment que nous traversons.
00:40Votre dernière venue à ce micro remonte à décembre dernier, avant le retour de Trump au pouvoir.
00:48Depuis, il y est, il met en œuvre son programme climato-sceptique.
00:54Il coupe drastiquement, par exemple, dans les budgets de la recherche sur le climat.
01:00Mais il n'y a pas que les États-Unis.
01:01En Europe, en France, l'écologie est attaquée aussi.
01:05Alors, quelle est votre explication, Jean-Marc Jancovici, à ce backlash anti-écolo ?
01:11Vous qui êtes un militant de la première heure, êtes-vous désespéré par ce grand retournement ?
01:17Alors, désespérez, pas du tout.
01:19En ce qui concerne Trump, pour moi, l'explication est assez simple.
01:24Il est représentatif d'une partie de l'Amérique, simplement, qu'on ne voyait pas jusqu'à son arrivée au pouvoir.
01:30Mais il y a toujours eu une large partie de l'Amérique qui était incrédule, j'ai envie de dire,
01:36sur tout ce qui concerne les limites physiques de ce monde.
01:38Et c'est très lié à la culture de ce pays.
01:40Les États-Unis, c'est un pays qui s'est fait sur une immensité de ressources.
01:43Jusqu'au premier choc pétrolier, pendant un siècle, ils ont été le premier producteur de pétrole du monde.
01:48Et actuellement, ils le sont redevenus.
01:50À nouveau ?
01:51Ils sont de nouveau le premier producteur gazier au monde.
01:54Ils ont les premières réserves de charbon au monde, même s'ils n'y touchent pas.
01:57Ils ont un territoire immense, de l'espace, des forêts, etc.
02:00Et par ailleurs, il ne faut pas oublier que c'est un pays qui s'est fait dans la brutalité.
02:03Je veux dire, les colons sont arrivés, ont zigouillé tout ce qu'ils trouvaient, les indiens, les bisons, etc.
02:07C'est pousse-toi de là, je m'y mette.
02:08Donc, les États-Unis, c'est un pays qui a les armes de la puissance et la mentalité, j'ai envie de dire, de la domination.
02:16C'est un pays qui a toujours été raisonnablement impérialiste, etc.
02:19Et Trump, il est particulièrement emblématique d'une partie, ou de cette partie-là, j'ai envie de dire, de la culture américaine.
02:26Enfin, vous n'êtes pas désespéré, mais qu'est-ce qui vous inquiète particulièrement ?
02:30J'ai toujours dit, sur les États-Unis, j'ai toujours dit que ça sera le dernier pays au monde à se mettre sérieusement à la question de la gestion des limites physiques.
02:37Donc, ce qu'ils font actuellement ne me désespère pas plus que ça.
02:40Mais qu'est-ce qui vous inquiète le plus dans ce qu'ils font entre le fait d'enlever les financements pour, par exemple, l'organe qui s'occupe de protéger les baleines,
02:51sur le réchauffement climatique, sur la météo, qui veille à la météo, jusqu'au fait de forêt, forêt, forêt.
02:58C'était sa proposition de campagne, les paillets en plastique qui reviennent.
03:02Alors, forêt, forêt, ça s'est surtout développé sous Obama.
03:05Ce n'est pas tellement Trump qui a fait ça.
03:09Et ça, c'est tout simplement lié au pays.
03:11Je veux dire, il faut savoir que le droit minier américain, il est très particulier.
03:15Il n'y a pas de concession minière aux États-Unis.
03:17Quand vous êtes propriétaire du sol, vous êtes propriétaire du sous-sol.
03:19C'est un pays qui est très particulier de ce point de vue.
03:23Donc, en gros, s'il y a du pétrole dans le fond de votre jardin, il suffit que vous vous mettiez d'accord avec un opérateur et le pétrole sort.
03:28Il n'y a pas besoin de demander l'autorisation de la puissance publique.
03:30Enfin, il y a des autorisations pour certaines zones, mais globalement, il n'y a pas besoin.
03:35Donc, ce qui fait que...
03:35Vous dites quoi ? Vous dites au fond...
03:37Ce qui fait confort ou pas, c'est le prix du pétrole et l'intérêt économique des acteurs.
03:41C'est essentiellement ça qui fait que... Voilà, c'est pour ça que ça s'est développé très fort sous Obama,
03:44qui avait la réputation d'être un président pourtant sensible à l'environnement.
03:48Et paradoxalement, les émissions de CO2 ont passé plutôt plus vite sous Trump 1 que sous Obama.
03:54Donc, il faut garder du recul.
03:58Vous ne voyez pas de backlash alors ?
04:00Aux Etats-Unis, non.
04:02Pour moi, il y a une forme de continuité dans la réalité de ce qui se passe dans le pays.
04:05Et en plus, Trump, à son corps défendant, va peut-être faire beaucoup pour le climat
04:09parce qu'en ralentissant le commerce mondial et en mettant des bâtons dans les roues de l'économie,
04:14s'il fait ralentir l'économie, il va faire ralentir les émissions.
04:16Donc, finalement, vous comptez sur ses droits de douane ?
04:20Alors, je ne partirai pas en vacances avec lui, mais c'est un autre sujet.
04:22Je veux dire, on peut raconter plein de trucs sur sa politique étrangère, etc.
04:26Mais en attendant, sur cette partie strictement, j'ai envie de dire, énergétique et climatique aux Etats-Unis,
04:32moi, je ne vois pas de différence fondamentale avec ce qui précède.
04:36En ce qui concerne le fait qu'effectivement, il handicape l'administration américaine qui s'occupe de météo et de recherche, etc.
04:45Attendons de voir ce que vont donner les poursuites internes.
04:47Le dernier avatar en la matière, c'est qu'il y a des agriculteurs américains
04:51qui poursuivent le ministère américain de l'agriculture en justice
04:55parce qu'ils ont supprimé des bases de données avec des informations météorologiques et climatiques
05:01qui sont utiles aux agriculteurs.
05:02Donc, vous avez confiance dans la société civile américaine, dans une réaction ?
05:06Confiance, non, pas tant.
05:08Enfin, ou plus exactement, je viens de dire ce que je pensais de la culture profonde de ce pays.
05:12Donc, à mon avis, il faut que l'Europe trouve sa voie en ne se mettant pas dans le sillage des Etats-Unis.
05:18Mais ça, je le dis depuis très longtemps.
05:19Justement, l'Europe face à Trump, on aurait pu penser que l'Europe mettrait l'écologie au premier plan
05:22en se présentant comme la grande puissance vertueuse sur le sujet.
05:25On se souvient de Macron en 2017 quand Trump était arrivé, qui avait répondu avec cette phrase
05:30« Make planet great again ».
05:32Je le dis très mal.
05:34« Make it great again ».
05:37Mais ce n'est pas le cas.
05:39Là aussi, on voit un détricotage du Green New Deal voté par le Parlement européen.
05:44L'Union européenne tarde à présenter ses objectifs climatiques pour 2040.
05:48Ici aussi, on commence à avoir une forme d'écologie honteuse, non ?
05:52Alors, honteuse, je ne dirais pas ça.
05:54Moi, je pense qu'on est en train de se rendre compte que la tâche va être plus difficile que l'idée qu'on s'en faisait.
05:59Mais ça ne supprime pas les arguments de fond qui font, pardon pour la répétition, qu'on doit s'y coller sérieusement.
06:07L'Europe étant le premier continent qui s'est lancé dans la révolution industrielle,
06:11c'est aussi aujourd'hui celui qui possède le moins de ressources restantes.
06:16L'Union européenne importe 97% de son pétrole.
06:21Elle importe 90% de son gaz.
06:22Elle importe même la moitié de son charbon.
06:24Nous importons 80% du cuivre que nous consommons.
06:28Enfin bon, bref, je pourrais égrener longuement, etc.
06:30Donc l'Europe, en fait, baser son avenir sur la puissance matérielle, elle n'en a plus les moyens.
06:36Donc en fait, l'environnement, c'est-à-dire la gestion de la rareté,
06:39c'est quelque chose qui aujourd'hui est convergent en Europe de ce que nous avons comme possibilité physique.
06:44Et ce qui m'ennuie en ce moment, c'est pas tant le backlash pour des raisons, je sais pas quoi, conjoncturelles, etc.
06:50C'est qu'on n'arrive toujours pas à comprendre que notre destin ne peut pas être celui des Etats-Unis,
06:55ne peut pas être celui de la Chine qui croule sous le charbon,
06:58ne peut pas être celui de la Russie qui croule sous le pétrole, le charbon et le gaz.
07:01Nous, on doit trouver autre chose.
07:03Et pourquoi on n'arrive pas à prendre conscience de ça ?
07:05Alors ça, c'est une excellente question.
07:06Peut-être qu'il n'y a pas assez de gens qui se succèdent à Spicro pour en parler.
07:09Je ne sais pas.
07:10C'est quelque chose qui est un peu mystérieux pour moi.
07:13Vous avez vu l'intervention d'Emmanuel Macron la semaine dernière sur TF1.
07:18Il y a eu combien de minutes consacrées à l'écologie ?
07:21Alors j'ai fait le calcul pas plus tard que ce week-end.
07:23Et alors ? Sur 3 heures d'émission ?
07:252,8% du temps de l'émission. 5 minutes sur 3 heures.
07:29Et en plus, la première question qui a été posée a amalgamé plein de trucs.
07:33La réponse de Macron a été confuse et parfois à côté de la plaque.
07:37Enfin, Gilles Boulot en a rajouté une couche en reformulant de travers la première question qui a été posée.
07:41Enfin bon, bref, c'était malheureusement pas du tout du décryptage.
07:45C'était plutôt ajouté à la confusion, ce court passage sur l'environnement.
07:49Et un truc qu'on n'arrive pas à faire, c'est de comprendre que l'environnement, c'est notre maison commune, dit autrement.
07:54Oui, pourquoi ?
07:55Je ne sais pas.
07:56Je ne sais pas.
07:57Il y a plein d'explications possibles.
07:59Mais lesquelles, par exemple ?
08:00Une des explications, ça peut être qu'on a tellement les yeux rivés sur les indicateurs monétaires
08:05qui ne sont pas aptes à décrire le monde physique qui nous entoure,
08:10qu'on oublie de poser les yeux au bon endroit.
08:13Peut-être que c'est ça l'explication.
08:15Peut-être qu'on a tellement été habitués à un univers en expansion, la fameuse croissance,
08:20que l'idée de gérer des limites, on veut bien entre la poire et le fromage comme ça pour discuter entre amis,
08:25mais pour le faire dans la vraie vie, on n'a pas très envie.
08:27Je ne sais pas.
08:29Je pense qu'il y a un boulot important à mener pour savoir pourquoi est-ce qu'on n'arrive pas à faire passer l'idée
08:33qu'on doit trouver une voie qui est compatible avec des limites
08:36et que ça ne nous empêchera pas d'être heureux et que ça ne nous empêchera pas d'avoir des projets.
08:40Simplement, il ne faut pas se bercer d'illusions et essayer de partir dans une direction où on n'y arrivera pas.
08:45Valérie Masson-Delmotte, elle dit, je ne peux plus commencer une conférence sans qu'on me pose la question.
08:50Pourquoi est-ce que nous, en Europe, en France, on devrait faire les efforts là où les autres ne le font pas ?
08:54Parce qu'on importe 97% de notre pétrole, 90% de notre gaz, etc.
08:57Et parce que l'Europe est en décrue énergétique subie depuis 2007.
09:01On parlait tout à l'heure des élections roumaines.
09:04On parlait de la montée du populisme partout.
09:05Pour moi, tout ça...
09:06Ce n'est pas ça la clé aussi ?
09:07Ça a une explication très simple, cette montée du populisme.
09:11C'est l'expression du désarroi de la population
09:13devant une situation qui est en train de se contracter physiquement dans les faits.
09:18C'est-à-dire qu'une fraction croissante des gens a du mal à se loger, a du mal à se déplacer, a du mal à accéder à de la nourriture.
09:23Tout ça, c'est très matériel.
09:25Alors qu'on est dans un contexte dans lequel le discours mainstream des élites
09:29continue d'être de dire qu'on est en expansion et que l'expansion va continuer.
09:34Et donc, je pense qu'il y a une partie croissante de la population qui comprend cette incohérence
09:40et qui le manifeste à sa manière.
09:42Et la raison pour laquelle ça se manifeste partout en même temps,
09:46c'est qu'il y a un déterminant commun à tout ce qui est en train de se passer partout
09:49qui est cette contraction énergétique subie qu'on subit déjà depuis 2007.
09:52Depuis 2007, l'Europe est en décrue énergétique
09:55et la production industrielle baisse depuis 2007
09:58et la construction baisse depuis 2007.
10:01C'est-à-dire que quand on regarde les indicateurs physiques,
10:03en fait, ils sont orientés à la baisse et c'est subi depuis 2007.
10:07Donc, on est déjà dans la seringue et on est déjà dans un contexte
10:10dans lequel, en fait, décarboner, ça n'est rien d'autre que de gérer de façon souhaitée, volontaire,
10:17quelque chose qui, en fait, s'applique déjà de façon subie si on ne le gère pas.
10:21Mais un mot tout de même sur la politique.
10:24Vous avez pointé une contradiction majeure
10:27entre ceux qui ont des problèmes pour manger, pour se déplacer, pour se loger
10:32et des élites qui peuvent dire l'inverse, au fond.
10:38Et même ressentir l'inverse.
10:39Voilà. Et sur le mode de l'injonction,
10:41comment on traite politiquement cette question-là ?
10:45Alors, on la traite politiquement et surtout économiquement.
10:48En fait, aujourd'hui, l'Europe, elle ne s'est pas donné les armes
10:51pour traiter ça de façon opérationnelle parce qu'on s'est placé dans un contexte extrêmement libéral
10:57dans lequel il n'y a pas de frontières, pas de gestion des frontières, pas de gestion monétaire.
11:04On est quand même... Les zones auxquelles on est confronté, j'ai envie de dire,
11:08ils ont la maîtrise de leurs monnaies.
11:10Ils ont la maîtrise de leurs frontières
11:12et ils ont la maîtrise de leur politique industrielle.
11:15Nous, la politique industrielle, on considère que c'est un gros mot.
11:17C'est-à-dire que l'Europe, c'est le consommateur roi au détriment du producteur.
11:22Au lieu de le producteur, on s'y intéresse peu.
11:26On s'intéresse surtout aux consommateurs.
11:28Et dans ce contexte-là, on ne peut pas rebâtir les bonnes filières.
11:33Ce n'est pas possible. C'est très dur.
11:35À chaque fois, et la concurrence, et ceci et cela.
11:37Donc, en fait, il faudrait qu'on se mette dans l'état inverse.
11:39Et en fait, ce qu'on essaye de faire au Chief Project,
11:41c'est justement la promotion de l'inverse.
11:43C'est-à-dire planifier la production.
11:46Planifier.
11:46Absolument. Mais on a toujours planifié.
11:48Je veux dire, il n'y a pas une filière industrielle qui s'est développée dans le soutien de l'État.
11:52Jamais.
11:53Et ça ne s'est jamais fait sans qu'on regarde des horizons de temps un peu longs.
11:56Ce n'est pas en une semaine que vous bâtissez une industrie chimique,
11:59une industrie automobile, un système électrique, un système ferroviaire.
12:02Tout ça, ça prend des siècles.
12:03Enfin, pas des siècles, mais des décennies.
12:05Donc, si on ne planifie pas, si on reste sur des horizons de temps très courts, on ne fait rien.
12:09C'est dans ce contexte, Jean-Marc Jancovici, que vous lancez un projet ambitieux avec votre think tank Shift Project,
12:15dans la perspective de 2027.
12:16Vous l'aviez déjà fait pour la précédente présidentielle.
12:20L'idée, c'est de peser sur les débats présidentiels.
12:24Qu'est-ce que vous proposez ? Qu'est-ce que vous demandez ?
12:25Parce que vous faites une levée de fonds.
12:27Vous espérez avoir un à deux millions d'euros qui vont servir à quoi ?
12:30A payer des gens.
12:31Pourquoi faire ?
12:32Pour réfléchir.
12:33Alors, plus exactement, pour faire ce qu'on sait faire au Shift Project,
12:35c'est-à-dire faire des propositions concertées avec les acteurs,
12:39enfin, ou avec des acteurs, plus exactement, de bonne volonté du secteur concerné,
12:44pour décarboner l'économie, c'est-à-dire, en pratique, la rendre de moins en moins dépendante
12:49du pétrole, du gaz et du charbon.
12:52Tout à l'heure, je citais les chiffres pour l'Union Européenne.
12:54En France, c'est très simple.
12:55Donc, à trois pouillèmes près, on importe 100% de notre pétrole, 100% de notre gaz
13:00et 100% de notre charbon.
13:01C'est vite vu, en ce qui concerne la dépendance à l'étranger.
13:04Et quelles vont être ces propositions, alors ?
13:06Quel est l'objectif ?
13:07Alors, on en a déjà fait un certain nombre à des propositions, on va continuer à en faire.
13:11L'objectif, c'est toujours pareil, c'est de regarder comment est-ce qu'on peut s'affranchir
13:14progressivement de ces énergies fossiles qui sont épuisables,
13:19outre le fait qu'elles perturbent le climat,
13:21et de regarder ce que ça veut dire en termes de déplacement des activités productives,
13:27de changement des modes de consommation et de changement de l'emploi.
13:30Parce qu'il y a un truc qui est un élément de résistance très fort dans la transition,
13:35c'est les gens qui ne comprennent pas quel va être leur rôle dans un monde qui se transforme.
13:39Donc, ils voient bien les activités auxquelles on plante des banderilles en disant
13:42« Ah, si je travaille dans tel et tel secteur, la vie va devenir plus difficile. »
13:45Mais on ne leur dit pas où sont éventuellement les emplois qui seront occupables demain,
13:48on ne leur dit pas si c'est facile ou pas facile d'y accéder, etc.
13:51Donc, nous, on essaye de travailler sur tout ça,
13:54et on essaye de le faire toujours en discutant avec les gens qui sont dans les secteurs,
13:58qui vont devoir agir, parce que nous, on est des intellos parisiens,
14:00donc on est dans notre bureau.
14:02Ce n'est pas nous qui sommes dans les champs, ce n'est pas nous qui sommes dans les usines,
14:05ce n'est pas nous qui sommes en train de conduire des bus,
14:07ou ce n'est pas nous qui sommes en train de fabriquer des pièces détachées de ceci ou cela.
14:11Donc, ce qu'on fait à chaque fois, c'est toujours pareil,
14:14c'est qu'on discute avec des gens du secteur,
14:17parfois on fait même des consultations à large échelle,
14:20on avait fait ça dans l'agriculture, pour demander aux gens ce qu'ils pensaient,
14:24et ensuite, on formule des propositions qu'on met sur la table,
14:27en disant « Ben voilà, nous, on aimerait qu'on s'y prenne comme ça,
14:30et on demande aux gens ce qu'ils en pensent,
14:32parce qu'on est profondément démocrate, on ne va pas décider à la place des gens. »
14:35Oui, mais comment vous comptez peser sur la présidentielle concrètement ?
14:39Une fois que vous avez les propositions, vous dites vous-même,
14:42ça fait des années que vous travaillez dessus, le Chief Project en a proposé,
14:45donc vous savez comment on fait pour se décarboner.
14:48En réalité, vous pouvez pousser les investigations, mais...
14:51Pas partout et pas tout le temps.
14:52Et ce qui va vraiment compter aussi, c'est que la méthode de travail,
14:56c'est celle qui permet de se faire des alliés.
14:57Et on a absolument besoin de gens qui ont envie qu'on avance sérieusement,
15:00si on veut que ça bouge.
15:01Comment vous comptez peser ?
15:03Christophe, par exemple, sur l'application Radio France,
15:04vous demande, envisagez-vous, Jean-Marc Jancovici,
15:06d'être candidat à la présidentielle, d'incarner ce combat ?
15:09Alors, j'ai répondu sur LinkedIn il y a deux jours,
15:11pourquoi est-ce que je ne le ferais pas ?
15:12Il y a plein de raisons.
15:14La première, c'est que tant que vous êtes à l'extérieur,
15:16vous pouvez espérer créer du consensus.
15:18Dès que vous êtes dans l'arène, c'est fini.
15:20Vous devenez un candidat parmi N,
15:22et donc tous les autres ne cherchent qu'une seule chose,
15:23c'est à raconter du mal de vous.
15:26Donc, si vous voulez avoir des propositions un peu consensuelles,
15:28vous ne pouvez pas faire ça.
15:30Et par ailleurs, il y a des tas de domaines dans lesquels,
15:31moi, je n'ai rien à dire.
15:32Sur le salaire des infirmières,
15:33sur est-ce qu'il faut ou pas augmenter l'effort de défense.
15:37Enfin, j'ai mes convictions personnelles,
15:38mais le chiffre project n'a pas travaillé là-dessus.
15:41Et est-ce qu'il faut augmenter le salaire des magistrats, etc.
15:44Moi, il y a plein de domaines dans lesquels il y a augmenté les places de prison.
15:47Moi, il y a plein de domaines dans lesquels le chiffre project n'a pas travaillé.
15:49Donc, je n'ai pas de propositions articulées à faire.
15:51Et enfin, à la dernière enquête d'opinion qui a été faite,
15:57il y a, je ne sais plus trop quel canard,
15:58qui avait demandé aux Français de classer 60 personnalités.
16:03Il se trouve que mon nom était dedans.
16:04Et la société civile.
16:05Alors, politique et civile.
16:06Et j'arrivais en 58e position ex aequo avec Francis Lalanne.
16:10Donc, je pense que...
16:12C'est une école de modestie ou pas ?
16:15Évidemment que c'est une école de modestie.
16:17Chacun voit midi à sa porte.
16:18Donc, il y a trois personnes qui me connaissent, qui disent
16:21« Mais pourquoi tu n'y vas pas ? »
16:22Mais en fait, quand je regarde face à la population...
16:24Mais ça pourrait vous tenter ?
16:26Parce que bon, les sondages, ça ne veut rien dire à deux ans de...
16:28Pour les raisons que je viens d'évoquer, je pense que non.
16:30Mais vos propositions clés en main,
16:32et vous recevez de manière générale,
16:33vous l'aviez fait à la précédente présidentielle,
16:36tous les candidats de LFI au RN,
16:38on a pu d'ailleurs vous reprocher en vous disant
16:40« Mais pourquoi est-ce que vous ne mettez pas votre travail
16:43au profit, par exemple, d'un parti comme les écologistes
16:46ou du candidat écolo ? »
16:48Alors, les écolos, je pense qu'ils sont condamnés
16:52à ne jamais faire de très gros scores
16:54pour une raison assez simple,
16:56c'est qu'ils ne s'intéressent pas à l'économie.
17:00Vous allez les faire bondir, là, si vous vous entendez.
17:02Je ne suis pas là pour les brosser dans le sens du poil, particulièrement.
17:06Donc, ils ne s'intéressent pas à l'économie.
17:08Or, c'est quand même ça qui motive une large part
17:10de mes concitoyens.
17:12Donc, comment est-ce qu'on va peser ?
17:14C'était ça votre question.
17:16En fait, on pèse dans une présidentielle
17:17parce qu'on a pesé avant.
17:19C'est à ce moment-là que tout se joue.
17:21Et pour qu'on pèse avant,
17:22il faut qu'on crante dans la société civile
17:24un nombre croissant de gens qui se disent
17:26« Ce qu'on propose, ce n'est pas si idiot. »
17:29D'accord ? C'est en phase avec l'époque.
17:30On voit bien comment est-ce qu'on peut s'en emparer
17:33et en faire quelque chose.
17:34Et donc, il faut qu'on arrive à convaincre
17:36les médecins, les agriculteurs,
17:37les professeurs des écoles,
17:39les chauffeurs de bus, comme je le disais tout à l'heure.
17:42Et ça, ça se fait en discutant avec les gens
17:46et en réfléchissant à des propositions
17:48qui marient les choses qui nous rendent heureux
17:50et le fait qu'on s'affranchit progressivement
17:53des combustibles fossiles.
17:54Et c'est pour ça que vous faites une levée de temps.
17:55Et ça, ça demande du temps.
17:57Ça demande des gens qu'il faut payer
17:59parce qu'ils ont aussi un loyer à payer
18:00et ils ont un frigo à remplir.
18:02Et donc, c'est pour ça, effectivement,
18:04qu'on demande de l'argent.
18:05Alors, pour le moment, c'est raisonnablement bien parti.
18:07Maintenant, on vise plutôt 2 millions qu'un.
18:10Puisque en...
18:11Vous avez déjà le premier million, vous l'avez ?
18:13En une semaine.
18:14Non, on n'a pas le premier million,
18:15mais on a dépassé 800 000 euros.
18:17Donc là, vous appelez les auditeurs qui vous écoutent
18:19à dire, donnez un peu si vous pouvez.
18:20À les regarder, absolument.
18:21Je les invite à les regarder.
18:21À les regarder sur quel site ?
18:23Alors, on est sur Ulule.
18:25Et en fait, si vous tapez
18:27Décarbonons la France
18:28dans n'importe quel moteur de recherche
18:30ou Ulule de Shift Project,
18:32enfin voilà, vous tombez directement dessus.
18:34Et donc, au moins qu'ils aillent regarder.
18:36Et si ça les tente, qui te donne ?
18:38Voilà.
18:38Jean-Marc, je reviens ici dans le cadre
18:40du sommet Choose France
18:42qui démarre aujourd'hui.
18:44Il y aura une table ronde
18:45sur l'intelligence artificielle
18:47à laquelle participera Emmanuel Macron
18:50dans la foulée du sommet de l'IA
18:53qui s'était tenu à Paris en février dernier,
18:57au cours duquel
18:58109 milliards d'euros d'investissement privés
19:00dans l'IA avaient été annoncés.
19:02Vous êtes sceptique, je crois,
19:04sur l'IA.
19:05Plus que sceptique,
19:07même gadget pour riches américains.
19:10Avez-vous déclaré, je crois ?
19:11Oui, absolument.
19:12Pourquoi ?
19:13Quand vous regardez qui sont les personnes
19:16qui soutiennent très fortement
19:19les développements dans l'IA,
19:20vous allez trouver quelque chose
19:21qui est parti des Etats-Unis
19:22et qui est parti d'un certain nombre de gens
19:25qui sont extrêmement riches.
19:27Et ce que je dis,
19:28c'est qu'en fait,
19:29c'est la version moderne
19:30du petit train miniature.
19:31C'est-à-dire que c'est des gens
19:33qui ont déjà plein à manger,
19:35plein de pouvoir,
19:36plein de ceci, plein de cela.
19:37Il leur reste quoi ?
19:38D'être immortels et de dominer le monde.
19:40Donc, en fait, ils se...
19:41C'est pas un peu réducteur de dire ça ?
19:43Ça sert à rien, LIA ?
19:45On le voit, les petites entreprises,
19:47ça les aide dans leur gestion,
19:48dans leur gestion budgétaire.
19:49Il y a plein de gens que ça...
19:50Et puis, on y va, Jean-Marc Jancovici.
19:52Vous n'allez pas rester gaulois, réfractaires.
19:54C'est pas parce que je suis gaulois et réfractaires,
19:56mais il y a des tas de trucs
19:56dans lesquels on est allé
19:57et on peut très bien dire
19:58qu'on n'aurait peut-être pas dû.
20:00Donc, quand je vois 109 milliards pour l'IA,
20:03alors que pour gérer 10% du territoire français,
20:06l'Office national des forêts
20:07a 1 milliard par an,
20:08alors que la forêt est en train de crever,
20:11moi, ce que je me dis,
20:12c'est qu'on n'est peut-être pas en train
20:13de gérer les priorités dans le bon ordre.
20:14Voilà, c'est ça qui me gêne.
20:16C'est-à-dire que dans un monde
20:16aux ressources infinies,
20:18qu'on fasse des gadgets
20:19en plus des trucs essentiels,
20:20bon, très bien, si ça nous amuse,
20:21moi, j'ai aucun problème avec ça,
20:23mais dans un monde aux ressources finies,
20:25qu'on fasse des gadgets
20:26à la place des trucs essentiels,
20:28ça, ça m'ennuie.
20:29Et en fait, c'est bien dans ce cadre-là
20:30que je me situe.
20:31Et l'IA, elle est essentiellement promue
20:33par les 5% de la population
20:36qui n'ont pas de problème
20:37et qui sont encore les gagnants
20:38de la mondialisation,
20:40mais pendant ce temps-là,
20:41on ne s'occupe pas des problèmes
20:42qui concernent 90% de la population.
20:44D'accord, mais c'est toujours
20:45la même question.
20:45C'est-à-dire que les autres,
20:46ils vont y aller,
20:47ils vont y aller massivement
20:48dans l'intelligence artificielle,
20:49aux Etats-Unis, en Chine,
20:50un peu partout,
20:50et nous, on va rester là
20:51en disant non, pour nous, non,
20:53on n'y va pas.
20:54Mais la question, c'est
20:55est-ce qu'on pense
20:56qu'on va gagner quoi que ce soit
20:57et essayer de singer les Etats-Unis
20:58alors que je disais
20:59au début de cette émission
20:59qu'on n'a plus leurs armes ?
21:02À quoi ça nous sert ?
21:04À quoi ça nous sert ?
21:05C'est pas de la souveraineté,
21:06tout simplement, numérique ?
21:07Singer les Etats-Unis,
21:08c'est pas du tout de la souveraineté.
21:09Du reste, en matière de numérique,
21:10on n'arrête pas de se lamenter
21:11en ce moment
21:11qu'on n'a aucune souveraineté.
21:14Vous imaginez qu'on ait dit
21:16il y a 30 ans,
21:17l'Internet, c'est non,
21:19on n'ira pas sur l'Internet,
21:20on n'ira pas...
21:21Moi, j'ai jamais dit
21:22il y a 30 ans
21:22qu'il ne fallait pas aller sur l'Internet.
21:23Oui, mais ce que je veux dire,
21:24c'est que l'intelligence artificielle,
21:25c'est la nouvelle révolution
21:26après l'Internet.
21:27Oui, c'est la nouvelle révolution
21:28pour les élites.
21:29C'est-à-dire, encore une fois,
21:30les gens qui n'ont pas
21:30d'autres problèmes dans la vie.
21:32Moi, je pense qu'aujourd'hui,
21:33on est en train
21:34de se tromper de combat
21:34en partant sur ce genre de choses.
21:38Enfin, ou plus exactement,
21:39en mettant autant d'argent
21:40dans ce genre de choses.
21:42Qu'on en fasse un peu comme ça
21:43de temps en temps, très bien.
21:45Et par ailleurs,
21:46le jour où on constatera
21:47que ça permet de falsifier
21:49l'information dans tous les sens,
21:51etc.,
21:52vous serez peut-être les premiers
21:53à vous dire qu'on aurait dû poser
21:55un peu plus de limites au début.
21:57Non, mais nous, on est là,
21:58on relève aussi les défauts
21:59de l'intelligence artificielle
22:00ou les manquements ou les risques.
22:02Mais vous, on vous entend dire
22:04non, un non ferme
22:06en disant non à ce gadget
22:07des Américains.
22:08Et donc, c'est vrai
22:09que c'est un peu...
22:09C'est une façon...
22:10On peut se demander
22:10si ce n'est pas légèrement réducteur
22:13ou caricatural, choisissez.
22:14C'est une façon un peu forte
22:16d'exprimer, encore une fois,
22:18mon avis,
22:19qui est que je pense
22:19qu'on est en train
22:20de se tromper de priorité.
22:21Dit autrement,
22:22on est en train
22:23de se précipiter dans un truc
22:24tout simplement parce que
22:25c'est quelque chose
22:25qu'on peut faire,
22:26alors que traiter des problèmes
22:28beaucoup plus sérieux,
22:29on a l'impression
22:30qu'on ne peut pas le faire.
22:31Mais moi, je pense
22:31qu'on est en train
22:32de se tromper de priorité,
22:33encore une fois.
22:33Eh bien, merci Jean-Marc
22:35Jean Covici.
22:36On avait peur, avec Léa,
22:37de vous trouver déprimée.
22:38Vous avez l'air
22:39en grande forme.
22:40Non, non, non, non.
22:40On est extrêmement
22:42combatifs et déterminés
22:43au sens où on pense
22:44qu'il y a vraiment
22:45quelque chose à inventer.
22:46C'est le premier post-Linkedin
22:47que j'ai fait de Mali.
22:49Je l'avais intitulé
22:49Merci Donald.
22:51Et c'était à l'époque
22:51où Trump et Macron
22:53venaient d'arriver au pouvoir.
22:54Et je faisais remarquer
22:55que Macron,
22:57jeune président élu,
22:58face à Merkel
22:59qui était en fin de mandat
23:01qui avait choisi une voie
23:03qui n'était pas celle de l'Europe,
23:04il avait un boulevard
23:04pour proposer
23:06un projet de société
23:07que, bon,
23:07il ne l'a pas fait.
23:08Tant pis.
23:09Moi, je pense qu'il a un peu
23:09raté l'histoire dans cette histoire.
23:11Mais je reste persuadé
23:13que, de toute façon,
23:14les faits finiront
23:14par s'imposer d'eux-mêmes.
23:16Pas de découragement
23:16chez Jean-Marc Jean Covici, donc.
23:18Et on l'a bien entendu.
23:19Merci encore
23:20d'avoir été au micro d'Inter.
23:21Il est 8h48.
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