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  • 22/05/2025
Avec Philippe Hemsen auteur de "Jean Raspail, Aventurier de l'ailleurs" :"Ce n'était pas du tout un homme engagé mais il voulait changer de vie, sortir fe la vie bourgeoise."


Retrouvez La culture dans tous ses états tous les jeudis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2025-05-22##

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Transcription
00:00Et même en Alaska, André Berkhoff et ce, avec Jean Raspail, l'écrivain voyageur qui divise toujours autant, André, 52 ans après la sortie du fameux camp des Saints, sa fable apocalyptique, André.
00:13D'abord, Jean Raspail, 100 ans, il est né il y a exactement 100 ans et on est très heureux, c'est vrai, avec Céline, pour cette émission culturelle d'accueillir Philippe Hemsen pour son livre.
00:27Je l'ai lu avec vraiment un très grand plaisir, Jean Raspail, aventurier de l'ailleurs et ça vient de paraître chez Albin Michel et pourquoi c'est formidable ?
00:36Parce que Raspail, c'était pas l'heure, on le connaît et on dit tout de suite, Raspail, le camp des Saints, bien sûr que ça a été très important et on va en parler longuement.
00:44Mais Raspail, c'est le voyageur et c'est surtout l'écrivain des 18 romans, des dizaines de récits de voyages, de nouvelles, de chroniques, de textes divers et surtout la Patagonie.
00:56Moi, quand je l'ai connu, je me rappelle, il m'a donné le journal de Patagonie, les nouvelles du roi de Patagonie.
01:02On va également en parler avec Céline et puis c'est son roman qui se souvient des hommes, l'anneau du pêcheur.
01:08Voilà, c'est en juillet, il est né le 5 juillet 1925, très exactement, donc il y a 100 ans.
01:16Et ça a été, vous savez, il a été comme un certain nombre de gens, des Blassandrard, des Joseph Kessel, des Pierre Chandlerfer et aujourd'hui des Sylvain Tesson, des aventuriers effectivement de l'ailleurs.
01:32C'est un joli titre. Et lui, il a été passionné par les civilisations, Céline. Et c'est ça qui est intéressant chez Jean Raspail, grand écrivain, grand voyageur.
01:43Son principe de vie, André, était si la route te manque, fais-la. Et lui, il va la faire pendant plus de 30 ans, André Bercoff, alors qui était cet aventurier hors pair,
01:52dont Jean Dormesson a dit, il est l'un des rares de notre temps qui ait écrit quelque chose qui ressemble à une oeuvre.
01:58Alors pourquoi a-t-il été ostracisé, André ?
02:03On va en parler dans un instant sur Sud Radio avec son biographe Philippe Hensen qui publie une biographie,
02:10la première biographie, André, qui est vraiment passionnante. A tout de suite, restez avec nous.
02:16L'homme qui a été une grande partie de sa vie avant de devenir romancier, il s'agit de Jean Raspail, André Bercoff.
02:23Vous consacrez une première biographie passionnante à cet immense écrivain Philippe Hensen. Bonjour à vous et merci d'être avec nous sur Sud Radio.
02:31Bonjour Céline. Bonjour André.
02:35Alors vous publiez Jean Raspail, aventurier de l'ailleurs chez Albain Michel.
02:39Observer et ressentir, comprendre que l'important est ailleurs, toujours ailleurs, c'était son credo, écrivez-vous, dans ce livre.
02:47Comment son envie d'explorer le monde est-il née, Philippe Hensen ?
02:51Jean Raspail était un enfant fugueur et il a évidemment vécu l'occupation comme un enfermement.
03:01Et arrivée la libération, ça a été dans tous les sens du terme pour lui une libération, dans la mesure où il a pu s'ouvrir au monde, partir loin.
03:14Ça ne s'est pas fait tout de suite, mais sa formation de scout le poussait en quelque sorte à partir loin.
03:22Et il fait très souvent allusion dans son oeuvre à un film qui l'a beaucoup influencé parce qu'il correspondait un peu à sa situation d'enfant né avant-guerre,
03:38qui avait connu enfant, adolescent, la guerre et qui aspirait à partir au loin.
03:44C'était ce film de Jean Becker, Rendez-vous de Juillet.
03:49C'était sur Saint-Germain-des-Prés, c'était l'époque de Saint-Germain-des-Prés, à la libération.
03:54Oui, et un groupe de jeunes gens qui voulaient partir au loin.
03:59Il faut se représenter à l'époque, on perd un petit peu de vue aujourd'hui, le fait que dans la société à l'époque, il n'y a pas de télévision, il y a encore moins d'internet.
04:13On n'est pas dans une société de l'image, on est dans une société où on imagine.
04:19Et oui, et à propos de ce film, 56 ans après la sortie de ce film, je rappelle que ce film était sorti en 1959,
04:25Jean Raspail dira, ce film c'était nous, c'était moi, ceux qui voulaient changer de vie et non changer la vie,
04:30ceux dont nous fichions complètement la nuance et l'importance.
04:34Oui, c'était pas du tout un homme engagé, il ne voulait pas s'engager du tout en politique à l'époque.
04:42C'était vraiment changer de vie, sortir de cette vie bourgeoise qu'il ne satisfaisait pas.
04:49Il était fils de bourgeois lui-même.
04:51Ah oui, oui, tout à fait. Son père était un grand bourgeois, puisqu'il avait été responsable directeur des mines de la Sarre, pendant l'occupation de la Sarre.
05:01Donc famille aisée.
05:04Il raconte très bien que quand il allait à l'école, tout petit garçon, il y allait quelquefois en tricycle,
05:10et il y avait la grosse voiture avec le chauffeur qui roulait tout doucement derrière lui.
05:14Donc vraiment, on est dans un autre monde.
05:16D'autant plus intéressant qu'il a pris des risques après.
05:19Et c'est vraiment le scoutisme qui a structuré cet enfant à l'esprit rebelle en quelque sorte.
05:26Son père, grand bourgeois, homme qui était né au 19ème siècle, ne savait pas tellement quoi faire avec ce gamin qui fuguait des journées entières.
05:39Il disait qu'il allait à l'école. En fait, il allait se balader dans tout Paris.
05:42Ah oui, il séchait l'école.
05:44Ah oui, totalement.
05:46Même à la fin de la guerre, il faisait partie de la défense passive.
05:49Et donc il était très heureux à chaque fois qu'il y avait une alerte, parce qu'il mettait son casque, il prenait son masque à gaz,
05:56et puis ça lui permettait de sortir de l'école vite fait bien fait, et d'échapper au cours.
06:01C'était une crapule un peu.
06:03Et le scoutisme lui a vraiment donné ce fameux sens du rite.
06:07Et donc le scoutisme l'a structuré, lui a donné une structure qu'il n'avait pas.
06:13Lui a permis de devenir d'abord lui-même en tant que jeune garçon, et puis lui a appris à se débrouiller tout seul,
06:21et aussi à avoir des relations saines avec les autres garçons de son âge,
06:26parce qu'il avait du mal à se faire des petits camarades, dans la mesure où, encore une fois, il était issu d'une famille
06:32où on ne fréquentait pas n'importe qui, et donc il avait du mal à se fréquenter.
06:37Il vivait à Paris à l'époque ?
06:38Il vivait à rue Franklin.
06:4116e arrondissement.
06:43Et il est resté, il a fait plusieurs écoles dans le coin.
06:49Est-ce que ça a été son service militaire, le scoutisme ?
06:52Un petit peu, alors oui, il n'a pas fait son service militaire, puisqu'il était de la classe qui n'a pas fait son service militaire.
06:57Oui, c'est intéressant à l'époque.
06:59Mais oui, ça a été un petit peu son service militaire, mais plus que ça,
07:03dans la mesure où le scoutisme à l'époque était très très lié à l'église catholique,
07:08et Jean était très très croyant à l'époque.
07:13Oui, à l'époque, parce qu'après, il va s'en éloigner de la religion.
07:17Quand il va commencer ses premiers voyages, tout à fait.
07:21Mais à l'époque, il était...
07:23Et donc, c'était un peu un apprentissage de discipline, quelque part ?
07:27C'était un apprentissage de discipline, et puis c'était un peu un meneur d'homme.
07:32Il aimait bien, il disait souvent que l'altruisme ne l'intéressait pas, à la limite,
07:37mais c'était le fait d'aller chercher, par exemple, pendant l'occupation, il l'a fait,
07:42même si le scoutisme était interdit, il est allé chercher des gamins des rues
07:47dont les parents ne s'occupaient pas, loin de sa famille.
07:52Il est allé dans le nord de Paris, à l'autre bout de Paris, pour les aider à s'en sortir.
07:58Donc il leur donnait des cours de français,
08:00il leur donnait en quelque sorte aussi des cours de scoutisme,
08:06pour apprendre à se débrouiller dans la nature, ce genre d'activités,
08:11de manière à les en sortir.
08:14Alors sa première expédition, il la fera en 1949, sous l'égide du scoutisme,
08:19avec trois coéquipiers, ils vont refaire le parcours effectué par un jésuite,
08:24en 1746, effectivement le père Marquette.
08:28L'idée c'était de rejoindre en canoté le Mississippi à partir du Canada,
08:325 000 kilomètres en canot, mais aussi parfois à la force des bras.
08:37Mais pour l'époque, c'était un sacré défi.
08:41Ah oui, c'était une épopée absolument invraisemblable,
08:46d'autant plus qu'il faut s'imaginer, encore une fois,
08:49qu'on est en 1900...
08:52Et qu'il a 24 ans !
08:53Il a 24 ans, il n'y a pas de communication.
08:57C'est-à-dire qu'ils partent avec leurs deux canots,
08:59sans être suivis par des satellites,
09:02sans pouvoir communiquer avec quiconque,
09:04avec une somme d'argent dérisoire,
09:07tellement dérisoire que les Canadiens leur donnent à manger,
09:11leur donnent des cigarettes, lorsqu'ils s'arrêtent dans des villages,
09:15parce qu'ils se rendent compte que ces quatre jeunes gens n'ont vraiment...
09:18Mais par exemple, c'est intéressant ça,
09:21qui a financé le voyage au Canada ?
09:24Des trois coéquipiers, par exemple.
09:29Ils ont trouvé de l'argent à droite à gauche,
09:32ils se sont fait un petit peu aider par les scouts,
09:35et il y a surtout un prêtre canadien qui les a pris en charge,
09:38et à l'époque, l'église québécoise était extrêmement puissante et riche.
09:43Et c'est même ce prêtre qui a fait construire les canots
09:47par l'entreprise Cadorec de Trois-Rivières,
09:51et qui leur a offert les deux canots.
09:54L'esprit d'entreprise, l'esprit d'aventure.
09:57Au cours de ce périple, il va découvrir d'anciennes réserves indiennes,
10:00notamment le fameux village de Sagonique,
10:03et c'est dans ce lieu que sa vocation d'écrivain est née.
10:07Mais comment s'est-elle révélée à lui ce jour-là ?
10:11D'abord, Sagonique est un village fantôme.
10:13Même à l'époque, quand ils y sont allés,
10:16c'était déjà un village fantôme,
10:18qu'ils avaient énormément de mal à situer sur les rives du lac Huron.
10:22Et c'était donc un ancien village indien,
10:25et quand ils y sont arrivés, au cours de leur périple en canot,
10:30ils s'y sont arrêtés en imaginant pouvoir trouver une tribu d'indiens qui était là.
10:35Évidemment, quand ils sont arrivés,
10:37ils ont trouvé un village abandonné, vide.
10:42Donc ils sont un petit peu restés,
10:44et puis à un moment, Jean est parti tout seul,
10:47il a laissé ses trois camarades derrière lui,
10:49il est parti tout seul dans la forêt,
10:51avec l'espoir, peut-être, que des indiens étaient là, cachés, à les observer.
10:58Et en fait, ce qu'il a découvert, c'était la puissance de l'imagination à ce moment-là,
11:02parce qu'il s'est retrouvé devant une forme de vide, d'une certaine manière,
11:06mais compensé par sa propre imagination.
11:09Et ça l'a tellement frappé, l'expérience a tellement été forte,
11:14que des années plus tard, au tout début d'un volume qui s'intitule « Pêcheur de Lune »,
11:20il dit qu'il est né ce jour-là à Saguenay.
11:24Qui est né, évidemment, c'est pas Jean Raspail, le jeune homme,
11:28c'est l'écrivain qui est né, même si à l'époque, il avait très peu écrit,
11:32parce qu'il faut souligner qu'il avait écrit un roman au lendemain de la guerre,
11:36de la Seconde Guerre mondiale, un roman qui s'appelait « Un Petit Chemin »,
11:40et que son père avait donné à André-François Poncet, futur académicien,
11:46lequel avait rendu le manuscrit au père, quelques semaines plus tard,
11:50en lui disant « Dites à votre fils qu'il ne sera jamais écrivain ».
11:54Et l'humiliation avait été si puissante,
11:59que Jean Raspail avait décidé de ne plus jamais écrire.
12:03— Ah oui, ça l'avait cassé à ce moment-là.
12:06— Et donc, par conséquent, le périple sur les canaux du roi,
12:10sur les chemins d'eau du roi, il ne l'a pas écrit.
12:14Il n'a pas écrit de livre, à l'époque, sur cette expédition.
12:18— Il n'était pas surtout parti là-dedans pour dire « Je vais écrire », c'était pas question.
12:22— Non, non, il a refusé d'écrire, et c'est son camarade, son colistier,
12:26Philippe Andrieux, qui a écrit, à l'époque, un livre
12:30sur toute cette expédition, et donc Jean Raspail, lui,
12:34il l'a écrit, mais à la fin de sa vie.
12:36— Et vous dites que Saguenay, en quelque sorte, c'est le lieu de l'initiation,
12:39à l'appel pour lui. C'est-à-dire, expliquez-nous, parce que ce thème-là
12:44va occuper une place centrale dans les années à venir dans ses œuvres.
12:48— Pendant énormément de voyages, il va courir, en quelque sorte,
12:52après les derniers représentants de peuples disparus,
12:57qui avaient totalement disparu pour certains, ou qui n'existaient plus
13:02qu'à travers deux ou trois personnes, et c'est à travers cette quête-là
13:08qu'il va voyager, et notamment, il va répéter, en quelque sorte,
13:13cette scène de Saguenay, par exemple, dans les Antilles,
13:16où il va chercher des peuples, un peuple notamment,
13:19qui s'appelle les Vienviens, et donc il va partir là aussi,
13:22il raconte ça très bien dans Pêcheur de Lune, avec sa voiture
13:25dans les montagnes, et puis il va les appeler, d'une certaine manière.
13:28Encore une fois, c'est un appel à l'imagination qui supplie,
13:32en quelque sorte, la réalité. Et ça, c'est vraiment la base
13:35et la naissance de l'œuvre de Jean Raspail, c'est-à-dire,
13:39sur quoi repose l'œuvre de Jean Raspail ? Sur la légende, sur le mythe.
13:45— Mais d'où lui est venue, pardon, Philippe Hemsen, raconter ?
13:50Parce que, d'où lui est venue cet amour des peuples disparus,
13:54ou en voie de disparition, ou introuvables, ou invisibilisés, ou invisibles ?
13:58— Cet amour lui est venu lors de son second grand voyage,
14:02Terre de Feu Alaska. Lorsqu'il est arrivé au sud du sud
14:06de l'Amérique du Sud, il a rencontré José Ampérer,
14:10qui était un grand spécialiste des Indiens de cette partie du monde,
14:15qu'ils appelaient les Alakalufs, et il l'a rencontré,
14:18et José Ampérer l'a totalement fasciné. Et donc, Jean Raspail s'est mis en tête
14:22d'essayer de rencontrer les derniers Alakalufs qui existaient.
14:26Les Alakalufs étaient un peuple d'Indiens qui vivaient quasiment nus en Terre de Feu.
14:30— En Terre de Feu ? — En Terre de Feu, quasiment nus,
14:32ils se recouvraient de graisse animale pour se tenir chaud.
14:35— Oui, parce qu'il faisait pas très chaud, là-bas.
14:38— Ils vivaient sur des canaux, sur lesquels ils entretenaient du feu,
14:42parce que c'était comme les hommes préhistoriques,
14:45ils entretenaient le feu sur leurs canaux.
14:48Et ils allaient pêcher des grandes moules sous l'eau, nues, également.
14:55Et en plus de ça, Kaweskar, c'est leur autre nom.
14:59Alakaluf, c'est un des noms Kaweskar, l'autre nom, qui veut dire « homme ».
15:03— Oui. Mais pourquoi ce peuple a disparu, alors ?
15:06— Il a disparu parce qu'il a été absolument saisi le jour où ils ont vu des bateaux arriver,
15:13les bateaux des grands navigateurs, des grands découvreurs,
15:17et se sont rendus compte qu'ils n'étaient pas les seuls hommes sur Terre.
15:21Donc ça les a déjà saisis totalement.
15:24Et par la suite, on a voulu évidemment les habiller, etc.
15:28Habiller des Indiens avec de la laine dans ces régions extrêmement humides et froides,
15:34vous obtenez des maladies qui se sont répandues,
15:37et ils sont morts petit à petit.
15:39Ils se sont aussi laissés mourir, d'une certaine manière.
15:41— Oui. Et donc c'est au cours de cette deuxième expédition, effectivement,
15:44Terre de Feu Alaska, qu'il va vraiment avoir, on peut le dire, un coup de foudre pour la Patagonie.
15:50— Totalement. Il va avoir un coup de foudre pour la Patagonie pour deux motifs.
15:54Le premier motif, c'est d'abord le fait que Jean Raspail, et on va y revenir à propos du camp des Saints plus tard,
15:59déteste la masse, déteste le monde en masse.
16:04Or la Patagonie, c'est des...
16:06— Le désert, enfin.
16:08— Le désert, voilà. Vous pouvez faire des centaines de kilomètres dans la journée sans rencontrer âme qui vive.
16:14— Et oui, justement, à ce propos, il dira, très intéressant,
16:17c'est un pays dans lequel il est facile de disparaître.
16:20— Totalement, totalement. Donc ça, c'est le premier aspect qui le fascine.
16:24Le deuxième aspect, ce sont ces Indiens d'Amérique du Sud, enfin de Terre de Feu,
16:28qui le fascinent totalement.
16:31Pourquoi ? Parce que ces Indiens ne connaissent pas l'histoire.
16:36Donc ça veut dire que, d'une certaine manière, ils vivent tels qu'ils pouvaient les voir à l'époque,
16:43tels qu'ils ont toujours vécu.
16:45C'est-à-dire, les rencontrer, c'était rencontrer une forme d'éternité.
16:48— Oui, c'est ça. La permanence, l'immanence de l'histoire.
16:52— Oui, totalement. Donc c'était cette espèce de frontière,
16:58d'abîmes absolument gigantesques qui se creusaient lorsqu'on les rencontrait,
17:03parce qu'eux vivaient dans une sorte d'éternité, et nous, nous vivions dans le temps.
17:07Et évidemment, entre les deux, il n'y avait aucune communication possible.
17:11C'est comme si, tout à coup, on pouvait, comme dans Hibernatus...
17:15— Ça m'appelle cet Africain qui disait à un explorateur,
17:18la différence entre vous et nous, vous avez la montre, nous avons le temps.
17:21— Voilà, totalement, oui, oui.
17:23Et eux, ils ont l'éternité, même. Ils ont l'éternité.
17:26— Autre expérience qu'il a marquée au cours de cette deuxième grande expédition,
17:30c'est l'américanisation du monde.
17:32À ce propos, il a écrit ceci,
17:34« Les routes sont toujours parfaites, les maisons bien peintes,
17:38les voitures neuves, le confort parfait,
17:40et les femmes mal habillées, rien à regretter, rien à désirer ni espérer.
17:45C'est l'uniformité caussue à la portée de tous. »
17:48Qu'est-ce que ça révèle de son esprit à l'époque ?
17:52— Jean Raspail était quelqu'un qui aimait profondément la diversité,
17:58la diversité du monde.
18:00Rien, pour lui, n'était plus enrichissant que cette diversité.
18:05La diversité des paysages, la diversité des modes de vie,
18:08la diversité culturelle, civilisation, ethnique, évidemment,
18:14puisque c'était ça qu'il lui tenait le plus à cœur.
18:17Et il s'est rendu compte, en partant de la Terre de Fuy
18:22et en remontant vers le nord de l'Amérique du Sud,
18:25il s'est rendu compte, au fur et à mesure de sa progression,
18:29que plus il approchait des États-Unis,
18:31plus les pays d'Amérique du Sud, en lien direct avec les États-Unis,
18:35avaient, en quelque sorte, renoncé à leur propre mode de vie,
18:39à leur propre mode de fonctionnement,
18:41pour vivre et fonctionner comme les États-Unis.
18:44Et on aura l'occasion d'en reparler,
18:48mais c'est un homme qui était visionnaire dans la mesure où
18:51il percevait les signes des temps, comme disait René Guénon.
18:54Il percevait les signes qui apparaissaient autour de lui
18:58dans la géographie, dans les cités, etc.
19:01Et là, il s'est rendu compte que ce qui se passait
19:05avec cette influence de plus en plus grande de l'Amérique,
19:09du système de vie américain sur les peuples d'Amérique du Sud,
19:13allait se répandre partout.
19:15Il en a eu le pressentiment très très tôt.
19:18Et visionnaire, il n'a jamais été autant,
19:20et on va en parler maintenant,
19:22qu'avec le camp des Seins,
19:24qui quand même marque un tournant.
19:26Et je rappelle quand même que le camp des Seins,
19:29ça va faire un peu plus de 50 ans,
19:311973, et ça a vraiment marqué un tournant,
19:34puisqu'on en parle encore aujourd'hui.
19:36Et voyons, je vais justement en parler dans un instant sur Sud Radio.
19:39Le camp des Seins, la submersion de l'Occident
19:42par une apocalypse migratoire.
19:44Il l'avait écrit dans son livre,
19:47qui est un best-seller mondial, André Bercoff.
19:50On en parle dans un instant sur Sud Radio.
19:52Restez avec nous.
19:53Bercoff, Céline Alonso.
20:12Quantique de l'apocalypse sur Sud Radio, André Bercoff.
20:15Cette fin du monde, plutôt d'un monde, André.
20:18Jean Raspail a prophétisé dans le camp des Seins,
20:20un roman dans lequel il a annoncé en 1973
20:23la submersion de l'Occident
20:25par une apocalypse migratoire.
20:27À ce propos, il a écrit ceci,
20:29« Dans la nuit, au midi de notre pays,
20:31100 navires se sont échoués,
20:33chargés d'un million d'immigrants.
20:34Ils viennent chercher l'espérance.
20:36Ils inspirent la pitié.
20:38Ils sont faibles, ils ont la puissance du nombre.
20:40Ils sont l'autre, c'est-à-dire multiple,
20:42l'avant-garde de la multitude.
20:45À tous les niveaux de la conscience universelle,
20:47on se pose alors cette question.
20:48Que faire ? Il est trop tard.
20:50Philippe Hentzen, quelle est la jeunesse de ce livre ?
20:55Alors, la jeunesse telle que l'a raconté Jean Raspail,
20:58il est parti en vacances.
21:00Pendant des années, il allait en vacances à Ercky, en Bretagne.
21:03Et puis, son épouse en avait peut-être un peu marre
21:06de la pluie, du ciel gris.
21:08Et donc, un jour, elle l'a mis au pied du mur
21:11en lui disant « Je veux le soleil ».
21:13C'était une grande amoureuse du soleil, Aliette Raspail,
21:15à qui je voudrais rendre hommage
21:17parce que c'était une femme extraordinaire.
21:19Oui, qui a été à ses côtés.
21:21Et qui a été à ses côtés, totalement,
21:23durant toute sa vie,
21:25et qui était vraiment une femme extraordinaire.
21:27Et donc, Aliette,
21:29une tante d'Aliette
21:31avait une magnifique villa
21:33au bord de la mer à Boulouris.
21:35Et elle a accepté
21:37de leur louer
21:39pour les vacances de Pâques.
21:42Si je ne me trompe pas.
21:44Et donc, ils y sont allés.
21:46C'est une très très belle villa.
21:48Il y a un jardin derrière.
21:50Puis une balustrade.
21:52Et au-delà de la balustrade, c'est la mer.
21:54Il y a le pied dans l'eau, pratiquement.
21:56C'est quasiment le pied dans l'eau.
21:58Et puis, sur le côté de la maison, il y a une pièce
22:00avec
22:02des lambris magnifiques.
22:04Et surtout, une bibliothèque magnifique.
22:06Et Jean s'est installé là, très vite.
22:08Et donc, de là, on a une vue
22:10complète, sur toute la mer.
22:12Depuis ce bureau,
22:14cette bibliothèque.
22:16Et donc, il a raconté, bien des fois,
22:18qu'un jour,
22:20il se tenait dans ce bureau,
22:22les yeux rivés sur la mer,
22:24et s'est posé la question,
22:26est-ce qu'ils arrivaient ?
22:28Qui c'était ces îles
22:30pour lui, à l'époque ?
22:32Personne, je veux dire.
22:34C'est personne, ces îles, justement.
22:36C'est la raison pour laquelle...
22:38Non, voilà, c'est la raison.
22:40Et il a vu l'horizon obscurci par les pirogues.
22:42Voilà. Par les bateaux,
22:44par une invasion.
22:46Et c'est pour ça que je rapproche,
22:48dans la biographie, le camp des saints
22:50de la guerre des mondes.
22:52Parce que vous pouvez
22:54remplacer les martiens par...
22:56Alors, il va... Là, à l'époque,
22:58en 1973, c'était le Tiers-Monde,
23:00la surpopulation dans le Tiers-Monde
23:02qui inquiétait l'Occident.
23:04Et donc, il met
23:06en place des Bengalis
23:08qui vont arriver en masse
23:10en Occident.
23:12Mais ça pourrait être n'importe qui d'autre.
23:14Jean, quand on dit
23:16que Jean Raspail était
23:18un écrivain raciste
23:20dans le camp des saints,
23:22c'est faire un contresens total.
23:24Comme lui-même l'a dit,
23:26on ne peut pas aimer,
23:28comme je les aime, les peuples,
23:30justement, en voie de disparition,
23:32les peuples indiens,
23:34minés par l'uniformisation
23:36du monde, on ne peut pas les aimer
23:38et être raciste dans le même temps.
23:40Ce livre, en quelque sorte,
23:42vous dites que c'était
23:44vraiment un livre de colère.
23:46Contre qui il était
23:48en colère à l'époque ?
23:50Donc, Jean Raspail était à l'époque
23:52voyagé énormément. Il s'intéresse
23:54aux peuples qui disparaissent petit à petit
23:56pour vivre.
23:58Il fait partie d'une organisation
24:00qui s'appelle Connaissance du Monde
24:02et qui, à l'époque, fonctionne très bien
24:04et lui permet de vivre confortablement
24:06et qui consiste
24:08à présenter un film
24:10avec l'auteur, le voyageur,
24:12dans la salle, dans la pièce,
24:14dans le cinéma.
24:16C'est plutôt les croisières ou c'est le cinéma ?
24:18Non, c'était vraiment dans les cinémas.
24:20Il présentait des films de voyage, ces films ?
24:22C'était des films,
24:24et c'est très curieux parce que ce sont des films
24:26muets, en fait,
24:28et l'auteur était là,
24:30Tassief,
24:32Jean Raspail,
24:34et beaucoup d'autres voyageurs étaient là sur scène
24:36et commentaient en direct les images
24:38qui étaient diffusées à l'écran
24:40et puis, de temps en temps, tournaient un bouton
24:42pour mettre la musique.
24:44D'accord, et puis on discutait ?
24:46Voilà, et ensuite, après
24:48la projection, l'auteur venait
24:50présenter son livre. En règle générale,
24:52il avait écrit un livre dédicacé au spectateur
24:54qui était venu le voir.
24:56Et donc, c'est quelque chose qui
24:58lui permettait d'abord
25:00de vivre confortablement et
25:02deuxièmement, l'amenait à traverser,
25:04à aller dans toute la France
25:06et même à l'étranger, en Suisse,
25:08en Belgique et au Québec,
25:10présenter donc ses conférences connaissances du monde.
25:12Et donc, ça lui a donné une bonne
25:14expérience
25:16de l'évolution de la France à l'époque.
25:18Or, vous savez bien, quand vous
25:20voyagez, même quand vous partez
25:22en voyage à l'étranger pendant
25:24quelques semaines et que vous rentrez en France,
25:26votre regard
25:28sur votre environnement habituel
25:30est beaucoup plus aiguisé. Vous vous rendez compte
25:32de ce à quoi vous ne prêtez pas attention
25:34tous les jours. Lui partait pendant
25:36des mois en voyage, revenait
25:38en France, préparait son livre
25:40et ses conférences, puis voyageait
25:42et là, regardait autour de lui.
25:44Et la France qu'il a vue émerger
25:46petit à petit dans les années 60-70
25:48ne lui plaisait pas du tout
25:50parce qu'il a vu la France
25:52donc, s'uniformiser,
25:54s'américaniser, renoncer à ce qu'elle
25:56était au fond.
25:58Donc, il était vraiment contre les Français
26:00en quelque sorte, leur abdication...
26:02Pas contre les Français.
26:04Contre la masse. Il était contre
26:06l'évolution de la société
26:08telle qu'il la voyait dans les années
26:1070. Et
26:12il s'est rendu compte que cette société
26:14qui renonçait à elle-même
26:16sur le plan culturel, sur le plan
26:18religieux, sur le plan
26:20de ses spécificités propres
26:22Enfin, la France à l'époque, c'était pas
26:24quand on passait de la France
26:26aux Etats-Unis, ou de la France
26:28même en Italie ou en Allemagne
26:30c'était totalement différent.
26:32Chaque pays avait une identité forte et propre.
26:34Or, c'était cette identité-là
26:36qu'il voyait disparaître
26:38petit à petit, se noyer dans une
26:40sorte d'uniformisation
26:42qui lui déplaisait profondément.
26:44Et c'est contre ça
26:46qu'il a voulu réagir. Et surtout
26:48il s'est rendu compte qu'en renonçant
26:50à ce que nous étions,
26:52nous devenions un peuple potentiellement
26:56affaibli,
26:58désarmé et près
27:00de disparaître. Sur le point de disparaître.
27:02Exactement comme les Alakaloufs.
27:04Il y avait un renversement de la situation.
27:06Il regarde ces Indiens
27:08du sud de l'Amérique du Sud
27:10disparaître. Et qu'on va pas devenir nous
27:12les Alakaloufs. Exactement.
27:14Justement, une minute.
27:16Est-ce qu'il avait, encore une fois
27:18comparaison des paraisons,
27:20est-ce qu'il avait, vous pourriez dire,
27:22la même
27:24démarche que
27:26Renaud Camus s'employait le mot
27:28de grand emplacement ?
27:30Est-ce qu'il voyait ça ? Parce que ça m'intéresse
27:32qu'après il y a eu cette notion qu'on bat
27:34ou qu'on soit d'accord ou pas du tout d'accord.
27:36Est-ce que lui, inconsciemment
27:38ou consciemment,
27:40Jean Raspail avait ce sentiment
27:42qu'a théorisé
27:44beaucoup plus tard Renaud Camus ?
27:46Je retirerais
27:48simplement André de vos propos
27:50le mot théorie parce que pour
27:52Renaud Camus, le grand emplacement
27:54quand on se donne la peine de lire
27:56le livre et de ne pas parler du concept
27:58comme font énormément
28:00de commentateurs de Renaud Camus,
28:02quand on lit Renaud Camus, c'est pas du tout
28:04une théorie, c'est un simple constat
28:06pour Renaud Camus. Il observe
28:08la situation. Bien sûr. Non mais je dis que
28:10ceux qui ne sont pas d'accord parlent de théorie.
28:12Il parle de théorie. Voilà.
28:14J'aimerais bien l'aider
28:16éventuellement, enfin pour me le mettre
28:18de côté. Donc c'est pour ça que je disais simplement
28:20est-ce que ce sentiment-là, parlons
28:22du constat, est-ce que ce constat-là
28:24pour reprendre, après on est d'accord
28:26ou pas, mais est-ce que ce constat-là,
28:28Jean Raspail l'avait à ce moment-là ? Oui, totalement.
28:30C'est une forme de grand remplacement.
28:32C'est-à-dire qu'encore une fois,
28:34il a simplement inversé ce qu'il avait
28:36observé, c'est-à-dire vous prenez les
28:38Indiens du sud de l'Amérique du Sud
28:40et ils ont disparu
28:42non pas parce qu'on les a massacrés à coups de mitraillettes
28:44etc., mais simplement parce qu'ils
28:46ont renoncé à vivre
28:48d'une certaine manière et il s'est
28:50en regardant les Français d'une certaine manière
28:52il s'est demandé si les Français
28:54n'étaient pas en train de renoncer à vivre et à être
28:56eux-mêmes. Et oui. Et donc
28:58renonçant à eux-mêmes,
29:00ils laissent la place à d'autres. Et à ce propos,
29:02je voulais citer effectivement une déclaration
29:04qu'il a faite, c'était en 2013 dans Valeurs Actuelles
29:06André, il a déclaré effectivement que notre
29:08civilisation disparaîtra dans
29:10les années 2050 par le jeu
29:12de la démographie.
29:14Il y aura autant de jeunes
29:16Français de souche que de jeunes étrangers
29:18en France et selon lui, il précise
29:20dans cette interview, notre pays va s'en
29:22accommoder et s'effacer sans même
29:24qu'on lui fasse des funérailles.
29:26André Bercoff, quel est votre avis sur cette question ?
29:28Écoutez, ce qui est intéressant
29:30c'est qu'il a posé
29:32Jean Raspail avait posé
29:34le problème, à l'époque on l'avait traité de tous les noms
29:36vous le racontez très bien dans votre livre
29:38William Henson, c'est vrai.
29:40Jusqu'à présent d'ailleurs, vous le savez Jean Raspail.
29:42La polémique continue.
29:44Extrême droite, ceux-ci, ceux-là.
29:46Les étiquettes, on connaît le bal
29:48des étiquettes. Moi, ce qui me frappe
29:50c'est qu'aujourd'hui, ce qui était
29:52considéré comme absolument impossible
29:54et qui vous mettait à droite
29:56d'Adolf Hitler, aujourd'hui est
29:58le débat public.
30:00Aujourd'hui, tout le monde en débat.
30:02C'est devenu, c'est-à-dire que cette espèce
30:04de fantôme
30:06est devenue l'éléphant
30:08dans la salle, ou dans la cuisine.
30:10Donc, c'est pour ça
30:12que ça continue à être extrêmement fort.
30:14Mais est-ce que justement, par rapport
30:16à ça, moi ce qui m'intéresse
30:18c'est de se dire
30:20que voilà quelqu'un, qui vous dites
30:22visionnaire, en tout cas, qui a posé le problème
30:24et ce qui est extraordinaire
30:26c'est que comment,
30:28comme toujours, des gens qui parlent d'un problème
30:30et d'autres qui veulent absolument
30:32pas en parler,
30:34aujourd'hui, nous sommes en plein dans ce débat.
30:36Et on l'a vu encore, juste un mot
30:38sur le rapport parvu hier
30:40par Retailleau
30:42sur le frérisme. C'est-à-dire, ceux qui disent
30:44mais non, mais c'est pas vrai, ça n'existe pas
30:46vous amalgamez, vous stigmatisez
30:48et les autres disent non, il faut en parler.
30:50On a l'impression qu'on est encore dans du raspail, là.
30:52Oui, parce qu'on est dans une société
30:54où j'ai un peu
30:56peur que les écrans
30:58au sens propre du terme, fassent écran
31:00à la réalité. On refuse de voir le réel.
31:02Raspail
31:04était un géographe
31:06c'était un homme qui
31:08justement, était très précis dans ses
31:10descriptions. Quand on regarde ses romans
31:12il décrit toujours très très bien le réel.
31:14Tellement bien, du reste
31:16que quelquefois, ses lecteurs se sont pris
31:18au jeu de vouloir suivre
31:20ses personnages dans la réalité.
31:22Pour vous dire qu'il regardait les choses
31:24on aura l'occasion d'en parler
31:26ensuite avec son voyage par exemple au Moyen-Orient
31:28où là aussi il s'est montré totalement
31:30visionnaire de ce qui allait se passer
31:32en Israël
31:34avec les palestiniens et en Israël.
31:36Vous dites même, j'insiste
31:38vous dites que 8 ans avant la guerre
31:40des 6 jours, il a annoncé
31:42ce conflit avec une exatitude
31:44fort troublante, écrivez-vous.
31:46Comment a-t-il pu l'anticiper ?
31:48Racontez-nous.
31:50Ça c'était son côté visionnaire justement.
31:52C'était le fait qu'il avait cette capacité
31:54de regarder le réel
31:56et d'imaginer ce qu'il y avait au-delà.
31:58De regarder au-delà
32:00la ligne d'horizon.
32:02La lucidité.
32:04Là où j'aimerais
32:06revenir un instant sur le camp des seins
32:08c'est le fait que
32:10là encore, quand on
32:12accuse Jean Raspail
32:14d'être raciste à propos de ce livre
32:16là encore c'est un
32:18faux procès dans la mesure où
32:20Jean
32:22ne dénonce pas
32:24ceux qui arrivent, ne dénonce pas
32:26les millions de Bengalis
32:28qui arrivent du Bengal pour venir
32:30pour quoi ? Pour venir pour vivre.
32:32Il ne les accuse pas.
32:34Ceux qu'il accuse,
32:36ceux avec lesquels il est le plus virulent
32:38dans le camp des seins, ce sont les
32:40Français qui
32:42se renoncent.
32:44Qui renoncent.
32:46Et c'est en cela
32:48que s'est arrosé un roman
32:50prophétique d'une certaine
32:52manière, parce qu'il nous dénonce
32:54notre propre velerie.
32:56Il disait de ce roman
32:58effectivement, que ce roman a été un succès
33:00pour lui, mais aussi
33:02une casserole.
33:04Ça a porté préjudice à sa carrière de romancier
33:06après ? Ah totalement !
33:08Dans la mesure où
33:10il a voulu construire une oeuvre
33:12et une oeuvre cohérente
33:14vous citiez tout à l'heure Jean d'Ormesson
33:16qui disait que c'était un des rares écrivains
33:18qui avait écrit une oeuvre cohérente
33:20à partir du jeu du
33:22roi jusqu'au royaume
33:24de Boré et
33:26le camp des seins.
33:28Alors Jean Raspail n'a jamais été un auteur de best-seller
33:30mis à part pour le camp des seins.
33:32Et donc par conséquent c'est un livre qu'il a
33:34fait connaître, qui lui a apporté
33:36une certaine notoriété
33:38mais pas forcément dans le monde littéraire.
33:40Est-ce qu'il a été stupefait de ce succès ?
33:42Pas vraiment dans la mesure
33:44où au départ
33:46en 1973 ça n'a pas été un immense
33:48succès. Le succès est venu
33:50avec les années.
33:52Evidemment avec l'évolution de la société
33:54mais également
33:56parce que le livre s'est prêté
33:58les gens l'ont lu et puis
34:00il s'est
34:02petit à petit développé
34:04et donc c'est devenu petit à petit un best-seller
34:06jusqu'à la dernière édition.
34:08À propos de prêté justement, pourquoi
34:10je suis étonné qu'il se soit prêté
34:12j'ai lu la version où il disait
34:14voilà ce que je pourrais publier après lecture de l'avocat.
34:16Il s'est prêté
34:18enfin il s'est prêté en tout cas
34:20à un certain nombre de coupures.
34:22Oui, il a remanié le texte à plusieurs reprises.
34:24Alors,
34:26il a, lors de la
34:28deuxième republication
34:30du Camp des Saints, il a
34:32effectivement coupé énormément le texte
34:34pour des raisons littéraires
34:36principalement. Pas du tout de
34:38contenu ? Non.
34:40Oui et non.
34:42Dans la mesure où lorsque
34:44le livre a été republié, il avait déjà
34:46commencé sa carrière littéraire après
34:48Le Jeu du Roi et donc
34:50il s'est rendu compte que le livre était
34:52trop polémique donc il a voulu un petit peu
34:54le rendre plus littéraire que polémique.
34:56Donc il a coupé à ce moment-là.
34:58Troisième réédition,
35:00là il a rétabli tous les passages à l'exception
35:02d'un chapitre qui est
35:04pas un très bon chapitre qui se passe
35:06en Union soviétique, etc. Mais là il a
35:08rétabli tous les passages.
35:10Et la dernière réédition
35:12avec la fameuse préface
35:14Bigotter
35:16qui a fait tant de bruits
35:18Bigotter, le grand autre.
35:20Et là il a laissé absolument
35:22le texte tel qu'il était à l'origine
35:24à l'exception de ce chapitre
35:26qui n'était pas très bon. En tout cas
35:28le corps dessin restera de toute façon
35:30commun des livres
35:32et il est presque
35:34comme Orwell. Il y a un côté
35:361984 à sa manière.
35:38En tout cas Jean Raspail
35:40a laissé une oeuvre riche de plus de
35:4230 livres et d'une quinzaine de romans.
35:44Notamment ce fameux
35:46La Miséricorde.
35:48Un livre qui s'inspire d'une histoire vraie.
35:50Celle d'un curé qui dans les années
35:5250 a tué sa maîtresse et l'enfant
35:54qu'elle portait de lui.
35:56Tout le talent de Jean Raspail est dans cet
35:58ouvrage puissant. On va en parler dans
36:00un instant sur Sud Radio.
36:12La Miséricorde
36:14c'est l'un des grands romans
36:16de Jean Raspail dans lequel il raconte
36:18l'une des plus grandes histoires criminelles
36:20françaises de l'après-guerre.
36:22A savoir l'affaire du curé du Ruf André Bercoff
36:24qui a tué sa maîtresse et l'enfant qu'elle portait.
36:26L'enfant du péché
36:28selon lui. Dans les années 50
36:30ce drame a foudroyé
36:32l'église Philippe-Ensen.
36:34En quoi ce livre se détache
36:36de l'oeuvre romanesque de Raspail ?
36:38Surtout qu'il ne s'agit pas de peuples en bois
36:40ou de disparitions et autres.
36:42C'est pas du tout ça.
36:44C'est extrêmement étonnant.
36:46Je connaissais l'existence de ce livre
36:48parce qu'il m'en avait parlé bien avant
36:50son édition.
36:52C'est un livre qui a commencé
36:54au tout début de sa carrière littéraire.
36:56Donc vraiment à l'époque
36:58de son voyage
37:00au Japon.
37:02Il a écrit une quarantaine
37:04de pages
37:06mettant en scène des prêtres
37:08et ce prêtre criminel
37:10qui était en prison.
37:12Et puis il s'est arrêté.
37:14C'était quelque chose
37:16qui était très différent
37:18de tout ce qu'il a...
37:20Pas d'épopée, pas d'évasion,
37:22pas de grand voyage.
37:24Le contraire
37:26de tout ce qu'il avait écrit.
37:28Donc il a mis ça dans un tiroir
37:30et puis
37:32dans la dernière partie de sa vie
37:34après s'en être éloigné, il s'est de nouveau
37:36rapproché de la religion
37:38à travers plusieurs personnalités
37:40ecclésiastiques dont
37:42en particulier Don Gérard
37:44qui a été le fondateur du
37:46monastère du Barou
37:48dans le sud de la France qui était
37:50une encablure de la maison que Jean Raspail
37:52occupait à cette époque-là à Sablé.
37:54Donc il vivait principalement
37:56dans le sud de la France et Sablé est à
37:5830 kilomètres du Barou.
38:00Donc il est très souvent allé au Barou et rencontré
38:02Don Gérard.
38:04Prêtres parmi d'autres
38:06qui l'ont influencé
38:08et qui l'ont encouragé à reprendre
38:10ce roman dont il leur a parlé.
38:12Et c'est ce roman-là.
38:14Et c'est ce roman-là.
38:16Il a essayé
38:18mais il y a deux choses
38:20qui l'ont arrêté
38:22de nouveau.
38:24D'abord, il trouvait que c'était
38:26un petit peu artificiel de parler,
38:28de mettre en scène des prêtres, le monde
38:30ecclésiastique qui lui était très étranger.
38:32Il avait longtemps rêvé
38:34d'un autre roman, un roman de Philippe Bulskier,
38:36un roman de marine, en quelque sorte,
38:38qu'il a renoncé aussi à écrire
38:40parce qu'il estimait qu'il n'avait pas suffisamment de connaissances
38:42dans le domaine de la marine
38:44pour pouvoir l'écrire. Et donc que c'était artificiel.
38:46Et là, il a eu la même réaction
38:48en disant toujours...
38:50Et comment il est retourné alors au curé du Ruf ?
38:52Par hasard ?
38:54Ou par quoi ?
38:56Parce que
38:58ça lui posait
39:00beaucoup de questions.
39:02La miséricorde, c'est le pardon
39:04de Dieu et le pardon
39:06pour un prêtre qui a
39:08tué une femme, qui a tué son bébé
39:10dans des conditions absolument abominables.
39:12Comment la miséricorde
39:14de Dieu peut-elle s'exercer sur un
39:16tel criminel ? C'était ça qui le fascinait.
39:18Pourquoi il n'a jamais réussi
39:20à achever ce roman ?
39:22Parce qu'il disait
39:24« n'est pas Bernanos qui veut ».
39:26Ça, c'était la première chose.
39:28Et la deuxième chose, parce que ça
39:30nécessitait de sa part beaucoup d'introspection.
39:32Or, ce n'était pas un
39:34écrivain d'introspection.
39:36Et à partir d'un certain moment, cette introspection
39:38lui est devenue absolument impossible.
39:40Donc, il a publié le roman en l'état.
39:42Comme il le disait lui-même,
39:4640 pages encore, et le roman
39:48était terminé.
39:50En tout cas, il a mis 30 ans
39:52à l'écrire. Il nous reste très peu de temps
39:54avant de rendre l'antenne.
39:56C'était sa symphonie inachevée, totalement.
39:58Philippe Yensem, quel
40:00conseil de lecture pouvez-vous donner
40:02aux auditeurs de Sud Radio qui souhaitent lire
40:04ou relire Raspail ?
40:06Je dirais que pour rentrer dans l'œuvre de Raspail,
40:08on peut commencer par ses chroniques
40:10romanesques. Par exemple,
40:12« Pêcheur de Lune ».
40:14« Pêcheur de Lune » est
40:16un volume
40:18qui raconte une partie de ses voyages,
40:20mais de manière romancée. Il y a également
40:22« Sept Entryons », qui est un très grand roman.
40:24Un roman fantastique.
40:26Il y a « L'Île Bleue », un merveilleux roman
40:28sur l'enfance.
40:30Il y a « L'Epic Endorf », bien entendu.
40:32« L'Anneau du Pêcheur ». Et puis,
40:34je signalerai le dernier livre
40:36qui a été publié sous son nom,
40:38qui est « Petits Éloges de la Guerre »,
40:40dans lequel on retrouve tout un ensemble
40:42de textes qu'il a écrits au cours de toute sa vie
40:44et qui brosse
40:46un portrait en creux de Jean Raspail.
40:48Cahier, t'es journaliste aussi, ne l'oublions pas.
40:50Et vous, Frédéric Heer,
40:52je n'ai pas le temps de tout dire,
40:54mais ça a été un grand reporter et un journaliste.
40:56Cendrard, Kessel et compagnie.
40:58Et oui, Sylvain Tesson, qui était
41:00son ami, dira à sa mort
41:02« Il est allé voir au ciel si ses rêves
41:04y étaient et si le paradis était aussi
41:06vivable que la Patagonie, Philippe Hensen ».
41:08Merci d'être venu sur Sud Radio.
41:10Je rappelle que votre livre, Jean Raspail,
41:12« Aventurier de l'ailleurs »,
41:14qui est préfacé par
41:16Éric Horsena,
41:18est paru chez Albain Michel.
41:20Tout de suite, vous retrouvez Brigitte Lahaye sur Sud Radio.

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