- 05/10/2023
Dans son édito du 05/10/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur la thématique de l'immigration.
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00:00 C'est une figure tout à fait intéressante parce qu'il s'est permis,
00:03 c'est donné le droit d'observer et de voir ce qu'il voyait.
00:07 Il y a quelques écrivains prophétiques qui ont annoncé ce qu'il appelle la ruée vers l'Europe.
00:11 J'en nomme trois pour le simple plaisir de la chose.
00:14 Chesterton, au début du XXe siècle, fait un roman, L'Auberge volante,
00:18 où il raconte une histoire, c'est un homme qui revient,
00:20 il était à la guerre contre les turcs, il revient chez lui en Irlande.
00:22 Et qu'est-ce qui se passe?
00:23 Eh bien, dans son comté, sous l'influence d'un fanatique musulman, dit-on,
00:27 l'ensemble des auberges ont été fermées.
00:29 Et c'est la bataille désormais de cet homme pour rouvrir les pubs dans son Irlande natale,
00:34 parce que sinon on est condamné à mourir de soif.
00:36 Bon, vous voyez, c'est intéressant, je tenais à en parler.
00:39 Ensuite, Jean Raspail qui souvent...
00:41 Faites-vous plaisir.
00:42 Je l'ai fait, hein.
00:43 Ce serait ma cause, soit disant pas ça.
00:44 Moi, je me battrais pour ça, la rouverture des pubs.
00:46 Quoi qu'il en soit.
00:47 Ensuite, Jean Raspail avec sa fameuse phrase "ils arrivent dans le camp des saints".
00:51 Et Michel Houellebecq, soumission, qui annonce un basculement de l'Europe.
00:56 Pas sous le poids d'une majorité d'immigrants, soit disant pas ça,
00:58 mais sous le poids d'un islamisme conquérant qui fait tomber les réflexes immunitaires du système européen.
01:04 Stephen Smith, il ne prophétise pas.
01:06 Il dit "moi je fais un travail tout simplement de journaliste,
01:08 mais je vais me permettre d'aller jusqu'au bout de mon regard,
01:11 je vais me permettre d'aller jusqu'au bout de ce que je vois,
01:13 et ce que je vois, c'est la ruée vers l'Europe".
01:16 Donc le terme est fort.
01:17 C'est un continent qui se déplace vers un autre,
01:20 un homme politique dirait qu'il se transvase vers un autre,
01:23 qu'il se déverse dans un autre,
01:25 et il cherche à comprendre pourquoi.
01:27 Alors on connaît les thèses du pape François,
01:29 qui nous dit en ces matières, pourquoi arrive-t-il,
01:31 parce que c'est la misère et la pauvreté qui passent d'un continent,
01:35 je dirais, tout à fait pauvre et malheureux,
01:38 vers le lieu de l'abondance que serait l'Europe.
01:41 Or le pape François, encore une fois, se trompe.
01:44 Ce que nous dit Stephen Smith, c'est intéressant,
01:46 je résume, mais ensuite je vais le citer pour être certain qu'on se comprenne bien.
01:50 Il nous dit "ce ne sont pas les plus pauvres qui partent du sud vers le nord,
01:53 ce sont ceux qui dans ces pays pauvres ont les moyens de partir,
01:56 parce que partir, ça coûte cher,
01:58 réussir à payer le passeur, acheter son récit par lequel on va faire croire qu'on est un réfugié,
02:04 réussir à traverser l'Atlantique avec des chances réelles de réussite,
02:08 mais il y a des risques, cela dit, on le sait,
02:10 il n'y a pas que celui de l'Atlantique et de la Méditerranée, on le sait,
02:12 mais quoi qu'il en soit, il faut avoir les moyens de traverser la Méditerranée,
02:16 il faut avoir les moyens de se rendre en Europe.
02:18 Je le cite parce que c'est intéressant.
02:20 "Contrairement à bien des idées reçues,
02:22 ce ne sont pas les pauvres parmi les pauvres qui migrent,
02:26 mais les rescapés de la pauvreté absolue.
02:28 Or, si l'aide au développement tient ses promesses,
02:32 elle augmentera le nombre de ces mieux lotis
02:34 et partant le nombre de candidats à la migration."
02:36 C'est intéressant que vous connaissez tous ces hommes politiques qui disent
02:40 que si on veut éviter les migrations, il faut assurer le développement de l'Afrique.
02:44 Et là, ce que nous dit Smith, il nous dit non,
02:46 si vous développez et si le développement réussit,
02:50 il va y avoir davantage de gens qui vont traverser la Méditerranée.
02:52 Alors, on se comprend tout de suite,
02:54 ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas aider au développement de l'Afrique, évidemment.
02:56 Ce n'est pas la question.
02:58 Mais ça veut dire que ce n'est pas la solution aux questions migratoires,
03:01 aux problèmes migratoires, que d'assurer le développement de l'Afrique.
03:04 Le développement est une question en part entière,
03:06 mais la question de l'immigration est tout autre.
03:08 Ensuite, Smith, on lui pose la question dans l'entretien de l'Express,
03:11 on lui dit, mais si on voit venir les événements, pourquoi,
03:14 qu'est-ce qui nous empêche en fait de réagir?
03:17 Et il nous parle de l'explication,
03:19 il fait la comparaison avec les changements climatiques,
03:21 en disant en gros, tout le monde le sait,
03:23 on ne se réveille seulement quand ça devient absolument bouleversant.
03:25 Et je vais le citer encore une fois, c'est un homme intéressant.
03:28 Dans tous les cas, l'équilibre est difficile à trouver,
03:31 car les changements démographiques sont tectoniques,
03:34 très lents, mais massifs.
03:36 D'abord à peine perceptibles, puis subis.
03:39 Par exemple, qui parmi les jeunes Français
03:41 pourrait s'imaginer une France avec quelques 23 000 immigrés subsahariens?
03:45 Or, c'était le cas au début des années 60,
03:47 au moment des indépendances africaines.
03:49 Il y avait alors au total quelques 3 millions d'immigrants en France,
03:52 aujourd'hui, si l'on compte non seulement la première,
03:54 mais aussi la deuxième génération,
03:56 ils sont près de 15 millions,
03:58 dont environ 2 millions d'origines subsahariennes.
04:00 Donc là, il faut bien comprendre,
04:02 tous les spécialistes du "ça n'arrive pas", "ça n'a pas lieu",
04:04 "vous vous racontez des histoires, vous vous faites des peurs,
04:06 rien n'arrive, rien ne se passe",
04:08 ils disent qu'en une génération ou deux,
04:10 à la rigueur, dépendamment de la génération,
04:12 il y a une révolution démographique
04:14 qui a changé le paysage mental,
04:16 le paysage physique, le paysage culturel,
04:18 le paysage démographique français.
04:20 Alors là, dernière observation dans ce registre,
04:24 il nous dit qu'il y a 3 conditions
04:26 qui favorisent la migration à partir d'un pays africain,
04:29 pour l'essentiel.
04:31 D'abord, une population très jeune.
04:33 Deuxièmement, les habitants sont pauvres,
04:36 mais ils sont pauvres juste à côté, pas très loin,
04:38 d'un continent qui, lui, est riche,
04:40 et qu'il s'agit de rejoindre,
04:42 et qu'on rejoint une troisième condition,
04:44 à condition d'en avoir les moyens.
04:46 Donc si vous avez ce contraste,
04:48 il suffirait de traverser la Méditerranée
04:50 pour d'un coup profiter des aides sociales,
04:52 pour d'un coup profiter d'une société qui vous accueillera
04:54 et qui vous donnera beaucoup plus que vous ne pouvez l'espérer
04:56 avant même d'y avoir contribué.
04:58 Mais les conditions démographiques, juridiques,
05:00 sociales sont rassemblées
05:02 pour que ce grand basculement démographique arrive.
05:04 - Alors pourquoi ces simples observations,
05:06 parce que vous sénignez encore une fois
05:08 que ce sont des observations,
05:10 suscitent-elles de si vives réactions dans les médias?
05:12 - Alors, Stephen Smith,
05:14 et là je vais prendre un peu mes distances avec lui,
05:16 il nous explique que c'est la théorie du nini.
05:18 Vous savez qu'on veut conserver une bonne réputation,
05:20 je le comprends de le souhaiter.
05:22 Il nous dit que c'est ni angélisme, ni grand remplacement.
05:24 Donc on comprend, il nous dit qu'il y a des méchants d'un côté,
05:26 il y a des naïfs de l'autre,
05:28 et moi je suis au-delà des méchants et des naïfs.
05:30 Bon, une explication comme une autre.
05:32 Je vais y aller avec ma proposition d'analyse.
05:34 La première, c'est évidemment l'humanitarisme post-colonial en Occident.
05:36 Le monde occidental s'est convaincu
05:38 qu'il n'est pas devenu riche
05:40 grâce à son propre génie,
05:42 grâce à sa propre puissance d'expansion,
05:44 mais parce qu'il aurait pillé le monde.
05:46 Fort longtemps demain, la prospérité occidentale
05:48 serait une prospérité illégitime, empruntée.
05:50 Ce serait une prospérité née du pillage
05:52 de travers le monde,
05:54 mais l'Occident ne devrait rien à son propre génie.
05:56 Dès lors, si on arrive à l'heure
05:58 de la grande correction, la grande justice planétaire,
06:00 ceux qui y arrivent ne font que reprendre
06:02 ce que nous leur avons pris chez eux.
06:04 Ça, c'est la raison première. Deuxième,
06:06 la peur, et c'est ça, Stéphane Séné d'en parle,
06:08 la peur d'activer la xénophobie,
06:10 la peur panique de revivre les années 30
06:12 et 40, en se disant qu'il suffirait
06:14 un effet de contamination.
06:16 On l'a reproché à Smith en 2018.
06:18 On a dit qu'il participait à la l'eupénisation
06:20 des esprits. On a sorti un concept
06:22 des années 90, un peu usé,
06:24 un peu daté, le genre de concept
06:26 qui excite encore Aliébé, mais c'est tout.
06:28 Les gens un peu évolués intellectuellement
06:30 ne l'utilisent plus. Mais quoi qu'il en soit,
06:32 on lui a fait le coup. On l'a accusé de l'eupéniser
06:34 les esprits. Ensuite, j'ajouterais un autre argument.
06:36 C'est l'immigrationnisme qui est un principe
06:38 du régime actuel. C'est-à-dire, si on remet en question
06:40 l'immigrationnisme, on remet en question une bonne partie
06:42 du régime. Mais moi, ce qui me frappe
06:44 surtout, c'est les méthodes du déni.
06:46 Parce qu'expliquer que tout ce qui arrive...
06:48 On pourrait dire que cette migration arrive,
06:50 on pourrait dire qu'elle est catastrophique,
06:52 on pourrait dire qu'elle est très bonne,
06:54 on pourrait dire qu'elle a des mauvais effets,
06:56 on pourrait la reconnaître. Mais ce dont on parle
06:58 souvent en espace flic, c'est la logique du déni.
07:00 Et comment fonctionne le déni?
07:02 C'est en quatre temps. D'abord,
07:04 cela n'a pas lieu, je l'ai dit. Rien ne se passe.
07:06 Quoi? De grandes migrations?
07:08 Mais pas du tout. Il n'y a jamais aussi peu d'étrangers
07:10 en France, comme en témoigne, évidemment, notre expérience quotidienne.
07:12 Deuxièmement,
07:14 ça n'a pas lieu... Non, ça a lieu,
07:16 dis-je, mais c'est inévitable.
07:18 Donc, c'est comme ça, vous ne pouvez rien y faire.
07:20 La troisième étape, c'est que ça a lieu,
07:22 c'est inévitable, et vous n'avez pas le choix.
07:24 Vous n'avez pas le choix. Finalement, c'est très,
07:26 très bien. C'est une très bonne chose.
07:28 Et le dernier argument, et ça, je reviendrai,
07:30 c'est que ça n'a pas lieu parce que ça ne peut pas
07:32 théoriquement avoir lieu. Parce que
07:34 pour être submergé, pour être
07:36 submergé démographiquement,
07:38 eh bien, vous devrez d'abord exister
07:40 comme peuple. Mais si vous n'existez pas comme peuple,
07:42 vous ne risquez pas d'être submergé. Si vous n'êtes pas
07:44 vivant, vous ne risquez pas de mourir. Alors là,
07:46 je vais donner deux citations de deux penseurs
07:48 des deux côtés de l'Atlantique qui reprennent cet argument-là.
07:50 Un argument, c'est au Québec, on l'a entendu,
07:52 mais vous pouvez remplacer le mot Québec par France.
07:54 Il faut rappeler que c'est une idée...
07:56 Parlez de la submersion
07:58 migratoire. Benjamin
08:00 Ducolle. Il faut rappeler que c'est une idée
08:02 sans fondement qui repose sur des biais de
08:04 perception erronée. Un peuple de
08:06 Souches ne peut pas être remplacé par un peuple extérieur
08:08 étant admis qu'un peuple
08:10 n'a jamais eu l'identité fixe, ni établi dans
08:12 le temps, ni figé. Il n'y a pas
08:14 plus de Québécois de Souches aujourd'hui qu'il y en avait
08:16 il y a cent ans. Remplacer Québécois par français, donc
08:18 si vous n'existez pas, eh bien, vous risquez pas de
08:20 disparaître. C'est malin quand même.
08:22 Et François Héran,
08:24 un des démographes bien connus aujourd'hui...
08:26 - On parle d'immigration, Héran, c'est pas mal.
08:28 - Qui dit,
08:30 soyons lucides et adultes,
08:32 pas plus qu'un autre, le peuple
08:34 français n'a eu droit à la continuité
08:36 historique. Donc s'il n'y a pas de continuité
08:38 historique auparavant, pourquoi il y en aurait-il
08:40 une aujourd'hui?
08:42 - Je le disais en introduction, Stéphane Smith
08:44 dit que cette question,
08:46 dit de cette question,
08:48 qu'elle sera celle des années à venir,
08:50 et même celle des décennies, autrement dit le
08:52 21e siècle, sera celui
08:54 des grandes migrations. J'ai quand même
08:56 ajouté qu'il n'est pas le premier à le dire.
08:58 - Stéphane, oui, mais c'est un homme de gauche
09:00 qui le dit. C'est un ancien de Libé,
09:02 c'est un ancien du monde. C'est important.
09:04 Vous savez, c'est comme, parenthèse,
09:06 quand les nouveaux philosophes ont dit,
09:08 vers la fin des années 70, qui étaient des gens de gauche
09:10 globalement, que finalement l'URSS
09:12 était totalitaire, eh bien soudainement, il est devenu
09:14 légitime d'être anticommuniste. Mais auparavant,
09:16 c'était une position d'extrême droite. Il faut que la gauche
09:18 se rende compte par elle-même de ses propres erreurs
09:20 pour que les autres aient le droit de les constater avec elle.
09:22 Ça, c'est l'avantage d'être de gauche.
09:24 Quoi qu'il en soit, Malraux nous disait
09:26 le 21e siècle,
09:28 sera-t-il religieux ou ne sera-t-il pas?
09:30 Eh bien, on pourrait dire qu'on corrigera
09:32 le 21e siècle, c'est celui de la
09:34 grande revanche anti-occidentale.
09:36 On aurait pu espérer qu'au terme de la décolonisation,
09:38 on se dise, c'est très bien, les colonies ont repris
09:40 leur indépendance et nous, nous conservons la nôtre,
09:42 chacun chez soi, chacun est maître
09:44 chez soi. Mais le monde n'est jamais dans
09:46 un mouvement statique, dans une situation statique,
09:48 il y a toujours un mouvement dynamique. Alors, qu'est-ce qu'on voit?
09:50 Sur le plan idéologique, sur cet esprit
09:52 de grande revanche, eh bien, l'indigénisme
09:54 décolonial, aujourd'hui,
09:56 en Occident, qui cherche à développer chez les populations
09:58 issues de l'immigration, une conscience raciale
10:00 révolutionnaire. Sur le plan démographique,
10:02 des territoires ont déjà basculé, on peut penser
10:04 à Marseille, on peut penser à Londres, à
10:06 Stockholm, on peut penser aux États du Sud des États-Unis,
10:08 soit dit en passant, qui ont changé
10:10 véritablement d'identité avec l'hispanisation
10:12 de ces territoires. Sur le plan
10:14 culturel, on pourrait donner des exemples dont on a déjà parlé
10:16 ici, la fameuse statue à Londres, l'appel
10:18 à la prière, à New York, le changement des
10:20 cuisines disponibles dans le 9-3 ou ailleurs.
10:22 Alors, qu'est-ce qui se passe? En fait, c'est un grand
10:24 basculement à l'échelle de
10:26 l'histoire, mais c'est pas un basculement qui se fait
10:28 dans la tendresse, c'est un basculement qui vient
10:30 souvent avec une idée de revanche,
10:32 qui s'exprime comme telle de temps en temps.
10:34 Alors, il ne s'agit pas de regarder ça
10:36 avec un esprit de croisé, mais de noter
10:38 simplement ce que nous avons sous nos yeux. Tout ça
10:40 ne se passera pas nécessairement très bien.
10:42 - Merci beaucoup. Et c'est vrai que c'est
10:44 bien de rappeler aussi qui il était,
10:46 qui il est, Stephen Smith. Il avait écrit
10:48 notamment "Négrologie, pourquoi
10:50 l'Afrique meurt". C'était en 2003.
10:52 Il avait obtenu le prix France Télévisions.
10:54 - Moi, c'est un conseil que je donnerais à tous les jeunes journalistes,
10:56 soyez de gauche. Parce que quand vous êtes de gauche,
10:58 vous avez le droit de dire des choses de droite. Mais si vous êtes de droite,
11:00 vous avez tout de suite le droit de dire des choses de gauche pour prouver que vous n'êtes pas un monstre.
11:02 Stratégie de carrière.
11:04 (Générique)
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