Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 13/06/2025
359 heures, c’est la durée sur laquelle la France a enregistré une production d’électricité à prix négatifs. C’est deux fois plus qu’en 2023. Est-ce la faute des énergies renouvelables ? Comment éviter que ces prix négatifs soient une fatalité ? Comment apporter plus de flexibilité dans les solutions de stockage ? Ce sont les questions de ce débat.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Le débat de ce Smart Impact, on parle du stockage de l'électricité, notamment produite par les énergies renouvelables avec Mathieu Lassagne.
00:14Bonjour.
00:14Bonjour.
00:14Bienvenue, vous êtes le PDG de The Energy. Et Étienne Thomassin, bonjour.
00:19Bonjour.
00:19Président de la commission Flexibilité et Stockage de France Renouvelable.
00:23Avec une question très générale pour commencer, je vais vous poser la même à tous les deux.
00:26Est-ce que la France produit trop d'électricité ?
00:28Tiens, je commence avec vous, Étienne Thomassin.
00:30Alors non, la France ne produit pas trop d'électricité. Déjà, si on regarde le mix énergétique en France, il est composé à 60% d'énergie fossile, qui sont des énergies importées, et donc qui dégrade notre balance commerciale.
00:44Ça représente plus de 60 milliards d'euros chaque année d'importation. Et dans le même temps, on a pourtant la chance d'avoir une électricité qui, elle, est décarbonée grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables, et qui est produite localement.
00:57Donc finalement, le sujet, ce n'est pas tellement de produire moins d'électricité, mais c'est plutôt d'avoir moins recours aux énergies fossiles et davantage à l'électricité qui est produite localement et à bas.
01:07Je vous pose cette question parce que j'ai été frappé par ce titre de nos confrères de la tribune.
01:11La France produit trop d'électricité au risque de faire sauter la banque. Mathieu Lassagne, pourquoi il y a un risque ?
01:18Alors peut-être déjà sur le trop d'électricité. Si vous nous aviez posé la question il y a deux ans, je vous rappelle qu'on nous appelait à nous modérer, qu'on nous menaçait de délestage.
01:29Il faut savoir que la production d'électricité est un secteur sur lequel les investissements sont amortis sur des durées de 40 ans et donc on ne peut pas avoir une lecture à courte vue à l'échelle de l'année.
01:41Alors y a-t-il un risque de faire sauter la banque ? Ça dépend si on parle de blackout comme il y a eu récemment en Espagne. La cause est toujours inconnue.
01:49Si on parle de coût, ce qui est certain c'est que d'un point de vue économique, s'il y a abondance d'un bien, son prix doit s'ajuster à la baisse.
01:58C'est ce qu'on observe aujourd'hui et même si ça n'est pas très agréable pour les producteurs, en tout cas il y a un gros bénéfice pour les consommateurs qui peuvent acheter de l'électricité à des prix beaucoup plus modérés.
02:08Et on sait que le prix de l'électricité est vraiment un élément essentiel pour un certain nombre d'industries.
02:13Donc avoir un prix d'électricité faible parce que ponctuellement il y a trop d'électricité, j'ai envie de dire que globalement c'est plutôt un atout pour le pays.
02:20C'est plutôt un atout avec quand même cette question des prix négatifs. La France a enregistré l'an dernier deux fois plus de prix négatifs qu'en 2023, 4% selon RTE, c'est un lien français du réseau de haute tension.
02:33Déjà on peut peut-être expliquer de quoi on parle. Les prix négatifs c'est quel phénomène ?
02:39Alors les prix négatifs c'est tout simplement un phénomène qui a lieu quand l'offre d'électricité est supérieure à la demande d'électricité.
02:47Donc c'est vrai que c'est un signal qui interpelle parce que ça veut dire qu'il y a des producteurs qui sont prêts à payer pour pouvoir injecter dans le réseau
02:53où ça nécessite de limiter la production et donc c'est une énergie qui est potentiellement gâchée.
03:00Donc face à ça, qu'est-ce qu'on peut faire ? Je pense qu'on peut le voir finalement comme une opportunité plus qu'un problème en déplaçant la consommation
03:10et en permettant de fournir finalement aux ménages une énergie qui est meilleur marché et aux entreprises également une énergie qui est meilleur marché.
03:21Donc pour faire ça, on peut par exemple penser au mécanisme des heures creuses, heures pleines.
03:26Oui, il faut changer les horaires quoi, c'est ça ?
03:29Exactement, les heures creuses ont été designées à l'époque pendant la nuit parce qu'on avait peu de consommation la nuit
03:36et donc aujourd'hui on a la chance d'avoir une énergie qui est abondante, très bon marché à midi grâce au photovoltaïque
03:43et donc on pourrait tout à fait déplacer ces heures creuses à midi pour en faire bénéficier les ménages et les entreprises
03:48et donc améliorer le pouvoir d'achat et la compétitivité.
03:51C'est facile à faire, il suffit d'un décret, il n'y a peut-être pas besoin de faire voter une loi pour ça ?
03:55La mécanique réglementaire, elle est je crois en cours d'études, après ça nécessite d'adapter les offres chez les fournisseurs
04:03donc ça va prendre un petit peu de temps mais c'est en marche.
04:06Avec une logique, et ça rejoint votre activité Mathieu Lassagne, une question de stockage,
04:11c'est-à-dire que si on se retrouve obligé, même si c'est 4%, que 4% c'est quand même en augmentation,
04:18de vendre un prix négatif, c'est aussi parce qu'on ne peut pas ou qu'on ne stocke pas suffisamment l'électricité, est-ce que c'est lié ?
04:23Alors effectivement, jusqu'à présent, en tout cas en France et en Europe, l'électricité produite notamment par le solaire
04:30était injectée directement sur les réseaux et n'était pas stockée.
04:34C'était le plus simple et c'est relativement logique quand la part des énergies renouvelables reste minoritaire dans le mix énergétique.
04:41Ce que l'on voit, c'est que toutes les géographies dans lesquelles la place du solaire est plus significative
04:48et elle le sera toujours plus pour des raisons économiques.
04:52Le solaire est une énergie très simple à développer, dont les prix sont historiquement en baisse et ça va continuer.
05:00Donc le solaire continuera à se développer indépendamment des politiques de soutien pour une raison de compétitivité.
05:05Donc il faut adapter nos réseaux ?
05:07Exactement, il faut adapter nos réseaux, il faut adapter le modèle pour l'injecter sur le réseau
05:12et notre conviction, c'est le modèle qui est porté par Zenergie, c'est que le solaire a besoin de stockage.
05:18C'est le combo naturel, c'est le combo gagnant sur le long terme pour assurer que les consommateurs auront l'électricité
05:25au moment où ils allument leur lave-linge, que ce soit à midi ou à 14h après le déjeuner ou à 21h après le dîner.
05:34Avec quel type de solution ?
05:36Alors aujourd'hui, la solution que l'on utilise, c'est une technologie lithium-ion qui est aujourd'hui la plus adaptée au stockage sur la journée.
05:45Le modèle que l'on porte aujourd'hui, c'est déplacer et lisser la production solaire sur la journée.
05:50Il se posera bien évidemment plus tard la question de stocker de l'électricité à l'échelle de la semaine.
05:56On a moins de consommation le week-end et donc on perd beaucoup d'électricité le week-end parce qu'elle n'est pas consommée.
06:02Il faudra donc envisager la mécanique de stockage à l'échelle de la semaine, voire à l'échelle de la saison.
06:07Évidemment, la production solaire est plus faible en hiver qu'en été, tout le monde l'a constaté.
06:11Et donc, si on souhaite aller vers un monde et un système électrique plus renouvelable, il faudra développer des solutions de stockage et des technologies adaptées à ces...
06:19Qui n'existent pas encore tout à fait, qui sont en cours de développement ?
06:23Qui sont en cours de développement. Il y a des solutions géothermiques, il y a des solutions de Redox Flow.
06:30Il y a beaucoup de technologies.
06:32Redox Flow, c'est du stockage organique.
06:34Ce sont des molécules que l'on stocke dans des grands réservoirs d'eau et qui ont l'immense vertu d'être totalement recyclables et sans impact pour l'environnement.
06:42Mais également de pouvoir stocker avec très peu d'autodécharges et donc sur des périodes relativement longues.
06:48Est-ce qu'il y a un engagement français et européen pour développer ces solutions ?
06:54Parce que ce que vous nous dites, c'est que c'est inéluctable.
06:57Voilà, on est face à une augmentation de la production d'énergie renouvelable, notamment de solaire.
07:01Il faut apprendre à la stocker. Est-ce qu'on met les moyens ?
07:04Alors sur le stockage, aujourd'hui, on n'a pas encore d'objectif dans les plans de développement en France,
07:11ce qu'on appelle la programmation pluriannuelle de l'énergie qui est en cours de débat au Parlement.
07:15Et c'est vrai que c'est justement une des demandes qu'on porte au sein de notre syndicat France Renouvelable,
07:22c'est de se fixer des objectifs de stockage d'ici à 2030.
07:25Parce qu'on est persuadé qu'on va en avoir besoin, que ce sera aussi très utile pour le fonctionnement du système.
07:29C'est absurde ce que vous êtes en train de me dire.
07:31C'est-à-dire qu'on va mettre une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie pour produire plus sans prévoir le stockage ?
07:38Alors ça a été effectivement un oublié de cette programmation pluriannuelle.
07:42On pense qu'au minimum, il faudrait qu'on se fixe de l'ordre de 8 gigawatts de capacité de stockage.
07:47Aujourd'hui, on a seulement 1 giga de capacité installée.
07:50C'est ce qu'ont fait beaucoup d'autres pays équivalents aux nôtres en termes électriques.
07:55Je pense à l'Italie, au UK ou en Espagne,
07:59qui se sont fixés des objectifs de l'ordre de 20 gigas de capacité d'ici à 2030.
08:03Est-ce que les prix négatifs dont on parle, même si encore une fois, c'est une petite partie de la réalité,
08:11est-ce que ça fait hésiter certains investisseurs à se lancer dans des nouveaux projets ?
08:15Alors c'est vrai que les modèles d'affaires sont plus complexes que ce qu'on peut voir dans le développement de centrales solaires ou éoliennes.
08:24Et ce dont la filière a besoin, ce dont ont besoin les investisseurs, c'est de visibilité.
08:27Visibilité sur les volumes, c'est pour ça qu'on a besoin d'objectifs dans la programmation.
08:32Visibilité aussi sur les coûts, la réglementation sur les coûts n'est pas toujours très claire avec le tarif d'utilisation du réseau.
08:40Et puis visibilité sur les revenus également.
08:42Ça veut dire que RTE, le gestionnaire de réseau, il peut forcer certains producteurs d'énergie en eux-mêmes à appuyer sur stop ?
08:51Alors oui, la responsabilité d'un gestionnaire de réseau, c'est de s'assurer qu'il y a toujours un équilibre dans le système électrique.
08:58Et donc effectivement, il peut forcer les producteurs à s'arrêter.
09:02Après, c'est des mesures d'urgence et tout ça...
09:04C'est assez rare ça ?
09:05C'est relativement rare, oui. Généralement, la programmation de chaque centrale fait qu'on sait qui va produire quoi le lendemain.
09:13Et tout ça est régulé par le marché.
09:15Et le signal prix, finalement, qui est un bon indicateur, permet d'équilibrer tout ça.
09:19Ce qui s'est passé en Espagne ou au Portugal, alors vous me disiez, on ne sait pas exactement encore l'expliquer,
09:24mais est-ce que ça pourrait arriver en France ou est-ce qu'on a un mix différent qui fait qu'on est à l'abri d'un blackout comme celui-là ?
09:32Alors je ne suis pas certain que le blackout espagnol soit lié au mix espagnol et, pour dire les choses assez clairement,
09:39soit lié aux énergies renouvelables qui sont beaucoup plus développées en Espagne.
09:42Je pense qu'il y a surtout une problématique de gestion et d'équilibrage du réseau,
09:47qui est la responsabilité du gestionnaire de réseau.
09:49Du RTE ?
09:50Du RTE, voilà. Cela dit, des blackouts, il y en a déjà eu.
09:54Il y en a déjà eu dans des systèmes électriques où il y avait beaucoup moins d'énergie renouvelable.
09:57Donc la question, à mon avis, n'est pas tant...
09:59Ce n'est pas forcément lié à la part d'énergie renouvelable.
10:01Ce n'est pas lié à la part d'énergie renouvelable.
10:04Ce qui est certain, c'est que plus on a d'énergie renouvelable, plus on a besoin de flexibilité.
10:07Donc il faut un développement conjoint de la flexibilité avec les énergies renouvelables.
10:11Et le signal économique qui est envoyé par les heures négatives sert à cela.
10:15Ce qu'il faut rappeler quand même en Espagne, c'est qu'en Espagne,
10:17ils ont, grâce aux énergies renouvelables, en revanche,
10:19un prix d'électricité qui est beaucoup plus faible que celui qu'on a en Europe continentale.
10:24Voilà. Et c'est quelque chose...
10:26C'est un facteur qui soutient l'économie espagnole et l'économie...
10:29Bien sûr, c'est attractif pour des investisseurs, des industriels...
10:31Exactement. Voilà.
10:32Et on a effectivement accablé les énergies renouvelables de tous les mots à l'occasion de ce blackout,
10:37sans rappeler le bénéfice énorme sur l'économie espagnole.
10:41Grâce au prix d'énergie, faible.
10:42Parce que c'est effectivement la critique que vous devez entendre depuis des années
10:46sur la difficulté de piloter les énergies renouvelables,
10:50plus difficilement pilotables que les autres.
10:53Alors, elles peuvent se piloter finalement plutôt bien, en tout cas à la baisse.
10:58Après, là où je rejoins mon confrère, c'est que quand il parlait de la vision long terme,
11:02si on réfléchit au fonctionnement du système électrique, il faut qu'on réfléchisse sur le long terme.
11:07Demain, on va avoir des nouveaux usages et des nouveaux besoins.
11:11Je pense aux véhicules électriques, je pense aux data centers, à l'intelligence artificielle,
11:15qui va nécessiter de grandes quantités d'énergie.
11:18Et donc, pour ça, on va avoir besoin d'être capable de produire une énergie à bas coût
11:21et de connecter toutes ces nouvelles industries qui sont créatrices d'emplois,
11:27qui sont bonnes pour l'économie.
11:28Donc, il faut qu'on arrive à créer ce cadre favorable pour ces nouvelles industries.
11:32Merci beaucoup.
11:33Merci à tous les deux d'être venus nous présenter à la fois les solutions
11:37et puis l'état du marché et du stockage des énergies renouvelables,
11:42de l'électricité produite par les énergies renouvelables en France.
11:45On passe tout de suite à notre rubrique Prêt pour l'impact avec Bertrand Piccard.

Recommandations