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«L’espoir peut vous affaiblir» : Olivier Dubois, otage au Mali pendant 711 jours
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23/01/2025
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00:00
On me bande les yeux, on me met le turban que j'avais à cette époque-là sur les yeux
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et la portière chauffeur du véhicule s'ouvre
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et la première chose que dit la personne qui rentre dans l'habitacle du véhicule, c'est
00:10
« si ta famille et ton gouvernement font ce qu'il faut, tout se passera bien ».
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Et là, je comprends que j'ai été kidnappé.
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On a l'espoir de pouvoir sortir, on y croit sans y croire.
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Il ne faut pas trop y croire non plus parce que ça peut vous affaiblir.
00:24
Je m'appelle Olivier Dubois, je suis journaliste
00:26
et le 8 avril 2021, j'ai été kidnappé à Gao
00:29
et otage du JNIM, le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, pendant 711 jours.
00:34
Je me suis rendu à Gao le 8 avril 2021 pour interviewer un cadre du JNIM,
00:38
donc du groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, la branche d'Al-Qaïda au Sahel.
00:42
On avait eu deux à trois mois de préparation pour tenter de le rencontrer,
00:46
pour l'approcher, tenter de le rencontrer.
00:48
Ça se faisait via un fixeur avec qui je travaillais depuis quelques années.
00:51
Ça dérape pour moi au moment où je le vis,
00:56
une dizaine de minutes, peut-être une quinzaine de minutes
00:58
après être monté dans le véhicule des djihadistes,
01:00
qui est censé m'amener vers ce cadre que je dois interviewer.
01:03
On croise une voiture avec des gens qui sont exactement comme les gens avec qui je suis,
01:09
donc turbanés, pareil, même type de véhicule V6 Toyota.
01:13
Et il nous dépasse et soudain, j'entends frapper sur l'habitacle.
01:18
Il y avait des gens à l'arrière dans la benne du pick-up, sur l'habitacle du pick-up.
01:21
Et là, on part à toute vitesse et on va garder cette vitesse pendant quatre heures.
01:26
J'étais censé revenir au bout de deux heures, je ne reviendrai pas.
01:29
Et au bout de deux heures, je me dis qu'il y a un problème.
01:31
On roule pendant quatre heures, à peu près jusqu'au crépuscule.
01:36
La voiture s'arrête.
01:37
On me bande les yeux, on me met le turban que j'avais à cette époque-là sur les yeux.
01:41
On me sort du véhicule, on me déshabille.
01:43
Je me retrouve nu dans le désert, il y a plein de voies autour de moi.
01:45
On m'enlève ma montre, on m'enlève mes chaussures.
01:48
Je sens qu'on me tend des nouveaux vêtements.
01:49
Je m'habille, on me met dans un second véhicule.
01:52
Et la portière chauffeur du véhicule s'ouvre.
01:54
Et la première chose que dit la personne qui rentre dans l'habitacle du véhicule, c'est
01:58
si ta famille et ton gouvernement font ce qu'il faut, tout se passera bien.
02:02
Et là, je comprends que j'ai été kidnappé.
02:04
Je devais être quelque part dans la région de Kidal.
02:08
Je dirais que j'étais plutôt à l'est de la région Kidal, nord-est de la région Kidal.
02:15
Principalement dans le désert, dans des rocs aussi.
02:18
Une sorte de grand amas rocheux, granitique.
02:20
On dort dehors, on dort sur le sable, sur la terre.
02:24
On est en bougou toute la journée, on est enchaînés.
02:27
Alors moi, j'ai été, ça dépend un petit peu de comment on se comporte,
02:30
mais j'ai été enchaîné pas mal de temps, nuit et jour, à une jante de camion,
02:33
ce qui quand même restreint les déplacements.
02:38
On vit comme eux, on mange sur le feu, on se fait manger sur le feu.
02:42
Il n'y a pas de pharmacie là-bas, il n'y a rien.
02:45
Quand vous avez un problème, vous devez attendre d'hypothétiques médicaments
02:47
qui mettent un certain temps à arriver.
02:49
Vous êtes en captivité, en plein désert, dans le nord du Mali, en plein Sahel.
02:53
Moi, je me levais à 4h30 du matin.
02:54
La première chose que je faisais, c'était allumer la radio, écouter les informations.
02:58
5h, 5h30, eux sont levés, ils ont fait leur prière, ils viennent vous détacher.
03:02
Ils vous enlèvent vos chaînes, vous êtes enfin libre pour la journée.
03:05
Là, j'allais m'entraîner.
03:07
Et puis après, il y a une sorte de vide, il n'y a rien, il n'y a rien d'autre à faire.
03:10
Et la cuisine, ça devient une occupation.
03:12
Il faut aller couper du bois, préparer le feu.
03:14
Et puis aussi, il faut s'imaginer des plats qui vous font fantasmer littéralement
03:19
et qu'on ne peut pas exécuter là-bas, mais essayer de s'y approcher le plus.
03:21
Donc ça permet de monopoliser un peu le cerveau,
03:26
de se sentir occupé pour arriver à faire quelque chose, bon ou mauvais d'ailleurs.
03:29
La lecture du Coran, ça m'a permis de briser la glace avec eux, les Moudjahidines.
03:33
Au bout d'un moment, ça a mis quand même un peu de temps,
03:36
je comprends que ce livre, je ne peux pas, voilà, il faut que je ne le connais pas en fait.
03:40
Et que mes arguments ne portent pas dans les quelques débats qu'on a pu avoir.
03:44
Il me faut lire ce bouquin, il me faut lire ce livre pour mieux les comprendre.
03:49
Et je me rends compte qu'en le lisant, ça suscite un peu un intérêt.
03:52
Ça permet de déclencher des conversations, de pouvoir mieux communiquer avec eux.
03:56
Alors, il y a eu plusieurs phases, mais celle qui a été un peu marquante, je dirais,
04:01
c'est que j'ai été, entre guillemets, pris en main par l'un d'eux qui s'était mis en tête
04:06
de me convertir durant ma captivité et qui va venir me voir régulièrement.
04:11
On va parler du Coran pendant des heures.
04:13
Il va prendre son téléphone, me montrer des vidéos de propagande,
04:16
des vidéos de conférenciers en islam.
04:19
Enfin, il a mis en œuvre pas mal de choses pour essayer de me convertir.
04:24
Globalement, je dirais, je n'ai pas été celui qui a le plus été maltraité.
04:28
Moi, j'ai rencontré sur la fin de ma captivité Jeffrey Woodki qui, lui,
04:34
si je compare mon cas au sien, je me dis que j'ai quand même été mieux traité que lui.
04:39
Il y a eu des moments très, très durs, évidemment.
04:42
La dureté, en fait, elle vient évidemment de vos ravisseurs,
04:45
de la façon dont ils vous traitent, de la façon dont ils vous considèrent,
04:48
mais aussi des conditions de vie.
04:50
Et ça, c'est très important.
04:51
Là où on dort, le manque d'hygiène, les insectes,
04:55
la possibilité de se faire mordre par des serpents, par des scorpions.
04:57
C'est tout ça, la captivité.
04:59
Ce n'est pas que les gens armés avec des cannes à Chincoff.
05:03
Ce qui m'a permis de tenir, c'est une sorte de dissociation qui s'est opérée,
05:08
j'irai assez rapidement dans la captivité.
05:09
Il y a un événement qui est important, qui va être...
05:12
Ils ont du mal à prononcer mon nom.
05:14
Je m'appelle Olivier, ils disent Alifieu, Olivier, Olivia, enfin...
05:18
Et au bout d'un moment, je me souvenais d'un nom que m'avait donné un ami algérien
05:22
quand j'étais au lycée, qui était Zeytoun, qui veut dire Olivier en arabe.
05:26
Et je donne ce nom.
05:27
Et à partir du moment où je donne ce nom, se crée un autre personnage.
05:30
C'est Zeytoun qui est l'otage.
05:31
C'est à lui que ça arrive.
05:33
Et Olivier Dubois regarde Zeytoun.
05:35
J'ai essayé de mettre ma condition d'otage de côté
05:39
et de m'imaginer comme un journaliste qui fait un très long reportage.
05:44
Et ça, c'était pour le mental, quoi.
05:49
Voilà, c'était vraiment pour le mental.
05:51
S'imaginer autrement, essayer d'inverser la situation, en fait.
05:55
Vous n'êtes pas captif, vous vous imaginez en tant que journaliste,
05:58
vous faites votre travail, vous posez des questions,
06:00
vous conciliez leurs réponses cachées discrètement sur du papier.
06:05
Et puis vous essayez d'aller beaucoup plus loin,
06:06
vous fixez des buts toujours un peu inatteignables
06:09
pour que ça vous tire vers le haut.
06:11
Le sport m'a aussi beaucoup amené.
06:13
Un certain état d'esprit, pas d'esprit de soumission.
06:16
Je pratiquais un art martial chinois, une discipline interne qui s'appelle le Baguazhang.
06:20
Et c'est une discipline qui est très complexe, il faut y mettre pas mal de temps.
06:23
Donc chaque avancée, chaque progression dans ce style était vue...
06:26
Enfin, je le vivais comme une victoire.
06:28
Ce qui, mentalement, est très bon dans ce type de conditions, dans une captivité.
06:32
Et puis viendra après, quand tu auras la radio,
06:34
évidemment les messages de ma famille et de mes proches
06:36
et la mobilisation qui se met en place visant à me faire libérer.
06:40
Il arrive parfois que les ravisseurs voient ce genre de vidéos
06:44
et on espère alors qu'ils pourront la transmettre à Olivier.
06:48
Et c'est pour cette raison que nous voulions lui faire part de ce message,
06:52
de la part de la rédaction de Libération.
06:55
Olivier, on pense à toi, on ne t'oublie pas, on ne lâche rien
06:59
et on espère te revoir très vite parmi nous.
07:02
On a l'espoir de pouvoir sortir, on imagine, on le souhaite,
07:06
on le fantasme, on l'a sorti, on la fantasme.
07:08
Après, on sait que c'est un espoir fugitif, j'ai envie de dire.
07:15
Oui, c'est ça, c'est vraiment qu'un espoir, mais il est provisoire, il est fugitif.
07:19
On y croit sans y croire, faut pas trop y croire non plus
07:21
parce que ça peut vous affaiblir au bout d'un moment.
07:24
Donc oui, on l'espère, mais on ne s'appuie pas là-dessus.
07:31
Le 6 mars 2023, un pick-up arrive, 3 djihadistes, dont le chef de zone.
07:37
Ils me prennent à part, il me faut écouter un document audio.
07:39
Sur ce document audio, c'est la voix du numéro 2, Cédenne Aguita,
07:42
qui m'apprend que si tout va bien,
07:44
Inch'Allah, comme il dit, dans 14 jours, je serai libre.
07:48
Il y a toute la partie transfert, il y a toute la partie qui consiste
07:51
à passer de leurs mains aux mains des forces françaises.
07:55
Il y a l'avion qui vous ramène à Niamey,
07:56
il y a les premiers coups de fil avec les proches.
07:58
Et puis, moi, c'était surtout revoir ma compagne et mes enfants.
08:03
Et il y a ça au bout, quand j'atterris sur le Tamarac de l'aéroport en France.
08:09
C'est ça, je sais qu'ils sont là et ils vont vraiment acter le fait que je suis libre
08:13
quand je les verrai, parce que j'ai espéré ce moment-là pendant toute ma captivité.
08:18
Ça a mis un certain temps pour se croire de retour.
08:21
Le corps est de retour, pour la tête, ça met un peu plus de temps.
08:25
C'est des problèmes de sommeil, c'est se réveiller en ne sachant plus
08:28
si on est dans le désert ou si on est à Paris, on ne sait pas exactement,
08:32
ou en ayant les réflexes qu'on avait quand on se réveillait, quand on était là-bas.
08:35
C'est des choses qui mettent du temps à nous quitter,
08:39
parce qu'on est en mode survie quand on est là-bas, on est en mode lézard.
08:43
Et ça, il faut l'abandonner, il faut pouvoir le laisser derrière soi
08:46
et reprendre une vie normale.
08:48
Parce que c'est dur, il faut se reconnecter quand même avec son monde,
08:51
se reconnecter avec ses proches, et on se rend compte que ses proches
08:53
n'ont pas été épargnés par cette expérience, évidemment,
08:56
ils se sont mobilisés, eux aussi, ils ont vécu ça, ils ont été blessés par ça.
09:01
Ce n'est pas facile, c'est compliqué.
09:03
Je crois que je suis rentré dans mes baskets, dans ma vie, dans ma nouvelle vie.
09:07
À partir de l'automne 2023, moi j'avais pas mal de notes,
09:12
j'avais plein de souvenirs et pas mal de notes.
09:14
Et j'avais le désir de coucher ça par écrit, parce que je disais toujours à mes proches,
09:18
« Posez-moi des questions, moi je vais avoir du mal à vous raconter ça de but en blanc. »
09:22
Et il y a une pudeur quand même chez vos proches et vos amis,
09:24
ils ne causent pas trop, non plus,
09:26
remuer pour eux le couteau dans la plaie en vous posant des questions.
09:29
Et le livre, c'était parfait, en fait.
09:31
Ça me permettait d'utiliser ces notes, de me replonger dans mes souvenirs,
09:34
de coucher tout ça sur papier,
09:35
et de leur donner quelque chose qui raconte de A à Z, grosso modo, ce qui m'est arrivé.
09:40
Donc pour l'écrire, je me suis basé sur mes notes, sur mes souvenirs, bien sûr.
09:44
Et puis il a fallu rajouter ce qui était un peu difficile pour moi, c'est les émotions.
09:47
C'est-à-dire, dans tous les événements que j'ai eu,
09:49
me remettre dans la peau du journaliste autariste que j'étais,
09:53
essayer de revivre ça de l'intérieur.
09:54
Ça, ça a été le plus compliqué, évidemment.
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