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  • 23/05/2025
Des pizzas contaminées avec une bactérie mortelle, des biscuits pour bébés à l’origine d’étouffements ou des saucisses difficiles à ingérer pour des enfants… Avant l’affaire des eaux contaminées, Nestlé a été confronté à de nombreux scandales au cours de ces vingt dernières années. Ces accusations révèlent leurs pratiques privilégiant le profit au détriment de la sécurité alimentaire.

Libération vous invite au cœur de l’affaire avec notre journaliste Franck Bouaziz.

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Transcription
00:00Nestlé préfère faire du profit plutôt que d'assurer votre sécurité.
00:03C'est une des questions auxquelles le géant de l'agroalimentaire a dû faire face
00:07lors d'une commission d'enquête sénatoriale.
00:09Pour confronter le groupe, il y a eu 6 mois d'enquête,
00:11120 personnes entendues lors de 73 auditions,
00:14le tout après un scandale,
00:16les traitements non autorisés pratiqués sur les eaux minérales Perrier,
00:20ou encore Vittel, Hépard et même Contrex,
00:23bref, que des eaux que vous avez sûrement déjà bues.
00:25Lors de ces auditions, les représentants de Nestlé ont été interrogés
00:28et ils se sont appliqués à bien éviter les questions les plus gênantes.
00:32Comme je vous l'ai dit au début, cette question porte sur des faits
00:35qui font l'objet du procédure judiciaire et donc je ne peux y répondre.
00:40Et au passage, ils en ont profité pour se faire un petit peu de pub.
00:43Hépard, riche en magnésium, aide à réduire la fatigue et favorise le transit.
00:48Contrex, avec sa teneur unique en calcium et en magnésium,
00:52contribue à la santé osseuse.
00:54Mais avant l'affaire des eaux contaminées,
00:55Nestlé a fait face à de nombreux autres scandales au cours de ces 20 dernières années.
01:00On pense à les pizzas contaminées,
01:02des biscuits pour bébés à l'origine d'étouffements.
01:04Face aux accusations, l'entreprise fait tout pour protéger son image et sa rentabilité.
01:09Aujourd'hui, on va se plonger dans les petits papiers de Nestlé
01:12en compagnie de Franck Boisid, notre journaliste spécialiste de l'économie
01:16qui a enquêté sur ces affaires.
01:18Salut Franck et bienvenue.
01:19Bonsoir Corentin et bonsoir à tous ceux qui nous ont rejoints.
01:22Ma première question Franck,
01:24j'essaye de comprendre cette commission d'enquête sénatoriale
01:28auquel Nestlé a fait face.
01:29Qu'est ce qu'elle a révélé dans le fond ?
01:31Elle a révélé plein de choses puisque, comme tu le disais très justement Corentin,
01:34elle s'est réunie pendant six mois.
01:36Elle a entendu 120 personnes.
01:39Je pense que ce qu'il faut retenir en premier lieu,
01:40c'est qu'elle a révélé un système Corentin,
01:42c'est à dire une très grande entreprise.
01:45Nestlé, c'est 100 milliards, près de 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires chaque année.
01:50Nestlé, c'est 2000 marques différentes,
01:52ce qui signifie que tous les matins, dans une journée,
01:55chacun d'entre nous va manger ou boire un produit Nestlé
01:59sans toujours le savoir, mais de manière quasiment incontournable.
02:03Typiquement, moi juste, je bois de la Vichy Célestin.
02:05Je ne savais pas que c'était Nestlé.
02:06Il se trouve que c'est elle, je crois.
02:07Mais si tu choisis de prendre de la San Pellegrino, c'est aussi Nestlé.
02:12Et si tu choisis d'une eau plate plutôt qu'une eau gazeuse comme Vitel, c'est aussi Nestlé.
02:16Donc, et quant aux amateurs de café qui vont acheter des petites canettes de Starbucks
02:22dans les supermarchés, ces petites canettes de Starbucks,
02:24c'est aussi Nestlé qui a passé un accord avec Starbucks.
02:26Donc, omniprésent dans nos assiettes comme dans nos réfrigérateurs.
02:30Et pour répondre à ta question, ce qu'on met en lumière finalement,
02:34c'est qu'il y a une sorte de système Nestlé.
02:36Le système Nestlé, c'est une entreprise qui est très attachée à verser du dividende à ses actionnaires,
02:40qui le dit d'ailleurs dans ses réunions annuelles d'actionnaires.
02:43Elle dit chaque année, le dividende que nous versons n'a jamais baissé.
02:47C'est une entreprise, on va donner un exemple,
02:49qui consacre en deux ans 20 milliards d'euros.
02:5220 milliards d'euros, c'est beaucoup d'argent.
02:5420 milliards d'euros, parfois on a du mal à se le représenter,
02:56c'est l'équivalent de 20 hôpitaux universitaires, c'est-à-dire les plus gros d'entre eux.
03:00Eh bien, avec ces 20 milliards, Nestlé n'a pas fait de la recherche.
03:03Elle a uniquement racheté ses propres actions pour faire grimper son cours de bourse.
03:08Voilà donc le système Nestlé.
03:09Mais le système Nestlé, sans s'ériger en procureur ni en juge,
03:12c'est une entreprise qui a parfois,
03:15et ce que je laisse apparaître à certaines affaires,
03:18peut-être, et j'emploie bien peut-être avec précaution,
03:21négliger la sécurité de ses consommateurs au profit,
03:25c'est le cas de le dire, de la rémunération de ses actionnaires.
03:27Et ce qui pose un vrai problème parce que Nestlé est une entreprise
03:32qui nourrit et qui hydrate, si j'ose dire, des millions et des millions de gens.
03:37Donc, comme c'est une entreprise qui est dans les produits de grande consommation,
03:40sa responsabilité n'en est que plus grande.
03:43Et c'est pour ça que les pouvoirs publics sont tout autant ou tout aussi vigilants.
03:46Merci beaucoup de regarder cette vidéo.
03:48J'espère qu'elle vous plaît.
03:49Si c'est le cas, abonnez-vous à la chaîne YouTube de Libération.
03:51On publie des entretiens comme ça chaque semaine.
03:53Si ça vous intéresse, sachez que c'est une émission qui est tournée en direct sur Twitch.
03:57Donc, vous pouvez nous rejoindre à cette adresse.
04:00Et d'ici là, je vous souhaite un bon visionnage.
04:02Typiquement, ça résonne puisque KLCM nous dit dans le chat qu'il a une cafetière Nespresso.
04:08Il est un petit peu triste de ça.
04:09Et d'ailleurs, cette cafetière et les capsules qu'il met à l'intérieur
04:15sont l'une des filiales les plus rentables de Nestlé,
04:18parce que c'est un marché un peu captif.
04:20Pendant longtemps, on ne pouvait acheter que des capsules Nespresso.
04:22Maintenant, le marché, c'est un petit peu ouvert,
04:25mais il suffit simplement de se rappeler combien de grammes contient une capsule
04:30et de ramener ça au prix du kilo de café
04:32pour avoir organisé des profits engrangés par Nestlé dans cette opération.
04:37Le cœur de cette commission d'enquête,
04:39ça reposait sur les traitements illégaux de bouteilles d'eau,
04:44procédés de traitement illégaux des eaux minérales.
04:46Est-ce que tu peux nous expliquer concrètement
04:48qu'est-ce qu'on reproche à Nestlé dans cette commission d'enquête ?
04:52Alors effectivement, c'est une précision d'emblée qui est importante.
04:55Aujourd'hui, quand on choisit de boire de l'eau en bouteille
04:57et non pas de l'eau minérale et non pas de l'eau du robinet,
05:00d'abord, l'écart de prix est de 1 à 100.
05:04C'est-à-dire que si on boit de l'eau minérale toute l'année,
05:08suivant le type d'eau que l'on va choisir,
05:10ça va nous coûter entre 150 et 300 euros par an.
05:14Si on a choisi de boire de l'eau du robinet toute l'année,
05:18ça nous coûte de 1 à 4 euros par an.
05:21Déjà, c'est une précision importante, me semble-t-il.
05:23Ensuite, dans l'eau en bouteille, il existe deux sortes d'eau.
05:26L'eau minérale naturelle qui répond à un cahier des charges très précis,
05:29c'est-à-dire qu'elle doit provenir d'une nappe phréatique protégée.
05:33Et surtout, c'est une eau qui n'est pas traitée.
05:35C'est-à-dire qu'on la prend de la source
05:37et on la met directement dans la bouteille,
05:39ce qui signifie que la source doit être stable
05:42et que celui qui vend l'eau en bouteille ne doit absolument pas la traiter.
05:45Tout au plus, peut-il y ajouter du gaz carbonique
05:48quand il s'agit de faire de l'eau pétillante ?
05:50Seul traitement autorisé.
05:51L'eau de source, en revanche,
05:53est une eau qui a pu être filtrée, nettoyée,
05:56de façon à répondre au cahier des charges bactériologiques,
05:59qui est le même pour toutes les eaux,
06:00il ne faut pas qu'une eau puisse nous contaminer de quelque sorte que ce soit,
06:03mais c'est une eau pour laquelle on autorise les traitements.
06:06Du coup, quand on regarde la gamme des prix,
06:08l'eau minérale naturelle coûte en général un peu plus cher
06:12que l'eau de source qui, elle, a pu subir un traitement.
06:15Dans ces enjeux autour de traitement,
06:18est-ce que ça veut dire que les eaux minérales
06:20n'étaient pas de bonne qualité et présentaient un risque pour la santé ?
06:24Alors, il faut être très clair à cet égard, Corentin,
06:26il n'y a pas de risque pour la santé.
06:28C'est-à-dire qu'on ne risque pas, pour parler clair,
06:30de tomber malade en buvant une eau minérale
06:34qui a subi ce type de traitement.
06:35Quand, à un moment donné, sur une des sources de Nestlé,
06:38en l'occurrence Perrier,
06:40il y a eu un taux de bactéries trop important,
06:43à ce moment-là, Nestlé a été contraint de ne plus commercialiser.
06:46Il y a à peu près 3 millions de bouteilles qui ont été mises au rebut
06:49parce que, justement, l'eau qui arrivait dans la bouteille
06:52n'était pas propre aux critères de consommation.
06:54Et Asti, je crois qu'il y a une anecdote dont on enquête
06:58de quelqu'un, je crois, de la commission sénatoriale
07:00qui est allé voir Nestlé pour demander à goûter
07:03et les employés de Nestlé se sont un petit peu regardés en mode
07:06« Est-ce qu'on va laisser goûter cette eau minérale ou pas ? »
07:09Et au final, ils l'ont laissé goûter.
07:10Au final, ils l'ont effectivement laissé goûter,
07:14mais ça a laissé un petit peu pantois, on va dire, le parlementaire.
07:18Il y a une autre anecdote aussi, alors qu'on n'a pas raconté celle-là,
07:21on ne devait pas avoir la place,
07:22mais c'est que le jour où les inspecteurs
07:25de la Direction Générale de la Concurrence et de la Représentation des Fraudes
07:27débarquent de manière inopinée,
07:28donc sans prévenir, comme ils en ont le droit,
07:31sur un des slits de Nestlé Waters,
07:34donc de l'eau Nestlé,
07:36d'habitude, ils arrivent, ils présentent leur carte professionnelle,
07:38ils rentrent et puis ils visitent tout ce qu'ils ont envie de voir.
07:40Là, on les a fait poireauter pendant une heure et demie
07:42avant de les laisser accéder au site.
07:44Et donc, ils se sont interrogés en disant
07:46« Mais est-ce qu'on n'a pas essayé de cacher certains trucs
07:48ou de détruire certains documents ? »
07:50pendant qu'on faisait poireauter pendant une heure et demie,
07:52ce qui est assez inhabituel.
07:53Oui, c'est un petit peu révélateur.
07:55Dans ce scandale du traitement des eaux minérales,
07:58moi, ce que j'aimerais comprendre,
07:59c'est est-ce que c'est juste une question d'appellation ?
08:03C'est-à-dire qu'ils ont traité de l'eau minérale
08:05alors que ça devait être naturel et qu'ils n'avaient pas le droit.
08:08Et donc, du coup, c'est une question d'appellation.
08:10Donc, ça ne marche pas ou est-ce que ça va plus loin que ça ?
08:11C'est une question...
08:13Je serais tenté de te répondre, Quentin, les deux.
08:15C'est-à-dire que c'est effectivement une question d'appellation.
08:17On est sur ce qu'on appelle en droit de la tromperie.
08:19C'est-à-dire qu'on vend quelque chose à un consommateur,
08:23mais la réalité, c'est qu'on ne lui vend pas
08:24ce qu'on lui a promis sur l'étiquette.
08:26Donc, ça, c'est un délit pénal.
08:28Pour ça, on encourt des sanctions financières
08:30puisque c'est une entreprise qu'on condamne
08:32et non pas des personnes physiques.
08:34Mais c'est un vrai délit pénal, ce n'est pas un délit civil.
08:37Alors, comme je disais tout à l'heure, on ne va empoisonner personne.
08:41Sauf qu'il y a une question qui demeure en suspens,
08:44que soulève une sénatrice, Antoinette Gull,
08:46c'est que tous ces traitements de l'eau
08:49étaient destinés à éliminer les bactéries.
08:52Sauf que dans une eau, on peut trouver deux choses,
08:55des bactéries, mais des virus aussi.
08:58Et tous les traitements qui ont été pratiqués sur une eau
09:00qui n'était pas tout à fait clean, alors qu'elle aurait dû l'être,
09:02permettaient certes d'éviter et d'éliminer,
09:06soyons précis, toutes les bactéries,
09:08mais pas d'éliminer les virus.
09:10Donc, que se passe-t-il si quand on traite une eau
09:13pour éliminer toutes les bactéries,
09:15un petit virus réussit à se faufiler
09:17et se retrouve dans la bouteille ?
09:19Et ça, on n'a aucun moyen de savoir si c'est arrivé ?
09:21Alors, on n'a absolument aucun moyen de savoir
09:23si c'est effectivement arrivé.
09:24Il n'y a pas de possibilité de traçabilité
09:27ou d'enquête suffisant.
09:29Mais la sécurité alimentaire,
09:31c'est aussi le principe de précaution
09:33et la gestion du risque.
09:34Et là, nous avions vraisemblablement
09:36un risque qui demeurait.
09:38Pour ton enquête, tu as notamment interviewé
09:41le rapporteur de cette commission d'enquête sénatoriale
09:44dont je vous parlais au début.
09:45C'est Alexandre Ouizi, qui est un sénateur Parti socialiste.
09:51Tu l'as interviewé.
09:52Qu'est-ce qu'il t'a raconté sur cette commission d'enquête ?
09:54Comment elle s'est déroulée ?
09:55Et aussi, l'attitude des représentants de Nestlé
09:58lors de cette commission ?
10:00La première chose très drôle qu'il nous a raconté,
10:01finalement, très drôle, surprenante,
10:04c'est qu'il ne s'est pas passé une semaine
10:06sans que la commission d'enquête reçoive une lettre d'avocat
10:09disant que cette commission n'avait pas lieu d'être
10:11et qu'elle était illégitime.
10:13C'est quand même révélateur
10:15du niveau de désagrément, voire de dérangement
10:20que génère cette commission d'enquête
10:23à l'égard de Nestlé.
10:24Donc ça, c'est la première chose.
10:28La deuxième chose, quand même,
10:29c'est que je crois qu'il n'en revient pas encore
10:32de la manière dont les dirigeants de Nestlé
10:34se sont comportés durant les auditions.
10:36C'est-à-dire que trois dirigeants de Nestlé
10:38ont été convoqués,
10:39puisqu'une commission d'enquête sénatoriale,
10:41parlementaire, donc, peut convoquer.
10:43Et celui ou celle qui est convoqué est tenu de répondre.
10:46On en reparlera après par lexiculaire, d'ailleurs.
10:49Et donc, première bizarrerie qu'il a marquée,
10:51c'est qu'alors que les 117 autres personnes
10:54qui ont été convoquées sont venues seules,
10:57les trois représentants,
10:59enfin deux des trois représentants de Nestlé
11:00sont arrivés accompagnés d'un avocat.
11:02Et ça, c'est étonnant pour une commission d'enquête sénatoriale ?
11:04C'est-à-dire que quand on arrive, c'est assez rare.
11:07Et quand on arrive accompagné d'un avocat,
11:10dont on verra le rôle par la suite,
11:12ça veut dire qu'on ne se sent pas très à l'aise dans ces baskets
11:14et peut-être qu'on a quelque chose à se reprocher.
11:16Ensuite, histoire de bien marquer leur territoire,
11:20les représentants de chez Nestlé sont arrivés
11:23en mettant ostensiblement sur la table
11:25pendant qu'ils étaient interrogés,
11:26une bouteille de leur propre minéral contesté
11:30qu'ils ont bu pendant l'audition
11:31pour bien montrer qu'on pouvait la boire.
11:34En plus d'être interrogés sur une enquête qui est hyper sérieuse,
11:36ils ont fait leur pub, les gars.
11:37Ils ont fait leur pub, leur com,
11:39mais le plus préoccupant quand même,
11:42c'est qu'à plusieurs reprises,
11:43et ça a failli tourner vinaigre pendant l'audition,
11:47le président ou le rapporteur posent des questions,
11:49notamment sur depuis combien de temps
11:52ces traitements illégaux étaient pratiqués,
11:54qui sont les personnes responsables de ces contrôles
11:57qui auraient dû normalement dire que ces traitements étaient illégaux.
11:59À ce moment-là, les deux dirigeantes de Nestlé,
12:02tour à tour, disent,
12:03Monsieur le président ou Monsieur le rapporteur,
12:06je ne vous répondrai pas,
12:07il y a une procédure judiciaire qui est en cours,
12:10je n'ai donc pas à vous répondre.
12:11Ce à quoi les parlementaires répondent,
12:12mais au titre de la séparation des pouvoirs,
12:14nous l'avons vérifié de manière légale,
12:16et d'ailleurs il y a des précédents
12:17dans d'autres commissions d'enquête parlementaires,
12:18rien ne s'oppose à ce que vous répondiez.
12:22Et malgré tout,
12:23les dirigeantes de Nestlé vont persister,
12:25à tel point d'ailleurs que
12:27un des dirigeants,
12:29qui était d'ailleurs à un échelon
12:31un peu plus bas,
12:32qui est un directeur industriel simplement,
12:34lui s'est vu poursuivi
12:37devant le tribunal,
12:38devant le parquet de Paris,
12:39pour parjure,
12:40c'est-à-dire qu'on considère qu'il n'a pas dit la vérité,
12:42et l'une des deux dirigeantes de Nestlé
12:44est également poursuivie pour parjure
12:47par une des sénatrices
12:48qui a participé à la commission d'enquête,
12:50Antoinette Gull,
12:51à titre personnel.
12:52C'est donc dire, en résumé,
12:53que le ressentiment
12:55de la commission d'enquête parlementaire
12:56à l'égard de cette attitude
12:58qui consiste à dire
12:59« eh bien je ne vous répondrai pas »,
13:01a été considéré
13:02comme particulièrement choquant.
13:03Comme je le disais au début,
13:04ça fait 20 ans qu'il y a des affaires
13:06autour de ce géant de l'agroalimentaire.
13:10Est-ce que tu peux nous en parler ?
13:11C'est quoi les grosses affaires
13:12que Nestlé a subies
13:14ou Nestlé a pris part
13:17dans ces 20 dernières années ?
13:18Effectivement, ce n'est pas la première,
13:19Corentin.
13:21Celle dont le plus grand nombre
13:23ont sans doute le souvenir
13:24est celle dite des pizzas buttonies.
13:26Et effectivement, à l'époque,
13:27buttonies, on ne sait pas
13:28que ça appartient à Nestlé.
13:30Et on reviendra là-dessus.
13:31Pourquoi Nestlé a 2000 marques ?
13:33Ça permet, quand il y a un problème
13:34sur une marque où il enseigne,
13:36de ne pas faire la relation directe
13:38avec Nestlé.
13:39Donc, buttonies dont on apprend
13:41à ce moment-là que ça appartient à Nestlé
13:43commercialisent des pizzas surgelées.
13:45Des pizzas qui ensuite doivent être cuites
13:47une fois qu'elles ont été sorties
13:48de leur emballage.
13:51Un jour de 2021,
13:54plusieurs personnes, une cinquantaine,
13:56tombent malades après avoir absorbé
13:57ces pizzas.
13:58Certaines vont à l'hôpital.
14:00Et le drame est que deux enfants
14:01décèdent.
14:03Deux enfants décèdent parce qu'il y a
14:05une bactérie assez violente,
14:07E. coli,
14:09pour donner son nom moins savant,
14:11qui est présente visiblement dans la pâte.
14:14Et sur des enfants,
14:15ça produit des dégâts beaucoup plus
14:16importants puisque les enfants ont
14:18un système immunitaire qui est moins
14:19fort.
14:20Donc, malheureusement, deux enfants
14:22n'ont pas résisté et sont décédés
14:24des suites de l'ingestion d'une
14:26de ces pizzas.
14:26Une enquête est en cours
14:28pour homicide involontaire.
14:31Nestlé et sa filiale buttonie ont
14:33été mis en examen pour homicide
14:36involontaire.
14:37Et ce qui apparaît dans cette
14:40affaire-là, c'est que ce sont les
14:41farines utilisées
14:43pour fabriquer ces pizzas qui
14:45contenaient la bactérie.
14:46Et en fait, la bactérie n'a pas été
14:47éliminée parce que les pizzas ont
14:49été insuffisamment cuites au four.
14:51Problème, à aucun moment,
14:54buttonie n'a fait figurer sur ses
14:55emballages un sticker qui aurait été
14:57bien utile en disant attention,
15:00il est important de cuire
15:01à minima tant de temps la pizza
15:03et à telle température.
15:06Si ce sticker avait été imposé,
15:08ça aurait peut-être permis d'éviter
15:09ces drames.
15:10Mais autre élément encore plus
15:11troublant, Corentin, on se rend
15:13compte que dix ans plus tôt,
15:15Nestlé, qui commercialise à travers
15:17une de ses autres filiales une
15:19pâte à cookies, puisque les Américains
15:20mangent beaucoup de cookies, aux
15:22États-Unis, est confronté au même
15:23problème.
15:24La même bactérie se développe dans
15:25la pâte qui est une pâte qui est
15:26vendue crue.
15:28Nestlé, aux États-Unis, en tire
15:29l'enseignement et décide
15:32d'avoir un mécanisme de sécurité
15:34qui consiste à chauffer
15:36à très haute température la farine
15:37qui va être utilisée pour la pâte à
15:39cookies.
15:39Le fait de chauffer cette farine
15:41permet d'éliminer toutes les
15:43bactéries.
15:44On aurait pu imaginer que dix ans
15:45plus tard, Nestlé,
15:47en France, fasse la même chose pour
15:49ses pizzas.
15:50Et d'ailleurs, on pose la question
15:51à Libération, à Nestlé,
15:53à qui on a adressé pour cette
15:54enquête une vingtaine de questions
15:56écrites.
15:57Et donc, on leur demande mais
15:58pourquoi n'avez-vous pas appliqué le
15:59même mécanisme de thermisation,
16:01de chauffage des farines en France ?
16:04Et Nestlé nous fait cette réponse
16:05qui nous laisse pantois en disant
16:07ben ça n'était
16:09pas adapté aux pizzas et
16:11ça aurait pu altérer la pâte et le
16:12goût de la pâte.
16:14Et donc, notre conclusion est que
16:15malheureusement, entre la sécurité
16:16alimentaire et les qualités
16:18gustatives, Nestlé a opéré
16:20un choix et vous comprenez lequel ?
16:21Celui des qualités gustatives,
16:23donc du côté commercial et non pas
16:25celui de la sécurité alimentaire.
16:27Ce qui est quand même hallucinant de
16:28se dire qu'une entreprise aussi
16:29importante est capable de faire un
16:31choix aussi dangereux.
16:32Il y a d'autres exemples.
16:33Et ce n'est malheureusement pas la
16:34seule affaire.
16:36On a une affaire de biscuits pour
16:37nourrissons où la pâte
16:40des biscuits n'est pas assez friable
16:42pour les nourrissons qui ne peuvent
16:43pas mâcher, qui ont tendance
16:44plutôt à susauter les biscuits.
16:47Et donc, comme la pâte n'est pas
16:48assez friable, ça provoque des
16:50étouffements de nourrissons.
16:51On a une autre affaire avec des
16:52saucisses.
16:53Pareil, tout le monde ne sait pas
16:55qu'Arta était, n'est plus, mais
16:57était à l'époque des fées, une
16:58marque de Nestlé.
17:00Et il y a une catégorie de saucisses
17:01dont le bout est arrondi, qu'on
17:02appelle les knackis,
17:04et que des enfants ont mangé.
17:06Sauf que ces
17:08saucisses avec un bout très rond
17:10n'ont pas été suffisamment mâchées
17:11par les enfants, qui se sont
17:12étouffées pour certains d'entre
17:13avec.
17:15Là aussi, on a eu des drames et
17:16qui auraient peut-être pu être
17:18évitées si
17:20l'emballage de ces knackis de
17:22Arta avait comporté une mention
17:24ne pas laisser
17:26manger par des enfants de moins de
17:27trois ans, comme ça arrive pour les
17:28jouets, par exemple.
17:30Tu soulèves dans ton explication
17:32un point qui est important, Arta,
17:33qui n'est plus une filiale
17:35de Nestlé.
17:37Moi, j'aimerais comprendre, parce
17:38que tu nous as expliqué que
17:40Nestlé a plein de filiales partout
17:42et au rythme des scandales, il s'en
17:43sépare, il change, etc.
17:46Déjà, est-ce que tu peux nous
17:46clarifier ce procédé de Nestlé
17:48face à ces scandales ?
17:49Ensuite, j'aurais une autre question
17:50pour toi.
17:51Effectivement, ce qu'on a constaté
17:52au cours de cette enquête, c'est
17:53que
17:55plusieurs entreprises qui ont été
17:57impliquées dans des scandales ont
17:59ensuite été soit vendues,
18:00soit, pour faire plus discret,
18:03Nestlé fait rentrer un autre
18:04actionnaire dans ses filiales qui,
18:05petit à petit, devient majoritaire.
18:07Arta, dont on vient de parler,
18:09a effectivement été vendue.
18:11Buitoni, toute l'activité de pizza
18:13de Nestlé en Europe
18:15a été vendue.
18:16L'argument sur Arta est remarquable,
18:18c'est que quand Arta est vendue,
18:20la justification donnée par
18:22Nestlé est qu'à l'heure
18:24où le véganisme arrive
18:26en déferlante, la charcuterie n'est
18:28plus au goût du jour.
18:29Voilà l'explication qui est donnée
18:30pour la vente d'Arta.
18:31Donc, Buitoni a été
18:34vendue et aujourd'hui,
18:36on a plusieurs informations à
18:37Libération qui nous montrent que les
18:38eaux de Nestlé sont,
18:40comme on dit, sur le marché, c'est-à-dire
18:41qu'elles sont en vente et que plusieurs
18:43fonds d'investissement s'intéressent
18:45de manière très sérieuse au rachat
18:47des eaux de Nestlé.
18:48Perrier est en vente ?
18:49Perrier, mais aussi Vittel et
18:51toutes les eaux de Nestlé.
18:53Mais moi, le contre-argument que je
18:55vois, c'est est-ce que vendre ses
18:57filiales, ce n'est pas aussi un petit
18:58peu un moyen de résoudre le problème
19:00en se disant, OK, ces filiales,
19:02elles ne fonctionnent pas, Nestlé,
19:03on va résoudre le problème en s'en
19:04séparant et en n'ayant vraiment que
19:06des filiales où on est sûr que ça
19:07fonctionne.
19:08Mais quid de la responsabilité,
19:09Corentin ? Donc, on garde ces
19:11filiales tant qu'elles rapportent
19:12beaucoup d'argent.
19:13Et puis, une fois qu'elles ont fait
19:14l'objet d'un scandale et qu'on
19:16peut penser que le scandale va
19:17rejaillir sur tout le groupe,
19:19eh bien, on s'en sépare et on dit,
19:20attendez, maintenant, ce n'est plus
19:21nous, c'est, vous voyez, avec les
19:22nouveaux propriétaires.
19:25Pour comprendre l'intérieur
19:27de Nestlé,
19:29tu as notamment interrogé une
19:31ancienne responsable de la sécurité
19:33alimentaire chez Nestlé, c'est
19:34Yasmine Motarjemi.
19:36J'espère que je prononce bien son
19:37nom.
19:38Qu'est-ce qu'elle t'a raconté ?
19:39Alors, ce qui est intéressant avec
19:41ce témoin, c'est que d'abord,
19:42avant d'être embauchée par
19:45Nestlé, elle a travaillé pendant de
19:46longues années à un très haut poste
19:48à la FAO, c'est-à-dire l'Organisation
19:49des Nations Unies chargée de la
19:51nourriture et de l'alimentation.
19:52Donc, c'est quelqu'un pour qui le
19:53monde du food, comme on dit,
19:55n'est pas inconnu, loin s'en faut.
19:56Elle a fait toute sa carrière.
19:58Et quand elle accepte de rentrer
19:59chez Nestlé, c'est pour
20:01finalement mettre en œuvre
20:03tout ce qu'elle a pu faire dans une
20:04organisation internationale à
20:06l'échelle d'une entreprise.
20:07Et elle va se rendre compte assez
20:08rapidement qu'on n'écoute pas
20:10ses recommandations, que de temps
20:11en temps, on ne la tient pas au
20:12courant de ce qui se passe,
20:14notamment quand il y a des scandales
20:15alimentaires.
20:16Donc, comme elle a des
20:18principes assez fermement ancrés
20:19en elle, elle fait
20:21comprendre qu'elle n'est pas d'accord.
20:23Elle tape du poing sur la table et
20:24un beau matin, elle est licenciée.
20:26D'accord, on voit le procédé.
20:27Elle est licenciée, donc
20:29on pourrait dire, et nos
20:31détracteurs pourraient dire, elle est
20:32licenciée parce qu'elle ne fait pas
20:33l'affaire comme ça arrive
20:35dans des milliers d'entreprises
20:36tous les jours.
20:37Sauf qu'une fois qu'elle est licenciée,
20:38elle fait un contentieux et qu'un
20:40tribunal suisse a reconnu
20:43qu'elle avait été licenciée
20:45dans des conditions qui lui portaient
20:46préjudice et a demandé à Nestlé
20:48de lui verser 2 millions d'euros de
20:49France Suisse, ce qui fait à peu près
20:502 millions d'euros de...
20:522 millions de France Suisse, ce qui
20:53fait, pardon, 2 millions de nos
20:55euros à titre d'indemnité, ce qui
20:56n'est pas une somme négligeable.
20:58Et justement, est-ce qu'elle t'a
21:00raconté des insights de comment
21:02Nestlé procède par rapport
21:04à sa sécurité alimentaire ?
21:06Elle nous raconte notamment une
21:07discussion en réunion de
21:09direction de Nestlé qui est assez
21:10surréaliste, dans laquelle l'une
21:12des propositions, l'une des idées
21:13auxquelles on pense est d'indexer
21:15le bonus des cadres dirigeants
21:18sur ce qu'on appelle
21:20le rappel des produits.
21:21C'est-à-dire, en fait, que plus
21:22il y aura de rappel de produits,
21:24moins le bonus des cadres dirigeants
21:26sera important.
21:27Donc, on ne sait pas
21:30si c'est passé à exécution, mais en
21:31tout cas, elle nous transmet
21:33à un moment donné, les minutes de
21:35cette réunion dans laquelle, dans
21:37la discussion, il y a cette idée
21:38d'indexer le bonus
21:40de fin d'année sur le nombre de
21:41produits qui seraient rappelés pour
21:43problème de sécurité alimentaire.
21:45Donc, on soigne plutôt ses
21:46actionnaires plutôt que les
21:48consommateurs ?
21:48Ses actionnaires, ses cadres
21:49dirigeants, les consommateurs.
21:51Oui, mais ça veut dire que Nestlé
21:52s'en fout de ses consommateurs ?
21:54Ça veut dire en tout cas, et
21:55alors on va essayer d'être un peu
21:56optimiste, c'est que
21:59jusqu'à présent, ce n'était peut-être
22:00pas la première priorité et que
22:02peut-être l'enchaînement des
22:03scandales va générer
22:05une prise de conscience.
22:06D'ailleurs, un nouveau directeur
22:07général qui est français, qui a fait
22:09toute sa carrière chez Nestlé,
22:10Laurent Fraix, a été nommé il y a
22:12quelques mois et il semblerait
22:14quand même que sa mission
22:16soit de changer significativement
22:18les pratiques.
22:18Il a commencé par dire qu'il faisait
22:20une grande enquête interne pour
22:21savoir ce qui s'était passé sur
22:22l'eau. Et donc,
22:24on peut peut-être se dire qu'à un
22:25moment donné, Nestlé comprend qu'à
22:27continuer dans cette voie-là,
22:28le dividende qui va être versé aux
22:30actionnaires va être un peu
22:32amoché par les temps qui courent si
22:33ça continue.
22:34Mais non, ça fait 20 ans.
22:35Ça fait 20 ans, mais encore une fois,
22:37je pense que là, l'enthousiasme
22:39est secoué. Alors, on ne peut pas
22:41prédire l'avenir, mais
22:43si jamais elle ne tient pas
22:45ou elle ne tire pas enseignement
22:47de ce qui s'est passé ces derniers
22:48mois,
22:51c'est à être encore plus inquiet
22:53sur le fonctionnement de cette
22:55entreprise.
22:55Est-ce que ce que Nestlé fait,
22:57ce sur quoi tu as enquêté,
22:59il n'y a qu'eux qui le font ou est-ce
23:01qu'il y a d'autres entreprises qui
23:03font quelque chose de similaire ?
23:04Non, on a malheureusement un autre
23:06exemple, Lactalis, par exemple, qui
23:07est une histoire qui a peut-être
23:08marqué ceux qui sont
23:10avec nous ce soir, où le lait pour
23:12nourrisson, là aussi, quand même,
23:13c'est un vrai sujet, le lait pour
23:15nourrisson avait été infecté par une
23:16bactérie et on s'est rendu compte
23:18que les
23:20ce qu'on appelle les tours de
23:21stérilisation
23:24dans lesquels on fait chauffer le
23:25lait pour bébé avant
23:27qu'il soit, au moment où il est mis
23:28en poudre à très haute température,
23:30justement pour éviter
23:32tout risque de bactéries, ces
23:34tours-là de stérilisation avaient
23:35été insuffisamment nettoyés et que
23:37le fait de les nettoyer plus
23:38profondément signifiait les
23:40mettre à l'arrêt plus longtemps.
23:41Donc on retombe malheureusement sur
23:43le même problème, si on arrête
23:45la production, on perd des sous.
23:46Et donc Lactalis est poursuivi en
23:48justice pour cette affaire,
23:50encore une fois, parce que c'est
23:52terrible, c'est comme pour les pizzas,
23:53c'est-à-dire qu'on a des enfants qui
23:54sont touchés, c'est-à-dire que les
23:55parents qui vont acheter le produit
23:58et le donnent ensuite à leurs enfants,
23:59que ce soit du lait ou des pizzas,
24:01ont le sentiment de contribuer
24:03à l'empoisonnement de leurs enfants.
24:04Donc c'est
24:06une double peine dans ces cas-là.
24:08C'est pour ça qu'en France,
24:10mais dans la plupart des pays,
24:12la notion de sécurité alimentaire,
24:14les contrôles qui doivent être
24:15effectués, sont en principe draconiens
24:18pour essayer de réduire le risque à zéro.
24:21Je voudrais reparler un petit peu de
24:22cette commission d'enquête.
24:23Ça fait de quoi les conséquences
24:24maintenant ? Je veux dire, le rapport
24:26a été rendu, c'est quoi la suite ?
24:27Est-ce que Nestlé va souffrir de
24:29conséquences de cette commission d'enquête ?
24:31Pas particulièrement.
24:32À l'issue de cette
24:34commission d'enquête, il y a une série
24:36de recommandations
24:39qui sont formulées, mais ça ne sont
24:41que des recommandations d'une
24:42assemblée parlementaire.
24:43Rien ne dit qu'elles vont être
24:45sujet des faits.
24:46Ça veut dire d'abord qu'il faudra voter
24:47des lois, ce qui, dans le cadre actuel
24:49des deux assemblées, n'est pas
24:51une chose facile.
24:53Ensuite, il y a eu certes
24:55transmission de deux sujets à la
24:57justice, mais qui ne sont pas majeurs.
24:59En revanche, ce qu'il ne faut pas
25:01oublier, c'est qu'aussi bien dans
25:03Buttony que dans l'affaire des eaux
25:04minérales, il y a des procédures
25:05judiciaires qui sont en cours,
25:08notamment la suite de plaintes
25:09d'associations comme Foodwatch, qui
25:11luttent pour une meilleure sécurité
25:12élémentaire, et que donc, au moment
25:14où nous parlons, des magistrats
25:16sont saisis de plaintes contre
25:18Nestlé, des magistrats ont ordonné
25:20des enquêtes, c'est-à-dire qu'il va
25:21y avoir des perquisitions, il va y
25:22avoir des auditions, des dirigeants
25:24vont devoir s'exprimer.
25:26Et là, on peut espérer que
25:29c'est un ensemble, la commission
25:30d'enquête, que nous n'avons pas
25:31manqué de lire les juges, les
25:32plaintes qui ont été posées.
25:35C'est un petit peu une sorte d'étau
25:36quand même qui se resserre autour
25:37de Nestlé et on pourra, à l'issue,
25:40avoir des sanctions.
25:41Mais ça nous amène, Corentin, si
25:42vous me permettez, à un autre sujet.
25:45C'est que dans la stratégie de
25:46Nestlé, pour faire face à cela...
25:48Juste avant de partir là-dessus,
25:50parce qu'effectivement, c'est un
25:50point qu'il faut absolument qu'on
25:51évoque, je voudrais juste...
25:53Il y a une réaction de KLCM autour
25:55du fait de trouver des
25:58lois, des normes qui permettent
26:00de mieux protéger la sécurité
26:01alimentaire.
26:02Il te demande ton avis.
26:02Est-ce que tu ne penses pas que
26:03pour la sécurité alimentaire,
26:05justement, on pourrait quand même
26:06trouver une majorité pour avancer ?
26:07Qu'est-ce que tu en penses, toi,
26:08en tant qu'économiste ?
26:11J'en pense, malheureusement, pour
26:12répondre à cette question qui est
26:13tout à fait pertinente, que par
26:15exemple, sur un autre sujet, que
26:16sont les nitrites dans la
26:17charcuterie. Les nitrites, c'est
26:19une substance qu'on met pour
26:20conserver plus longtemps la
26:21charcuterie et pour les colorer.
26:23On sait que les nitrites sont
26:24néfastes à la santé.
26:25Arriver à trouver une majorité
26:27parlementaire pour voter un texte
26:30interdisant l'utilisation
26:32des nitrites dans la charcuterie
26:33avec un délai, c'est-à-dire pas
26:34tout de suite pour laisser le temps
26:35aux industriels s'adapter,
26:37ça a pris dix ans.
26:38Il y a un sénateur qui s'est battu
26:39pendant dix ans pour ça.
26:40Donc, peut-être va-t-on y arriver.
26:42Mais n'oublions pas deux choses.
26:45Un, il faut trouver une majorité.
26:46Et deux, face à ça, on a un lobbying
26:49de l'entreprise Nestlé qui va faire
26:51du chantage à l'emploi.
26:52D'ailleurs...
26:53Il s'exprime comment ce lobbying de
26:55Nestlé ?
26:56Quand sur la source Perrier,
26:58les pouvoirs publics ont commencé
26:59à dire « Ah, mais attention !
27:01Ah, mais peut-être qu'il ne va
27:03plus être possible de commercialiser
27:06Perrier. »
27:07Eh bien, Perrier a rappelé
27:09qu'il y avait près de 1000 d'emplois
27:11directs et 500 d'emplois indirects
27:13sur la zone de Vergès.
27:14Et pour le maire de la commune
27:15de Vergès où est exploité la source,
27:17difficile de ne pas prendre
27:18faite écose pour Perrier.
27:21Donc, le lobbying s'effectue comme ça.
27:22Pour continuer sur notre sujet,
27:24il y a un truc, je trouve, aberrant.
27:2720 ans de scandale.
27:2820 ans de scandale.
27:29Comment ça se fait que Nestlé
27:31s'en soit plus ou moins toujours sorti ?
27:33D'abord, parce que comme on le disait,
27:35parfois, il se débarrasse des filiales
27:37qui posent problème.
27:39Ensuite, il fait du lobbying,
27:39c'est-à-dire qu'il va expliquer
27:40aux parlementaires,
27:42il va expliquer à l'État.
27:43Je veux dire, l'un des sujets,
27:44c'est que Nestlé a ses entrées
27:46à l'Élysée pendant la période
27:47où on parle, donc,
27:48au plus haut sommet de l'État.
27:49Et on reviendra là-dessus,
27:50d'ailleurs, tout à l'heure.
27:51Et puis, l'autre solution,
27:52c'est de négocier.
27:53Ce qu'on appelle la justice de négociation.
27:56Et sur les eaux,
27:57le sujet qui nous intéresse ce soir,
27:58on le voit,
27:59on produit de l'eau minérale
28:02chez Nestlé dans le Sud,
28:04dans le Gard, pour être précis,
28:05ça s'est périllé.
28:06Et puis dans l'Est de la France,
28:07dans les Vosges.
28:08Et le problème de la qualité
28:10des eaux de Nestlé,
28:11c'est posé dans les Vosges.
28:13Il y a une plainte qui a été déposée.
28:14Il y a un procureur
28:15qui a ouvert une enquête.
28:16Et puis, comme le permet la loi,
28:19Nestlé est allé voir la justice
28:20en disant écoutez,
28:21un procès, ça va prendre longtemps,
28:23ça va être long.
28:25On vous propose de négocier.
28:26On paie une amende et il n'y a pas de procès.
28:27Ce qu'on appelle une convention judiciaire.
28:29Le plaidé coupable,
28:30comme on dit aux Etats-Unis.
28:32Et donc,
28:33le procureur a dit OK, banco.
28:35À notre grande surprise d'ailleurs,
28:36on l'a interrogé,
28:37mais il n'a pas voulu nous répondre.
28:40Et ce qui nous a au moins autant troublé,
28:41c'est qu'il ait dit banco
28:43à une négociation financière
28:44pour éviter un procès,
28:47que la somme dont s'est acquitté Nestlé.
28:50En tout et pour tout,
28:52pour ces poursuites qu'il y avait
28:54dans les Vosges contre Nestlé,
28:56l'entreprise a payé 2 millions d'euros.
28:582 millions d'euros.
28:59Dans cette région,
29:01le seul chiffre d'affaires,
29:03uniquement dans cette région-là,
29:04fait par les zones Nestlé,
29:05c'est de l'ordre de 200 millions d'euros par an.
29:09Donc vous vous rendez compte ?
29:10Nestlé a payé 2% du chiffre d'affaires
29:13régional annuel
29:14pour mettre fin à toutes les poursuites.
29:16C'est un cadeau.
29:17Et c'est encore plus surprenant à nos yeux
29:19quand on enquête, qu'on se penche sur les textes
29:22qui permettent la signature de ce type de deal,
29:25comme on dit.
29:27On peut aller jusqu'à 30% du chiffre d'affaires
29:30de l'entreprise qui a fauté.
29:31Tu veux dire genre juridiquement,
29:33on peut imposer une alliance ?
29:34Une somme beaucoup plus élevée.
29:35Et donc notre question était double
29:37au procureur qui ne nous a pas répondu.
29:39Pourquoi avez-vous signé cet accord
29:41plutôt que d'aller au procès ?
29:43Et pourquoi avez-vous accepté un accord
29:45sur une base aussi modeste ?
29:482 millions d'euros.
29:50Je rappelle que Nestlé fait 97,5 milliards
29:53de chiffres d'affaires chaque année.
29:54C'est absolument ridicule.
29:55Mais surtout quand on compare,
29:57je crois que dans ton article,
29:58tu parles aussi de lois,
30:00typiquement de la Finlande, je crois,
30:02où tu peux imposer des amendes
30:03beaucoup plus élevées.
30:05Il y a des pays dans le Nord,
30:06puisque bien souvent sur ces questions
30:08environnementales, les pays d'Europe du Nord
30:09sont beaucoup plus en avance.
30:11Donc dans les pays scandinaves,
30:13effectivement, le montant de l'amende
30:14pratiqué peut être beaucoup plus dissuasif.
30:17On pourrait prendre un exemple.
30:18On pourrait prendre un exemple,
30:19parce que 2 millions d'euros
30:20pour une entreprise de cette taille-là,
30:21ça n'a aucun caractère dissuasif.
30:24Ce n'est pas la seule aberration,
30:26si je puis dire, dans ce type d'affaires.
30:29Dans la commission d'enquête sénatoriale,
30:32il révèle aussi que Nestlé a réussi
30:34à faire modifier un rapport.
30:35Alors, c'est ce qu'on a appris au dernier moment.
30:38On a l'impression qu'ils nous l'avaient gardé
30:39pour la fin et pour la bonne bouche.
30:42Mais ça va illustrer un problème plus général
30:44qui est les rapports entre Nestlé
30:45et les autorités de l'État.
30:46Effectivement, à un moment donné,
30:48et là, on parle de Perrier,
30:50l'agence régionale de santé.
30:52Les agences régionales de santé,
30:53ce sont des agences en principe indépendantes
30:55dont le métier, dans chaque région,
30:58de faire respecter les lois
30:59en matière de santé publique.
31:00C'est-à-dire qu'une agence régionale de santé,
31:02ça peut fermer un hôpital,
31:03ça peut fermer une maison de retraite,
31:05ça peut faire des visites sans prévenir
31:07dans tout ce qui relève du soin
31:09pour vérifier que tout se passe bien.
31:11Et donc, comme on a un problème sanitaire sur Nestlé,
31:14l'agence régionale de santé d'Occitanie,
31:16donc celle dont la source Perrier
31:18dans le Gard dépend,
31:20travaille sur le sujet Nestlé
31:23et notamment sur cette notion de tromperie.
31:25Et donc, comme souvent,
31:26ces agences et la haute administration,
31:28elles produisent un rapport.
31:30Et là, il apparaît que la première façon du rapport,
31:32comme on dit trivialement, est caviardée.
31:34C'est-à-dire qu'il y a deux paragraphes qui sont enlevés
31:37à la demande de Nestlé.
31:38Juste, on sait ce qu'il y a dedans
31:39dans ces paragraphes ou pas ?
31:40On ne sait pas ce qu'il y a dedans.
31:41Mais on peut considérer
31:42qu'ils ne sont pas très agréables pour Nestlé.
31:44Mais mieux encore,
31:46Nestlé, non seulement fait enlever ces deux paragraphes,
31:49mais en fait rajouter deux autres
31:51qui lui sont plus favorables.
31:52Dire que Nestlé tient le porte-plume, quoi.
31:54Dans un rapport d'une agence de l'État.
31:58Il faut quand même bien mesurer la chose
32:00et le pouvoir d'une entreprise comme Nestlé.
32:04Et donc, la commission d'enquête sénatoriale
32:07s'en rend compte,
32:08le porte à notre connaissance.
32:10Et nous, notre question, c'est
32:11comment le directeur général de l'ARS
32:13a pu marcher dans une combine comme celle-là ?
32:17Donc, on l'appelle.
32:19Et que voulez-vous qu'il arrive à mon cher Corentin ?
32:22Nous attendons encore sa réponse.
32:24Comme par hasard.
32:25Mais comme on a décidé à Libération
32:27de ne pas lâcher l'affaire,
32:28puisqu'on ne l'a pas eu,
32:29on a essayé de se rencarner quand même
32:31sur comment ça se passait.
32:32Et on a une source, une très bonne source,
32:34un haut niveau dans l'ARS.
32:35Alors, bien sûr, comme souvent dans ce cas de figure,
32:37elle tient à garder l'anonymat.
32:38Mais je peux vous assurer que j'ai vérifié
32:39qu'elle a été bien placée.
32:40Et qui nous dit ?
32:41C'est quand même étonnant, ce dossier Nestlé,
32:43parce qu'à l'agence,
32:45tous les dossiers, on en parle généralement
32:47en réunion de cadres.
32:49Il n'y a pas de problème.
32:50Ils sont tous évoqués.
32:51On en discute de manière collégiale.
32:53Bizarrement, le dossier Nestlé
32:55et le dossier Perrier-Vergès,
32:57le directeur général en parlait uniquement
32:59tête à tête avec l'ingénieur chargé du dossier.
33:02Mais ça n'était jamais abordé
33:03dans les réunions collectives.
33:05Ce qui fait que nous ne savions pas
33:06comment il avançait ce dossier.
33:08Quand j'apprends après que certains passages
33:11ont été caviardés, je me dis que
33:13c'est peut-être une forme de logique,
33:14finalement, dans tout ça.
33:16Il y a un commentaire dans le tchat.
33:17C'est Valorjean Anarchiste qui nous dit
33:19Bonsoir, le capitalisme s'achète la justice.
33:23Est-ce que cette affaire nous montre que
33:25le capitalisme peut s'acheter la justice ?
33:29Alors, je serais tenté de répondre
33:30à notre internaute que le capitalisme
33:33peut tenter d'acheter la justice,
33:36mais que jusqu'à présent,
33:37le capitalisme n'a pas réussi
33:39à acheter la justice.
33:40La meilleure preuve en est que
33:41dans l'affaire Buttony,
33:42Nestlé est mis en examen
33:44et que dans l'affaire des eaux minérales,
33:46deux procédures sont en cours
33:48et des juges d'instruction désignés.
33:51Dans les liens entre Nestlé
33:54et les autorités, il n'y a pas que ça.
33:56Nestlé a aussi des liens avec
33:58d'autres instances du pouvoir de l'État.
34:01Est-ce que tu peux nous les expliquer ?
34:03On a bien dit des liens,
34:04pas des liaisons dangereuses.
34:07Alors, on est assez étonné
34:09parce que finalement, l'affaire démarre
34:11quand Nestlé,
34:14parce qu'un lanceur d'alerte
34:16dans une entreprise de minérales concurrentes
34:19a dit qu'eux aussi avaient des traitements
34:21qui n'étaient pas tout à fait légaux,
34:23Nestlé l'apprend et se dit
34:24bon, on va prendre les devants.
34:26Et donc, Nestlé prend rendez-vous
34:28avec le ministre de l'Industrie de l'époque
34:30qui s'appelle Agnès Pannier-Renacher
34:31et lui dit écoutez, madame,
34:33je crois qu'on a un peu fauté.
34:35Nos traitements étaient peut-être pas tout à fait légaux.
34:37La législation est compliquée,
34:38donc voilà, on tenait à vous le dire,
34:41mais c'est sans conséquence sur la santé,
34:42ne vous inquiétez pas,
34:43c'est juste de notre côté transparent.
34:45On est une entreprise citoyenne, après tout.
34:48Et d'ailleurs, ne vous inquiétez pas,
34:49non seulement, c'est vrai que ces traitements
34:51n'étaient peut-être pas très légaux,
34:52mais de toute façon, on les a arrêtés
34:54et on les a remplacés par un autre traitement,
34:55ce qu'on appelle la micro-filtration,
34:57sans préciser que cette micro-filtration
34:59est également illégale.
35:01Bref, mais bon, la diversion est plutôt bien réussie.
35:06Et donc, Nestlé continue,
35:07mais histoire quand même de bien bétonner son affaire,
35:10Nestlé ne s'est pas adressé uniquement
35:12au ministère de l'Industrie,
35:13Nestlé a tapé plus haut,
35:15tant qu'à faire, il a tapé à l'Élysée.
35:16Et puis pas n'importe qui à l'Élysée, Alexis Colère.
35:18Alexis Colère, c'est le secrétaire général de l'Élysée,
35:20c'est l'oreille et la plume d'Emmanuel Macron,
35:23c'est quelqu'un qui a la confiance du chef de l'État
35:26depuis près de 15 ans.
35:28Ils font vraiment un binôme assez efficace.
35:32Et donc, à deux reprises,
35:34les dirigeants de Nestlé vont parler de ce sujet
35:38en direct avec Alexis Colère, en tête à tête,
35:40notamment à l'occasion d'un sommet de Choose France,
35:42comme celui qui s'est produit il y a quelques jours.
35:44Ça, c'est sans compter les coups de fil
35:46qu'il y aura en direction de l'Élysée.
35:48Et la commission d'enquête sénatoriale a demandé
35:50à Alexis Colère de venir s'expliquer
35:53ce en quoi il a refusé,
35:55en disant que puisqu'il y a une immunité
35:57sur le chef de l'État, une immunité pénale,
35:59on ne peut pas traduire un chef de l'État en justice
36:00ou dans une commission d'enquête parlementaire,
36:02comme lui est l'un des plus proches collaborateurs
36:04du chef de l'État, il bénéficie de cette immunité.
36:07Mais ça, il n'y a que lui qui le dit.
36:09Il n'y a que lui qui dit ce qu'on appelle
36:10l'immunité de couverture, c'est-à-dire
36:12le chef de l'État, il couvre non seulement lui-même,
36:14mais aussi ses collaborateurs.
36:15Comme c'est pratique.
36:15Comme c'est pratique, ça tient chaud en plus,
36:17quand il fait un peu froid sur le plan judiciaire.
36:20Donc, il n'est pas venu.
36:22Alors l'histoire se poursuit.
36:24Non seulement il ne vient pas,
36:26mais comme la commission se met un peu en pétard
36:28et qu'il faut essayer de faire en sorte
36:32que ça ne crie pas trop,
36:34il envoie toute la correspondance
36:36qu'il a eue avec Nestlé.
36:37Il en a pour 74 pages de documents.
36:39En se disant, bon, ça va me les calmer mes sénateurs.
36:41Sauf qu'il n'avait pas prévu un truc,
36:43c'est que du coup, la commission,
36:44un peu vexée de ne pas avoir eu colère,
36:46dit, parce que c'est comme ça,
36:47on va publier les 74 pages de documents.
36:50Alors là, il y en a un qui se met en colère,
36:51mais encore, c'est le patron de colère
36:52qui se met en colère, c'est le cas de le dire.
36:53C'est Emmanuel Macron qui prend sa plume
36:55et qui envoie une lettre à Gérard Larcher,
36:57le président du Sénat, en disant,
37:00cher président, je ne comprends pas que
37:03la correspondance entre mon secrétaire général
37:06et Nestlé ait été rendue publique dans votre rapport.
37:10C'est une forme de trahison du secret.
37:12Et là, Gérard Larcher ne s'est pas démonté.
37:14Il a répondu que, comme Alexis Colère
37:16ne s'était pas présenté, que cette commission
37:18avait pour vocation de faire le plus possible
37:20la lumière sur ce qui s'était passé.
37:22Il était normal que cette correspondance soit publiée.
37:25Et qu'en rien, il ne désavouerait la commission d'enquête.
37:28Mais tout ça pour vous dire que ça a provoqué donc la colère,
37:31y compris du chef de l'État.
37:32C'est hallucinant.
37:34J'ai deux questions qui me viennent,
37:35mais la première, déjà pour commencer,
37:37qu'est-ce qu'on apprend dans ces correspondances?
37:38Est-ce qu'il y a des choses qui sont sorties?
37:40On apprend dans ces correspondances que
37:42Alexis Colère est très à l'écoute,
37:44c'est-à-dire que, à chaque fois que Nestlé le sollicite,
37:46autrement qu'en direct, il suggère
37:48aller voir le ministre de l'Industrie,
37:49vous voyez un tel, parlez-lui de ça.
37:51Donc, il y a un lien qui est continu, Corentin.
37:54Et est-ce qu'il est sain dans une démocratie,
37:57alors qu'une entreprise peut être mise en cause,
38:00qu'elle puisse discuter, se conseiller,
38:04se faire conseiller de manière aussi libre
38:07par ceux qui sont censés la contrôler?
38:09On a un conflit d'intérêt qui est majeur.
38:11Le rôle de l'État, c'est de contrôler,
38:14c'est de protéger ses citoyens.
38:15Donc, quand l'État, en même temps,
38:17discute avec une partie prenante
38:20qui peut être mise en cause,
38:21il y a une confusion des genres.
38:22Il y a un commentaire sur Twitch,
38:26Koala Bird, qui se demande,
38:27tiens, tiens, Agnès Pannier-Renacher,
38:29la même qui a été ministre de l'Écologie,
38:31en ayant des liens avec une société pétrolière.
38:35C'est une question qu'il pose,
38:36et ça me mène à une autre question,
38:38des formes de collusion comme ça,
38:40entre Nestlé, d'autres entreprises,
38:43avec des ministres, avec le président.
38:44Il y en a d'autres ou pas?
38:45Alors, on espère qu'il n'y en a pas d'autres,
38:47mais on n'a pas fait le tour de tout.
38:49Normalement, et dans l'affaire pétrolière
38:52qui est évoquée par notre internaute,
38:53il me semble souvenir que Agnès Pannier-Renacher,
38:55c'est par le biais de sa belle famille
38:57et qu'elle l'a signalé de façon à ce qu'on appelle
38:59la Haute Autorité de Transparence de la Vie Publique,
39:01la HATVP, dans laquelle,
39:04quand un ministre prend ses fonctions,
39:05il doit préciser tous les liens d'intérêt qu'il peut avoir,
39:08de telle manière à ce que si un dossier
39:10qui met en conflit d'intérêt arrive,
39:11il puisse ne pas être amené à se prononcer dessus.
39:14Donc, normalement, tout est organisé pour.
39:17Mais on a des oublis.
39:20On a des oublis de ministres qui ne donnent pas
39:22leurs liens avec Taloutelle,
39:23leurs liens via leur belle famille.
39:25Par exemple, le même Alexis Colère,
39:30qui, avant d'être à Élysée, était aux côtés d'Emmanuel Macron
39:33au ministère de l'Économie,
39:35on s'est rendu compte que sa belle famille
39:37est propriétaire de la société de navigation MSC,
39:42laquelle a des liens avec le port du Havre.
39:44Le port du Havre est géré en partie par le ministère de l'Économie,
39:47qui s'agit au conseil d'administration.
39:48Donc, parfois, il y a des choses qui ne sont pas toujours dites,
39:50qu'on apprend après coup.
39:52Et c'est pour cela que ces collusions
39:55ou ces conflits d'intérêts que vous décrivez,
39:57c'est toujours très difficile à établir,
39:59parce que parfois, ça date.
40:00Parfois, ça n'est pas révélé.
40:02Et quand on fait notre boulot de journaliste,
40:04on tombe par hasard dessus.
40:06C'est quand même hallucinant de voir que dans cette affaire,
40:08très précisément, on a un exemple hyper concret
40:12d'à quoi ça peut ressembler l'effet d'une collusion
40:14entre quelqu'un à la tête de l'État ou pas,
40:18ou un membre de l'État et une entreprise de ce type.
40:22Plus haut, il y a quelqu'un, 25bam,
40:26qui faisait la réflexion.
40:28Il disait, il faut aussi parler du problème
40:29qu'il y a eu avec l'État, qui a tout fait pour protéger Nestlé.
40:32C'est ce qu'on vient d'expliquer.
40:33Il se pose la question, comment est-ce qu'on résout ce risque ?
40:35Est-ce que c'est seulement possible ?
40:36Je pense qu'on le résout avec une série de moyens.
40:39Il ne s'agit pas de jouer les dehors de leçon,
40:40mais ce qu'on a constaté d'abord,
40:42c'est que toutes les autorités de contrôle
40:45n'ont peut-être pas les moyens qu'il faut.
40:47Je parle de moyens juridiques et de moyens financiers ou matériels.
40:51Donc, il faut que ceux dont le métier est de contrôler
40:54puissent vraiment effectuer leur contrôle.
40:57On va prendre un exemple parallèle.
40:59Quand il y a eu l'affaire Caillouzac, de fraude fiscale,
41:02on a créé un parquet national financier.
41:04Quand il y a eu, en ce moment,
41:07on est confronté au narcotrafic qui prend une importance dingue,
41:11on est en train de créer un parquet anticriminalité organisé
41:15pour s'en prendre au réseau de narcotrafiquants.
41:18Eh bien, sur la sécurité alimentaire,
41:21peut-être faut-il qu'il y ait une prise de conscience plus importante,
41:23parce qu'il s'agit de la sécurité quotidienne
41:26et de la santé quotidienne de nos concitoyens,
41:28que tous les organismes de contrôle,
41:30la Direction Générale de la Concurrence et la Répression des Fraudes,
41:32dont les effectifs ont été salement réduits ces dernières années,
41:36les agences régionales de santé,
41:39aient des moyens pour travailler,
41:41que les lanceurs d'alerte soient protégés.
41:43Même si on a une loi sur les lanceurs d'alerte ouvrés dans ce pays,
41:46quelqu'un qui lance une alerte au sein d'une entreprise,
41:48il a droit à une double peine.
41:50Non seulement l'entreprise dans laquelle il travaille
41:52ne va pas lui assurer un grand avenir, mais va plutôt lui indiquer la porte,
41:55mais après, retrouver du boulot pour cette personne
41:57sera extrêmement compliqué, puisque son nom aura été révélé au grand public,
42:00et donc il apparaîtra pour tout employeur
42:02comme un emmerdeur potentiel qu'on n'a pas envie d'embaucher.
42:05Donc finalement, tous ceux qui concourent à la manifestation de la vérité,
42:09et pas uniquement la justice,
42:11mériteraient d'abord d'être mieux considérés,
42:13pas comme des empêchants de tourner en rond, mais comme ceux
42:16qui chaque jour garantissent notre sécurité dans nos assiettes
42:19et dans nos réfrigérateurs,
42:20et de se voir dotés de moyens,
42:23à la fois matériels, mais aussi de moyens légaux,
42:26qui leur permettent d'aller jusqu'au bout de leurs enquêtes.
42:29Merci beaucoup, Franck, pour tous ces éclairages,
42:31ce sera le mot de la fin, merci d'avoir été parmi nous.
42:34Merci Corentin, et merci à tous ceux qui nous ont
42:36rejoints ce soir et nous ont prêté leur attention
42:39sur des questions aussi essentielles.

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