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Éclairage sur la situation à Gaza avec Isabelle Defourny, présidente de Médecins sans frontières, Rym Montaz, géopolitologue, rédactrice en chef de la plateforme Strategic Europe chez Carnegie, et Rami Abou Jamous, journaliste palestinien.
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00:00France Inter
00:02Simon le Baron
00:05Le 6-9
00:07Derrière les chiffres, derrière les mots, derrière les points de vue irréconciliables,
00:11quelle est la réalité quotidienne de celles et ceux qui vivent à Gaza ?
00:15Question toujours difficile alors que depuis près de deux ans maintenant,
00:19le gouvernement israélien empêche la presse internationale de travailler sur place
00:22et que plus de 200 journalistes palestiniens ont été tués.
00:25Question sur laquelle nous prenons le temps donc de nous arrêter à nouveau ce matin.
00:29Alors que le mot famine désormais est sur toutes les lèvres
00:32et que les photos d'enfants décharnés ne laissent qu'entrevoir vu d'ici l'ampleur du désastre.
00:39Appelez-nous comme d'habitude au 01-45-24-7000
00:41et écrivez-nous sur l'application de Radio France pour poser vos questions à nos invités.
00:45Rime Momtaz, bonjour.
00:46Bonjour.
00:46Vous êtes journaliste libano-américaine, géopolitologue également
00:49et rédactrice en chef de la plateforme Stratégic Europe de la fondation Carnegie pour la paix internationale.
00:56Isabelle Defourny, bonjour à vous également.
00:57Bonjour.
00:58Vous êtes présidente de Médecins Sans Frontières France.
01:00Et pour commencer, nous sommes à Gaza, je vous le disais, avec un journaliste palestinien
01:05que vous entendez régulièrement sur les antennes de Radio France.
01:08Un journaliste récompensé, célébré il y a quelques mois lors de la dernière édition
01:12du prestigieux prix bailleux des correspondants de guerre.
01:15Rami Abou Jamous, bonjour.
01:17Bonjour.
01:18Vous nous répondez en direct de la ville de Gaza,
01:20où vous vivez avec votre femme et vos enfants.
01:23Toujours vivant.
01:25C'est comme ça que vous commencez souvent vos messages, vos notes vocales,
01:27comme beaucoup de Gazaouis.
01:29Toujours vivant, Rabi Abou Jamous.
01:31Oui, bien sûr, parce que dans la suite à ce génocide qu'on est en train de vivre,
01:35un nettoyage ethnique, se réveiller le matin avec être toujours vivant,
01:39c'est vraiment quelque chose d'extraordinaire.
01:42Et c'est pour ça que je commence ma journée à dire qu'on est toujours vivant,
01:47parce que pour le moment, c'est vraiment le grand rêve de rester en vie,
01:51de survivre pendant ou durant ce nettoyage ethnique.
01:55C'est un miracle, chaque jour renouvelé, d'être vivant.
01:59Bien sûr.
01:59Cette nuit, notre voisin, juste à côté de nous, Ismail le Sharif,
02:03c'est juste le bâtiment collé à notre bâtiment.
02:05Il a été bombardé malheureusement par un raid israélien.
02:09Il a perdu sa vie, lui et sa femme.
02:10Heureusement, ses enfants, ils passaient la nuit chez la grand-mère.
02:14Et c'est pour ça qu'ils sont toujours en vie.
02:16Mais malheureusement, les deux, ils ont perdu la vie.
02:19Et c'est tous les jours la même chose.
02:21Hier, c'était notre voisin, ça pourrait être nous.
02:25Et c'est pour ça qu'être en vie, c'est un grand miracle.
02:29Israël vient d'annoncer des pauses dans les combats,
02:32chaque jour, de 10h à 20h, dans certaines zones de la bande de Gaza,
02:35notamment dans votre ville de Gaza,
02:38pour laisser passer des camions d'aide humanitaire.
02:40Est-ce que vous avez observé ces pauses ?
02:42Est-ce que vous avez vu arriver ces camions ?
02:45Ni l'un ni l'autre, malheureusement.
02:47Déjà pour la pause, si je vous donne l'exemple d'hier,
02:49dans la ville de Gaza, ils ont bombardé dans le quartier Sabra,
02:52qui est considéré le centre-ville de Gaza.
02:54Il y a eu deux morts, malheureusement.
02:56Pareil pour Del El Balah, ils ont bombardé la famille Abu Amra.
02:59Il y a eu deux morts.
03:00À Almawasi, ils ont bombardé aussi à Almawasi.
03:02Le problème, c'est que les zones où l'armée d'occupation prétende
03:06que c'est une zone où il y a une suspension des opérations militaires,
03:09c'est des zones qui, normalement, ne devaient pas avoir ce genre de suspension.
03:14Les zones de suspension devaient être dans ce qu'on appelle les zones rouges,
03:17parce que les camions et le convoi humanitaire passent par ces zones-là,
03:21mais ils n'arrivent même pas dans la ville de Gaza,
03:24ou bien Del El Balah ou autres.
03:25Donc, même si on va considérer qu'ils respectent, alors qu'ils ne respectent pas,
03:30mais malheureusement, ce n'est pas où il fallait avoir ce corridor humanitaire.
03:34Ça devait être dans les zones, ce qu'on appelle les zones rouges.
03:37C'est les zones d'évacuation que l'armée d'occupation a demandé de leur population.
03:41Dès les trois villes citées dans ce communiqué de suspension d'opérations militaires,
03:46ce sont vraiment les 20%, 25% où toute la population de Gaza est entassée par cette zone-là,
03:53et tout le reste est occupé et considéré comme des zones rouges.
03:56Et malheureusement, pour l'aide humanitaire, on ne le voit pas.
03:59Hier, avant hier, il y a eu 130 camions qui sont passés pour la première fois, ce chiffre, c'est vrai.
04:05Mais malheureusement, on ne le voit pas, parce que ça a été attaqué par les affamés à Gaza.
04:11Et pareil aussi, hier, il y a eu à peu près 100 camions qui sont passés.
04:16Il y a une bonne majorité pour les hôpitaux, ce qui était quelque chose de très bien,
04:21surtout que le système sanitaire et les hôpitaux, c'est un système qui a été anéanti malheureusement.
04:27Et surtout que la majorité des morts, ce sont des morts qui sont dans les hôpitaux,
04:32les bébés, les enfants et les femmes.
04:34Et c'est pour ça que faire passer ce genre de médicaments, c'est très bien.
04:37Mais tout ce qui est passé pour le moment, c'est une goutte dans l'océan de besoin de la population de Gaza.
04:43Une centaine de camions, vous nous l'avez dit.
04:44Alors racontez-nous si cette aide humanitaire représente une goutte dans un océan.
04:49Quelle est votre réalité quotidienne, à vous, votre famille, vos amis, vos voisins,
04:53pour trouver à manger, trouver de l'eau ?
04:56Pour moi, je suis un peu chanceux.
04:58Donc j'ai un peu d'argent pour acheter, même à des prix très élevés.
05:01Donc chaque jour, j'achète un kilo ou deux de la farine.
05:05Il y en a des centaines de milliers qui n'ont pas cette possibilité-là.
05:09Notre quotidien depuis une semaine à peu près, c'est juste un bout de pain,
05:13avec ce qu'on appelle le dogga le matin.
05:15Le dogga, c'est un peu le thym ou bien le zapal, mais un peu populaire.
05:20C'est vraiment le moins cher.
05:21D'habitude, ça se fait avec du blé.
05:23On le fait maintenant avec des lentilles, parce qu'il n'y a pas de blé, il n'y a pas de farine,
05:26avec quelques épices et pour juste sentir assasé avec le bout de pain.
05:30Pour mon fils Walid, il est très bien, il est satisfait avec ce bout de pain tous les matins.
05:34Et on fait un plat par jour, et le plat par jour, c'est des lentilles.
05:38On fait des lentilles, c'est comme une soupe, et on met quelques morceaux de pain dedans,
05:44pour que ça donne toujours ce sentiment d'être rassasié.
05:48Et encore, moi, je suis chanceux d'avoir ce bout de pain le matin et la fin de la journée,
05:54ce plat de lentilles, parce qu'il y a des centaines de milliers qui n'ont pas cette possibilité.
05:58L'image ou la scène quotidienne qu'on le voit tous les jours, c'est des enfants, des femmes,
06:03qui font la queue avec des casseroles ou bien des jéricales, qui cherchent des tequillas.
06:07Ce sont des cuisines communautaires qui distribuent l'aide humanitaire.
06:10Et pareil, dans la meilleure de cas, ce sont des lentilles.
06:14Et encore, on les voit se déplacer d'un quartier à un autre pour trouver ces cuisines,
06:19parce qu'ils sont de plus en plus rares, parce qu'il n'y a plus rien qui rentre,
06:23et parce qu'ils étaient visés et bombardés par l'occupation plusieurs fois,
06:26plus de 36 cuisines communautaires ont été bombardées.
06:29Et malgré ça, on les voit tous faire la queue, chercher ce plat ou bien cette assiette de lentilles.
06:35Pareil pour les jéricales d'eau, il faut chercher de l'eau partout,
06:37parce que l'eau qu'on a, ce n'est pas de l'eau potable, c'est juste de l'eau douce.
06:40Et encore, cette eau douce, on ne le trouve pas.
06:43Et c'est pour ça qu'il y a des gens qui font des kilomètres.
06:45Moi, j'ai de la chance, parce que juste à côté de moi, j'ai MSF,
06:48et MSF, ils font distribuer de l'eau.
06:52Je le remercie pour ça.
06:53Et je suis juste à côté de chez moi, j'ai de la chance de ne pas faire des kilomètres,
06:57mais il faut faire la queue pendant des heures.
06:59Et en plus, moi, je suis au 9ème étage,
07:01donc il faut prendre les deux jéricales de 20 litres, 9 étages à pied,
07:05et ça use, ça use.
07:06Justement, vous parlez de MSF, Rami Abou Jamous.
07:09Merci pour ce témoignage, et vous restez avec nous en direct de Gaza.
07:12Mais je me tourne vers la présidente de Médecins sans frontières France,
07:15Isabelle De Fourny.
07:16Ces annonces israéliennes, ces pauses dans les combats,
07:19ces couloirs humanitaires promis,
07:20ces largages aériens, dont nous parlait Rami Abou Jamous,
07:25et voilà, on entend bien cette expression de la goutte d'eau,
07:29mais est-ce qu'ils peuvent améliorer au moins la situation ?
07:33Alors c'est vrai que l'arrivée de cette centaine de camions,
07:36ça donne un tout petit peu de répit à la population.
07:41C'est-à-dire que comme Rami le décrivait, ces camions sont pillés,
07:45mais uniquement l'annonce de l'arrivée de ces camions a fait baisser un tout petit peu les prix sur le marché.
07:52Mais il faut être clair qu'en rien, ces camions vont être capables,
07:56ce nombre de camions vont être capables d'endiguer la famine qui est en cours aujourd'hui à Gaza.
08:01Et la seconde chose, comme Rami l'a décrit,
08:04c'est que cette pause tactique n'est en rien à cesser le feu,
08:08même si les militaires israéliens disent restreindre un peu les bombardements sur la population,
08:14ils continuent, la population est entassée sur à peine 12% de la bande de Gaza,
08:18et les bombardements continuent un peu en journée et reprennent de plus belle la nuit.
08:22Donc nous, ce que l'on voit, c'est notamment dans nos hôpitaux,
08:26les hôpitaux sont submergés de blessés.
08:29Vous parlez de famine, il y a un débat juridique,
08:32qui peut paraître indécent compte tenu des photos qu'on voit,
08:35des témoignages qui nous arrivent, mais qui est important malgré tout,
08:38parce que, de même que pour le mot génocide, pour le mot famine,
08:42il y a une réalité derrière avec plusieurs points précis
08:45qui doivent être remplis, pardon de le dire comme ça,
08:48mais est-ce que les conditions d'une famine à Gaza sont remplies actuellement,
08:53sur tout le territoire, sur une partie, quelle est la situation objective ?
08:57Mais ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que c'est impossible aujourd'hui à Gaza,
09:02de mettre en place toutes les enquêtes qui seraient nécessaires
09:05à affirmer l'existence d'une famine.
09:07Donc les enquêtes de mortalité, les enquêtes de malnutrition,
09:11de sécurité alimentaire, ça c'est impossible.
09:13Ce que l'on sait aujourd'hui, c'est que le nombre d'enfants atteint de malnutrition augmente.
09:18Ce que l'on voit, ça c'est visuel,
09:20on voit les adultes perdre du poids, à vue d'œil,
09:23ça c'est quand même extrêmement rare.
09:25Et puis, il faut croire les palestiniens,
09:27les palestiniens disent qu'ils subissent une famine,
09:30et fait notable, beaucoup d'entre eux se rendent aux distributions de nourriture,
09:34et lors de ces distributions,
09:36ils se font régulièrement tirer dessus par l'armée israélienne,
09:39donc ils mettent leur vie en danger.
09:41Ce dernier mois, autour des centres d'aide gérés par Israël,
09:45en tout cas par une organisation mise en place par Israël et les Etats-Unis.
09:49Tout à fait.
09:50Depuis deux mois, un groupe d'aide privé américain
09:54a repris la plupart des distributions de nourriture.
09:59C'est un groupe qui est tenu par des anciens de la CIA
10:01et des vétérans américains.
10:04Il faut le dire, c'est un groupe incompétent.
10:06À chacune de ces distributions de nourriture,
10:08chacune de ces distributions se solde par des massacres.
10:13Les militaires israéliens tirant sur la population qui vient chercher de l'aide.
10:17Franchement, de l'histoire des humanitaires,
10:20on n'a jamais vu ça.
10:21Tirer sur des gens affamés qui viennent chercher à manger,
10:25c'est du jamais vu.
10:28Le résultat, ce sont des hôpitaux remplis de blessés,
10:32remplis de blessés en raison des bombardements,
10:34et un quart des personnes blessées le sont par ces distributions alimentaires.
10:40C'est incroyable.
10:40L'argumentaire du gouvernement et de l'armée israélienne,
10:44on était avec l'ambassadeur d'Israël en France il y a quelques minutes,
10:47c'est que le Hamas détourne l'aide humanitaire,
10:51qu'il y a des vols systématiques.
10:53Des responsables de l'armée israélienne témoignent dans le New York Times,
10:56anonymement, pour dire qu'il n'y a pas de preuves.
10:58L'agence américaine de développement, selon Reuters,
11:02n'a pas trouvé de preuves non plus, Rimmam Taz.
11:04Qu'est-ce qu'on peut dire sur ces accusations de détournement
11:08et de trafic organisés par le Hamas,
11:11qui entraînerait, selon les autorités israéliennes,
11:14cette famine à Gaza ?
11:16Quand USAID est des responsables militaires israéliens,
11:24qu'on ne peut pas, je pense, accuser de sympathie envers le Hamas,
11:29disent qu'aujourd'hui, il n'y a pas de preuves de vol systématique,
11:33il faudrait peut-être les croire.
11:35Et puis, surtout, ce qui aiderait beaucoup à élucider ces questions,
11:40c'est que le gouvernement israélien arrête son blocus embargo
11:46contre les journalistes, alors évidemment contre la population de Gaza,
11:50mais contre les journalistes internationaux,
11:51qui n'ont pas le droit, depuis le 7 octobre,
11:54depuis les attaques terroristes du 7 octobre
11:56et la riposte israélienne à Gaza,
11:59de se rendre à Gaza et de témoigner
12:01et de rapporter, comme dans tous les conflits du monde.
12:04Moi, quand j'étais journaliste, j'ai été dans des conflits très durs,
12:07en Syrie, en Irak.
12:09On arrivait à aller dans les points les plus chauds.
12:13Donc les journalistes aguerris savent ce qu'ils font.
12:15Il faut les laisser faire leur travail.
12:17Et c'est comme ça que les démocraties établissent aussi une partie de la vérité.
12:22La question, derrière cette question de la famine qu'on évoque ensemble,
12:28ce qui est sûr, c'est que les autorités compétentes du programme alimentaire mondial,
12:33par exemple, disent aujourd'hui, la situation à Gaza est pire qu'au Soudan ou au Soudan du Sud.
12:40C'est la pire situation humanitaire dans le monde pour ce qui est de la faim.
12:45Que 100% de la population sera touchée dans les semaines à venir,
12:49si rien n'est fait, et peut-être l'est-elle déjà.
12:52La question sous-jacente, Trim Momta, c'est de savoir si c'est un choix politique délibéré d'Israël.
12:59Alors, ce qu'on sait publiquement, c'est qu'on a au moins trois ministres au gouvernement israélien
13:04qui parlent explicitement et publiquement, ce sont des déclarations qu'ils font publiquement,
13:10de leur intention, de leur plan pour faire un nettoyage ethnique à Gaza
13:16et, en fait, faire en sorte que les conditions de vie deviennent tellement insupportables
13:23et impossibles pour les Gazaouis et les Palestiniens à Gaza
13:26qu'ils décident de partir ou qu'ils meurent.
13:30C'est ce qu'on sait publiquement.
13:31Est-ce que c'est la position du Premier ministre lui-même ?
13:34On n'a pas entendu ce genre de déclaration de sa part.
13:37Par contre, ce sont des ministres, le ministre des Finances,
13:40le ministre de la Sécurité Nationale, par exemple.
13:42Ce sont des ministres piliers de la coalition qui tient ce gouvernement.
13:47Donc, il faut aussi prendre en compte ce que les responsables israéliens nous disent eux-mêmes.
13:52Isabelle Defourny ?
13:53Mais vous savez, des militaires peuvent toucher par inadvertance un immeuble,
13:58par exemple bombarder par erreur un immeuble.
14:01Mais c'est impossible de mettre en place une famine.
14:04Par hasard, cette famine, elle est créée de toute pièce par le gouvernement israélien.
14:09Depuis des mois, ils ont commencé par détruire méthodiquement les cultures, les champs, les serres.
14:16Ensuite, ils ont limité drastiquement le nombre de camions et de nourriture qui pouvaient rentrer dans Gaza,
14:22allant jusqu'à zéro pendant plusieurs mois.
14:24Israël a soutenu des gangs qui ont pillé la nourriture qui rentrait dans Gaza.
14:31Ils ont ciblé la police de Gaza qui essaie de protéger ces convois de nourriture.
14:38Et enfin, ils ont tout fait pour décrédibiliser les agences de l'aide,
14:44comme le programme alimentaire mondial, qui, il faut le dire, est le seul organisme au monde
14:49capable de mettre en place des distributions pour 2 millions de personnes
14:54et d'endiguer cette famine.
14:57Et enfin, cette organisation privée dont on parlait,
15:00qui aujourd'hui tire sur la population qui vient chercher de l'aide.
15:05Je vous repose la question, puisque vous évoquiez les pillages sur ce qu'on disait,
15:10les accusations contre le Hamas qui détourneraient la majeure partie de l'aide humanitaire
15:15pour alimenter un trafic.
15:17Vous qui avez des équipes sur place, est-ce qu'elles ont constaté cela ?
15:21Pas du tout.
15:22On a de grandes équipes sur place.
15:24On a 25 personnels internationaux et 800 personnels palestiniens.
15:29Et jamais, jamais, on a vu, jamais on nous a rapporté des détournements massifs systématiques
15:37de nourriture par le Hamas.
15:39Bien au contraire, en fait, plusieurs fois, on les a vus protéger ces convois de nourriture
15:46qui rentraient dans Gaza.
15:49Et ce que les responsables israéliens, militaires israéliens disent dans l'article du New York Times,
15:55c'est que le programme alimentaire mondial, par le fait qu'il prend la nourriture à l'extérieur du Gaza
16:00et qu'il la chemine jusqu'aux bénéficiaires, prévient, en fait, ces détournements massifs par le Hamas.
16:07Donc ça, c'est une idée fausse à laquelle il faut faire la peau, j'allais dire.
16:13Rime Omtaz.
16:14Je voulais juste partager des chiffres donnés par le COGAD, qui est l'organisme militaire israélien
16:19qui contrôle tout ce qui rentre et tout ce qui sort de Gaza.
16:21D'après les chiffres, donc ça c'est des militaires israéliens,
16:25quand il y avait le cessez-le-feu imposé par la nouvelle administration Trump
16:29au début de l'année, janvier-février,
16:31à travers le système onusien de distribution d'aides qui était toujours en place,
16:36un pic de 295 120 tonnes d'aides est entré à Gaza.
16:42Puis, Israël a décidé de violer le cessez-le-feu, de l'arrêter,
16:46a mis en place un blocus total.
16:49C'est pour ça que le président Macron est allé, par exemple, en Égypte en avril
16:53pour parler de cet arrêt total de livraison.
16:57Et depuis, ils ont arrêté la distribution à travers le système et le mécanisme onusien.
17:02Ils ont mis en place cette nouvelle fondation humanitaire de Gaza dont on parlait.
17:09Et le pic depuis n'est qu'à 38 252 tonnes.
17:13Donc, c'est un effondrement des livraisons qu'Israël contrôle.
17:19Rami Abou Jamous, je reviens vers vous en direct de Gaza.
17:24Vous voyez, vous aussi, depuis chez vous,
17:27que les opinions publiques internationales sont de plus en plus choquées,
17:31notamment par ces photos que j'évoquais d'enfants décharnés.
17:34Deux ONG israéliennes ont dénoncé hier un génocide,
17:40une intention délibérée de détruire la société palestinienne.
17:45Est-ce que ces réactions, qui commencent à se faire de plus en plus vives,
17:50vous donnent de l'espoir ou pas encore ?
17:53Ce n'est pas question d'espoir, mais c'est juste qu'on peut dire que ce n'est jamais trop tard,
17:58parce qu'on est en train de vivre ce génocide, ce nettoyage ethnique.
18:01Donc, on a déjà beaucoup alerté de tout ce qui sort des bouches,
18:06que ce soit des Israéliens ou bien de l'Occident.
18:09Mais malheureusement, tout ce qui sort des Palestiniens, c'est toujours en mettant le doute.
18:13Moi, j'avais alerté pour la famine depuis deux semaines, un peu plus,
18:17où je disais qu'on est vraiment dans la famine.
18:19Il y a beaucoup de personnes qui n'arrivent pas à avoir un plat par jour
18:23et qui sont, ça fait quelques jours, qui n'arrivent pas à manger.
18:27Ça n'a pas eu de grand succès au niveau opinion internationale.
18:30Mais quand l'AFP, que je les remercie, ils ont fait leur tribune,
18:34tout le monde s'est mobilisé.
18:35Tribune des journalistes de l'AFP, soutenue par leur direction,
18:38pour dire « si vous ne faites rien, nos collègues journalistes sur place,
18:42comme l'ensemble de la population Gazaoui, va mourir de faim ».
18:46Voilà. Et pareil aussi pour les deux ONG israéliennes.
18:50On a déjà parlé beaucoup de fois qu'il y a un génocide,
18:54beaucoup de fois qu'il y a une volonté d'affamer la population.
19:00Rimel a dit qu'il y a les deux ministres d'extrême droite,
19:05mais aussi il y a le ministre de la guerre,
19:06qui l'a dit clairement qu'on va faire ces points de distribution
19:10pour pousser la population à aller à Arafat.
19:13Il a parlé aussi de ce qu'on appelle la ville humanitaire.
19:16C'est un peu l'auphémisme pour dire « c'est un con »
19:18pour entasser toute la population de Gaza,
19:21parce que dans les meilleurs des cas, ils vont être sous détente,
19:23pour les déporter ailleurs, dans des pays étrangers.
19:26Donc il y a une volonté.
19:28Ce n'est pas que quelques ministres,
19:29c'est le ministre qui fait la guerre à Gaza, qui a déclaré ça.
19:32Donc c'est une volonté d'affamer la population,
19:35de tuer la population,
19:37et surtout le vrai but, que ça a été sur le dossier,
19:40sur la table, c'est déporter les 2,3 millions de personnes.
19:44On utilise toutes les méthodes,
19:45la tuerie par les massacres et les bombardements,
19:48la tuerie avec la famine,
19:50et la tuerie en allant chercher à manger,
19:52parce que ces points de distribution,
19:54ce ne sont que des points de distribution de la mort,
19:56parce qu'on risque notre vie pour avoir,
19:58au meilleur des cas, un sac de farine ou un colis de nourriture.
20:01Alors la France dit que la relance de la solution politique,
20:05la fameuse solution à deux états,
20:07peut permettre justement d'empêcher ces déportations,
20:13ce nettoyage ethnique qu'appellent certains ministres israéliens
20:17de leur vœu très clairement.
20:19Rabi Abou Jamous, est-ce que la décision de la France
20:21de reconnaître l'état de Palestine en septembre,
20:24on en parle autour de vous,
20:26qu'en pensent les gens,
20:27est-ce que ça suscite quelque chose ?
20:30Ou pas du tout ?
20:34On vous a perdu, Rabi Abou Jamous,
20:36alors je me tourne vers nos invités en studio,
20:38évidemment on comprend que la liaison depuis Gaza est compliquée,
20:40Rime Mamtaz, est-ce que ça peut changer quelque chose,
20:42cette reconnaissance de l'état de Palestine ?
20:44Ce qui est important dans l'initiative portée par la France
20:47et le président Macron,
20:49et les équipes diplomatiques,
20:50c'est qu'en fait,
20:51elle est basée sur un engagement de la part
20:54de l'autorité palestinienne et aussi des pays arabes,
20:57importants comme l'Arabie Saoudite et d'autres,
21:00à désarmer le Hamas,
21:02à mettre en place une réforme réelle de la gouvernance palestinienne,
21:06pour s'assurer que les droits,
21:08la dignité, la sécurité des Palestiniens est assurée,
21:12mais aussi pour éviter une reprise du terrorisme contre Israël.
21:16C'est ça le fait marquant de cette initiative
21:19et je tiens à le souligner,
21:21c'est la seule initiative aujourd'hui
21:23qui apporte un début de réponse faisable,
21:27concret sur le terrain,
21:29pour en finir avec le Hamas,
21:31alors que ça fait 21 mois que l'armée israélienne
21:34mène une guerre féroce à Gaza
21:36et qu'on voit que le Hamas est toujours là.
21:40Je termine sur une chose,
21:41Hier même, le politicien israélien Yaïr Lapide a dit
21:49c'est la quatrième fois qu'on reprend Khan Younes,
21:52c'est la troisième fois qu'on reprend Jabalia,
21:55donc en fait ce sont des petites villes
21:56à l'intérieur de l'enclave de Gaza,
21:58à chaque fois qu'on part, le Hamas revient.
22:01C'est une admission que cette guerre
22:04n'arrive pas à traiter le problème central
22:08qui est le problème du Hamas,
22:10alors que l'initiative française apporte une solution
22:12avec un engagement arabe.
22:14Mais vous dites, vous Isabelle de Fourny,
22:15avec Médecins sans frontières et les ONG,
22:17reconnaître un État de Palestine, oui,
22:19mais ne reconnaissons pas un champ de ruines
22:23empli de cadavres, pardon de le dire comme ça.
22:27Tout à fait.
22:28Faut-il une solution à deux États ou pas ?
22:31Ce n'est pas la question du champ de légitimité
22:36d'une organisation humanitaire,
22:38c'est aux Palestiniens qu'il faut demander,
22:41mais ce dont on a besoin en urgence,
22:44ce dont la population de Gaza a besoin en urgence,
22:47c'est d'un véritable cessez-le-feu,
22:50et pour y arriver, il faut sans doute
22:52que les otages soient libérés.
22:55Et ce dont on a besoin également,
22:58et ça j'insiste,
22:59c'est que le système d'aide classique,
23:03le système d'aide des Nations Unies,
23:05et le travail du programme alimentaire mondial,
23:07puisse reprendre intégralement,
23:10vu que c'est le seul capable de mettre fin à cette famine.
23:14Ça, je pense que c'est un message très très important à faire passer.
23:17Rami Abou Jamous, on vous a retrouvé à Gaza.
23:20Cette reconnaissance de l'État de Palestine par la France,
23:24je vous repose la question,
23:25est-ce qu'on en parle autour de vous,
23:26et qu'est-ce que vous en pensez vous ?
23:28Je vois que c'est quelque chose de très positif,
23:30mais est-ce que ça peut,
23:32la nécessité actuelle,
23:33c'est arrêter le génocide,
23:34arrêter les massacres qu'on est en train de vivre tous les jours.
23:37Mais en plus, la reconnaissance va être d'ici au mois de septembre.
23:41Je ne sais pas, d'ici au mois de septembre,
23:42est-ce que ce projet d'éportation de la population sera fait ou pas.
23:46Pareil pour la Cisjordanie.
23:47La Cisjordanie, l'annexion des territoires,
23:50déclaration qui va avoir beaucoup plus de colonies.
23:53Il y a le mur d'apartheid qui est toujours là.
23:55Mais c'est déjà, au niveau politique, c'est très bien.
23:58Mais il faut, à mon avis,
23:59commencer par quelque chose sur le terrain,
24:02pour arrêter le génocide,
24:03arrêter l'occupation,
24:04et avoir reconnaissance d'un État palestinien
24:06qui peut aider à faire quelque chose actuellement.
24:08Ça passe aussi par la libération des otages par le Hamas ?
24:12Oui, le Hamas, ils ont déclaré dès le début.
24:14Ils ont dit, on va donner tous les otages,
24:16en contrepartie, arrêter la guerre.
24:18Et Netanyahou, son gouvernement, ils ne veulent pas.
24:21Ils le répètent récemment au Hamas.
24:22Ils disent, on va faire un grand deal,
24:24libérer tous les otages d'un seul coup
24:25et arrêter cette guerre-là.
24:27Et Netanyahou, il ne veut pas.
24:29Le Hamas, c'est toujours cet épouvantail
24:31que les Israéliens utilisent.
24:32Et justement, le fait de faire un État palestinien,
24:36je ne crois pas que maintenant,
24:37dans les buts de Netanyahou,
24:39c'est éradiquer le Hamas.
24:40Au contraire, il faut que le Hamas reste
24:41pour qu'il y aura une division,
24:43pour dire au monde entier,
24:44regardez, l'autorité palestinienne
24:45ne peut pas avoir besoin de pouvoir sur Gaza,
24:48donc on ne peut pas faire un État palestinien
24:50parce que le Hamas est toujours là.
24:52Et le Hamas était toujours soutenu
24:53par Netanyahou lui-même.
24:55Les 50 millions de dollars
24:56passés par les services secrets
24:58et par les services de l'intérieur
24:59de ce qu'on appelle le Shabak
25:02de Netanyahou
25:03ou dans les poches du Hamas.
25:05Et après, aujourd'hui,
25:06on a toujours cet épouvantail du Hamas
25:08et cet argent a été passé
25:10justement parce qu'il veut avoir
25:12une division géographique, politique
25:14et tout ça entre Gaza et la Cisjordanie,
25:16diviser l'autorité palestinienne
25:17pour montrer que l'autorité est toujours faible.
25:19Et je crois que là,
25:20on va avoir la même chose.
25:21Et ils l'ont dit.
25:22Et on dit, on ne veut pas de Hamastan,
25:24mais on ne veut pas de Fatahstan à Gaza.
25:25Oui, l'autorité palestinienne, effectivement.
25:29D'où l'importance, vous l'avez dit,
25:31Rimmam Taz, de cette solution
25:32qui prévoit effectivement
25:34l'éradication du Hamas
25:36et le fait de l'écarter du pouvoir
25:38sur les territoires palestiniens.
25:40Merci à tous les trois.
25:42Rami Abou Jamous, en direct de Gaza.
25:45Je renvoie vers l'un de vos livres.
25:46Gaza vit l'histoire d'un père et son fils
25:48aux éditions Stock.
25:49Et je rappelle que plus de 200
25:50de vos confrères journalistes palestiniens
25:52ont été tués depuis quasiment deux ans maintenant.
25:54Rimmam Taz, je rappelle que vous êtes
25:55rédactrice en chef de la plateforme
25:57Stratégique Europe
25:58de la Fondation Carnegie.
25:59Isabelle Defourni, présidente
26:00de Médecins sans frontières France.
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