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Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, était l'invité du Grand Entretien de la matinale lundi 28 juillet, au lendemain de l'accord commercial trouvé entre les États-Unis et l'Union européenne.

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Transcription
00:00L'accord commercial conclu hier soir entre l'Union Européenne et les Etats-Unis est-il une petite ou une grande défaite pour les Européens ?
00:06Voilà comment on est tenté de présenter les choses ce matin après ce deal, comme dit Donald Trump,
00:12qui impose non pas 30% de droits de douane, c'était la menace initiale, mais 15%.
00:16Et il y a encore quelques mois, cela aurait paru impensable à n'importe quel décideur à Bruxelles.
00:21Alors voyons ce qu'en dit ce matin le ministre français qui a suivi ce dossier de bout en bout
00:26avec le négociateur en chef de l'Union Européenne, Laurent Saint-Martin.
00:29Bonjour, vous êtes le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.
00:34Si vous qui nous écoutez des questions, que vous avez des inquiétudes après cet accord,
00:39appelez-nous au 01 45 24 7000 ou écrivez-nous sur l'application de Radio France.
00:44Laurent Saint-Martin, la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a parlé d'un bon accord.
00:50Est-ce qu'il y a vraiment de quoi se réjouir ?
00:51La bonne nouvelle ce matin, c'est qu'il y a un accord et que donc nos entreprises ont de la visibilité
00:58et donc il y a de la stabilité désormais dans la relation transatlantique commerciale pour l'investissement
01:03entre l'Union Européenne et les Etats-Unis.
01:05Ça c'est la bonne nouvelle parce que nos entreprises, pendant de longues semaines et de longs mois,
01:10craignaient d'abord que cette incertitude se transforme en incapacité d'investir,
01:14en incapacité de recruter et donc geler notre économie en quelque sorte.
01:18Et donc là-dessus, il faut quand même vraiment prendre cela en considération.
01:22Oui, le fait que nous ayons désormais une forme de stabilité avec nos partenaires américains est bienvenu.
01:28Est-ce que cet accord est équilibré ? Non.
01:30Il faut être très clair là-dessus, cet accord n'est pas équilibré et donc il va nous falloir continuer à travailler,
01:35notamment sur la partie service.
01:37Finalement cet accord concerne essentiellement les biens, les taxations sur les biens, sur les produits manufacturés.
01:42Et je crois qu'il y a beaucoup de travail à faire aussi sur un autre déséquilibre commercial que parfois Donald Trump oublie de citer,
01:48qui est celui des services et notamment des services numériques.
01:51Où là, l'Union Européenne a plus d'armes à sa disposition.
01:55Non seulement, mais surtout les Etats-Unis sont excédentaires.
01:57Donald Trump a dit pendant des mois et des mois, je veux rééquilibrer une relation commerciale
02:03qui est totalement au détriment des Etats-Unis et en fait il ne parlait que des biens.
02:07Si vous prenez les services, c'est l'inverse.
02:09Et donc à nous aussi de faire ce travail de rapport de force et de rééquilibrage désormais.
02:13Vous confirmez que ces droits de douane de 15% auraient paru délirants il y a encore quelques mois ?
02:19Je confirme depuis le début et là-dessus je n'ai absolument pas varié,
02:23que cette guerre tarifaire, ces augmentations de droits de douane n'a aucun intérêt pour personne.
02:29Ça va réenchérir les produits, ça va pénaliser nos entreprises européennes,
02:33ça va créer de l'inflation aux Etats-Unis et du ralentissement et de la récession pour tout le monde.
02:36Et donc cet effet-là, il sera aussi au détriment des Etats-Unis.
02:40Les Etats-Unis ont décidé d'imposer par la force une nouvelle loi de la jungle
02:45qui ne respecte plus les règles du commerce international que nous avions depuis des décennies
02:49et qui faisait la prospérité de nos pays respectifs encore une fois.
02:53Il est absolument faux de dire que les Etats-Unis ont été spoliés
02:57ou que l'Union Européenne aurait profité des Etats-Unis.
03:00C'est totalement faux là-dessus.
03:01Et donc, ce qui est bien, c'est qu'avec cet accord hier conclu entre la Commission Européenne et les Etats-Unis,
03:07enfin on sort de l'ornière et on donne de la visibilité à nos entreprises.
03:10Ça, c'était quand même très prioritaire.
03:12Maintenant, il faut regarder...
03:12Oui, mais enfin, à 30%, les entreprises auraient eu de la visibilité aussi.
03:16Certes, mais vous aurez remarqué qu'on n'est pas à 30 et à moitié moins,
03:19qu'il y a des exemptions sectorielles très importantes pour nous.
03:22Je pense notamment au secteur de l'aéronautique, essentiel pour notre balance commerciale.
03:26Quels autres secteurs sont épargnés ?
03:28Les spiritueux.
03:28Les spiritueux devraient effectivement être dans l'accord, ce qu'on appelle techniquement le zéro pour zéro.
03:33De vrais seront ?
03:35Normalement, ils y sont.
03:36Non, mais vous savez, hier, ce qui a été accordé, ce sont des grands principes.
03:39Désormais, on va rentrer dans le dur et dans les détails,
03:41mais nous comprenons que les spiritueux sont bien exemptés.
03:44Et c'est heureux parce que, souvenez-vous, la filière cognac notamment avait été attaquée par les Chinois ces derniers mois
03:50et nous avions réussi par la diplomatie économique justement à sortir de cette difficulté-là.
03:54Et donc, il ne fallait pas que les Etats-Unis, de son côté, pénalisent également la filière des spiritueux français.
04:00Et donc, ils se retrouvent exemptés.
04:02Donc, il y a quand même des bonnes nouvelles.
04:02Il y a des secteurs qui sont exemptés dans cette période-là.
04:07Et puis, maintenant, ce n'est pas du tout pour mettre le sujet sous le tapis.
04:10Mais enfin, il va falloir que l'Europe se regarde elle-même et se demande
04:13qu'est-ce qu'on fait maintenant de notre puissance commerciale.
04:15Et là, on a un vrai travail de compétitivité, d'investissement, de simplification,
04:20de dérégulation à mettre en place pour nos entreprises.
04:23En fait, nos entreprises, elles nous demandent plus souvent d'ailleurs cela que de mener une guerre commerciale.
04:27On va parler de la riposte potentielle de l'Europe.
04:30On va parler aussi des réformes que vous appelez de vos voeux au niveau européen.
04:34Mais pour rester sur le contenu de l'accord, vous dites l'aéronautique, les spiritueux, a priori épargnés par ses droits de douane à 15%.
04:41Quels autres secteurs épargnés et quels secteurs concernés, surtout, quels secteurs, eux, vont devoir faire face à ces droits de douane
04:48et potentiellement voir leurs exportations vers les Etats-Unis contraintes d'être réduites pour ne pas avoir un manque à gagner trop important ?
04:59Bon, tous ceux qui ne sont pas concernés par les exemptions seront évidemment taxés à hauteur de 15%.
05:04C'est ce que nous comprenons de l'accord d'hier.
05:07Et donc, c'est vrai que ça va porter soit une augmentation des prix, mais le consommateur américain, qui va d'abord être pénalisé, il ne faut pas croire.
05:13Nous allons essayer de travailler avec les filières pour que le moins possible, ce soit les marges de nos entreprises qui soient impactées
05:19et que ce soit finalement le prix final qui soit payé par le consommateur américain.
05:23Ça va créer de l'inflation, mais à ce moment-là, ce ne sera plus notre problème là-dessus.
05:27Moi, ce que je demande aussi à la Commission européenne à partir de ce matin, c'est quand même de travailler à des mesures de soutien pour les secteurs
05:32qui pourraient être le plus impactés.
05:34Si je vous pose la question des filières concernées, c'est effectivement qu'il y en a qui n'exportent pas du tout vers les Etats-Unis et d'autres qui exportent beaucoup.
05:40Donc, ça veut dire le vin, le vin, pas épargné, le fromage, les produits de luxe, les cosmétiques ?
05:47Exactement. Toutes ces filières-là qui ne seraient pas exemptées, nous allons, un, continuer à travailler pour qu'elles le soient,
05:53parce que la messe n'est pas dite, et puis deux, si elles ne l'étaient pas, travailler avec la Commission européenne pour qu'il y ait des mesures de soutien
05:59parce qu'il est hors de question que nous sortions de cette période-là avec des filières qui puissent être mises en danger,
06:04c'est-à-dire mises en péril sur nos sites de production français.
06:07S'il n'y a pas de soutien, ce sont combien d'emplois menacés en France ?
06:11Ah, mais il y aurait des milliers d'emplois, mais il nous faut évidemment les protéger là-dessus.
06:14Mais je tiens à dire une chose, l'Europe a des moyens, non seulement de continuer à faire ce travail de négociation, je l'ai dit, sur les services,
06:23il y a ce qui s'appelle par exemple l'instrument anti-coercition qui peut exister pour essayer de rééquilibrer ce qui a été hier un accord déséquilibré.
06:30Ça veut dire qu'on ferme certains marchés publics à des entreprises américaines par exemple ?
06:34On peut, on peut par exemple. En tout cas, moi je veux qu'on continue.
06:36On taxe les entreprises du numérique ?
06:37En tout cas, moi je ne veux pas qu'on s'arrête à ce qui s'est passé hier.
06:41Ce serait effectivement assumer que l'Europe n'est pas une puissance économique et surtout, il y a un enjeu politique derrière.
06:48C'est est-ce que la construction européenne, est-ce que l'Union européenne est une force ?
06:51Si on veut que la réponse soit oui, alors la messe ne doit pas être dite hier.
06:55La promesse effectivement de l'Union européenne, c'est qu'on est plus fort à 27 que tout seul.
06:59C'est qu'on protégera mieux les entreprises, les citoyens.
07:03Il y avait un élément de comparaison qui était mis en avant par tous les observateurs avant la conclusion de cet accord.
07:08C'était le deal mis en place entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni il y a quelques semaines.
07:14Si je regarde sur le papier très basiquement, l'accord entre Londres et Washington, c'est 10% de droits de douane.
07:20Accord entre Bruxelles et Washington, 15%. On est moins fort à 27 que tout seul.
07:26Non, en fait l'accord est meilleur pour l'Union européenne sans vouloir trop rentrer dans les détails.
07:29D'abord nous ne partions pas du tout du même solde puisque le Royaume-Uni lui était déficitaire quand l'Union européenne était excédentaire.
07:36Donc c'est très différent comme postulat de base.
07:38Et puis surtout les exemptions que nous avons obtenues sont bien supérieures.
07:42Mais à la rigueur, oublions tout cela.
07:44Ce n'est pas la comparaison vis-à-vis de tel ou tel autre pays qui est importante.
07:47Si, parce que vous l'avez dit, c'est une menace existentielle pour l'Europe.
07:51Si l'Europe montre qu'elle n'est pas assez protectrice, c'est le boulevard à tous les anti-européens.
07:56C'est vrai, vous avez parfaitement raison. D'où l'enjeu politique maintenant.
07:59Et sommes-nous capables de continuer à avoir une négociation de rééquilibrage, de rééquilibrage sur les services ?
08:06Ça, ça va être la question des prochains jours et des prochaines semaines.
08:08Ou alors est-ce qu'on considère que c'est terminé, on ne veut plus en entendre parler,
08:12et donc effectivement c'est un accord déséquilibré sur les biens ?
08:14Je ne crois qu'il ne faut surtout pas, surtout pas s'arrêter là.
08:17Et la deuxième chose, c'est est-ce qu'enfin on va se mettre nous-mêmes au travail en européen pour de la simplification ?
08:23La compétitivité de nos entreprises, est-ce qu'elles demandent en priorité ?
08:26De la simplification, arrêt de la régulation qui les contraint trop, et diversification commerciale.
08:31On peut aussi aller chercher des accords commerciaux avec le reste du monde.
08:34Regardez l'Inde, l'Indonésie, les pays du Golfe.
08:36Tous ces pays-là ont envie de commercer avec l'Europe et on peut aller chercher, là pour le coup, des baisses de droits de douane avec ces zones du monde.
08:44Et moi je vous fais juste, Simon Le Baron, un pari.
08:46C'est qu'en 2026, malgré cet accord déséquilibré avec Donald Trump, l'Union Européenne peut sortir avec moins de droits de douane globaux.
08:53Parce qu'avec d'autres zones du monde, nous aurions eu des accords commerciaux qui nous seront favorables.
08:58Et ça c'est possible, comme nous l'avons fait avec le Canada, avec le Mexique, avec le Vietnam.
09:01Avec la Chine, désormais ?
09:02Alors la Chine c'est différent, parce que la Chine, nous avons aujourd'hui une relation commerciale dont nous devons d'abord nous protéger des surcapacités industrielles
09:09pour ne pas justement que nos propres entreprises, nos propres industries subissent une concurrence déloyale.
09:15Mais moi je vous parle plutôt de pays comme l'Inde, je vous parle des pays de l'Asie du Sud-Est, je vous parle des pays d'Amérique latine,
09:20je vous parle des pays du Golfe où il y a des zones de croissance très importantes et les produits européens peuvent être exportés avec des droits de douane qui pourraient être inférieurs.
09:28Ça c'est ce que nous sommes en train de négocier.
09:29Vous parlez de la simplification des normes qui seraient trop nombreuses et trop contraignantes en Europe et par rapport aux autres puissances mondiales.
09:38Mais est-ce que ça doit être ça pour les Européens, la leçon de la dérégulation à tout craint à la sauce Trump finalement,
09:45d'aller nous aussi vers plus de dérégulation, moins de normes et un marché plus sauvage ?
09:52Ce que je dis c'est qu'on ne peut pas être le seul endroit du monde en Europe où on régule avant de se poser la question de la production.
09:58C'est juste à ce moment-là abandonner la réindustrialisation de l'Europe et considérer que l'Europe deviendra un musée de consommateurs.
10:05Bon, ce n'est pas ma vision de l'Europe. L'Europe peut être une grande puissance industrielle.
10:09Pour cela, c'est pas...
10:10C'est aussi une puissance qui est forte parce qu'elle défend des valeurs aussi.
10:14Oui, mais attendez, déréguler ne veut pas dire abandonner ses valeurs et ses idées.
10:18Ça veut dire rendre compatibles avec les efforts de production que nous devons faire.
10:21Peut-être arrêter systématiquement de se demander comment est-ce qu'on construit de la norme
10:26avant de se demander comment on construit une usine et des employés qui vont avec.
10:30Vous pouvez tout à fait rendre compatibles les accords de Paris.
10:33Vous pouvez tout à fait rendre compatibles une certaine vision éthique,
10:36notamment du numérique, de l'intelligence artificielle,
10:39tout en laissant vos entreprises prospérer sans leur demander matin, midi et soir du reporting
10:43et un certain nombre de choses qui les empêchent aujourd'hui d'être compétitifs.
10:46Qu'est-ce que vous appelez du reporting ?
10:47Simplement que nos auditeurs comprennent.
10:49Quoi c'est contraignant pour les grandes entreprises européennes ?
10:51Parce que ça peut être d'une lourdeur administrative et d'une lourdeur normative
10:56qui aujourd'hui les empêche.
10:57Et ça ne nous empêche pas seulement les entreprises européennes.
10:59Ça nous empêche aussi parfois d'attirer des investissements internationaux.
11:02Donc ayons un agenda positif.
11:05Soyons aujourd'hui non pas uniquement dans la déception d'un accord déséquilibré d'hier,
11:10soyons aussi dans l'attaque pour les prochains mois et les prochaines années
11:13si on veut que l'Europe soit une puissance économique et politique.
11:16Si c'est bien le choix qu'on fait de façon unie à 27,
11:19alors on a un très beau terrain de jeu devant nous
11:22pour à la fois simplifier et rendre plus compétitifs nos industries européennes
11:25et puis encore une fois aller chercher des accords commerciaux avec le reste du monde.
11:28Qu'est-ce qui vous garantit, vous qui plaidez pour l'attaque ?
11:31Et d'ailleurs c'est la position de Paris depuis plus de 100 jours maintenant
11:35puisque cette négociation commerciale avec Washington a duré plus de 3 mois.
11:40Vous n'avez pas été entendu par Bruxelles, par Ursula von der Leyen à la Commission européenne
11:45alors que vous plaidiez justement pour une politique beaucoup plus offensive dans ces négociations.
11:51Pourquoi vous le seriez maintenant ?
11:52Oui, je crois que nous aurions eu intérêt à faire un bras de fer plus dur, plus ferme avec les Etats-Unis.
12:00Non pas parce que les Etats-Unis sont un adversaire, nous les considérons comme un allié, comme un partenaire,
12:03mais parce que Donald Trump comprend le rapport de force uniquement.
12:06Et d'ailleurs c'est lui qui le crée.
12:07Donc il fallait, je pense, mieux y répondre en montrant davantage nos capacités de rétorsion.
12:12Ça c'est vrai.
12:12Et probablement que l'accord aurait pu être différent.
12:15Mais je ne veux pas refaire le match, c'est pas ça qui m'intéresse aujourd'hui.
12:18Votre question est la bonne, comment est-ce qu'aujourd'hui on peut être ensemble ?
12:21Moi j'entends une unité européenne sur la nécessité honnêtement de mettre en œuvre un agenda de compétitivité,
12:27une boussole de compétitivité pour notre Union européenne avec des entreprises qui sont renforcées.
12:31Et avec un marché unique, avec une union des marchés de capitaux qui nous permet de davantage investir dans notre propre économie.
12:37Aujourd'hui vous avez une épargne privée qui finance énormément l'économie américaine,
12:40faisons en sorte qu'elle finance davantage notre propre économie européenne.
12:43Cet agenda-là, il existe. Il y a un excellent rapport qui s'appelle le rapport Draghi.
12:47Mettons-le en œuvre.
12:48Mario Draghi, l'ancien président de la Banque Centrale Européenne.
12:49Soyons audacieux, soyons en capacité à aller chercher de l'endettement commun
12:53pour avoir un niveau d'investissement à la hauteur de ce qui est nécessaire aujourd'hui pour relever notre industrie.
12:57Le rapport Draghi dont on a parlé plusieurs fois ici à France Inter,
13:00qui est devenu une sorte de bible pour vous.
13:02Mais il faut le mettre en œuvre, il ne faut pas que ce soit un rapport qui cale des étagères.
13:06Il faut que ce soit un rapport qui...
13:07Mais il n'est pas libéral ce rapport.
13:09Il est tout simplement axé sur le renforcement de la compétitivité industrielle européenne.
13:14Je crois que c'est absolument essentiel si on veut demain être en capacité d'être des compétiteurs à la hauteur
13:20face aux Etats-Unis, face à la Chine, mais aussi face au reste du monde.
13:22Est-ce qu'une Europe plus intégrée, donc, avec un marché plus fort,
13:27coûterait plus cher aux Etats et aux contribuables européens ?
13:30Et je crois surtout que ça rapporterait beaucoup plus de richesse.
13:33Il faut regarder ce qui peut ressortir d'une union renforcée là-dessus.
13:37Nous sommes aujourd'hui dans une difficulté de compétitivité en Europe, encore une fois, qui nous freine.
13:43Et donc, il nous faut aller chercher de la création de richesse, mieux la redistribuer chez nous.
13:47Nous avons un produit intérieur brut par habitant qui est aujourd'hui trop faible par rapport au celui des Etats-Unis.
13:53Ça se voit d'ailleurs sur le niveau des salaires.
13:54Et c'est là-dessus que nous avons un gros travail à faire.
13:57Mais je le dis, pardon de me répéter là-dessus, mais il n'y a pas que les Etats-Unis et la Chine dans le monde.
14:03Tout le reste du monde a envie de commercer avec l'Europe.
14:06Moi, je crois qu'il y a une formidable coalition à créer, avec tous les pays qui ne se reconnaissent pas dans une guerre commerciale.
14:12Avec tous les pays qui ne se reconnaissent pas aujourd'hui dans des règles du jeu qui ont été cassées
14:16et qui ont envie de continuer à croire dans un commerce libre qui crée de la prospérité.
14:20J'ai cité un certain nombre de pays et vous verrez que dans les prochains mois,
14:23l'Union Européenne aura des accords importants créés avec les Émirats Arabes Unis, avec l'Indonésie d'ici la fin de l'année
14:29et qui nous permettront justement d'avoir un commerce beaucoup plus audacieux, beaucoup plus important vis-à-vis du reste du monde.
14:34On n'est pas obligé d'accepter les nouvelles règles du jeu et cette brutalité imposée par Donald Trump ?
14:40Il faut s'y adapter, parce que si on est les derniers joueurs à avoir des règles, forcément vous vous faites écraser.
14:46Donc il faut nous y adapter, par contre il faut continuer à travailler avec tous ceux qui croient justement dans ces valeurs-là et ils sont nombreux.
14:52Question sur l'application de Radio France, d'Alexandre, pourquoi l'Union Européenne n'a pas plutôt cherché à taxer en retour les GAFAM,
15:00donc Google, Amazon, Facebook notamment, sont-ils vraiment indispensables ?
15:05Ça vous nous en avez parlé, vous dites il faut aller vers ce type d'instrument.
15:09En tout cas le rééquilibrage par les services, est-ce que ça passe par de la fiscalité, par de l'anticoercition, par de la norme ?
15:15Nous pourrons le discuter avec les Etats membres, mais en tout cas il faut travailler un rééquilibrage sur les services et notamment numériques.
15:20Et question de Jean, dans l'immédiat, pourquoi ne pas taxer également les biens américains à hauteur de 15% ?
15:29Pourquoi ne pas prendre une contre-mesure finalement en miroir à ces 15% de droits de douane sur les biens importés ?
15:35La volonté de la Commission Européenne a été de ne pas rentrer dans une logique escalatoire.
15:39C'est-à-dire que s'il y avait eu de la rétorsion sur les biens, cela aurait créé plus de taxation encore côté américain.
15:45Et après, qui sait jusqu'où nous pourrions nous arrêter ?
15:48Ce que les entreprises voulaient et ce dont elles avaient besoin à court terme, c'était d'abord d'arrêter cette inflation-là
15:55et d'arrêter cette escalade commerciale entre les deux zones que sont l'Union Européenne et les Etats-Unis.
16:02Donc, notamment à cause de pays comme l'Allemagne, parce que des pays comme l'Allemagne qui sont très dépendants des Etats-Unis en matière commerciale,
16:11beaucoup plus que la France par exemple, ont préféré avoir cette approche conciliante.
16:15Ça, vous le regrettez ?
16:16C'est-à-dire que la position de la France était effectivement, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'assumer davantage un bras de fer par les capacités de rétorsion de l'Union Européenne.
16:22En fait, ça dépend qui vous voulez être.
16:24Si vous voulez être une réelle puissance économique de 450 millions de consommateurs, avec cette capacité de création de richesses,
16:30et surtout, les Etats-Unis ont besoin du marché européen,
16:33eh bien, je pense effectivement que la négociation aurait pu être différente avec une mise en rapport de force plus poussée.
16:38Mais encore une fois, nul besoin de refaire le match.
16:41Aujourd'hui, nous avons besoin d'entreprises qui investissent dans notre pays.
16:44Nous avons aussi besoin d'attirer des investisseurs du monde entier.
16:47La France est le plus attractive d'Europe depuis maintenant six ans.
16:49Nous devons poursuivre cet agenda-là et on doit continuer à travailler sur des mesures de rééquilibrage sur les services.
16:54C'est la priorité.
16:54Laurence Saint-Martin, ministre chargé du Commerce extérieur.
16:57Autre question pour vous d'un auditeur de France Inter, cette fois au Standard.
17:01C'est Guy. Bonjour, Guy, on vous écoute.
17:03Oui, bonjour à tous.
17:05Je vous appelle en fait, concernant la négociation et surtout sa ratification, puisqu'on parle d'une ratification au 1er août.
17:13Je comprends aussi que la négociation continue dans les commissions.
17:19Que se passera-t-il et comment cet accord peut-il être ratifié ou pas par l'ensemble des membres de la communauté européenne ?
17:31Il faut-il le faire ?
17:32Merci beaucoup, Guy, pour cette question.
17:34La date du 1er août, je crois que c'était la date butoir fixée par Donald Trump pour ses droits de douane à 30%.
17:41C'était sa menace s'il n'y avait pas d'accord.
17:43Donc ça, on oublie cette date du 1er août.
17:44Mais effectivement, maintenant, il faut que les parlements nationaux, donc des 27, ratifient cet accord.
17:49Est-ce que c'est une formalité, Laurent Saint-Martin, ou est-ce que c'est plus compliqué que ça ?
17:54Alors, ce qui est plus compliqué, c'est que maintenant, il va y avoir une négociation technique, suite à l'accord, on va dire, plus politique, hier, sur les grands principes.
18:02Et donc cela va dépendre de la qualité et du détail de cet accord-là, et de la capacité, encore une fois, à se projeter tout de suite vers l'avenir.
18:11Moi, je demande à ce que la Commission européenne mette sur la table, tout de suite, un agenda de compétitivité plus ambitieux, de simplification plus ambitieuse, de diversification commerciale accélérée.
18:20Et à la lumière de tout cela, de cet avenir que nous allons construire en européen, effectivement, la ratification de l'accord sera mise sur la table.
18:27Mais aujourd'hui, il est trop tôt pour répondre à cet auditeur, parce qu'il ne faudrait pas que cet accord soit la fin de l'histoire, auquel cas nous serions tout simplement juste affaiblis.
18:38Or, nous pouvons nous saisir de cette séquence pour nous renforcer.
18:43Et donc, c'est de cela dont va dépendre, je crois, maintenant, les prochaines semaines et les prochains mois.
18:46Je reviens tout de même sur le contenu de l'accord, parce qu'il concerne tous les citoyens européens, puisque, notamment, l'Union européenne s'est engagée à investir 600 milliards d'euros ou de dollars, peut-être 600 milliards de dollars supplémentaires aux Etats-Unis,
19:00et à acheter 750 milliards de dollars d'énergie américaine, notamment le gaz naturel liquéfié, qui est issu de la fracturation hydraulique.
19:09On se souvient du slogan de campagne de Donald Trump, « Drill, baby, drill », forêt, forêt, toujours forêt, ça, c'est un désastre pour le climat, l'environnement.
19:18Vous disiez tout à l'heure, on peut être plus compétitif en respectant le climat.
19:22Bon, ben, dans cet accord, on est obligé d'aller vers des énergies qui sont peu respectueuses, c'est le moins qu'on puisse dire, de l'environnement.
19:29Ce sont, honnêtement, des accords d'achat qui correspondent, peu ou prou, à ce que les énergéticiens avaient déjà accordé entre eux-mêmes.
19:36Donc, il n'y a pas grand-chose de nouveau, pour être honnête, sur ces engagements d'achat énergétique.
19:40On va acheter du gaz de chiste américain.
19:42Non, mais le GNL américain permet aussi de se sortir du gaz russe.
19:49Donc, ce sont aussi des choses dans l'intérêt de l'Union européenne à ce niveau-là.
19:53Les investissements européens aux Etats-Unis, ce n'est pas une mauvaise nouvelle en soi.
19:56Nous, on a besoin d'entreprises françaises qui investissent sur le territoire américain et inversement.
20:00Les Etats-Unis sont le premier investisseur international en Europe et en France notamment.
20:03Donc, ça, ce n'est pas des mauvaises nouvelles parce que ça permet justement de rapprocher nos coopérations commerciales et d'investissement.
20:10Cette partie-là de l'accord, elle est même franchement bonne en fait.
20:13Là où vraiment on a une difficulté, c'est quand nous, on est taxé et qu'en retour, les produits américains ne le sont pas du tout.
20:20Et donc, c'est là où effectivement, il faut considérer cet accord comme déséquilibré et travailler à la suite.
20:24Donc, pas d'inquiétude de votre côté, je vous entends bien, sur cette partie de l'accord sur les capitaux et les investissements et les achats aux Etats-Unis.
20:32Vous parliez tout à l'heure de la nécessité de se diversifier, d'aller vers d'autres partenaires.
20:37Est-ce que l'Europe a tardé à intégrer cette nouvelle réalité finalement que les leaders du monde, ceux qui se sont vus comme tels pendant des décennies,
20:45ceux qu'on appelle les occidentaux, finalement ne le sont plus d'un point de vue diplomatique, géopolitique et commercial, économique aujourd'hui ?
20:53En tout cas, il faut accélérer, ça c'est vrai. Il faut accélérer avec le reste du monde qui, encore une fois, regarde l'Europe comme une terre de production de produits de qualité
21:03qui est prête à en importer davantage et donc il faut construire des accords commerciaux avec eux.
21:09Je ne dirais pas que l'Union Européenne a tardé. Par contre, ce qui est vrai, c'est que maintenant, il nous faut accélérer le rythme.
21:14Il faut être beaucoup plus rapide si on ne veut pas justement que cette nouvelle donne mondiale,
21:19cette capacité qu'a eu Donald Trump à rebattre les cartes du commerce international se fasse à notre détriment.
21:25Donc si on veut encore être des joueurs de premier plan, il nous faut de nouveaux partenaires de jeu.
21:29Ces nouveaux partenaires de jeu, ils sont un peu partout dans le monde et donc il faut construire de meilleurs partenariats avec eux.
21:33Et si on veut être des joueurs de premier plan, comme vous le dites, sur le plan, encore une fois, diplomatique, commercial,
21:38il faut être crédible au niveau international. Est-ce que cette crédibilité européenne, occidentale en général,
21:44a été mise à mal par les accusations de double standard, de deux poids deux mesures, en particulier entre l'Ukraine et Gaza ?
21:51Est-ce que c'est pour répondre à ces accusations, notamment, que la France s'apprête à reconnaître l'État de Palestine ?
21:56Non, je crois qu'il faut faire la part des choses.
21:58L'influence et de l'Union Européenne et de la France, du point de vue de la géopolitique, n'est pas à démontrer.
22:05Il nous faut évidemment savoir décorréler, même si Donald Trump lui-même, vous l'avez remarqué,
22:10utilise souvent la guerre commerciale comme un moyen de levier pour d'autres sujets géopolitiques.
22:15Nous faisons la part des choses en Européen là-dessus.
22:17Et la question économique et commerciale ne doit pas être liée à la question diplomatique, la question de la paix.
22:23Et là-dessus, les positions du Président de la République, évidemment, sont extrêmement cohérentes.
22:27Décesser le feu partout est toujours la solution de la paix privilégiée.
22:31La reconnaissance de l'État de Palestine, vous le savez, c'est tout simplement un processus
22:35qui est assumé et qui est le bon processus pour parvenir à une solution à deux États.
22:39Le Président de la République...
22:39Mais qui dit aussi qu'effectivement, les Européens ne peuvent plus se permettre, la France et les autres,
22:44d'être vus comme pratiquant un double standard par les pays, ce qu'on appelle du Sud.
22:49Non mais je crois qu'il nous faut surtout être cohérents avec nous-mêmes.
22:53Si nous disons depuis tant d'années que la solution à deux États au Proche-Orient
22:56est la seule solution d'une paix durable, alors nous devons aller vers la reconnaissance
23:01d'un État de Palestine.
23:02J'entends les débats qu'il peut y avoir.
23:03Était-ce le bon moment ? Y avait-il les conditions suffisantes ?
23:06Moi, je crois que cette réponse, pour parler de ce sujet précisément à la lettre de Mahmoud Abbas,
23:12est précisément la bonne réponse au bon moment, puisque l'Assemblée Générale des Nations Unies,
23:15elle, est en septembre.
23:17Et c'est aujourd'hui que le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères,
23:19Jean-Noël Barraud, sera à la tribune de l'ONU pour l'annoncer.
23:21Laurent Saint-Martin, merci en tout cas d'être venu avec nous nous dire
23:26comment la France, d'après vous, doit répondre, la France et l'Europe doivent répondre
23:29à cet accord commercial déséquilibré, selon le gouvernement français,
23:34entre l'Union Européenne et les États-Unis.
23:36Je rappelle que vous êtes le ministre délégué chargé du commerce extérieur
23:38et des Français de l'étranger.

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