- 06/06/2025
65 % des seniors LGBTQIA+ vivent seuls, contre 15 % des seniors hétérosexuels, et 90 % d’entre eux ont peu d’aidants. Face à ce constat, l’association Les Audacieuses et les Audacieux agit pour lutter contre leur isolement. Un de leurs projets : la maison de la diversité, qui accueille ce public afin de recréer du lien social.
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00:00Smart Cause, c'est notre rendez-vous mensuel avec DIFT et Clara Piget, bonjour.
00:09Bonjour.
00:09Bienvenue, vous êtes la cofondatrice responsable des opérations de DIFT et à nos côtés Stéphane Sauvé, bonjour.
00:15Bonjour.
00:15Bienvenue à vous aussi, déléguée générale de l'association Les Audacieuses et les Audacieux.
00:20On va rappeler ce qu'est DIFT en quelques mots, même si vous commencez à être une habituée, mais pas de ce nouveau décor quand même.
00:27Voilà, nouveau décor.
00:27DIFT, c'est quoi ?
00:28Donc DIFT, c'est une start-up qu'on a créée il y a trois ans avec mes associés qui permet à des entreprises de lancer des opérations de mécénat qui soient participatives.
00:37Donc les entreprises proposent à leurs clients et leurs collaborateurs de flécher des dons cadeaux, dons plus DIFT, c'est l'origine de DIFT, à destination d'associations de leur choix et donc de les intégrer dans leurs opérations de mécénat.
00:49Qu'est-ce que ça remplace, entre guillemets, pour une entreprise ?
00:53Ça remplace parfois des cadeaux de fin d'année qu'on peut envoyer à ses clients à Noël, ça remplace des points de fidélité qu'on donne dans un programme de fidélité, ça peut remplacer des bons cadeaux, des bons de réduction, tous les cadeaux qu'on peut faire à ses clients pour les embarquer et les rendre plus proches de vos marques.
01:09Alors je vois bien l'impact sur les clients, mais en interne, ça crée quoi, une sorte d'émulation autour d'une cause ou de plusieurs causes ?
01:17En interne, ça permet aussi évidemment de rendre des causes plus visibles des collaborateurs et collaboratrices.
01:23Parfois c'est l'action de la fondation aussi qui peut être mise en avant au sein des entreprises puisque beaucoup de grandes structures soutiennent depuis longtemps des causes et peuvent ainsi embarquer toutes les équipes dans le choix de ces causes et leurs connaissances.
01:34Stéphane Sauvé, présentez-nous votre association Les Audacieuses et les Audacieux qui est donc aidée par DIFT. Racontez-moi.
01:42Tout à fait. Donc moi je suis ancien directeur d'EHPAD et il y a 7 ans maintenant, j'ai décidé de m'attaquer à la problématique d'isolement social renforcé des seniors sans soutien familiaux et plus particulièrement des seniors LGBTQIA+,
01:55ou des seniors vivant avec le VIH. Alors pourquoi ? Est-ce que vieillir en tant qu'hétérosexuel ou homosexuel serait-il différent ?
02:06La réponse est bien évidemment que les enjeux sont les mêmes. Quand on vieillit, on a envie d'être autonome le plus longtemps possible, avoir du lien social, rester connecté à la vie.
02:17Mais par contre ce qui va différencier ces deux populations, donc LGBT et vivant avec le VIH, du reste de la population générale, c'est le parcours de vie.
02:27Souvent ces seniors ont été exposés à des discriminations et la stratégie qu'ils ont eue a été de se rendre invisibles.
02:38Et quand on se rend invisible, quand on retourne au placard, on ne peut plus être soi.
02:42Donc notre claim, c'est être soi à tout âge. L'idée, vraiment, c'est de leur permettre de rester eux-mêmes.
02:52Et cette invisibilité, elle les passe en conséquence tant pour l'individu, puisque quand on est invisible, on va s'isoler.
03:00Et en termes de population, ça a aussi un impact. Parce que ce n'est pas parce qu'une population est invisible qu'elle n'existe pas.
03:05Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas visible qu'elle n'a pas de besoin. Donc nous, notre job, ça a été de leur redonner de la visibilité et d'apporter des réponses.
03:16Avec ces chiffres que vous donnez, 65% des seniors LGBT plus vivent seuls, contre 15% pour les seniors hétérosexuels.
03:25C'est quand même une différence majeure. 90% des seniors LGBT plus n'ont pas d'enfants et peu d'aidants naturels.
03:33Ça veut dire qu'ils souffrent peut-être aussi plus des pressions qui sont moins bien accompagnées, moins bien soignées ?
03:42Alors, leurs caractéristiques sociologiques, et on pourrait redonner une dernière statistique, c'est le taux de suicide de la personne âgée LGBT qui est de 2 à 7 fois supérieur à celle de la communauté hétérosexuelle.
03:562 pour les femmes et 7 pour les hommes. En fait, c'est ça vraiment le moteur de mon engagement.
04:01C'est cette prise de conscience-là ?
04:03C'est cette prise de conscience. Et moi, en tant qu'ancien directeur d'EHPAD, j'avais pu voir des personnes LGBT qui étaient rejetées par l'ensemble des autres résidents et des familles.
04:13Pas par les salariés, puisque les salariés, une fois qu'on travaille avec eux sur leur représentation et sur des pratiques professionnelles qui soient les plus inclusives possibles,
04:21on va être capables de les accompagner. Par rapport à la question que vous posez, en fait, on va avoir une santé mentale qui va être fragilisée,
04:31parce que exposée à différentes discriminations, ou quand toute votre vie vous êtes planquée, parce que la société à l'époque, jusqu'en 81, pénalisait l'homosexualité.
04:41On a, pour les personnes séropositives, en 2022, donc on parle d'il y a 2-3 ans, l'interdiction de faire des soins de thanatopraxie, on revient de loin.
04:54L'actualité mondiale fait que ces droits peuvent être remis en cause dans pas mal de pays, oui, on est d'accord.
05:01Donc nous, vraiment, c'est de se dire, c'est des parcours de vie pas comme les autres, et dans ce sens-là, il faut qu'on puisse leur laisser le choix de construire leur avenir.
05:10Et alors, vous allez nous expliquer ce que vous mettez en œuvre, mais je voudrais que vous nous expliquiez, Clara, comment DIFT travaille avec les audacieuses et les audacieux ?
05:20Alors, comme une petite centaine d'associations, les audacieuses et les audacieux peuvent bénéficier de DIFT, donc de la part d'entreprises.
05:26Nous, on sélectionne les associations en fonction de tout un tas de critères, notamment on va sélectionner une équipe qui est en capacité de porter le projet,
05:35donc comme c'est le cas ici, on va sélectionner une association qui a une structuration, une gouvernance dans laquelle on croit,
05:41et surtout des projets qui vont adresser des problèmes qui sont sous-visibilisés, on peut dire.
05:49Oui, oui, c'est un peu les trous dans la raquette de l'action publique, notamment.
05:53On sait qu'il y a beaucoup d'actions pour accompagner les seniors au sens large.
05:57Le sujet de croiser l'égalité entre les populations LGBT et hétéros est un vrai sujet qui était sous-adressé.
06:07Et ensuite, tous les sujets de pouvoir former, rendre plus visible, faire comprendre les différences entre différentes populations.
06:15C'est un enjeu essentiel pour essayer de résorber un petit peu les inégalités qui existent à la source.
06:20Alors, qu'est-ce que vous faites, Stéphane Sauvé ? Quel type, par exemple, cet isolement social dont on parlait, comment vous le brisez ?
06:28Alors, très concrètement, on s'est organisé autour de quatre grandes missions, donc créer des temps de convivialité de lien social,
06:35que ce soit en présentiel ou en distanciel, puisque le Covid est passé par là et qu'on a formé et accompagné tous les seniors à maîtriser les outils digitaux.
06:44On travaille aussi beaucoup sur la santé, le bien-être et la prévention à la perte d'autonomie.
06:50Donc là, on prend un sujet de santé et le groupe va devenir ressource, c'est-à-dire que chacun va partager ses stratégies d'adaptation par rapport à une pathologie.
06:59Et du coup, il va y avoir un effet boule de neige qui permet aux adhérents et bénéficiaires de l'association de vivre mieux.
07:06On travaille aussi sur l'estime de soi, la confiance en soi, notamment au travers d'ateliers d'écriture, des ateliers de nutrition.
07:16On a monté la première house de senior drag pour oser être artiste jusqu'au dernier moment.
07:22Ensuite, on fait de la formation, on en parlait juste précédemment, au niveau de tous les spécialistes de la gérontologie,
07:32pour travailler sur des approches inclusives, c'est-à-dire que tout le monde doit pouvoir être accueilli dans son unicité.
07:43Et la dernière réponse qui est notre projet phare, c'est qu'on propose une solution d'habitat participatif et inclusif
07:49dans laquelle chaque personne va être acteur et va autogérer cette maison.
07:54C'est la maison de la diversité, c'est ça ?
07:55Exactement, ça va. Et c'est vraiment au cœur de notre actualité, puisque là, on est en train de peupler la première maison
08:00qui va ouvrir en septembre à Lyon, à la Croix-Rousse.
08:05Et je pense que ça, ça va être vraiment aussi assez impactant, parce que cette maison, elle est ouverte à toutes et à tous,
08:11aux hétéro-alliers compris, et elle est ouverte sur le quartier.
08:15C'est-à-dire qu'on veut créer aussi des passerelles intergénérationnelles, inventer des nouvelles solidarités.
08:19– Mais vous parliez de l'isolement et de l'invisibilité, ça veut peut-être dire aussi qu'il y a certains de ces seniors LGBT+,
08:30qui ne vont pas forcément aller vers une association comme La Booth.
08:35Vous voyez ce que je veux dire ?
08:36– Bien sûr.
08:36– Vous me disiez, ils sont dans leur placard, c'est ça ?
08:38– Ils sont dans le placard.
08:39– S'ils sont dans le placard, ils ne vont pas peut-être spontanément en sortir.
08:43– C'est évident. Donc là, on a un programme qu'on a appelé « Aller vers les seniors invisibles ».
08:49Là, l'idée, c'est de dire à nos partenaires ou au grand public de nous aider à les repérer
08:55pour pouvoir mettre en place et co-construire avec eux les solutions qui leur conviennent.
09:00Bien évidemment, on ne va pas leur demander de faire des « coming out ».
09:02Mais pour les personnes, par exemple, si vous prenez un atelier de nutrition
09:07proposé par les groupes de protection sociale,
09:10ces personnes ne vont pas y aller parce que ce ne sont pas des « safe place ».
09:14Donc, les gens ne vont pas oser dire aux nutritionnistes « Bonjour, moi, je suis séropositif
09:18ou je suis sur les hormonothérapies. Est-ce que tout ce que vous nous racontez ? »
09:21Non. Nous, on crée ces espaces-là.
09:23On est accompagnés par les professionnels de ces sujets
09:26pour que tout le monde puisse profiter des dispositifs de prévention.
09:29– Avec cette autre statistique que vous proposez,
09:3250% des seniors LGBT+, affirment ne pas déclarer leur orientation sexuelle
09:37aux professionnels de santé.
09:38C'est exactement ce que vous êtes en train de nous décrire,
09:41ce qui les éloigne de ces structures de soins
09:43avec un rapport évidemment plus complexe au milieu médical.
09:45Mais est-ce que ça veut dire que les tabous,
09:48et notamment les tabous autour du VIH, autour du SIDA,
09:51ont encore la vie dure ?
09:52– J'aurais envie de dire non.
09:54Je suis un idéaliste et un rêveur.
09:57Comme moi…
09:57– Je me souviens de… pardon, mais je me souviens,
10:00à la vieille époque, j'étais encore à TF1.
10:02On faisait le SIDAction, on faisait des programmes de pédagogie,
10:08d'appels aux dons, etc., entre les programmes,
10:10à la place des bandes annonces, etc.
10:12On était la seule chaîne à faire ça à l'époque,
10:15c'était au moment où l'unité cathodique autour du SIDA avait explosé.
10:19Bon, j'espère, c'est il y a 20 ans, j'espère que ça a bougé quand même.
10:23– Alors, les droits et les mentalités évoluent,
10:26mais j'aurais envie de dire…
10:27Souvent, on me dit, mais ton projet n'a pas d'avenir.
10:29Je dis, mais je ne souhaite que ça.
10:30– Mais oui, ça serait génial.
10:31Je dis, aujourd'hui, est-ce qu'en France, l'égalité homme-femme,
10:34le sexisme, le patriarcat ou le validisme
10:37et les personnes en situation d'handicap,
10:42on est d'accord que les lois nous disent que c'est derrière nous.
10:44Dans la réalité, pour l'homosexualité et la sérophobie,
10:48pour les personnes porteurs du VIH,
10:51malheureusement, c'est toujours le cas.
10:54Aujourd'hui, nous, on a…
10:56La manière, en fait, qui est importante,
10:58c'est de raconter, en fait, les parcours de vie de ces personnes-là.
11:03On a un senior qui va habiter dans la maison,
11:05à 63 ans, qui s'est fait agresser il y a deux ans.
11:09Donc, c'est la réalité.
11:10Alors, bien évidemment, le côté personnes âgées
11:14intéresse un peu moins, parce que c'est les vieux,
11:18on est dans une société âgiste.
11:19Mais quand on regarde les rapports de SOS Homophobie
11:22ou quand on voit le nombre de gamins qui se font mettre à la rue
11:25et qui vont au refuge par leurs parents,
11:29et quand on voit aussi que dans les entreprises,
11:31moi, je salue le boulot de l'autre cercle,
11:33qui accompagne les salariés à pouvoir être eux-mêmes dans la société,
11:39moi, je porte le doux rêve que ça n'existe plus,
11:41mais malheureusement, on est encore là.
11:42Et alors, parlons vrai, est-ce qu'il y a des entreprises qui hésitent ?
11:46À s'engager sur ces sujets ?
11:47Oui, quand vous proposez cette cause-là,
11:50j'imagine que toutes ne sont pas à l'aise.
11:53Il y a une disparité, effectivement,
11:55dans la sélection des causes par les entreprises,
11:58mais je pense que toutes ces questions
11:59qui touchent à l'égalité des salariés sur le lieu de travail
12:02sont quand même assez naturelles
12:04pour la plupart des entreprises avec qui on échange.
12:06On a reçu par le passé sur ce plateau
12:08des assos qui bossent pour l'égalité femmes-hommes.
12:11C'est un petit peu le même discours.
12:14Maintenant, ce qui est difficile,
12:15et je crois que tu pourras confirmer,
12:17pour ces assos, c'est de créer un sentiment d'urgence.
12:20Là où les assos de collecte alimentaire
12:22vont avoir un moment un peu naturel de mise en avant en décembre,
12:26là où les assos environnementaux vont avoir malheureusement
12:28des moments un peu naturels de mise en avant
12:30quand il y a des catastrophes naturelles,
12:32les sujets d'égalité, sociétaux, un peu plus de fonds,
12:35et dont on a besoin pour faire société,
12:37sont un petit peu plus durs à mettre en avant.
12:39Oui, ce qui permet, vous nous l'avez déjà expliqué,
12:41un peu d'événementialiser aussi
12:43le fait de soutenir telle ou telle cause.
12:46Ça, c'est une difficulté pour vous, par exemple ?
12:48On va terminer là-dessus.
12:49Oui, c'est une difficulté,
12:51parce que les gens sont sollicités
12:54par plein d'associations.
12:57Effectivement, comme on le disait,
12:58l'idée, c'est de créer l'urgence.
13:01Aujourd'hui, par exemple,
13:02nous, on a lancé une campagne
13:04de financement participatif
13:06pour l'ameublement et l'aménagement
13:08des espaces communs de la maison de la diversité.
13:11On passe notre temps à relancer.
13:13Oui, tu m'avais dit que tu allais donner,
13:14etc.
13:15Et l'engagement à susciter,
13:19c'est compliqué.
13:20C'est une des difficultés,
13:23et après le sujet,
13:24de vieillir dans une société
13:27où le jeunisme a toute sa place.
13:29c'est compliqué aussi
13:30de vendre cette cause-là.
13:33Merci beaucoup.
13:34Le mois des fiertés
13:34est un bon moment pour ça.
13:35Le mois des fiertés,
13:37c'est un bon moment pour ça.
13:38On peut effectivement le dire.
13:39Merci à tous les deux.
13:40A bientôt sur Be Smart for Change.
13:42On passe tout de suite
13:43au grand entretien
13:44de ce Smart Impact
13:46avec la question rituelle.
13:47Êtes-vous prêts pour l'impact ?
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