L’émotion après le meurtre de Louise, 11 ans

Sud Radio

09/02/2025

Avec Abdoulaye Kanté, Policier et ancien enquêteur à la Police Judiciaire (Auteur de "Policier, enfant de la République")

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00:00On parle de ce drame, ce drame absolument révoltant, le meurtre de la jeune Louise.

00:04Bonjour Abdoulaye Kanté.

00:06Oui, bonjour à tous.

00:07Bienvenue sur Sud Radio, vous êtes policier, ancien enquêteur de police judiciaire,

00:11auteur de ce livre « Policier, enfant de la République ».

00:15Alors ce matin, la France regarde un peu partout en une de ses journaux le visage de cette jeune Louise,

00:2011 ans, qui a disparu vendredi soir dans les Seunes,

00:23retrouvée lardée de coup de couteau dans un bois juste à côté.

00:27La République a perdu un enfant, pour reprendre le titre de votre ouvrage.

00:32Oui, effectivement, déjà d'une, avant toute chose, permettez-moi d'avoir une pensée pour la famille de la petite Louise.

00:39Je pense que moi-même, en tant que père de famille,

00:41on ne peut qu'être choqué par la violence, l'extrême violence de cet acte horrible.

00:47Et évidemment, je pense qu'il y a une forme d'émotion.

00:50Et en tant qu'enquêteur, j'ai aussi une pensée pour mes collègues

00:54qui se donnent vraiment absolument tous les moyens pour essayer de retrouver l'auteur,

00:59le ou les auteurs de ce fait vraiment horrible.

01:03Exactement, on peut lire d'ailleurs dans les pages du Parisien Aujourd'hui en France,

01:06l'émotion des parents, souvent révoltés, qui disent notamment,

01:11on demande justement à nos enfants de prendre ce chemin-là parce que c'est le plus éclairé.

01:14Malgré tout, ça n'a pas suffi et le drame s'est manifestement produit.

01:18Beaucoup d'émotions, beaucoup de colère aussi sur les réseaux sociaux,

01:21y compris un certain nombre de dérapages, puisque la famille a été prise pour cible

01:24par des gens sur les réseaux sociaux.

01:26En effet, la famille a demandé à ce qu'il n'y ait pas de récupération politique

01:30sur le meurtre de sa petite-fille.

01:31C'était la moindre des choses et effectivement, ça n'a pas plu.

01:36Malheureusement, vous savez, quand il y a ce genre d'événement,

01:40il y a toujours une forme de dérive à travers sur les réseaux sociaux.

01:42Donc, évidemment, la tristesse et la colère et aussi beaucoup de mélanges se fait

01:46à travers, on va dire, les réseaux sociaux.

01:48Mais encore une fois, avec l'œil du policier, parce que je préfère être plutôt factuel,

01:53ce n'est pas une question de partis politiques, de droite, de gauche.

01:57Ça, évidemment, je pense que l'émotion, elle est pareille pour tout le monde.

02:00De toute façon, tout le monde est révolté par la disparition d'un gosse et surtout comme ça.

02:04Exactement. Et là, par contre, pour parler de l'enquête,

02:08je pense que là, ce qui va se passer, c'est qu'il y a une forme de course contre la montre,

02:12c'est-à-dire de vraiment essayer d'avoir un maximum d'éléments.

02:16Donc, les enquêteurs, parce que vraiment, j'ai eu aussi un jour ce genre de cas une fois,

02:20déjà d'avoir les premiers éléments, c'est-à-dire les premiers témoignages d'enquête de voisinage

02:23qui va permettre justement de pouvoir savoir ce qu'il y avait des témoins.

02:27La vidéosurveillance, qui va avoir une importance pour essayer de retracer le parcours de la petite,

02:33mais aussi tout ce qui est ce qu'on appelle les traces, on va dire, techniques.

02:37Traces techniques, ça veut dire quoi ?

02:38C'est-à-dire tout ce qui est les bornages téléphoniques dans la zone,

02:41qui étaient présents au moment du passage de la fille.

02:44Donc, ce sera un travail considérable, ce qu'on appelle le travail de l'entonnoir.

02:48Vous allez voir au plus large et après affiner en fonction des éléments que vous avez.

02:51On écarte les pistes, les unes après les autres.

02:54Et aussi, comment dire, l'ADN aussi, qui devra permettre de pouvoir savoir

02:58quel contact étranger qu'elle avait la petite avec son agresseur.

03:03Exactement. Alors, l'enquête est en cours.

03:04Évidemment, ce qui s'est passé hier, c'est que vos collègues ont arrêté un couple

03:09dont l'un des membres semblait ressembler à quelqu'un qui suivait la petite

03:14sur les vidéos de surveillance.

03:16Il se trouve qu'ils ont été mis hors de cause.

03:18Entre-temps, le nom de la personne affûtée a été divulgué sur les réseaux sociaux

03:22pour fustiger l'origine de la personne en regardant son prénom.

03:26Concrètement, comment des policiers peuvent travailler

03:28sous une telle pression médiatique et sociale ?

03:31Parce que le travail d'enquête est minutieux.

03:32Comment on se coupe de la pression tout autour ?

03:35Très difficile, parce qu'effectivement, encore une fois,

03:38quand vous avez un acte comme ça, ça peut susciter le drame,

03:41une émotion nationale.

03:43C'est normal.

03:44J'ai envie toujours de dire que le temps de l'enquête n'est pas celui des médias.

03:49Donc, du coup, on prend effectivement notre temps en essayant de se mettre

03:52dans une forme de bulle.

03:53Mais cette bulle doit être évidemment protégée pour éviter toutes les fuites.

03:56Et je pense aussi que le procureur de la République s'excusait même

03:59d'avoir de la divulgation de certaines informations.

04:02Il l'a déplorée publiquement hier.

04:04Exactement.

04:06Malheureusement aussi, ça fera l'objet d'une enquête,

04:08parce qu'effectivement, c'est interdit de dévoiler des éléments d'enquête,

04:13même qu'elles soient erronées ou pas.

04:14Mais cela peut aussi poser des problèmes à l'enquêteur,

04:17parce que ça peut aussi perturber au niveau de sa progression.

04:20Et ça peut aussi profiter aussi à eux ou les auteurs de pouvoir

04:26peut-être jeter le couteau ou des choses comme ça.

04:28Donc, je pense qu'à un moment donné, il faut laisser travailler les enquêteurs

04:33par rapport à cela et aussi les laisser dans leur bulle.

04:35On peut comprendre qu'il y a une forme d'émotion et une forme d'avoir

04:40vraiment une rapidité à avoir la vérité.

04:43Mais il faut prendre malheureusement son temps de faire des choses bien.

04:46Et laisser aussi la famille vivre son deuil comme elle l'entend,

04:50ce qui est la moindre des choses.

04:51Merci beaucoup Abdoulaye Kanté, ancien enquêteur à la police judiciaire

04:56et auteur de ce livre qu'on recommande d'ailleurs sur Sud Radio.

04:59Policier, enfant de la République.

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