- 18/05/2025
Christophe Boltanski, journaliste, écrivain et Rym Momtaz, journaliste, géopolitologue, analysent la situation au Moyen-Orient, entre l'intensification de l'offensive israélienne à Gaza et la Syrie libérée du régime de Bachar al-Assad.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Et un grand entretien ce matin, les yeux tournés vers le Moyen-Orient, l'Orient compliqué, l'offensive israélienne qui se poursuit et s'intensifie à Gaza,
00:10la perspective d'une occupation de l'enclave palestinienne qui s'approche en Syrie, le pays voisin.
00:18C'est la question qui se pose à la une du magazine Le 1, où va la Syrie ?
00:24Avec deux invités aujourd'hui dont on a voulu croiser les regards, Christophe Boltanski et Rime Momtaz.
00:30Bonjour à tous les deux.
00:31Bonjour.
00:32Et bienvenue, Rime Momtaz, vous êtes journaliste, géopolitologue, rédactrice en chef du blog Strategic Europe de la Fondation Carnegie pour la paix internationale.
00:41Christophe Boltanski, vous êtes grand reporter, reporter de guerre, écrivain.
00:46On vous doit de nombreux ouvrages, dont une biographie de Yasser Arafat.
00:51Vous avez été correspondant pendant des années à Jérusalem.
00:54Et vous revenez tout juste de Homs.
00:57Vous collaborez justement à ce numéro spécial du 1 qui est consacré à la Syrie.
01:03Homs comme ville test, test pour la Syrie et pour la région.
01:07Vous allez nous expliquer pourquoi tout à l'heure.
01:10C'est un reportage absolument passionnant, très impressionnant sur cette ville déchirée.
01:15Chers auditeurs, intervenez, posez vos questions au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
01:22Mais partons de l'urgence, partons de la poursuite des frappes israéliennes sur Gaza, intensification des bombardements hier en Gor,
01:31sur Gazaville, Canyounes, d'autres villes encore.
01:3532 personnes tuées hier samedi avec Israël, qui cherchent à provoquer un nouveau mouvement de population, des tracts qui encouragent les habitants, les Gazaouis, à se déplacer vers le sud de cette enclave.
01:48Dont il faut rappeler qu'elle est minuscule, elle fait à peine 40 kilomètres de long, 6 à 12 kilomètres de large.
01:552 millions de personnes y vivent ou plutôt y survivent.
01:58Mais partons justement de cette situation de survie, de la situation humanitaire à Gaza-Rim-Montaz.
02:05Quels sont vos mots ce matin pour qualifier ce qu'il passe quand on sait que l'accès à l'aide humanitaire est complètement entravé.
02:13Et que selon l'UNICEF, 71 000 enfants ont besoin d'être traités de toute urgence contre la malnutrition.
02:22Je pense qu'il est temps qu'on pose des mots et qu'on parle d'une volonté de nettoyage ethnique de la part du gouvernement de Netanyahou.
02:30Je dis nettoyage ethnique parce qu'aujourd'hui...
02:32Les mots vous les avez employés justement, ce sont vos mots et les mots sont explosifs.
02:36On sait qu'ils sont quasiment incandescents à chaque fois qu'on veut qualifier la situation sur place.
02:42Et je parle de nettoyage ethnique parce qu'on a des déclarations très claires de la part du Premier ministre Netanyahou,
02:48du ministre des Finances, du ministre de la Sécurité Nationale,
02:52qui disent que leur intention c'est de forcer en fait les Gazaouis à quitter leur terre et à ne plus revenir.
03:00C'est du nettoyage ethnique et aujourd'hui, ça fait plus de deux mois qu'ils utilisent de manière délibérée l'arme de la faim.
03:07Ils essayent d'affamer ces gens pour les pousser à partir.
03:10Les pousser à partir, mais vers où ?
03:13Vous qui connaissez la région, Christophe Boltanski,
03:15est-ce qu'on a pu imaginer quand on était comme vous à l'époque à Jérusalem,
03:21quand on a connu la bande de Gaza à l'époque où elle accueillait Yasser Arafat,
03:25c'était il y a pile 30 ans lorsqu'il revenait d'exil de Tunisie.
03:29Est-ce qu'on a pu un jour imaginer qu'Israël chercherait à réoccuper ce territoire,
03:35ce territoire palestinien ?
03:37Non, c'était impensable. Moi, j'ai vécu à Gaza plus des semaines et des semaines,
03:43parce que je pourrais écrire notamment cette biographie sur Arafat.
03:46Et c'était un territoire extrêmement vibrant.
03:51Il y avait des universités, des hôpitaux, des cafés, des restaurants, des intellectuels, des artistes.
04:00J'ai pu travailler tout à fait librement.
04:02J'ai sur tourné, y compris sous la domination du Hamas.
04:07C'était plus compliqué, mais j'ai sur tourné en 2009 et en 2014,
04:12quand il y a eu ces différentes guerres.
04:15Mais on pouvait aussi travailler comme journaliste.
04:18Comment se fait-il qu'on ait si peu d'informations, malgré tout, sur ce qu'il se passe là-bas ?
04:22Parce que vous êtes grand reporter.
04:24Je rappelle que vous avez reçu le prix Bayeux,
04:26que vous avez été sur des théâtres de conflits extrêmement intenses et compliqués, inaccessibles.
04:32Mais là, c'est particulier.
04:33On a le sentiment d'un trou noir dans ce territoire,
04:37dont je rappelle la superficie, 40 km sur 10.
04:40Il faut rappeler que les journalistes étrangers n'ont pas le droit de rentrer à Gaza.
04:47Donc, il y a effectivement un black-out complet sur l'information,
04:51qu'il y a des journalistes palestiniens qui font leur travail,
04:54mais qu'ils sont la cible répétée de l'armée israélienne.
04:59Il y a plus de 300 journalistes palestiniens qui ont été tués.
05:02Donc, effectivement, c'est un trou noir.
05:05Rimantaz.
05:06En fait, c'est une politique délibérée de la part du gouvernement israélien.
05:09Mais expliquez-le à nous.
05:11D'ailleurs, c'est contre le droit.
05:13Depuis le début de leur riposte,
05:16donc ça a commencé comme une riposte après les attaques terroristes du 7 octobre,
05:20qui était terrible, évidemment, en Israël,
05:22que le Hamas a fait.
05:24Depuis le début de leur riposte,
05:26l'État israélien, le gouvernement israélien,
05:29empêche, interdit aux journalistes à l'extérieur de rentrer à Gaza.
05:34Parce qu'ils ne veulent pas les projecteurs.
05:36Oui, la question peut vous paraître totalement naïve,
05:39mais pourquoi on peut aller couvrir des théâtres d'opérations très compliqués partout sur la planète ?
05:46De quoi a peur le gouvernement israélien ?
05:48Je pense que c'est une question qui est très importante.
05:50S'ils n'avaient pas des choses à cacher,
05:52ils permettraient aux journalistes indépendants, étrangers,
05:56tels qu'ils les décrivent,
05:58de rentrer et d'informer le monde sur ce qui se passe.
06:03Est-ce que vous comprenez cette situation, Christophe Boltanski ?
06:07Je pense que c'est...
06:07Oui, vous avez tout à fait raison.
06:09On se retrouve face à deux narratifs.
06:12Donc, il y a le narratif israélien.
06:14Donc, à chaque fois qu'il y a une exaction contre un hôpital,
06:17contre des secouristes,
06:18ils vont dire, ben non, il y avait des gens armés, etc.
06:21Et puis, il y a un autre narratif, qui est le narratif palestinien.
06:23Et c'est là où la presse internationale peut jouer un rôle,
06:27d'enquêter et d'évaluer les faits.
06:31Et effectivement, en empêchant cet accès,
06:34ça permet au gouvernement israélien de dire,
06:38c'est de la propagande, et tout ça, ce sont des mensonges.
06:40Est-ce que vous comprenez aujourd'hui,
06:42puisque vous avez été en Syrie et qu'Israël y joue un rôle de plus en plus important,
06:46est-ce que vous comprenez la logique du gouvernement Netanyahou dans la région, Christophe Boltanski ?
06:51On va parler de la Syrie spécifiquement,
06:53mais est-ce que vous comprenez, non seulement le durcissement de la politique sécuritaire,
06:59de l'offensive militaire, et l'entrave aux règles du droit international ?
07:03J'avoue que j'ai du mal à le comprendre.
07:05Vous avez du mal à le comprendre ?
07:06J'ai du mal à le comprendre.
07:06Malgré des années passées.
07:08Parce que même en Syrie, l'intérêt d'Israël, à long terme,
07:13c'est que la Syrie redevienne un arbre de stabilité.
07:19Et les nouveaux dirigeants syriens, d'ailleurs, ont évolué.
07:23On fait évoluer de façon incroyable à l'égard d'Israël.
07:27Et on a l'impression que la politique israélienne est plutôt de mettre de l'huile sur le feu.
07:32Et pourquoi ? Je ne comprends pas.
07:33Alors, à Gaza, il y a eu 33 morts hier matin, depuis l'intensification des frappes israéliennes.
07:40Les appels au cessez-le-feu au niveau international, ils se multiplient.
07:42Il y a une vraie pression qui monte, y compris de la part de Donald Trump,
07:47qui dit « enfin, nous nous intéressons à Gaza ».
07:50Rimomtaz, est-ce que cette pression-là, elle a des chances d'obtenir des résultats ?
07:54La seule chance, c'est que le président américain, Trump, continue ce qu'il vient de commencer,
08:01c'est-à-dire d'arrêter de constamment tout coordonner avec le gouvernement israélien.
08:07Il parle de Gaza, déjà c'est nouveau.
08:09Il parle de Gaza, il dit qu'il y a trop de gens qui meurent.
08:12Et surtout, son envoyé spécial est allé en Israël à rencontrer les familles des otages israéliens,
08:18parce qu'il y a encore des otages israéliens retenus par le Hamas.
08:21Et il leur a dit, aujourd'hui, la partie qui entrave la libération de vos enfants,
08:27c'est votre gouvernement, c'est le gouvernement israélien.
08:30Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'envoyé spécial de Trump qui est au cœur des négociations.
08:35Trump, il n'emploie pas des mots aussi durs.
08:37Il déplore que des enfants soient affamés à Gaza.
08:40Il évoque une situation qu'il veut régler.
08:44C'est son mot et c'est le mot qui revient systématiquement dans sa bouche pour absolument tous les problèmes.
08:49C'est vrai qu'on est encore très très loin d'une condamnation.
08:51Encore un mot avant de se tourner vers vous, Christophe Boltanski,
08:55et ce travail incroyable que vous avez fait en Syrie.
08:59Hier, lorsque vous voyez les pays arabes réunis à Bagdad, en Irak,
09:03pour parler d'un plan de reconstruction de Gaza,
09:05Rimontaz, je le dis, mais parce qu'on n'a pas la vidéo, vous souriez.
09:10Vous souriez, en l'occurrence, l'Irak a promis une contribution de 20 millions de dollars.
09:14Le mot de reconstruction, il semble totalement farfelu aujourd'hui.
09:18Oui, je souris parce que la Ligue arabe, on sait qu'elle n'est pas très efficace.
09:24Par contre, je pense que c'est très intéressant ce qui est en train de se passer.
09:27Il y a des pays arabes comme l'Arabie Saoudite, comme l'Egypte, comme le Qatar et comme la Jordanie,
09:33qui sont en train de travailler à un plan qui n'est pas un plan de reconstruction,
09:37parce que comme vous dites, on n'est pas du tout au moment de la reconstruction.
09:40Il travaille avec la France et les Etats-Unis pour déjà avoir un plan de gouvernance,
09:46de démilitarisation du Hamas à Gaza, de gouvernance de Gaza sans le Hamas
09:52et de réforme de l'autorité palestinienne, qui quand même est très corrompue et pas du tout efficace elle aussi.
09:59C'est le moins qu'on puisse dire.
10:00Il y a une question de Jean-Luc sur l'application Radio France.
10:02Christophe Boltanski, il dit, on dit que le Hamas voulait créer la Palestine du Jourdain,
10:07donc du fleuve, le Jourdain à la mer, mais avec cette guerre, en fait,
10:12c'est le gouvernement d'extrême droite d'Israël qui tente de créer un grand Israël du Jourdain à la mer.
10:18Pourquoi ? Et là aussi, conflit de narratif ou conflit en tout cas de volonté.
10:24Alors oui, c'est vrai que l'extrême droite israélienne,
10:27qui a des ministres au sein du gouvernement de Benjamin Netanyahou,
10:31a toujours été hostile au retrait israélien de la bande de Gaza,
10:36qui avait été effectuée par Ariel Sharon en 2005.
10:39Oui, par Ariel Sharon, qui n'était pas une colombe.
10:42Et donc, effectivement, il y a toujours eu chez eux ce rêve de retourner à Gaza,
10:46de réimplanter des colons dans la bande de Gaza.
10:49Et ils disent aujourd'hui, ouvertement, que c'est ça leur projet.
10:52Mais vous l'avez vu naître, vous, ce discours nationaliste.
10:55Il était minoritaire lorsque vous étiez installé à Jérusalem.
10:59Comment expliquer qu'il ait pu prendre à ce point dans la société israélienne ?
11:03On sait qu'elle est fragmentée.
11:06Il y a des manifestations tous les jours à Tel Aviv ou à Jérusalem
11:09contre Benyamin Netanyahou et son gouvernement.
11:13Certains pour réclamer le retour des otages,
11:15d'autres pour réclamer l'arrêt de la guerre,
11:17d'autres enfin pour arrêter tout simplement
11:20une situation humanitaire catastrophique.
11:23Ça existe, ça, en Israël.
11:25Malgré tout, le discours nationaliste,
11:27comment est-ce qu'il a émergé et pris à ce point ?
11:29Je pense qu'effectivement, il y a eu le 7 octobre, bien entendu,
11:33ce traumatisme terrible dans la société israélienne,
11:36mais que c'est antérieur à cela.
11:38Il y a eu une évolution de l'opinion israélienne longue
11:41qui s'est droitisée terriblement au cours des dernières années.
11:45Moi, quand j'étais à Jérusalem, c'était une autre époque,
11:50j'ai le souvenir d'être allé comme ça dans un des plus grands théâtres de Tel Aviv
11:54qui montrait une pièce d'Anneur Levin,
11:56qui est un grand dramaturge israélien,
11:58qui commençait par la torture d'un palestinien par des soldats.
12:02Et dans la salle, il y avait à peu près,
12:04le public était composé pour un tiers de cadets de l'armée
12:07emmenés par leurs officiers.
12:08Cette chose serait juste impensable aujourd'hui.
12:11Impensable.
12:12Je pense.
12:12Un autre auditeur, Emmanuel,
12:15vous demande ce que vous voulez dire
12:16quand vous dites que Netanyahou veut faire partir les palestiniens
12:20alors même qu'ils sont totalement bloqués et coincés sur place.
12:23Rime Momtaz.
12:23Est-ce qu'il y a une forme de contradiction aussi dans les faits
12:26pour qu'on essaye de mettre les choses au clair ?
12:28Alors, on assiège pour que les populations perdent tout espoir
12:34et qu'à la fin, en fait, ils se rendent dans le sens d'une capitulation
12:40et acceptent de quitter leur terre ancestrale.
12:43C'est ce qui est en train de se passer.
12:44On a entendu la lassitude d'ailleurs ce matin dans les journaux d'Enterre.
12:47Les gens qui en ont assez d'être baladés du nord au sud,
12:49de devoir se déplacer à chaque fois.
12:51Oui, il faut essayer de comprendre ce que c'est.
12:53Ça fait quand même presque deux ans maintenant
12:55que ces populations civiles, chaque deux, trois jours,
12:58on leur dit aller vers là, c'est safe pour le moment.
13:01Deux jours plus tard, c'est bombardé.
13:02Il faut quitter, il faut partir.
13:04Il y a des enfants, il y a des gens qui ont des maladies chroniques,
13:07il y a des femmes enceintes, il y a des vieillards.
13:09Et ça fait un an et demi, deux ans qu'ils vivent ce calvaire.
13:13Alors, on parlait d'une société fragmentée, Christophe Boltanski,
13:16c'est pour ça qu'on vous a invité aussi,
13:18parce que vous êtes allé en Syrie et qui est une société déchirée.
13:21C'est comme ça que vous la décrivez pour le magazine Le 1.
13:25Ça s'appelle Où va la Syrie ? Le 1, cette semaine.
13:28Et la réponse, vous êtes allé la chercher à Homs,
13:30parce que Homs, en quelque sorte, en tout cas, c'est comme ça que vous le décrivez,
13:34c'est une ville test, c'est une espèce de Syrie miniature,
13:37parce qu'il y a toutes les communautés qui sont présentes.
13:39Oui, toutes les communautés confessionnelles et ethniques sont effectivement présentes à Homs.
13:44Un mot de géographie quand même pour constituer ça.
13:46Alors, on n'est pas très loin, c'est une région qui est au fond minuscule.
13:49On est à 500 kilomètres de Jérusalem à peu près.
13:52On est au-dessus de Damas.
13:54C'est une ville qui a été une ville importante,
13:57mais donc on est dans un mouchoir de poche.
14:00Et Homs, donc, vous y avez été, ville divisée, ville fracturée.
14:05Oui, donc on est au centre, enfin au centre, de la Syrie utile.
14:11Celle de l'ouest, celle de l'ouest, celle qui n'est pas totalement désertique.
14:15Donc, à mi-chemin entre Damas et Alep.
14:18Et ce qui est absolument frappant quand vous allez à Homs,
14:22c'est que c'est une ville divisée en deux.
14:24Vous avez d'une partie de la ville qui s'est rebellée contre le régime
14:30et qui a été entièrement détruite.
14:32Et donc, c'est comme si vous marchiez à Berlin en 1945.
14:37Et une autre partie de la ville qui est à majorité,
14:39même presque souvent exclusivement à la 8.
14:42Donc, c'est la communauté de Bachar el-Assad.
14:44Donc, la communauté de Bachar el-Assad et qui, elle, est intacte.
14:47Mais donc, d'un côté, vous avez des gens qui vivent dans des ruines
14:50et qui sont du côté des vainqueurs.
14:52Et de l'autre, des gens qui ont un toit, mais qui sont du côté des vaincus.
14:56Déchirer cette ville en deux camps irréconciliables.
14:59La métropole, je vous cite Christophe Boltanski, concentre les conflits du pays.
15:04Homs, c'est une Syrie en miniature.
15:06Toutes les ethnies, toutes les religions y sont représentées.
15:09La situation est explosive.
15:11Et vous reprenez un titre de Dickens.
15:13Homs sous le compte à deux cités.
15:15C'est vrai qu'il y a donc cette ville en ruines
15:18et ceux qui résistent encore ou tient debout.
15:21Mais où va la Syrie ?
15:22C'est la question qu'on peut vous poser, puisque le président de la République
15:25recevait récemment le nouveau président syrien, Ahmed El-Shahra, à l'Elysée.
15:31C'est une visite qui a été vivement critiquée, notamment à droite, à l'extrême droite.
15:36Il a défendu le président français la poursuite de la levée des sanctions économiques européennes.
15:42Est-ce que vous comprenez ce choix, ce geste d'Emmanuel Macron ?
15:47Oui, je le comprends.
15:48D'abord, il a été suivi par Donald Trump, qui a rencontré Ahmed El-Shahra en Arabie Saoudite.
15:56Je pense que rien n'est écrit en Syrie, aujourd'hui.
16:03Que les choses peuvent effectivement empirer ou évoluer vers un mieux.
16:08Et qu'il faut tout faire pour encourager...
16:11Ça peut évoluer vers un mieux.
16:12Ça peut évoluer vers un mieux.
16:14On sent, c'est ça qui est très étrange dans ce pays, c'est qu'on sent à la fois un pays totalement détruit.
16:22Prêt à exploser, presque.
16:24Prêt à exploser pour un rien.
16:25Un simple étatiel peut se terminer par des combats à l'arme lourde, comme on l'a vu entre les Druzes et des groupes combattants sunnites.
16:32Mais un immense espoir.
16:34Et une volonté de changement.
16:35L'espoir, malgré une répression qui a été écrasée, malgré la dictature de Bachar el-Assad, malgré les profondes divisions de la société syrienne,
16:45Rim Momtaz, le mot espoir, vous y croyez ?
16:50Mais en fait, la Syrie m'a aidée à recroire à ce mot.
16:54Ah oui ?
16:54Oui, oui, moi j'ai passé 14 ans de ma vie à appouvrir ce conflit.
16:59J'avais perdu espoir, j'avais perdu espoir dans la communauté internationale qui a laissé faire pendant 14 ans un régime sanglant avec la Russie et l'Iran
17:07qui utilisaient des armes chimiques contre ces populations syriennes.
17:09Toutes les lignes rouges ont été franchies.
17:12On se souvient du discours d'Obama et de l'impuissance de François Hollande.
17:16On se souvient de ce moment, oui, où les Occidentaux ont renoncé finalement à intervenir.
17:22Ils ont totalement renoncé, l'Iran et la Russie ont pris le contrôle et surtout c'est terrible,
17:28et il faut le dire parce qu'on est à Paris, Daesh était une abomination
17:32et il faut se rappeler que le régime Assad a été pire que Daesh pour la population syrienne.
17:39Qu'est-ce que ça veut dire pire que Daesh ?
17:41Pire que Daesh, il a tué 90% des victimes, il a fait disparaître plus de 200 000 personnes.
17:46En fait, on n'a pas un chiffre exact de combien de gens ont disparu.
17:50Plus de 500 000 personnes ont été tuées par ce régime, il a utilisé des armes chimiques,
17:54il a bombardé ces populations avec des barils.
17:58Il y a des villes entières qui ressemblent à Dresde aujourd'hui après la Seconde Guerre mondiale
18:02à cause du régime d'Assad.
18:04Christophe Boltanski.
18:05Oui, on peut rajouter encore des chiffres.
18:07Un million de personnes ont été en prison et passées par la prison,
18:10ça veut dire qu'ils ont été systématiquement torturés.
18:12Vous avez les deux tiers de la population qui ont quitté, qui ont dû fuir leur maison.
18:19C'est juste des chiffres absolument considérables.
18:22Et c'est effectivement, c'était le régime qui a fait tout cela.
18:27Donc il faut effectivement...
18:29Qui a réprimé le vent de liberté extraordinaire.
18:32Oui, et qui a tout fait pour que ça bascule dans un conflit armé.
18:37Des villes comme Deraïa, qui est une ville qui était juste dans la banlieue de Damas,
18:44où j'ai pu retourner, qui est aujourd'hui un tas de ruines.
18:49Parce qu'en plus, le régime, après cela, a fait sauter les maisons
18:52pour pouvoir récupérer la ferraille et pour pouvoir s'enrichir sur des ruines.
18:59Dans la ville de Deraïa, il y avait au départ un mouvement pacifiste
19:02où les manifestants distribuaient des fleurs et des bouteilles d'eau aux soldats.
19:06Ils se sont fait tirer dessus.
19:08Réman Tass, vous parliez de l'espoir qui naît en Syrie, qui vous a redonné espoir.
19:12Mais il y a quand même cet énorme point d'interrogation.
19:14Ahmed Al-Shara, le chef des autorités, qui en fait est un ancien djihadiste.
19:20Est-ce que vraiment Emmanuel Macron, par exemple, a raison de le recevoir il y a dix jours à l'Elysée
19:26pour lui parler de la levée des sanctions ou est-ce qu'il faut se méfier de lui ?
19:29Non, mais moi j'ai suivi l'évolution d'Ahmad Al-Shara.
19:31Effectivement, c'était un djihadiste dur.
19:33Oui.
19:34Il faut vraiment reconnaître.
19:37Mou, je ne sais pas ce que ça veut dire.
19:38Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'en fait, il faisait partie vraiment des leaders du mouvement djihadiste dur.
19:44Donc on peut s'interroger.
19:45Il y a des Syriens avec qui j'étais en contact pendant toutes ces années
19:48qui ont dû rejoindre les rangs, par exemple, de certains groupes djihadistes
19:51parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix et eux n'étaient pas idéologiquement.
19:54Pour se battre contre le pouvoir.
19:56C'est pour ça que je dis vraiment, Shara, c'était un choix idéologique qu'il a fait il y a plusieurs années.
20:01Et maintenant, c'est vrai que le mot incroyable, moi j'attends encore de voir comment il va gouverner
20:07parce qu'aujourd'hui, c'est le président auto-déclaré.
20:11Il n'a pas été élu non plus.
20:12Il ne parle pas de démocratie.
20:14C'est une transition d'ailleurs.
20:14C'est une transition.
20:15En principe.
20:16Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on voit qu'il est très pragmatique,
20:18qu'à chaque fois que ça risque de sauter, il arrive à faire des accords avec les Druzes,
20:24avec les Alawites, avec les Chrétiens, etc.
20:25et a ramené le calme.
20:28Et Emmanuel Macron a eu absolument raison.
20:30C'était une décision stratégique intelligente de faire ce qu'il a fait.
20:34Parce que deux choses.
20:35Un, pour préserver les intérêts des Français qui sont syriens et de la France,
20:40des intérêts stratégiques et économiques.
20:42Deux, c'est la meilleure façon de rester dans le jeu, d'imposer des conditions,
20:48d'essayer de faire en sorte de s'assurer que la transition va être pas seulement inclusive,
20:53mais en fait représentative du peuple.
20:56Et qu'elle va rester sur des lignes de plus en plus modérées.
21:00Christophe Boltanski, vous êtes d'accord ?
21:01Il faut faire confiance à ce régime ?
21:03Je ne sais pas ce que veut dire le mot confiance.
21:06Parce qu'il y a eu les violences contre les Alawites, par exemple.
21:08Voilà. Donc les Alawites, aujourd'hui, sont des victimes.
21:10Ça, il faut le dire.
21:11Alors, il faut dire que c'est une minorité dans ce pays qui est composite
21:16et qui est incompréhensible vu de l'extérieur,
21:18qui a été découpée à la hache pendant la Première Guerre mondiale.
21:22Et c'est vrai que cette minorité qui a exercé le pouvoir à travers le clan Assad,
21:27aujourd'hui, est persécutée, même ceux qui n'ont pas exercé de responsabilité.
21:31Encore une fois, je ne me suis pas rendu sur la côte,
21:35où il y a eu à peu près entre 1300 et 1600 morts,
21:38à la suite, il faut le rappeler quand même,
21:40d'une attaque qui a été orchestrée par des anciens, des fidèles du régime,
21:45qui ont tué des policiers de la Sûreté Générale.
21:49Donc, ça a entraîné des représailles.
21:51Et c'était d'ailleurs le but avoué de cette attaque.
21:55Mais aujourd'hui, effectivement, à Homs,
21:58vous avez donc cette population Alawite qui vit dans la peur
22:03parce qu'il y a des exactions absolument quotidiennes.
22:06Des assassinats, des enlèvements, des vols, des cambriolages, des pillages.
22:11Et effectivement, le rôle de cette nouvelle police,
22:15qu'on appelle la Sûreté Générale,
22:17interroge dans la mesure où ces exactions sont commises malgré leur présence.
22:23Et parfois, on le sait, il y a des témoignages,
22:26ce sont même ces gens qui portent cet uniforme noir de la police
22:30qui commettent ces crimes.
22:32Donc, il faut, vis-à-vis de ces nouvelles autorités, être attentifs.
22:39Et il faut exiger des gestes.
22:46Et la communauté internationale, contrairement à ce qui se passait sous les Assad,
22:51a un pouvoir de levier sur ces nouvelles autorités.
22:57C'est-à-dire que la question des sanctions est absolument centrale pour la Syrie d'aujourd'hui.
23:01Donc, la communauté internationale peut effectivement peser sur le cours de ce qui se passe actuellement.
23:10En tout cas, il y a les grandes questions géopolitiques.
23:13Il y a ce que peut faire la communauté internationale.
23:15Et puis, il y a le reportage à hauteur d'hommes.
23:17C'est absolument passionnant de vous lire au cœur de cette ville.
23:20Homs, Christophe Boltanski, en l'occurrence,
23:23à la rencontre d'un marchand de foules,
23:26une petite soupe traditionnelle,
23:28à la rencontre de chrétiens.
23:30C'est vraiment impressionnant comme travail.
23:32Bravo, c'est à lire dans le magazine Le 1 cette semaine.
23:36Merci.
23:36Merci, Rime Momotaz.
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