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C'est le thème du débat du jour, avec nos invités : Fabrice Arfi, journaliste. co-responsable du pôle "Enquêtes" de Mediapart, et Chloé Morin, politologue, spécialiste de l’opinion publique. Plus d’info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-07-septembre-2023-7607949

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00:00 Alors que Nicolas Sarkozy écrase la rentrée politique avec la sortie du nouveau volume
00:04 de ses mémoires et qu'il est mis en cause dans plusieurs affaires sur le front judiciaire,
00:10 on se pose une question ce matin.
00:12 Qu'est-ce qui mine la confiance des citoyens dans leurs hommes et leurs femmes politiques ?
00:16 Est-ce leurs affaires judiciaires de plus en plus nombreuses ? Le sentiment du « tous
00:21 pourris » ? Ou est-ce au contraire l'excès de transparence qui leur est aujourd'hui
00:27 imposée ? Pour en débattre, et ils ne sont pas d'accord, Fabrice Harphy, journaliste
00:32 co-responsable du pôle enquête de Mediapart, et Chloé Morin, politologue associée à
00:37 la Fondation Jean Jaurès, auteure parmi d'autres de « On aura tout essayé » chez Fayard,
00:43 publié en 2023 cette année.
00:45 Bonjour à tous les deux.
00:46 Bonjour.
00:47 Merci d'être là.
00:48 On a pensé vous inviter évidemment parce que vous échangez depuis plusieurs mois sur
00:50 Twitter sur cette question que Nicolas a posée et que c'est un échange de qualité, un
00:54 échange intéressant.
00:55 On s'est dit qu'on aurait envie de l'entendre aussi à l'antenne.
00:58 Ça a commencé Chloé Morin quand vous êtes venu justement ici à ce micro à Inter évoquer
01:02 votre livre « On a les politiques qu'on mérite » où vous écriviez, je vous cite,
01:06 « loin de restaurer la confiance dans la vie publique, l'ensemble des règles mises
01:09 en place depuis dix ans n'a fait que conforter les préjugés de ceux qui, très majoritaires
01:13 chez les Français, ne voient en les politiques que des corrompus ». Et vous aviez ciblé
01:17 notamment ceux que vous appelez les « apôtres de la transparence absolue ». Fabrice Harphy,
01:22 vous êtes-vous senti visé ?
01:23 Non, je ne me suis pas senti visé comme étant un apôtre de quelque nature que ce soit.
01:32 Non, non, pas du tout.
01:34 Et c'est évidemment un très bon débat, une très bonne discussion sur où est-ce
01:38 qu'il faut placer le curseur de ce qu'on appelle la transparence, de ce qu'on appelait
01:42 jadis la publicité, c'est-à-dire de ce qui appartient au public.
01:46 Moi, je n'aime pas trop le mot de transparence, même si comme tout le monde je l'utilise
01:49 parce que ça donne l'impression qu'on veut voir au travers des gens.
01:51 La question c'est, dans le débat public, quel doit être le contrôle notamment citoyen
01:57 vis-à-vis du patrimoine, de l'argent et des liens d'intérêt de ceux qui nous représentent
02:01 et qui gagnent leur vie avec notre argent.
02:03 Et donc c'est normal que les époques changent et qu'il y ait des évolutions par rapport
02:08 à ça.
02:09 Mais au regard de ça, il faut regarder, et ça a été évoqué par Nicolas Domorand
02:13 en intame et Léa Salamé avec ce que vous avez dit, c'est la situation, le curriculum
02:17 vitae judiciaire de la France.
02:19 Nous sommes les citoyens et les citoyennes d'un pays qui ont eu deux chefs d'État
02:25 condamnés, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, deux chefs de gouvernement condamnés, Alain
02:29 Juppé et François Fillon pour des atteintes à la probité.
02:33 Nous avons une rentrée judiciaire étonnante, deux ministres en exercice, Olivier Dussopt
02:39 et Éric Dupond-Moretti vont être jugés avant la fin de l'année pour des atteintes
02:43 à la probité.
02:44 Le haut commissaire François Bayrou, premier ministre de la Justice d'Emmanuel Macron
02:48 va être jugé pour des atteintes à la probité.
02:51 Et j'en arrête avec les statistiques, mais ce sont des faits.
02:53 Six des huit derniers ministres de la Justice, de gauche comme de droite, six sur huit, ont
02:58 soit été condamnés, soit vont être jugés dans des affaires d'atteinte à la probité.
03:02 Donc voilà, là on a un CV judiciaire qui nous dit quelque chose et moi mon propos
03:07 c'est de dire, est-ce qu'il ne faudrait quand même pas en tirer les conséquences
03:10 sur l'état de ce qu'on appelle la délinquance en col blanc et les phénomènes corruptifs
03:14 en France.
03:15 Sur la transparence, il faut peut-être resituer les faits dans leur histoire.
03:20 C'est Mediapart qui révèle l'affaire Cahuzac et à partir de là, il y a une sorte
03:26 de prise de conscience des politiques qu'il faut changer les choses et qu'il y a trop
03:30 de corruption.
03:31 Donc à partir de là, il y a des lois qui sont votées et notamment la haute autorité
03:35 pour la transparence de la vie publique qui est créée.
03:37 Moi non plus, je n'aurais pas utilisé le mot de transparence parce que justement,
03:40 ça n'était pas le sujet.
03:41 Le sujet c'est est-ce que les politiques respectent la loi ou pas ?
03:44 Et effectivement, je pense qu'on sera d'accord sur le fait que la transparence sur l'emploi
03:50 des données publiques, la transparence sur les conflits d'intérêt, c'est quelque
03:53 chose qui est vertueux et qui est nécessaire.
03:55 Mais vous vous dites quand même que ça va trop loin.
03:57 Vous dites qu'il y a des apôtres de la transparence absolue et c'est ce qui contribue
04:02 à augmenter la défiance des Français vis-à-vis de leurs dirigeants.
04:05 C'est ce que vous dites Chloé Morin ?
04:06 Par exemple, nous avons chaque année la publication des patrimoines des ministres
04:10 avec des "unes", des différents médias qui décortiquent le patrimoine des différents
04:16 ministres.
04:17 Ça je pense par exemple que c'est nididique.
04:18 C'est obscène ?
04:19 Oui, ça alimente le voyeurisme.
04:21 Je ne suis pas du tout contre le fait de contrôler.
04:23 Je pense que c'est extrêmement important que chaque personnalité qui prend un mandat
04:28 soit contrôlée et qu'en fait il ne s'en enrichisse pas au cours de son mandat.
04:30 Ça c'est tout à fait normal.
04:31 Mais ce que vous dites c'est que le patrimoine de tel ou tel ministre, on n'a pas à savoir
04:34 s'il est riche ou il est pauvre.
04:35 C'est ça que vous dites ?
04:36 On n'a pas besoin de le savoir.
04:37 Et je pense que vous-même, vous n'auriez pas envie qu'on sache quelle est la marque
04:43 de votre voiture, si vous avez un appartement, si vous avez un héritage ou pas d'héritage,
04:47 etc.
04:48 Et ça n'intéresse pas, mais c'est là où la question est une question de curseur,
04:52 ça n'intéresse pas la manière dont vous faites votre job de personnalité publique.
04:57 Et qu'est-ce que vous répondez à ça Fabrice Arfi ?
04:59 Il faut connaître le patrimoine des ministres.
05:01 Non mais c'est pas moi.
05:02 C'est pas moi qui ai créé la HAT, la VP, l'Autorité pour la transparence ou un certain
05:07 nombre d'organismes de contrôle du patrimoine des élus ou des représentants d'intérêts
05:13 publics.
05:14 D'abord sur la question du voyeurisme et la presse qui fait des papiers sur, dès qu'il
05:18 y a les déclarations de patrimoine qui sont connues, moi je suis très mal placé pour
05:22 répondre à cette question parce que je travaille pour un journal qui ne fait jamais ces articles-là.
05:26 La transparence n'est pas une fin en soi.
05:29 En fait c'est un véhicule qui permet le contrôle mais qui n'est pas que le contrôle
05:32 des juges.
05:33 La question n'est pas que judiciaire si on discute de la transparence.
05:37 La question n'est pas que du respect de la loi ou pas du respect de la loi pour une
05:40 raison simple.
05:41 C'est qu'à part des magistrats, personne ne peut dire qui est coupable pénalement
05:45 ou pas.
05:46 Donc ce qui est intéressant c'est les informations d'intérêts publics.
05:49 Vous parlez de notre patrimoine à nous mais moi je ne suis pas ministre, je ne suis pas
05:52 représentant du bien public, je ne suis pas un agent de l'État.
05:56 Je réponds juste à ce qu'a dit Chloé Morin sur est-ce que ça nous dit quelque
06:03 chose de la manière dont ils font leur job ?
06:05 Ça peut.
06:06 En fait, ça peut sur plusieurs domaines.
06:09 Est-ce qu'entre le moment où ils sont rentrés en fonction publique et le moment
06:13 où ils sortent, il y a eu des enrichissements qui sont incompréhensibles liés à leur
06:18 patrimoine, ça peut être pour le journalisme, pas simplement pour les juges ou les agents
06:23 du FIS, des questions d'intérêts.
06:24 Mais pas simplement.
06:25 Voir que telle personne, tel ministre a parti lié avec des intérêts privés, c'est
06:33 intéressant de savoir si la politique qui est menée au sein d'un gouvernement par
06:36 exemple par cette même ministre ou ce même ministre sert les intérêts auxquels elle
06:41 est liée ou si ça sert l'intérêt général.
06:43 Donc en fait, c'est ce qui se passe dans n'importe quelle démocratie un peu mature,
06:47 un peu adulte, qu'il y ait la possibilité d'un contrôle notamment citoyen vis-à-vis
06:53 de ces questions-là.
06:54 Et je ne vais pas redire tous les grands textes de grands politistes et philosophes sur ces
07:00 questions-là, mais que la défiance vient plutôt de l'excès du secret que du contrôle.
07:05 Et la démocratie est née sur les dés de contrôle.
07:07 - Chloé Marin ?
07:08 - Je vais prendre un autre exemple parce que les conflits d'intérêts sont contrôlés
07:14 par la haute autorité de la Transparence de la vie publique.
07:16 Et donc là, la question c'est est-ce qu'elle est efficace ? Oui, peut-être qu'elle ne
07:19 voit pas tout et que dans ce cas-là, il est sain que certains médias enquêtent et portent
07:24 à sa connaissance un certain nombre de faits.
07:27 Et c'est déjà arrivé.
07:28 C'est déjà arrivé pour des ministres récemment.
07:30 Donc je ne dis pas que ça n'arrive jamais, mais à mon avis, on n'a pas besoin par exemple
07:36 de connaître l'orientation sexuelle d'un ministre ou de la première ministre.
07:39 - Mais c'est l'Achat TV qui...
07:40 - Mais non, mais je veux dire, ça c'est de la transparence.
07:43 C'est de la transparence.
07:44 Il y a des médias, et je ne vous cible pas en tant que médias, je n'ai pas dit que c'était
07:47 des médias, mais...
07:48 - On parle des intérêts du patrimoine et maintenant on parle de l'orientation sexuelle.
07:51 - Non, mais la transparence c'est quelque chose qui est sur la vie privée.
07:53 Je vous parle du patrimoine, ça peut être l'orientation sexuelle, ça peut être plein
07:57 d'aspects de la vie privée.
07:59 - Mais justement, en fait...
08:00 - Qui n'ont pas nécessairement besoin d'être rendus publics.
08:02 - C'est un article de l'AFP qui est paru dans l'AFP, qui était intéressant à l'aune
08:06 de notre débat en juillet dernier et qui faisait état du déclin d'intérêt pour la fonction
08:10 de ministre par les acteurs politiques.
08:12 Et je cite l'article.
08:13 "Obligation d'étaler son patrimoine sur la place publique, possibilité d'empiéter
08:17 sur l'intérêt d'un membre de sa famille, culpabilité d'exposer ses enfants, violence
08:20 du débat, baisse du salaire par rapport au privé, etc.
08:22 Les arguments sont nombreux, au carrefour desquels un ancien ministre l'assure, les
08:26 gens ne veulent plus entrer au gouvernement."
08:28 Est-ce que, et c'est la thèse de votre livre, Chloé Morin, ça ne va pas décourager les
08:34 gens d'aller en politique au fond et de se dire "finalement, je préfère rester dans
08:39 le privé, je préfère me protéger, protéger ma famille".
08:42 Et la conséquence de ça, c'est que le niveau des politiques et des ministres baisse.
08:45 Ah bon, parce qu'il faut forcément venir du privé pour être d'un bon niveau ?
08:49 Je n'en sais rien.
08:50 Moi, je ne sais pas sonder le cœur et les âmes des gens du privé qui passent dans
08:54 le public et inversement.
08:55 Je trouve ça très bien qu'il y ait des gens du privé dans le public et inversement.
08:59 Ce n'est pas tellement pour moi la question.
09:00 La question, c'est la question démocratique et de la défiance des représentés vis-à-vis
09:06 de leurs représentants et représentantes.
09:08 Et qu'aujourd'hui, sur les questions qui nous importent, sur la probité et les atteintes
09:14 potentielles, avoir un président de la République qui a été élu en 2017 comme une sorte d'enfant
09:20 de l'affaire Fillon, dont l'un des motifs de campagne était de dire "on va remettre
09:27 de la confiance au sein de la démocratie".
09:29 Évidemment qu'un ministre mis en examen devra démissionner, pour des raisons qu'on
09:33 sait, que je pourrais expliquer si le débat se poursuit.
09:36 Aujourd'hui, nous avons deux ministres en fonction qui vont être jugés.
09:40 Pendant qu'ils sont censés assumer une charge ministérielle, ils vont être sur les bancs
09:44 comme prévenus d'un tribunal.
09:46 Mais où ça existe ça ? Dans quel pays ça existe ?
09:49 Qu'est-ce que vous répondez à ça Clément Humorin ?
09:51 Ça vous choque ?
09:52 Oui, bien sûr, mais moi ça me choque.
09:54 Pour le coup, si on en est là, c'est parce qu'il y a eu de la corruption et qu'il
09:59 y a eu de l'inefficacité.
10:00 La question, comme je le disais tout à l'heure, c'est une question de curseur.
10:04 Est-ce que finalement l'action publique va être plus efficace parce qu'on aura
10:07 débattu de la sexualité d'un ministre ou de où il passe ses vacances ?
10:11 Je pense que non.
10:12 En revanche, je pense qu'il est extrêmement important qu'on débatte, par exemple, de
10:16 l'efficacité de telle ou telle politique publique.
10:18 Et ça, on le fait très peu.
10:19 La Cour des comptes se passe sa vie à produire des rapports dont on débat très peu.
10:22 Parce que c'est technique, parce que c'est des sujets qui sont un peu rébarbatifs.
10:25 Pourtant, le débat public a besoin de ça.
10:28 Il y a une pleine page dans le Figaro ce matin sur les démêlés judiciaires de Trump aux
10:33 Etats-Unis.
10:34 Nos confrères ont dû faire une infographie pour qu'on s'y retrouve tellement il a
10:40 de procès aux fesses.
10:41 Il y a cette phrase « Plus il est inculpé, plus Trump voit sa popularité croître chez
10:47 les républicains ». Commentaire Fabrice Arfi.
10:49 Chez les républicains, c'est ça qui est intéressant.
10:52 Oui, bien sûr.
10:53 C'est peut-être la moitié de la population du monde électoral.
10:57 Mais il a perdu la dernière élection, comme Nicolas Sarkozy a perdu les primaires en
11:02 2016.
11:03 De mon point de vue, je crois qu'on assiste à un phénomène dont les affaires judiciaires
11:08 sont un laboratoire formidable pour les éclorer de populisme judiciaire et de populisme politique
11:15 vis-à-vis de ces questions d'atteinte à la probité.
11:18 Et moi, je mets exactement sur la même étagère, même si on ne s'en rend pas toujours compte
11:22 vu de l'extérieur, des personnages comme Nicolas Sarkozy, comme Donald Trump, comme
11:26 Silvio Berlusconi en Italie ou comme Benjamin Netanyahou en Israël.
11:30 Nicolas Sarkozy qui hier a dénoncé un harcèlement tout azimut.
11:34 Absolument.
11:35 C'est-à-dire que ce sont des personnes qui, je vais reprendre l'expression, sont des apôtres
11:39 de la répression pour tout un tas de délinquances, pour la totalité même de l'intélinquance,
11:44 sauf celles qui concernent leur propre milieu.
11:46 Et là, le problème, ce ne sont pas les faits qui sont révélés, ce sont ceux qui les
11:50 révèlent ou ceux qui les poursuivent, c'est-à-dire les juges.
11:53 De ce point de vue-là, les quatre chefs d'État et de gouvernement que j'ai cités ont exactement
11:58 le même type de réaction.
12:00 Et ça, c'est terrible pour le débat public.
12:03 Parce que le véhicule de cela, c'est ce qu'on a appelé la post-vérité, c'est-à-dire
12:08 la destruction même de ce qui est un fait.
12:10 Deux et deux ne font plus quatre.
12:11 C'est-à-dire que c'est une destruction de la conversation publique où il n'est même
12:15 plus possible de ne pas être d'accord.
12:17 Et puis surtout, ça fait s'effondrer la confiance, alors dans une partie de la population
12:21 évidemment, mais ça fait s'effondrer la confiance dans la justice.
12:24 On voit très bien que les gens qui votent Trump par exemple, ils pensent que la justice
12:29 persécute réellement Donald Trump.
12:31 Et ça, c'est extrêmement grave parce que s'il n'y a plus de confiance partagée dans
12:35 la justice, finalement c'est un des piliers de la démocratie qui s'effondre.
12:40 Et ça, c'est une question qui est extrêmement préoccupante.
12:43 Et là-dessus, je pense qu'on sera d'accord sur le fait que, heureusement qu'il y a des
12:46 médias qui viennent pointer le fait qu'il y ait des contre-vérités, etc.
12:50 La grande difficulté qu'on a, c'est que le fact-checking, ça ne marche pas auprès
12:55 des gens qui sont convaincus qu'il y a un complot de la justice contre Trump.
12:58 Et ça, on touche à la limite, à la fragilité extrême de la démocratie.
13:03 Oui, oui, mais parce qu'on est face à un très vieux débat, je crois, qui est celui
13:09 de la confrontation entre le régime de croyance et le régime des faits.
13:13 Et je ne vais pas…
13:14 Oui, un très large débat, mais qui a été accru par les réseaux sociaux.
13:17 Avant, ça a toujours existé, le complotisme, mais là, on a l'impression que la caisse
13:21 de résonance, elle est massive.
13:22 Non, mais si on lit la plus journaliste des philosophes et la plus philosophe des journalistes,
13:26 Anna Arendt, je veux dire, à la fin des années 60, dans "Vérité et politique", elle
13:31 l'analysait, ça.
13:32 Que le danger, c'est l'effacement de la frontière entre le vrai et le faux, entre
13:35 la théorie et l'expérience.
13:37 Donc, en fait, ça ne date pas des réseaux sociaux.
13:39 Bien sûr qu'il y a des phénomènes accélérateurs avec les réseaux sociaux, mais par rapport
13:42 à Trump et Sarkozy.
13:43 Moi, ce qui me fascine, puisqu'on est en France…
13:45 Oui, parce que vous avez énormément sur Nicolas Sarkozy, pour le coup, la sortie de
13:48 son bouquin et la manière dont ça a été relayé par la presse vous a fait bondir.
13:52 Non, ce n'est pas que ça me fait bondir, c'est que moi, ça m'intéresse comme
13:55 on ferait une étude sociopolitique.
13:57 C'est-à-dire qu'on arrive à parler très facilement de Trump.
14:00 Le Figaro en fait une pleine page pour un Trump qui n'est, d'un point de vue judiciaire,
14:04 que pour l'instant inculpé et poursuivi.
14:06 Alors que nous avons un Nicolas Sarkozy, ancien chef de l'État, qui a été condamné
14:10 en première instance en appel dans l'affaire Bismuth, qui va être jugé en appel après
14:13 avoir été condamné en première instance dans l'affaire Big Malion, c'est ses comptes
14:16 de campagne en 2012, et qui vient d'être envoyé avec 12 autres personnes, dont 3 anciens
14:20 ministres, dans une immense affaire qui est l'affaire Libyenne, c'est-à-dire le soupçon
14:23 d'une démocratie.
14:24 La France t'y pendit par une dictature.
14:26 Et là, Nicolas Sarkozy, qui est un génie de la communication, réussit à couvrir
14:31 le bruit des affaires par l'existence d'un livre politique.
14:35 Et c'est comme si dans un certain nombre de rédactions, il y avait une dissociation
14:38 dans un certain nombre de médias, une dissociation entre le personnage politique Nicolas Sarkozy,
14:43 qui ne serait pas la même personne que le personnage judiciaire Nicolas Sarkozy.
14:46 Donc en fait, c'est finalement les journalistes que vous interpellez sur ce sujet-là.
14:50 C'est-à-dire que vous dites que les journalistes ne font pas leur boulot dans la manière de
14:53 couvrir.
14:54 Une partie des journalistes ne fait pas son boulot dans la manière de couvrir.
14:57 Moi j'ai toujours pensé que les journalistes avaient évidemment une responsabilité, les
15:01 politiques aussi, mais nous, citoyens, parce que je ne suis pas journaliste évidemment,
15:05 en avons une aussi dans la manière dont on consomme les médias.
15:07 Nicolas Demorand : eh bien merci à tous les deux.

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