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  • 15/02/2025
Le 6 mai 1931, le président de la République, Gaston Doumergue, inaugure à Paris l'exposition coloniale. Le bois de Vincennes devient pour l'occasion une réplique miniature de l'empire colonial français, présentant ses richesses et ses curiosités. Tout à été fait pour donner l'image d'un monde parfait. Les millions de visiteurs sont loin d'imaginer que l'empire est en train de se diriger vers sa chute. D'Alger à Hanoï, les millions de sujets qui le composent remettent en cause la tutelle française. L'effondrement sera précipité par la Seconde Guerre mondiale.

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00:00:00Sous-titrage MFP.
00:00:30Musique douce
00:01:00Musique douce
00:01:29Ces 500 000 sujets représentent 68 millions d'habitants qui, dans les colonies, ne jouissent pas de la citoyenneté politique, ni de toute leur liberté fondamentale, qui sont soumis à une justice spécifique et qui de fait sont maintenus en marge de la société française.
00:01:45Cette fracture béante, la France de 1931, veut encore croire qu'elle pourra progressivement la réduire grâce à sa promesse, sans cesse renouvelée, d'assimilation des indigènes.
00:02:00C'est-à-dire leur accession à la citoyenneté française au même titre que les Français de métropole.
00:02:05Un homme incarne particulièrement cette volonté d'une assimilation des colonisés à la République.
00:02:16C'est le sous-secrétaire d'État aux colonies, Blaise Diagne, premier Africain à intégrer un gouvernement français, que l'on voit sur ses photographies inaugurer avec fierté son poste dans les allées de l'exposition.
00:02:28Les chefs indigènes de l'Afrique occidentale française, venus à Paris à l'occasion de l'exposition coloniale, sont reçus à l'Élysée par le président de la République.
00:02:41Les grands chefs noirs sont présentés à M. Paul Doumer, par M. Diagne, sous-secrétaire d'État aux colonies.
00:02:48Cet espoir d'égalité entre Français et indigènes prend sa source au pays natal de Blaise Diagne, le Sénégal, la plus ancienne colonie africaine de la France,
00:03:06où elle était installée depuis des siècles dans quelques comptoirs côtiers.
00:03:09Une antériorité qui avait permis aux quatre communes sénégalaises de Saint-Louis, Rufisque, Gorée et Dakar, d'obtenir le droit de vote pour une minorité indigène et le droit de désigner un député à l'Assemblée nationale.
00:03:26Adoptée par une riche famille métisse installée à Gorée, Blaise Diagne avait créé la surprise en 1914, parvenant à être élu député, malgré l'hostilité d'une partie des colons du Sénégal, en raison de sa couleur de peau.
00:03:46Il obtiendra en 1917 que la citoyenneté française soit étendue à tous les habitants des quatre communes et à leurs descendants, quelle que soit leur origine.
00:04:02Ce combat pour l'égalité a fait de Blaise Diagne le héros d'un Sénégal qui rêve d'assimilation à la France pour l'ensemble de ses habitants.
00:04:16Mais la réalité coloniale va vite rattraper Blaise Diagne, qui va voir son combat parsemé d'embûches douloureuses.
00:04:29Lorsque la France est mise en accusation en 1930 par les Britanniques devant le Bureau international du travail pour sa pratique du travail forcé,
00:04:38le gouvernement pense habile d'envoyer le député africain défendre sa position à Genève.
00:04:46Blaise Diagne marche sur un fil ténu et doit défendre l'étonnante thèse de la France.
00:04:54Oui, il faut supprimer le travail forcé dans le monde, mais non, la France ne pratique pas de travail forcé en Afrique.
00:05:03Elle ne fait qu'imposer des corvées qu'il faut considérer comme des impôts.
00:05:06Pourtant, plus de 3 millions d'hommes en Afrique occidentale française sont chaque année soumis à ses prestations en nature
00:05:17et doivent chacun dix journées gratuites d'un travail harassant.
00:05:23Mais Diagne, qui le sait pertinemment, est piégée par le gouvernement
00:05:26et il doit annoncer à la SDN que la France ne ratifiera pas cette nouvelle convention sur le travail forcé.
00:05:36Une position qui lui sera longtemps reprochée.
00:05:42Ce que veut à tout prix éviter le gouvernement,
00:05:45c'est d'avoir à payer ceux à qui elle fait construire ses routes, ses ponts
00:05:49et ses voies de chemin de fer partout dans l'Empire.
00:05:53Cela déséquilibrerait tout le système économique colonial.
00:05:56Surtout, la France n'aurait pas les moyens de financer ses dépenses
00:06:05alors que le pays fait face à des difficultés sociales sans précédent.
00:06:10Frappé de plein fouet par la terrible crise économique
00:06:12qui s'est déclenchée à New York en 1929
00:06:15et qui s'abat sur l'Europe dans les années 30.
00:06:18Partout en métropole, le chômage a fauché des millions de Français
00:06:27obligés de se presser dans les soupes populaires.
00:06:34Longtemps, les gouvernants du pays avaient cru que la France serait protégée d'une crise économique
00:06:38par son empire colonial avec qui elle commerce en priorité.
00:06:42Non seulement l'Empire ne protégera pas la France
00:06:48mais bientôt ce sont les habitants des colonies
00:06:51qui sont victimes à leur tour de la récession mondiale
00:06:53déstabilisant un peu plus des sociétés coloniales déjà fragiles.
00:06:57Le dernier combat de Blaise Diagne
00:07:05qui est alors député maire de Dakar
00:07:08sera de se démener pour les producteurs du Sénégal
00:07:10dont les arachides ont perdu 60% de leur valeur
00:07:13à l'image de toutes les matières premières produites dans les colonies.
00:07:22En raison d'une chute de la demande en France comme dans le monde entier
00:07:25le prix du blé et du vin algérien est divisé par trois.
00:07:30Les prix du riz et du caoutchouin d'eau chinois sont divisés par cinq.
00:07:35Quant à l'Afrique occidentale
00:07:36non seulement les arachides sont frappés
00:07:39mais aussi le cacao de Côte d'Ivoire.
00:07:48Et comme un funeste signe du destin
00:07:50c'est en essayant de sauver ses administrés
00:07:52que Blaise Diagne est pris de malaise en 1934.
00:07:59Rapatrié en urgence en France
00:08:01il s'éteint quelques semaines plus tard.
00:08:05Avec la mort de Blaise Diagne
00:08:07l'espoir de l'assimilation des indigènes s'éloigne à nouveau.
00:08:10Cette promesse d'égalité au sein de l'Empire
00:08:20est en réalité comme le serpent de mer
00:08:22de l'histoire coloniale française.
00:08:25Toujours proclamée depuis les débuts de la colonisation
00:08:27comme l'horizon à atteindre
00:08:29mais jamais réellement mise en œuvre.
00:08:34Cet écart permanent entre les paroles et les actes
00:08:37va être le terreau des mouvements nationalistes
00:08:39qui vont naître dans ces années de crise économique.
00:08:45Et malgré ces démonstrations de puissance
00:08:47la France va devoir éteindre un à un
00:08:50les incendies qui vont se multiplier dans ces colonies.
00:09:08C'est en Indochine
00:09:09la perle de l'Empire, comme on l'appelait
00:09:11que va se dérouler la première alerte sérieuse
00:09:14pour le pouvoir colonial.
00:09:20Les colons installés dans la péninsule
00:09:22semblent profiter du charme balnéaire
00:09:24des côtes indo-chinoises.
00:09:27Comme sur ces images amateurs
00:09:29d'une famille française qui vient de s'y installer en 1930.
00:09:32Le père de famille aime capturer ces moments d'insouciance.
00:09:44Dans la ville,
00:09:45il capte aussi ces images d'apparat
00:09:47dont l'armée coloniale s'est faite une spécialité.
00:09:49C'est justement l'armée coloniale
00:09:56qui est la cible d'une insurrection préparée en 1930
00:09:59par un nouveau parti nationaliste.
00:10:03L'opération visait à soulever avec quelques tirailleurs complices
00:10:07la garnison de Yen Bey, au Tonkin,
00:10:10avant d'étendre la mutinerie à travers tout le pays.
00:10:12Cinq officiers français seront assassinés.
00:10:19Mais la rébellion tourne au fiasco
00:10:21quand les tirailleurs indochinois
00:10:22refusent de rejoindre le mouvement.
00:10:29Tous les dirigeants du parti nationaliste
00:10:32sont alors arrêtés et incarcérés à Hanoï.
00:10:37Et une nuit de juin 1930
00:10:39qui restera à jamais
00:10:41dans la mémoire du pays.
00:10:43Les principaux leaders de l'insurrection
00:10:45sont ramenés sur le lieu de l'attaque à Yen Bey
00:10:47pour être exécutés.
00:10:53La seule trace que nous possédons
00:10:55de ce qui s'est passé ce jour-là
00:10:56est le récit qu'en a fait le journaliste Louis Roubault
00:10:59présent par hasard dans la ville
00:11:01au même moment.
00:11:07J'ai été réveillée cette nuit-là
00:11:09par des voix,
00:11:10des ordres,
00:11:11des coups de marteau.
00:11:14On dressait la machine
00:11:15à 50 mètres de ma chambre à coucher.
00:11:18La guillotine.
00:11:20Avec une planche
00:11:21à peu près de la taille d'un homme
00:11:23dressée devant la lunette.
00:11:24Au bout d'une heure,
00:11:29la garnison de Yen Bey
00:11:30se rangeait en carré
00:11:31aux quatre limites du champ.
00:11:32à 5 heures moins 5 du matin,
00:11:38le petit supplicieux en sarreau blanc apparaît.
00:11:42Alors, le bourreau Anamite
00:11:43lui met la main sur l'épaule
00:11:45et lui dit
00:11:45« N'aie pas peur,
00:11:47on ne sent rien ».
00:11:50Le condamné s'est alors écrié
00:11:53« Vietnam ».
00:11:55Mais le légionnaire lui a mis la main sur la bouche
00:11:59et l'a baillonnée.
00:12:00Puis ce fut le tour des autres.
00:12:06Ils étaient 13.
00:12:09« Vietnam ».
00:12:11« Vietnam ».
00:12:12« Vietnam ».
00:12:14Qui signifie « patrie du sud ».
00:12:16Et la main du légionnaire
00:12:19tenta d'étouffer
00:12:20tous leurs cris.
00:12:21La France est parvenue
00:12:34à décapiter
00:12:35toute la direction
00:12:36du mouvement nationaliste.
00:12:38Et elle préfère croire,
00:12:39pour se réconforter,
00:12:41que la fiction politique
00:12:42qu'elle a inventée
00:12:43pour la péninsule
00:12:44sera suffisante
00:12:45pour la préserver
00:12:46de nouvelles tentations indépendantistes.
00:12:48Une fiction
00:12:55qui veut que Baodai,
00:12:57l'empereur d'Annam,
00:12:58dans son palais impérial de Hue,
00:13:00garde le contrôle de son royaume
00:13:02avec la protection bienveillante
00:13:04de la France.
00:13:09Alors, à chaque cérémonie,
00:13:11les officiels français
00:13:12se prestent au palais
00:13:13pour donner l'illusion
00:13:14que la France
00:13:15respecte les traditions
00:13:16ancestrales du pays.
00:13:18Instruit de toutes choses,
00:13:22grand administrateur,
00:13:24il passe,
00:13:25chaque matin,
00:13:26de longues heures
00:13:27avec les hauts fonctionnaires
00:13:28pour régler
00:13:29les affaires de l'État.
00:13:30Le résident supérieur
00:13:31qui veille aux intérêts
00:13:32du protectorat
00:13:33a de fréquents entretiens
00:13:35avec l'empereur.
00:13:36Ils prennent,
00:13:37en plein accord,
00:13:38des mesures administratives
00:13:39et sociales.
00:13:40En réalité,
00:13:46l'empereur Baodai
00:13:47n'a pratiquement aucun pouvoir
00:13:48dans son royaume d'Annam.
00:13:50Et la France
00:13:51peut continuer à contrôler
00:13:52à sa guise
00:13:53tout le territoire indochinois.
00:13:54Mais cette fiction
00:14:01ne va pas résister
00:14:03à une nouvelle contestation,
00:14:04communiste cette fois,
00:14:06qui refuse tant
00:14:07l'occupant français
00:14:08que l'empereur
00:14:09et son système
00:14:10de valeurs archaïques.
00:14:11Un mouvement
00:14:18qui est organisé
00:14:19par un homme
00:14:20que les services secrets français
00:14:21surveillent depuis des années.
00:14:25Il s'appelle
00:14:26Nguyen Tat Tan
00:14:27et on le connaîtra bientôt
00:14:29sous le pseudonyme
00:14:30de Ho Chi Minh.
00:14:33Le jeune Nguyen
00:14:35avait quitté
00:14:35son Indochine natale
00:14:36pour découvrir le monde
00:14:38et pour tenter
00:14:39de gagner sa vie.
00:14:41C'est à Paris
00:14:43que tout avait basculé
00:14:44en 1920
00:14:45lorsqu'il avait rejoint
00:14:46avec enthousiasme
00:14:47le nouveau parti
00:14:48communiste français.
00:14:52Nguyen, le patriote,
00:14:53comme il se fait alors appeler,
00:14:55devient un adepte
00:14:56passionné du léninisme.
00:14:59Notamment parce que Lénine
00:15:00défend une révolution mondiale
00:15:02qui implique
00:15:03la libération des colonies.
00:15:07Le jeune militant
00:15:08est repéré
00:15:09par les cadres
00:15:09du quotidien L'Humanité
00:15:10qui lui demande
00:15:12d'écrire dans la rubrique
00:15:13L'Humanité aux colonies.
00:15:19Une opportunité
00:15:20qui permet au futur Ho Chi Minh
00:15:21de reprocher
00:15:23aux communistes français
00:15:24leur trop grande indifférence
00:15:25à la réalité coloniale
00:15:27comme il l'écrit.
00:15:27Nombreux sont encore
00:15:33les militants
00:15:33qui croient
00:15:34qu'une colonie
00:15:35n'est rien d'autre
00:15:35qu'un pays
00:15:36plein de sable
00:15:37en bas
00:15:37et de soleil en haut
00:15:38avec quelques cocotiers verts
00:15:40et quelques hommes
00:15:41de couleur.
00:15:45Il faut que l'ouvrier
00:15:46de la métropole
00:15:47sache bien
00:15:47ce que c'est
00:15:48et qu'il soit au courant
00:15:49de la souffrance
00:15:50mille fois plus douloureuse
00:15:52que la sienne
00:15:52qu'endurent
00:15:53ses frères des colonies.
00:16:00Le prolétariat colonial.
00:16:03Voilà ce que le futur Ho Chi Minh
00:16:04veut défendre
00:16:05à la tête du journal
00:16:06Le Paria
00:16:07qui rassemble
00:16:08des militants
00:16:08venus de plusieurs continents
00:16:09dans ce melting pot parisien
00:16:11où des centaines
00:16:12de sujets de l'Empire
00:16:13maghrébins,
00:16:15africains et asiatiques
00:16:16sont venus s'installer.
00:16:17C'est dans ces quartiers
00:16:24populaires
00:16:24aux couleurs
00:16:25des colonies
00:16:25que des militants
00:16:26nationalistes
00:16:27vont se former
00:16:28au contact
00:16:28de camarades communistes
00:16:30et fonder
00:16:30une union communiste
00:16:32intercoloniale
00:16:32qui sera la matrice
00:16:34des mouvements
00:16:35de libération
00:16:35de l'Indochine
00:16:36comme de l'Algérie.
00:16:42En 1924,
00:16:45Ho Chi Minh
00:16:45rejoint clandestinement Moscou
00:16:46pour assister
00:16:47au congrès du Comintern
00:16:48cette internationale
00:16:50communiste
00:16:51qui veut s'implanter
00:16:52dans le monde entier.
00:16:56Côtoyant de près
00:16:56la grande figure
00:16:57communiste Léon Trotsky,
00:16:59le jeune trentenaire
00:17:00devient bientôt
00:17:01un rouage essentiel
00:17:02de l'appareil du Comintern.
00:17:08Et après deux ans
00:17:09d'apprentissage
00:17:10des techniques clandestines,
00:17:12Ho Chi Minh
00:17:12décide de retourner
00:17:13en Indochine
00:17:14pour mettre en œuvre
00:17:15cette révolution
00:17:15marxiste mondiale
00:17:17qui doit permettre
00:17:18de libérer son pays.
00:17:24Les services secrets français
00:17:26retrouvent sa trace
00:17:27à Hong Kong,
00:17:28côté britannique,
00:17:29devenue une plaque tournante
00:17:30de l'international communiste
00:17:32en Asie.
00:17:36Le militant a tiré
00:17:37la leçon de l'échec
00:17:38de la mutinerie nationaliste
00:17:39de Yen Bey.
00:17:42Sa méthode sera différente,
00:17:45comme il l'écrit
00:17:46à plusieurs reprises.
00:17:50Sans le renversement
00:17:51de l'impérialisme,
00:17:53il sera impossible
00:17:54d'abolir la classe
00:17:55des propriétaires fonciers
00:17:56qui ont spolié nos paysans.
00:17:59Mais sans cette abolition,
00:18:02il ne sera pas possible
00:18:03non plus de renverser
00:18:04l'impérialisme.
00:18:06Les deux objectifs
00:18:07sont donc étroitement liés.
00:18:14Les communistes
00:18:14ne vont donc pas
00:18:15attaquer les soldats français.
00:18:18Ils vont frapper
00:18:19au cœur du capitalisme colonial
00:18:20en déclenchant
00:18:22de larges mouvements
00:18:22de grève en 1931
00:18:24dans les plantations
00:18:25d'Eva
00:18:25du delta du Mekong.
00:18:27Puis Ho Chi Minh
00:18:30organise des manifestations
00:18:32paysannes
00:18:32contre l'impôt
00:18:33et contre les colons
00:18:34qui surprennent
00:18:35les autorités françaises
00:18:36par leur ampleur
00:18:37et leur violence.
00:18:42La France réagit rapidement
00:18:44et brutalement.
00:18:47Des villages entiers
00:18:48sont incendiés
00:18:48par la Légion.
00:18:5010 000 arrestations,
00:18:52plus de 3 000 morts
00:18:53et le démantèlement
00:18:55de l'appareil
00:18:55communiste clandestin.
00:18:57Et au grand soulagement
00:19:03des Français,
00:19:05Ho Chi Minh est arrêté
00:19:05par la police britannique
00:19:06de Hong Kong
00:19:07en 1931,
00:19:09mettant un terme
00:19:10temporairement
00:19:11à ses activités
00:19:12contre la France.
00:19:19Les autorités coloniales
00:19:21pensent alors
00:19:22qu'elles maîtrisent
00:19:22la situation.
00:19:24Et comme chaque année,
00:19:26dans un étonnant folklore
00:19:27qui se veut tribale,
00:19:29elles organisent
00:19:29de grandes cérémonies
00:19:30de soumission
00:19:31des peuples d'Indochine.
00:19:37Le gouverneur général
00:19:39de la péninsule
00:19:40vient recevoir
00:19:41les hommages
00:19:41de villageois
00:19:42rassemblés
00:19:42pour l'occasion.
00:19:43Même les éléphants
00:19:50sont tenus
00:19:50de saluer
00:19:51le colonisateur
00:19:52dans une mise en scène
00:19:53qui donne
00:19:53aux administrateurs
00:19:54coloniaux
00:19:55un sentiment
00:19:56de puissance
00:19:56infini.
00:20:03Pourtant,
00:20:05loin de ces images
00:20:05de soumission,
00:20:07plus rien ne pourra
00:20:08interrompre la lutte
00:20:09pour la libération
00:20:09de l'Indochine
00:20:10qui vient de débuter.
00:20:12En juillet 1934,
00:20:30la France organise
00:20:31en grande pompe
00:20:32à Nancy
00:20:32les funérailles
00:20:34de l'un des plus célèbres
00:20:35héros de l'Empire,
00:20:37le maréchal Hubert Lyotet,
00:20:39mort dans sa 79e année.
00:20:42La disparition
00:20:46du Berliotet
00:20:47qui incarnait
00:20:48la flamboyance
00:20:49de l'aventure
00:20:49coloniale française
00:20:50depuis son action
00:20:51au Maroc
00:20:52est pour le gouvernement
00:20:53l'occasion idéale
00:20:55d'encenser
00:20:55l'œuvre civilisatrice
00:20:56de la France.
00:21:04Le transfert
00:21:05de la dépouille
00:21:05du Berliotet
00:21:06vers ce royaume
00:21:07qu'il a façonné
00:21:08et où il voulait reposer
00:21:09devient ainsi
00:21:11le prétexte
00:21:11pendant plusieurs semaines
00:21:12de vanter
00:21:13dans les actualités
00:21:14cinématographiques
00:21:15l'action du maréchal
00:21:17dans le pays.
00:21:22Jetons un regard rapide
00:21:23sur l'œuvre
00:21:24que le génie de Lyotet
00:21:25accomplit dans ce pays
00:21:26tandis que le peuple
00:21:28marocain reconnaissant
00:21:29accueille ses cendres
00:21:30avec émotion,
00:21:32avec tendresse.
00:21:33Le Maroc fut d'abord
00:21:36doté des routes
00:21:36qui lui faisaient défaut.
00:21:38En quelques années,
00:21:39des villes modernes
00:21:40surgirent là où se trouvaient
00:21:41naguère de misérables bourgades.
00:21:44Des travaux d'art
00:21:45d'une importance capitale
00:21:46furent entrepris
00:21:47tels le barrage
00:21:48de Louédenfis
00:21:48au sud de Marrakech.
00:21:50Le sous-sol marocain
00:21:52contenait des richesses
00:21:53inemployées
00:21:53tels les mines de phosphate
00:21:55de Courigas
00:21:56qui furent mises
00:21:57en exploitation
00:21:57par le maréchal Lyotet
00:21:58et représentent
00:22:00pour le gouvernement
00:22:00chérifien
00:22:01une source de revenus
00:22:02très importante.
00:22:04Le maréchal Lyotet
00:22:05a enfin favorisé
00:22:06la création
00:22:06de nombreuses œuvres sociales.
00:22:11En réalité,
00:22:13loin de ces images
00:22:13de propagande,
00:22:15les difficultés
00:22:15des autorités françaises
00:22:17s'accumulent
00:22:17et la situation
00:22:18économique et sociale
00:22:19du pays
00:22:20est loin de ce bilan flatteur.
00:22:25L'armée française
00:22:26en 1934
00:22:27vient juste
00:22:28de terminer
00:22:29la longue
00:22:29et douloureuse
00:22:30pacification du pays
00:22:31en soumettant
00:22:33les dernières tribus
00:22:34à l'est et au sud
00:22:35après 25 années
00:22:36d'opérations militaires.
00:22:45Une pacification
00:22:46qui visait
00:22:47à unifier le royaume
00:22:48sous l'égide
00:22:49d'un seul chef
00:22:50que la France
00:22:51avait choisi,
00:22:52le sultan Sidi Mohamed
00:22:53monté sur le trône
00:22:55en 1927
00:22:56à la mort de son père.
00:22:57Mais ce schéma
00:23:03inventé par l'Iothée
00:23:04va être fragilisé
00:23:06dans ces années 30
00:23:07et notamment
00:23:07par la faute
00:23:08des Français
00:23:08eux-mêmes.
00:23:12Pour asseoir
00:23:13encore plus
00:23:14le pouvoir
00:23:14de la France,
00:23:15un projet
00:23:16de circulaire
00:23:16administrative
00:23:17prévoit
00:23:18de distinguer
00:23:19au sein du Maroc
00:23:20arabes musulmans
00:23:21d'un côté
00:23:21et berbères
00:23:22de l'autre.
00:23:23le sultan Sidi Mohamed
00:23:26devient alors
00:23:26paradoxalement
00:23:27le ciment
00:23:28d'une nouvelle
00:23:28contestation
00:23:29nationaliste.
00:23:34Au nom
00:23:35de l'unité
00:23:35du royaume
00:23:36menacée
00:23:36par les Français,
00:23:38les jeunes étudiants
00:23:39Alal El Fassi
00:23:40et Ahmed Balafrej
00:23:41fondent en 1934
00:23:43le comité
00:23:44d'action marocain
00:23:45et ce combat
00:23:47ils choisissent
00:23:49de le mettre
00:23:49au service
00:23:49de celui-là même
00:23:50qui servait
00:23:51de paravent
00:23:51à la France
00:23:52le sultan
00:23:53devenu à leurs yeux
00:23:55le meilleur garant
00:23:56de l'intégrité marocaine.
00:24:05Quant à la situation
00:24:06sociale du pays
00:24:07les sujets
00:24:08d'actualité
00:24:09ne montreront pas
00:24:10l'apparition
00:24:10de quartiers
00:24:11faits de tôles
00:24:11qui se constituent
00:24:13dans la périphérie
00:24:13de Casablanca.
00:24:18Un enchevêtrement
00:24:19d'abris précaires
00:24:20qui rassemble
00:24:21notamment
00:24:22tous ces paysans
00:24:23qui ne parviennent
00:24:23plus à survivre
00:24:24dans les campagnes
00:24:25et qui espèrent
00:24:27trouver dans la ville
00:24:27de quoi subvenir
00:24:29aux besoins
00:24:29de leur famille.
00:24:34Des quartiers
00:24:35de Casablanca
00:24:36qui frappent tant
00:24:36les visiteurs
00:24:37qu'on leur donne
00:24:38bientôt l'étrange
00:24:39surnom de
00:24:40Bidonville
00:24:41pour rappeler
00:24:43que toutes les
00:24:43maisons sont fabriquées
00:24:44à partir de tôles
00:24:45de métal
00:24:46issus de bidons
00:24:47d'essence.
00:24:52Bidonville
00:24:53une appellation
00:24:54qui entrera ensuite
00:24:55dans le langage courant
00:24:56pour désigner
00:24:57tous les quartiers
00:24:58déshérités
00:24:58à la périphérie
00:24:59des grandes villes
00:25:00du monde.
00:25:00Et ce que les actualités
00:25:11cinématographiques
00:25:11montreront
00:25:12encore moins
00:25:12que ces bidonvilles
00:25:13c'est le quartier
00:25:15de Casablanca
00:25:16qui a été bâti
00:25:16juste en face.
00:25:20Un quartier
00:25:21pourtant construit
00:25:22de toutes pièces
00:25:22par des architectes
00:25:23français de renom
00:25:24sur le modèle
00:25:26d'une médina
00:25:26avec ses portes
00:25:28et ses jolies fontaines.
00:25:29un quartier
00:25:32que tous les habitants
00:25:33de la ville connaissent
00:25:34et qui s'appelle
00:25:35Bouzbir.
00:25:41Bouzbir,
00:25:42c'est l'endroit
00:25:42réservé
00:25:43à la prostitution.
00:25:45Un quartier
00:25:45fermé
00:25:46et gardé
00:25:46qui rassemble
00:25:47plus de 500 femmes
00:25:48marocaines
00:25:49à la disposition
00:25:50de la petite société
00:25:51coloniale
00:25:52comme des touristes
00:25:52européens.
00:25:53Ces images
00:26:08du quartier
00:26:08réservé
00:26:09de Bouzbir
00:26:09sont des roches
00:26:10tournées par un opérateur
00:26:12Gaumont
00:26:12au Maroc
00:26:12mais qui à l'époque
00:26:14n'ont pas été montrées.
00:26:15Construit en 1922
00:26:22au moment
00:26:23où Lyotet
00:26:24planifie
00:26:24l'édification
00:26:25des villes
00:26:25modernes
00:26:25du pays
00:26:26Bouzbir
00:26:27est né
00:26:28de la volonté
00:26:28des autorités
00:26:29de lutter
00:26:30contre la propagation
00:26:31des maladies vénériennes
00:26:32en raison
00:26:33du développement
00:26:33de la prostitution.
00:26:39Un quartier entier
00:26:40de 160 mètres
00:26:41sur 150
00:26:42entouré
00:26:43d'un haut mur aveugle
00:26:44avec une seule porte
00:26:45d'accès monumentale
00:26:46et à l'intérieur
00:26:48des commerces
00:26:49un coiffeur
00:26:50des cafés
00:26:51et bien sûr
00:26:53ses habitantes
00:26:53bien particulières.
00:26:58Des femmes
00:26:59qui ne peuvent sortir
00:27:00du quartier
00:27:00qu'une fois par semaine
00:27:01après avoir obtenu
00:27:03un permis
00:27:03de la police
00:27:04et du médecin.
00:27:08Une prison
00:27:09à ciel ouvert
00:27:10pour ces travailleuses
00:27:11du sexe
00:27:12photographiées ici
00:27:13par la photo-reportère
00:27:14Denise Bellon
00:27:14dans les années 30.
00:27:24Si Casablanca
00:27:25a Bouzbir,
00:27:26les villes de Tunisie
00:27:27et d'Algérie
00:27:28ont aussi
00:27:28leur quartier réservé
00:27:29que l'on tente
00:27:30de contrôler
00:27:31pour les mêmes
00:27:31raisons sanitaires.
00:27:32depuis les débuts
00:27:42de la colonisation
00:27:43une des motivations
00:27:45pour les candidats
00:27:46au départ
00:27:47c'est cette promesse
00:27:49insidieuse
00:27:49de femmes offertes
00:27:50et soumises
00:27:51et qui paraissent
00:27:52mises à la disposition
00:27:53des Blancs.
00:27:54Et dans une répétition
00:28:01à l'infini
00:28:01des mêmes gestes
00:28:02de domination
00:28:03les Européens
00:28:04semblent prendre
00:28:05les corps
00:28:06pour bien signifier
00:28:07qu'ils ont pris
00:28:07les pays.
00:28:12Des images dérangeantes
00:28:14qui témoignent
00:28:15du grand marché sexuel
00:28:16qu'est alors devenu
00:28:17l'Empire
00:28:17bien loin de la propagande
00:28:20officielle
00:28:20sur l'incroyable
00:28:22oeuvre civilisatrice
00:28:23de la France.
00:28:37La France a voulu montrer
00:28:39aux populations
00:28:40de ces îles lointaines
00:28:41l'importance
00:28:42qu'elle attache
00:28:43à leur entrée
00:28:43dans la vie française
00:28:44et consacrer le terme
00:28:46d'un troisième siècle
00:28:47d'affection réciproque.
00:28:52Après avoir célébré
00:28:54en 1930
00:28:55le centenaire
00:28:56de l'Algérie française
00:28:57la République fête
00:28:58en cette année 1935
00:29:00le tricentenaire
00:29:01du rattachement
00:29:02des Antilles
00:29:02à la France.
00:29:08Après 300 ans
00:29:09de destin partagé
00:29:10voilà une belle réussite
00:29:11d'assimilation
00:29:12selon le gouvernement
00:29:13puisque les Antillais
00:29:14de la Guadeloupe
00:29:15et de la Martinique
00:29:16comme les Guyanais
00:29:17ont reçu
00:29:18la citoyenneté française
00:29:19avec droit de vote
00:29:21dès 1848.
00:29:25Un anniversaire
00:29:26qui est le prétexte
00:29:27à un changement
00:29:28officiel de vocabulaire.
00:29:30Les colonies françaises
00:29:32deviennent
00:29:32la France d'outre-mer.
00:29:35Vocable choisi
00:29:36pour renforcer
00:29:36encore un peu plus
00:29:37le mythe
00:29:38d'une grande France
00:29:39par-delà les océans.
00:29:40Mais la démonstration
00:29:46de fraternité
00:29:47du gouvernement
00:29:47ne convainc pas
00:29:48tous les Antillais.
00:29:51Car s'il y a
00:29:51égalité politique
00:29:52il reste une profonde
00:29:54inégalité économique.
00:29:57Les droits sociaux
00:29:57de la métropole
00:29:58ne s'appliquant pas
00:29:59dans les Caraïbes
00:30:00entraînant un sous-développement
00:30:02chronique
00:30:02et une très grande pauvreté.
00:30:03Une inégalité
00:30:08qui pousse certains
00:30:09à revendiquer
00:30:10encore plus d'assimilation
00:30:11exigeant que les Antilles
00:30:13deviennent des départements
00:30:14français à part entière
00:30:16avec les avantages
00:30:17qui s'y attachent.
00:30:23D'autres vont au contraire
00:30:24contester cette assimilation
00:30:26et cette tentation
00:30:27du mimétisme occidental.
00:30:29Et notamment
00:30:30un groupe de jeunes étudiants
00:30:32venus des Antilles
00:30:33pour faire leurs études
00:30:34à Paris.
00:30:39C'est au lycée
00:30:40Louis le Grand
00:30:40que le jeune Antillais
00:30:42Aimé Césaire
00:30:42va fédérer autour de lui
00:30:44un groupe venu
00:30:45de ses vieilles colonies.
00:30:49Surtout,
00:30:50Aimé Césaire
00:30:50rencontre l'Africain
00:30:51Léopold Cédar Sangor
00:30:53arrivé du Sénégal.
00:30:57Les deux amis
00:30:58fondent en 1935
00:30:59L'étudiant noir.
00:31:02Un journal
00:31:02qui permet
00:31:03à aimer Césaire
00:31:04dès le premier numéro
00:31:05d'exprimer
00:31:06toute la colère
00:31:07que lui inspire
00:31:08le regard porté
00:31:08sur les Noirs,
00:31:09Antillais et Africains
00:31:10par le colonisateur.
00:31:18Les nègres
00:31:19furent d'abord
00:31:20t'asservis.
00:31:20Les jeunes nègres
00:31:21ne veulent ni asservissement
00:31:32ni assimilation.
00:31:34Ils veulent émancipation.
00:31:38La jeunesse noire
00:31:39veut agir
00:31:39et créer.
00:31:41Elle veut avoir
00:31:42ses poètes
00:31:42qui lui diront
00:31:43ses malheurs à elle.
00:31:45Elle veut contribuer
00:31:46à la vie universelle.
00:31:52Dès ce premier texte,
00:31:54Césaire esquisse
00:31:55les principes
00:31:55de ce qui deviendra
00:31:56le concept
00:31:57de négritude
00:31:57élaboré
00:31:58avec Sangor.
00:32:01La négritude,
00:32:03c'est un cri
00:32:03lancé à la face
00:32:04du colonisateur
00:32:05pour refuser
00:32:06une assimilation
00:32:07qui signifierait
00:32:07la disparition
00:32:08de sa propre identité.
00:32:09Pour Césaire,
00:32:12la colonisation
00:32:13n'est pas qu'une question
00:32:14de droit politique.
00:32:16C'est aussi
00:32:16une colonisation culturelle,
00:32:18une colonisation
00:32:19des esprits
00:32:20qui tentent
00:32:21non seulement
00:32:21d'imposer
00:32:22la supériorité morale
00:32:23et technique
00:32:23des Blancs,
00:32:24mais aussi
00:32:25qui voudrait gommer
00:32:26les racines africaines
00:32:27des Antillais.
00:32:31Une négritude
00:32:33déclamée
00:32:33quelques mois plus tard
00:32:34dans un long poème
00:32:35en verre
00:32:35de plusieurs dizaines
00:32:36de pages,
00:32:38cahier d'un retour
00:32:38au pays natal.
00:32:39qui fera de Césaire
00:32:41un des grands poètes
00:32:42du XXe siècle.
00:32:51Ceux qui n'ont inventé
00:32:52ni la poudre
00:32:52ni la boussole,
00:32:56ceux qui n'ont jamais
00:32:56su dompter la vapeur
00:32:58ni l'électricité,
00:33:00ceux qui n'ont exploré
00:33:01ni les mers
00:33:02ni le ciel,
00:33:04mais ceux sans qui
00:33:05la terre ne seraient
00:33:06pas la terre.
00:33:09Ma négritude
00:33:12n'est pas une pierre,
00:33:13sa surdité ruée
00:33:14contre la clameur
00:33:15du jour.
00:33:18Ma négritude
00:33:18n'est pas une taide
00:33:19eau morte
00:33:20sur l'œil mort
00:33:20de la terre.
00:33:23Ma négritude
00:33:24n'est ni une tour
00:33:25ni une cathédrale.
00:33:28Elle plonge
00:33:28dans la chair rouge
00:33:29du sol.
00:33:31Elle plonge
00:33:32dans la chair ardente
00:33:32du ciel.
00:33:33Elle troue
00:33:36l'accablement
00:33:37opaque
00:33:37de sa droite
00:33:38patience.
00:33:57En mai 1936,
00:33:59bien loin de s'interroger
00:34:00sur ces colonies
00:34:01et leurs problèmes,
00:34:02la France danse
00:34:03dans les usines
00:34:04et les grands magasins
00:34:05parisiens.
00:34:09Tout le pays
00:34:10est en grève
00:34:11depuis la large victoire
00:34:12aux élections
00:34:13du Front populaire
00:34:14qui réunit
00:34:15les socialistes
00:34:16et les radicaux,
00:34:17soutenus
00:34:18pour la première fois
00:34:19par le Parti communiste.
00:34:25Une grève
00:34:26de joie
00:34:26et de combat
00:34:27s'est répandue
00:34:28dans le pays
00:34:28pour obtenir
00:34:29que la situation
00:34:30change vraiment.
00:34:32Des millions
00:34:33d'ouvriers
00:34:34et d'employés
00:34:34ont les uns
00:34:35après les autres
00:34:36cessé de travail
00:34:37dans une ambiance
00:34:38presque révolutionnaire.
00:34:42Monsieur Léon Blum
00:34:43vient présenter
00:34:43au chef de l'État
00:34:44les membres
00:34:44de son cabinet
00:34:45parmi lesquels
00:34:46on compte
00:34:47pour la première fois
00:34:47en France
00:34:48trois femmes mini.
00:34:49Malheureusement
00:34:52les photographes
00:34:53ne sont pas en grève.
00:34:58En quelques semaines
00:35:00le nouveau gouvernement
00:35:01dirigé par Léon Blum
00:35:02va négocier
00:35:03un plan de réforme sociale
00:35:05sans précédent
00:35:06avec augmentation
00:35:07des salaires
00:35:08et réduction
00:35:08du temps de travail.
00:35:11Des réformes
00:35:12fêtées
00:35:13lors d'un impressionnant
00:35:14rassemblement à Paris
00:35:15le 14 juillet 1936
00:35:17où les leaders de la gauche
00:35:18affichent leur entente.
00:35:25Dans tout l'Empire français
00:35:27cette victoire
00:35:28du Front populaire
00:35:29a envoyé
00:35:30un incroyable souffle
00:35:31d'espoir.
00:35:37Alger manifeste
00:35:39le point levé
00:35:39et Dakar
00:35:41accueillant héros
00:35:42le nouveau ministre
00:35:43des colonies
00:35:43Marius Moutet
00:35:44tant les attentes
00:35:45sont grandes.
00:35:47Alors
00:35:53au désespoir
00:35:54des petites sociétés
00:35:55coloniales conservatrices
00:35:56le gouvernement
00:35:57ouvre une première porte
00:35:59au peuple colonisé
00:36:00et leur donne le droit
00:36:01jusque là inimaginable
00:36:02de se rassembler
00:36:04dans un syndicat
00:36:05ou un parti politique local.
00:36:07Surtout
00:36:14afin d'apaiser
00:36:15les fortes tensions
00:36:16politiques
00:36:17qui avaient marqué
00:36:17les années précédentes
00:36:18le Front populaire
00:36:20libère d'Hanoï
00:36:21à Madagascar
00:36:22des centaines
00:36:23de prisonniers politiques
00:36:24qui étaient enfermés
00:36:25ou assignés
00:36:25à résidence
00:36:26pour activités
00:36:27nationalistes.
00:36:28La dynamique politique
00:36:37qui porte le gouvernement
00:36:38est tellement forte
00:36:39que Léon Blum
00:36:40va même se lancer
00:36:41dans deux réformes
00:36:42d'ampleur
00:36:42pour tenter
00:36:44de déverrouiller
00:36:44un peu plus
00:36:45un système colonial
00:36:46à bout de souffle.
00:36:47C'est d'abord au Levant
00:36:56dans les mandats
00:36:57sur la Syrie
00:36:58et le Liban
00:36:58confiés à la France
00:36:59en 1919
00:37:00que le gouvernement
00:37:01va radicalement
00:37:02changer de philosophie.
00:37:07Le nouveau secrétaire
00:37:09d'État
00:37:09Pierre Viennot
00:37:10souhaite suivre
00:37:11l'exemple des Britanniques
00:37:12qui viennent d'accorder
00:37:13l'indépendance
00:37:13à l'Égypte
00:37:14et à l'Irak.
00:37:17Alors,
00:37:21Viennot négocie
00:37:22avec les Syriens
00:37:23et les Libanais
00:37:23des traités
00:37:24qui prévoient
00:37:25l'indépendance
00:37:25de ces deux pays
00:37:26en 1939
00:37:27avec en échange
00:37:30des accords militaires
00:37:31ambitieux
00:37:31qui garantissent
00:37:33de maintenir
00:37:33un lien
00:37:33avec la France.
00:37:38Ces traités
00:37:39signés lors
00:37:40d'une cérémonie
00:37:41officielle à Paris
00:37:42sont une première
00:37:43dans l'histoire
00:37:43coloniale française
00:37:44et doivent permettre
00:37:47à la République
00:37:47de respecter
00:37:48l'objectif
00:37:49qu'avait initialement
00:37:50fixé la Société
00:37:51des Nations.
00:37:55Après ce succès
00:37:56au Moyen-Orient,
00:37:57c'est Maurice Violette,
00:37:58le ministre chargé
00:37:59des départements
00:38:00d'Algérie,
00:38:01qui s'attaque
00:38:01au tabou
00:38:02de l'assimilation
00:38:03des Algériens.
00:38:08Violette a la conviction
00:38:09qu'il est temps
00:38:09que la France
00:38:10fasse un geste
00:38:11et il propose
00:38:12d'offrir
00:38:13la citoyenneté française
00:38:14à certains Algériens.
00:38:15Le gouvernement
00:38:19s'est trouvé
00:38:20d'accord
00:38:21avec moi
00:38:22pour penser
00:38:23qu'il était impossible
00:38:25de continuer
00:38:26à refuser
00:38:26aux indigètes
00:38:27d'Algérie
00:38:28qui sont français
00:38:30la participation
00:38:31à la souveraineté nationale.
00:38:33Si le projet
00:38:37est symboliquement fort,
00:38:39il reste cependant
00:38:40particulièrement modeste.
00:38:43Sur plus de 6 millions
00:38:44d'Algériens musulmans,
00:38:46seuls 25 000 d'entre eux,
00:38:48choisis par la France,
00:38:49pourraient accéder
00:38:50à cette citoyenneté politique.
00:38:51Malgré la portée
00:39:00très limitée
00:39:00du projet,
00:39:02sa philosophie
00:39:02suffit à déclencher
00:39:03un vent de contestation
00:39:04au sein des deux sociétés
00:39:06qui cohabitent
00:39:06en Algérie.
00:39:07Parmi le million
00:39:13de Français d'abord,
00:39:14qui perçoit
00:39:15l'idée même
00:39:15de droit de vote
00:39:16pour les Arabes
00:39:17comme une menace mortelle
00:39:18et parce que le racisme
00:39:20s'est profondément
00:39:20enraciné
00:39:21dans la petite société
00:39:22coloniale.
00:39:25Parmi les Algériens
00:39:26ensuite,
00:39:27qui refusent
00:39:28de renoncer
00:39:28à leur identité musulmane
00:39:30pour tenter
00:39:31d'obtenir
00:39:31une citoyenneté française
00:39:32au rabais.
00:39:33Le gouverneur
00:39:36de l'Algérie
00:39:37a beau multiplier
00:39:38les réunions
00:39:38de conciliation,
00:39:40l'incompréhension
00:39:40est totale
00:39:41entre deux communautés
00:39:42qui vivent séparément.
00:39:46Racisme d'un côté
00:39:47et résistance identitaire
00:39:49de l'autre
00:39:49seront donc fatales
00:39:50au projet
00:39:51Bloom-Violette
00:39:51qui ne sera
00:39:53jamais adopté.
00:39:58Cet échec
00:39:59inéluctable
00:40:00prépare
00:40:01les confrontations
00:40:02à venir.
00:40:03Car en face
00:40:04de l'intransigeance
00:40:04des Européens,
00:40:06les mouvements
00:40:06nationalistes algériens
00:40:07sont en train
00:40:08de s'organiser.
00:40:12Alger
00:40:13est ainsi
00:40:13devenu
00:40:14un laboratoire
00:40:14des luttes
00:40:15de libération
00:40:15telles qu'elles vont
00:40:16bientôt se généraliser.
00:40:20On y retrouve
00:40:21les trois grands courants
00:40:21politiques
00:40:22qui vont progressivement
00:40:23se rassembler
00:40:24pour contester
00:40:24partout dans l'Empire
00:40:26le système
00:40:27colonial français.
00:40:27Le premier courant
00:40:33à s'organiser
00:40:33est un mouvement
00:40:34d'inspiration
00:40:35religieuse.
00:40:37Par fidélité
00:40:38à l'islam,
00:40:39les oulémas algériens,
00:40:41ces docteurs
00:40:41de la loi coranique,
00:40:42se rassemblent
00:40:43en fédération
00:40:44dès 1931
00:40:45autour d'Abdelhamid
00:40:46Ben Badis
00:40:47et de Tayeb
00:40:48El-Hogbi.
00:40:49Leur but
00:40:52est de refuser
00:40:53les influences
00:40:53occidentales
00:40:54pour retrouver
00:40:55un âge d'or
00:40:55religieux
00:40:56que le colonisateur
00:40:57serait venu
00:40:58interrompre.
00:41:03Ces oulémas
00:41:04sont les premiers
00:41:05à faire naître
00:41:05dans le pays
00:41:06un sentiment patriotique
00:41:07grâce à leur réseau
00:41:08d'écoles coraniques
00:41:09et de mosquées
00:41:10où ils vont diffuser
00:41:12un slogan
00:41:12particulièrement efficace.
00:41:17L'islam
00:41:18est notre religion.
00:41:19l'arabe
00:41:20est notre langue.
00:41:21L'Algérie
00:41:22est notre patrie.
00:41:27À l'opposé
00:41:28de ce mouvement
00:41:29religieux
00:41:29se trouve
00:41:30une bourgeoisie
00:41:31algérienne libérale
00:41:32souvent formée
00:41:33dans les écoles
00:41:33françaises
00:41:34et influencée
00:41:35par la modernité
00:41:36européenne.
00:41:39Ce courant
00:41:39est incarné
00:41:40par un pharmacien
00:41:41de la ville
00:41:41de Sétif
00:41:42Ferhat Abbas
00:41:43qui veut croire
00:41:45en l'assimilation
00:41:45sans cesse promise.
00:41:49son combat
00:41:49est celui
00:41:49des droits
00:41:50des Algériens
00:41:50qu'il veut
00:41:51aligner
00:41:52sur ceux
00:41:52des Français.
00:41:54Pour parvenir
00:41:55à cette égalité
00:41:56Ferhat Abbas
00:41:57joue le jeu
00:41:58des institutions
00:41:58locales
00:41:59mises en place
00:42:00par le gouvernement
00:42:00français
00:42:01comprenant une petite
00:42:02représentation musulmane.
00:42:06Mais l'échec
00:42:07du projet Violette
00:42:08va être ressenti
00:42:09douloureusement
00:42:09au sein de ce courant
00:42:10qui a le sentiment
00:42:11d'avoir été trahi
00:42:12par la France.
00:42:18La dernière branche
00:42:19du nationalisme
00:42:19algérien
00:42:20est la plus active.
00:42:23D'origine révolutionnaire
00:42:24et marxiste
00:42:25s'appuyant à l'origine
00:42:26sur l'appareil
00:42:27communiste français
00:42:28elle est incarnée
00:42:29par Messali Hadj.
00:42:33C'est à Paris
00:42:34dans les années 20
00:42:34que Messali Hadj
00:42:36avait lancé
00:42:36clandestinement
00:42:37l'étoile nord-africaine
00:42:38un mouvement
00:42:40qui rassemblait
00:42:40à l'ombre
00:42:41du parti communiste
00:42:42des militants
00:42:43venus d'Afrique du Nord.
00:42:46Le mouvement
00:42:47sera interdit
00:42:47et Hadj
00:42:48arrêté
00:42:49à plusieurs reprises.
00:42:53Directeur du journal
00:42:54El Uma
00:42:54Messali Hadj
00:42:56plaide à longueur
00:42:56de colonne
00:42:57pour l'indépendance
00:42:58de l'Algérie
00:42:58mais aussi
00:42:59de la Tunisie
00:43:00et du Maroc.
00:43:05Refusant vigoureusement
00:43:06le projet Violette
00:43:07ils fondent en 1937
00:43:08le PPA
00:43:09le parti du peuple algérien.
00:43:15Ces trois courants
00:43:16de pensée
00:43:17religieux
00:43:18indépendantistes
00:43:19et modernistes
00:43:20restent pour l'heure
00:43:21minoritaires dans le pays.
00:43:24Mais l'évolution politique
00:43:26de la France
00:43:26va venir conforter
00:43:28leur position.
00:43:37Car en cette année
00:43:411937
00:43:42le Front Populaire
00:43:43échoue
00:43:44à changer en profondeur
00:43:45la politique
00:43:45coloniale française.
00:43:48Non seulement
00:43:49la citoyenneté française
00:43:50ne sera pas accordée
00:43:51à des Algériens
00:43:52mais surtout
00:43:53les traités
00:43:54offrant l'indépendance
00:43:55à la Syrie
00:43:55et au Liban
00:43:56ne seront jamais ratifiés
00:43:58par le Sénat.
00:43:58Au Liban
00:44:02et en Syrie
00:44:03la déception
00:44:04laissera la place
00:44:05à la colère
00:44:05et au ressentiment.
00:44:10Et lorsqu'en juin 1937
00:44:12le gouvernement
00:44:13de Léon Blum
00:44:14est renversé
00:44:14et remplacé
00:44:15par un gouvernement radical
00:44:16s'en est définitivement terminé
00:44:19des espérances
00:44:20qu'avait levé
00:44:21le Front Populaire.
00:44:26La France
00:44:26vient de démontrer
00:44:27une fois de plus
00:44:28son incapacité
00:44:30à inventer
00:44:30de nouvelles relations
00:44:31avec ses colonies.
00:44:39Alors
00:44:40dans une répétition
00:44:41sans fin
00:44:42le nouveau gouvernement
00:44:43ne va pas tarder
00:44:44à agir
00:44:45comme les gouvernements
00:44:45français
00:44:46l'ont toujours fait
00:44:46en réprimant lourdement
00:44:49tous les mouvements
00:44:49nationalistes
00:44:50qui menacent
00:44:51dans l'Empire.
00:44:57En Algérie
00:44:59c'est Messali Hadj
00:45:00et les militants
00:45:01du PPA
00:45:01qui sont la première cible
00:45:02à l'été 1937.
00:45:05Le parti est interdit
00:45:06et ses responsables
00:45:07arrêtés.
00:45:10Messali Hadj
00:45:10est envoyé
00:45:11pour de nombreuses années
00:45:12dans le terrible
00:45:13bagne de Lambèse
00:45:14au sud du pays.
00:45:16Au Maroc
00:45:18c'est le comité
00:45:19d'action marocain
00:45:20qui est dissous
00:45:21à son tour
00:45:22en octobre 1937.
00:45:25Son leader
00:45:26Halal El Fassi
00:45:27est exilé au Gabon
00:45:28en Afrique équatoriale
00:45:29où il sera tenu
00:45:30au secret
00:45:31pendant près de 10 ans.
00:45:36Et c'est en Tunisie
00:45:37que la répression
00:45:38sera la plus forte
00:45:39lorsque les jeunes
00:45:40nationalistes du pays
00:45:41décident en 1938
00:45:43de passer à l'action.
00:45:47Habib Bourguiba
00:45:48jeune avocat
00:45:48formé à Paris
00:45:49a fondé le Néo Destour
00:45:51avec une nouvelle génération
00:45:52de militants
00:45:53qui exigent
00:45:54que la Tunisie
00:45:55retrouve sa souveraineté
00:45:56d'avant le protectorat.
00:46:01Échaudé par les faux espoirs
00:46:02du Front populaire
00:46:03Bourguiba
00:46:04organise en avril 1938
00:46:05plusieurs manifestations
00:46:07qui tournent
00:46:07à la guérilla urbaine
00:46:08dans les rues de Tunis.
00:46:11Un policier
00:46:12et des dizaines
00:46:12de manifestants
00:46:13sont tués.
00:46:16Le Néo Destour
00:46:17est alors dissous,
00:46:18ses leaders arrêtés.
00:46:22Habib Bourguiba
00:46:22et ses compagnons
00:46:23seront transférés
00:46:24vers le pénitentiaire
00:46:25militaire de Théboursouk.
00:46:29Une nouvelle fois,
00:46:31la France est parvenue
00:46:31à museler
00:46:32toute opposition
00:46:33dans ses colonies.
00:46:38Et en juillet 1939,
00:46:45la République,
00:46:46fière de son histoire
00:46:47et de son empire,
00:46:49organise à Paris
00:46:49une de ses cérémonies
00:46:51commémoratives
00:46:51dont elle a le secret.
00:46:58Sur le parvis
00:46:59du Trocadéro
00:46:59et devant l'hôtel de ville,
00:47:01on fête l'anniversaire
00:47:02de la Révolution française
00:47:03de 1789.
00:47:04Liberté,
00:47:08égalité,
00:47:09fraternité.
00:47:11Des valeurs
00:47:11que l'on refuse
00:47:12au peuple colonisé
00:47:13mais qui en métropole
00:47:14sont érigées en totem
00:47:15comme pour conjurer
00:47:17le péril
00:47:17d'un second conflit mondial
00:47:18qui s'annonce
00:47:20inexorablement
00:47:21depuis plusieurs mois.
00:47:27Et le contraste
00:47:28est saisissant
00:47:29entre cette mise en scène
00:47:30d'une France éternelle
00:47:31et puissante en juillet
00:47:32et l'effroi
00:47:34qu'on traîne dans le pays
00:47:35l'ordre de mobilisation
00:47:37générale décrété
00:47:37quelques semaines plus tard
00:47:39en septembre 1939
00:47:40lorsque la France
00:47:42et la Grande-Bretagne
00:47:43déclarent la guerre
00:47:44à l'Allemagne nazie
00:47:44d'Adolf Hitler
00:47:45après son invasion
00:47:46de la Pologne.
00:47:47Ainsi, au même moment
00:48:00de l'Indochine au Sénégal
00:48:02de la Tunisie à Madagascar
00:48:03de la mer Rouge
00:48:04aux mers australes
00:48:05s'est levée
00:48:06une puissante armée
00:48:07d'hommes de toutes couleurs
00:48:08de toutes races
00:48:09de toutes confessions.
00:48:11Comme en 1914
00:48:12la France compte
00:48:13sur ses colonies
00:48:14pour lui envoyer des troupes.
00:48:15un renfort indispensable
00:48:18qui est mis en scène
00:48:19dans un incroyable
00:48:20film de propagande
00:48:21diffusé dans les salles
00:48:22de métropole
00:48:23à l'automne 1939.
00:48:25Faites d'hommes
00:48:26qui ont le même idéal
00:48:27vivre libre
00:48:28ou mourir.
00:48:33La France est un empire
00:48:35glorifie pendant 90 minutes
00:48:37l'engagement pour la patrie
00:48:38des peuples colonisés
00:48:39en reconnaissance
00:48:40de son œuvre civilisatrice.
00:48:42Un film qui veut surtout
00:48:47dire aux Français
00:48:48qu'avec 100 000 tirailleurs
00:48:49recrutés en Afrique noire
00:48:51et à Madagascar
00:48:51et près de 300 000
00:48:53en Afrique du Nord
00:48:54la France ne peut qu'être
00:48:55victorieuse
00:48:56dans la guerre
00:48:56qui débute contre l'Allemagne.
00:49:02Ainsi
00:49:02108 millions d'êtres humains
00:49:04qui ne demandaient
00:49:05qu'à travailler
00:49:06et à vivre en paix
00:49:06se sont dressés
00:49:08pour la sauvegarde
00:49:09des libertés du monde
00:49:10et pour l'honneur
00:49:11de leurs drapeaux.
00:49:12Défenseurs
00:49:13de l'intégrité
00:49:14de leur sol
00:49:14ils lutteront
00:49:15jusqu'au bout
00:49:16pour que leurs enfants
00:49:17en toute quiétude
00:49:18puissent continuer
00:49:19à écrire
00:49:20En réalité
00:49:38cet empire tout-puissant
00:49:40n'empêchera pas
00:49:40la France
00:49:41de sombrer
00:49:41au printemps 1940
00:49:42sous les coups
00:49:44de boutoirs
00:49:44de la Wehrmacht
00:49:45entraînant un armistice
00:49:47négocié par le maréchal Pétain
00:49:48en juin
00:49:49après une campagne
00:49:51particulièrement meurtrière
00:49:52Dans la défaite
00:50:00la France
00:50:00va progressivement
00:50:01se déchirer
00:50:02entre d'un côté
00:50:03l'état français de Vichy
00:50:04incarné par le maréchal Pétain
00:50:06et de l'autre
00:50:08la France libre
00:50:09inventée par un jeune général
00:50:11Charles de Gaulle
00:50:12qui a rejoint Londres
00:50:13en juin 1940
00:50:14et c'est l'empire colonial
00:50:21qui va devenir
00:50:22le terrain d'affrontement
00:50:23de la concurrence acharnée
00:50:24que vont se livrer
00:50:25les deux hommes
00:50:26une lutte
00:50:29entre deux pouvoirs
00:50:30qui ont chacun besoin
00:50:31de ces territoires
00:50:32d'outre-mer
00:50:32pour renforcer
00:50:33leur légitimité
00:50:34Au début du conflit
00:50:44c'est la France de Vichy
00:50:46qui parvient à imposer
00:50:47son autorité
00:50:48sur la plupart
00:50:48des colonies françaises
00:50:50et pour redorer
00:50:57le blason
00:50:57d'un pouvoir français
00:50:58rabougri
00:50:59qui a dû se réfugier
00:51:00derrière la ligne
00:51:01de démarcation
00:51:02le nouveau gouvernement
00:51:04met en scène
00:51:04l'allégeance
00:51:05des colonies
00:51:06au maréchal Pétain
00:51:06à qui la foule
00:51:08se doit de prêter serment
00:51:09lors de grandes cérémonies
00:51:10de soumission
00:51:11d'Alger à Casablanca
00:51:13et de Tunis
00:51:14à Tananarive
00:51:15Toute l'Afrique du Nord
00:51:20Madagascar
00:51:21et l'Indochine
00:51:22vont ainsi se ranger
00:51:23derrière l'état français
00:51:24de Vichy
00:51:25et sa révolution nationale
00:51:27Du côté de la France libre
00:51:36la conquête de l'Empire
00:51:37est vitale
00:51:38pour asseoir
00:51:38la légitimité
00:51:39d'un général de Gaulle
00:51:40sans troupes
00:51:41ni territoires
00:51:42pensant pouvoir
00:51:45s'installer
00:51:45en Afrique occidentale
00:51:46française
00:51:47dès l'automne 1940
00:51:49de Gaulle embarque
00:51:50sur des navires
00:51:50de guerre britanniques
00:51:51et tente d'imposer
00:51:53son leadership
00:51:53sur Dakar
00:51:54au Sénégal
00:51:55mais le gouverneur
00:52:07de l'AOF
00:52:07choisit de rester
00:52:09fidèle à Vichy
00:52:10et fait tirer
00:52:11sur les britanniques
00:52:11la flotte doit faire
00:52:16demi-tour
00:52:16l'échec est humiliant
00:52:23pour de Gaulle
00:52:23dont toute la stratégie
00:52:25est alors remise en question
00:52:26mais le général
00:52:34va être sauvé
00:52:35par un homme
00:52:35Félix Éboué
00:52:37un Guyana
00:52:38qui a fait
00:52:38toute sa carrière
00:52:39dans la coloniale
00:52:40et qui est alors
00:52:41gouverneur du Tchad
00:52:42un des états
00:52:43de l'Afrique équatoriale
00:52:44française
00:52:44Éboué refuse de se ranger
00:52:50derrière Vichy
00:52:51changeant par ce geste
00:52:53le cours des événements
00:52:54l'Afrique équatoriale française
00:52:59devient la planche de salut
00:53:00de la France libre
00:53:01Le jeune capitaine Leclerc
00:53:05se lance à l'assaut de Douala
00:53:07au Cameroun
00:53:08puis de Brazzaville
00:53:09au Congo
00:53:10Une audace qui paye
00:53:14et qui permet de faire basculer
00:53:15une grande partie de l'AEF
00:53:17offrant au général de Gaulle
00:53:19en décembre 1940
00:53:20avec Brazzaville
00:53:21une première capitale provisoire
00:53:23pour poursuivre le combat
00:53:24contre l'Allemagne
00:53:25et contre la France de Vichy
00:53:27Progressivement
00:53:32les Français libres
00:53:33grâce au soutien des alliés
00:53:35vont reprendre au régime de Vichy
00:53:37presque toutes les colonies françaises
00:53:39du Liban à Madagascar
00:53:41jusqu'en Afrique du Nord
00:53:42permettant à De Gaulle
00:53:45d'installer en 1943
00:53:46sa nouvelle capitale
00:53:48dans la ville d'Alger
00:53:49L'Empire français
00:53:55vient d'apporter au général
00:53:57la puissance territoriale
00:53:58et militaire
00:53:59dont il avait besoin
00:54:00pour s'imposer
00:54:01auprès des Britanniques
00:54:02et des Américains
00:54:03au théâtre d'Alger
00:54:13le nouveau pouvoir gaulliste
00:54:15met donc en scène
00:54:15comme ses prédécesseurs
00:54:17l'ont toujours fait
00:54:17cette puissance impériale
00:54:19de la France
00:54:20dans un étonnant spectacle
00:54:21une glorification
00:54:28de cette grande France
00:54:29et de sa diversité
00:54:30des îles pacifiques
00:54:32aux Antilles
00:54:32en passant par l'Indochine
00:54:34et l'Afrique noire
00:54:35des images d'Epinal
00:54:46qui viennent surtout rappeler
00:54:48que l'Empire
00:54:48s'apprête à jouer
00:54:49un rôle crucial
00:54:50dans la victoire militaire
00:54:51qui s'annonce
00:54:52ce sont les troupes coloniales
00:55:07qui constitueront
00:55:08l'essentiel
00:55:09des troupes françaises
00:55:09combattantes
00:55:10lors de la libération
00:55:11de la France
00:55:12des plages de Corse
00:55:13en 1943
00:55:14à celles de Provence
00:55:16en 1944
00:55:17un apport considérable
00:55:20qui a fait basculer
00:55:21le rapport de force
00:55:22contre Vichy
00:55:23et qui exige
00:55:24de la part de De Gaulle
00:55:25une réponse politique
00:55:26aux attentes
00:55:27des peuples colonisés
00:55:28alors en 1944
00:55:31alors en 1944
00:55:33lors d'une conférence
00:55:34à Brazzaville au Congo
00:55:35préparée par Félix Eboué
00:55:37le futur chef du gouvernement
00:55:39s'engage sur l'amélioration
00:55:41des conditions de vie
00:55:41dans les colonies
00:55:42interdiction définitive
00:55:47de tout travail forcé
00:55:48abrogation partout
00:55:50du statut de l'indigénat
00:55:51et surtout
00:55:53une représentation
00:55:54dans la future
00:55:55assemblée nationale
00:55:56avec 10% des sièges
00:55:58réservés
00:55:58à la France d'outre-mer
00:55:59des députés
00:56:02élus parmi les colonisés
00:56:04qui auront pour la première fois
00:56:06le droit de voter
00:56:06pour les désigner
00:56:07ces annonces
00:56:14représentent une rupture
00:56:15dans la politique
00:56:15coloniale française
00:56:16mais en réalité
00:56:20elles ne vont pas
00:56:21résoudre le profond
00:56:22et grave malentendu
00:56:23qui est en train de naître
00:56:24entre De Gaulle
00:56:25et les mouvements
00:56:26nationalistes
00:56:26car ces mouvements
00:56:32à Alger
00:56:33Tunis
00:56:33ou Rabat
00:56:34considèrent que
00:56:35la citoyenneté
00:56:36qui leur est offerte
00:56:37est une citoyenneté
00:56:38au rabais
00:56:38avec uniquement
00:56:4010% des députés
00:56:41pour représenter
00:56:42plus de 60%
00:56:43des habitants
00:56:43de l'Empire
00:56:44surtout
00:56:47pour les nationalistes
00:56:49leur soutien
00:56:50à la France libre
00:56:50comme le sacrifice
00:56:52des troupes coloniales
00:56:53auraient dû entraîner
00:56:54un accompagnement
00:56:55progressif
00:56:55et négocié
00:56:56vers leur indépendance
00:56:58une conviction
00:57:00incarnée en Algérie
00:57:01par Ferhatabas
00:57:02l'ancien défenseur
00:57:04de l'assimilation
00:57:04à la France
00:57:05qui bascule
00:57:06du côté des indépendantistes
00:57:07et qui aura
00:57:08cette phrase
00:57:09devenue symbolique
00:57:10de sa prise de conscience
00:57:11que m'importe finalement
00:57:15qu'on mette
00:57:16de l'électricité
00:57:17dans ma maison
00:57:17si ma maison
00:57:19n'est pas à moi
00:57:19en cette fin
00:57:25de seconde guerre mondiale
00:57:26cette incompréhension
00:57:28grandissante
00:57:28entre la métropole
00:57:29et ses colonies
00:57:30va tout à coup
00:57:31se transformer
00:57:31en aveuglement meurtrier
00:57:33à Alger
00:57:34comme à Hanoï
00:57:35le destin
00:57:39de l'Empire français
00:57:40est en train
00:57:40de basculer
00:57:41le 8 mai 1945
00:57:51au moment même
00:57:52où Paris fête
00:57:53la capitulation
00:57:54de l'Allemagne nazie
00:57:55les trois courants
00:57:56du nationalisme algérien
00:57:57organisent eux aussi
00:57:59des manifestations
00:57:59partout en Algérie
00:58:03la foule réclame
00:58:04l'indépendance du pays
00:58:05et d'abord
00:58:07le retour de celui
00:58:08qui incarne ce combat
00:58:09que les autorités françaises
00:58:12viennent subitement
00:58:13d'exiler à Brazzaville
00:58:14au Congo
00:58:15des manifestations
00:58:20qui dégénèrent
00:58:21notamment dans le Constantinois
00:58:23à Sétif
00:58:24et à Gelma
00:58:24où plusieurs manifestants
00:58:26sont tués
00:58:26en quelques jours
00:58:30plus d'une centaine
00:58:31de colons européens
00:58:32sont massacrés
00:58:33dans leurs fermes
00:58:34sur ces images
00:58:37tournées par l'armée française
00:58:39on voit les opérations
00:58:41de représailles
00:58:41décidées par le gouvernement
00:58:43pour mater ce qu'ils considèrent
00:58:44comme une insurrection
00:58:45en quelques semaines
00:58:49plusieurs villages
00:58:50sont incendiés
00:58:50par les soldats
00:58:51et au moins
00:58:52dix mille Algériens
00:58:53sont exécutés
00:58:54plongeant le pays
00:58:55dans la terreur
00:58:56et dans une colère sourde
00:58:57à l'autre bout
00:59:03de l'Empire
00:59:03la capitulation du Japon
00:59:05en août 1945
00:59:06permettent aux communistes
00:59:08Ho Chi Minh
00:59:08de proclamer
00:59:09au nord de l'Indochine
00:59:10la république indépendante
00:59:12du Vietnam
00:59:12une idée à laquelle
00:59:17la France ne veut pas
00:59:18se résoudre
00:59:19malgré plusieurs tentatives
00:59:20de négociations
00:59:21cette obstination française
00:59:27va déclencher
00:59:28la première guerre
00:59:29de libération
00:59:29au sein de l'Empire
00:59:30et comme dans un balbutiement
00:59:34sans fin
00:59:35cet empire colonial
00:59:37qui avait été édifié
00:59:38dans le sang
00:59:38et les guerres
00:59:39au XIXe siècle
00:59:40va s'effondrer
00:59:41de la même manière
00:59:42en moins de vingt années
00:59:44la France n'aura jamais
00:59:54voulu prendre la mesure
00:59:55des évolutions du monde
00:59:56défendant jusqu'au bout
00:59:58son ambition coloniale
01:00:00qui se voulait
01:00:00civilisatrice
01:00:01c'est aimé Césaire
01:00:07le poète antillais
01:00:08qui aura finalement
01:00:09en 1950
01:00:10les mots les plus durs
01:00:12pour dénoncer
01:00:12une entreprise
01:00:13qui selon lui
01:00:14n'aura conduit
01:00:15qu'au malheur des hommes
01:00:16comme il l'écrit
01:00:17on me lance
01:00:21à la tête
01:00:21des statistiques
01:00:22des kilométrages
01:00:23de routes
01:00:24de canaux
01:00:25de chemins de fer
01:00:26on me parle de progrès
01:00:28de maladies guéries
01:00:30moi
01:00:32je parle de millions d'hommes
01:00:34à qui l'on a savamment
01:00:35inculqué la peur
01:00:36le complexe d'infériorité
01:00:38le tremblement
01:00:40l'agenouillement
01:00:41le désespoir
01:00:42je parle de millions d'hommes
01:00:44arrachés à leur dieu
01:00:45à leur terre
01:00:46à leur vie
01:00:48à la vie
01:00:49de toutes les expéditions
01:00:52coloniales accumulées
01:00:53de tous les statuts
01:00:55coloniaux élaborés
01:00:56de toutes les circulaires
01:00:57ministérielles envoyées
01:00:58on ne saurait tirer
01:01:00une seule valeur humaine
01:01:01à la vie
01:01:04à la vie
01:01:07à la vie
01:01:09voilà
01:01:09tout le monde
01:01:10bien
01:01:52...

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