00:04Et toujours en compagnie de Nathan Devers et Jules Torres, on évoquait Bruno Retailleau et Emmanuel Macron
00:11qui l'a un petit peu, pour ainsi dire, remis à sa place, le ministre de l'Intérieur.
00:15Il a peut-être manqué une occasion d'agir de manière plus grande, non ?
00:20Non, parce que de toute manière, le président de la République n'a quasiment aucune légitimité aujourd'hui.
00:25La parole présidentielle ne pèse absolument plus aujourd'hui.
00:28On sait qu'Emmanuel Macron avait recadré, ses ministres, il l'a déjà fait.
00:32C'était il y a un mois, lorsque Bruno Retailleau avait fait, vous savez, cette tribune dans le Fagaro
00:35sur les énergies renouvelables et qui avait provoqué une première crise, en réalité, au sein du gouvernement.
00:41Il avait enjoint à ne pas parler des sujets qui ne sont pas les siens,
00:45omettant de choses que Bruno Retailleau est ministre d'État et donc, il peut parler de tous les sujets
00:50puisqu'il a une prérogative interministérielle et que Bruno Retailleau était président des Républicains.
00:55Donc, de toute manière, moi je ne suis pas sûr qu'on aurait eu des débouchés très intéressants
00:59et très concrets de ce rendez-vous entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron.
01:03Non, non, mais c'est ce que ça dit de la relation.
01:05Car le sujet, c'était sur la crise algérienne et on sait qu'ils ne sont pas d'accord.
01:08Moi, ce que je constate, oui, c'est qu'il y a une tension au sein du sommet de l'État.
01:12Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, ils ne sont d'accord sur pas grand-chose.
01:15On le savait avant même que Bruno Retailleau arrive au ministère de l'Intérieur.
01:18Aujourd'hui, évidemment, Bruno Retailleau ne peut pas montrer qu'il collabore, si je puis dire, à ce macronisme finissant.
01:26Et donc, c'est pour ça qu'il, avec certaines notes, avec des pointes, il a cru bon de le rappeler.
01:31Et il fait exprès de montrer qu'il a vraiment, il soigne ses différences avec Emmanuel Macron.
01:36C'est tenté qu'on ne l'ait pas compris, Nathan Devers.
01:39Déjà, quand vous dites, Jules, que le président n'a aucune légitimité, il n'a plus.
01:44Si Bruno Retailleau avait le quart du douzième du tiers de la légitimité du président de la République, il pourrait s'exprimer autrement.
01:51Moi, ce qui me choque dans cette histoire, ce n'est pas que Bruno Retailleau exprime sa différence vis-à-vis du macronisme.
01:58Non seulement c'est son droit, mais je pense que c'est son intérêt, que c'est légitime et que c'est sa stratégie, c'est tout à fait légitime.
02:03Ce qui est gênant dans les déclarations qu'il a faites à Valeurs Actuelles, c'est qu'il nie l'existence de son adversaire.
02:10Il n'a pas dit...
02:11Alors, du macronisme, pas de son adversaire.
02:13Son adversaire, c'est le macronisme.
02:15Bruno Retailleau n'a pas dit, le macronisme existe et je ne suis pas macroniste.
02:19Il aurait pu dire ça.
02:20Le macronisme est dangereux pour la France et moi j'ai un autre projet.
02:23Bruno Retailleau dit, le macronisme n'existe pas.
02:26Non, il dit, ça sera la fin du macronisme au départ d'Emmanuel Macron.
02:30Ça revient à dire, ce n'est pas une idéologie, ça n'existe pas.
02:32Mais est-ce que vous êtes capable de me résumer le macronisme ?
02:34Je peux vous dire une chose de façon absolument certaine, c'est que les électeurs d'Emmanuel Macron ne voteront pas pour la droite identitaire de Bruno Retailleau.
02:42Ou alors à la marge.
02:43C'est-à-dire que...
02:43Il a des super...
02:45Dans tous les sondages d'opinions, il est très populaire chez les électeurs de la naissance.
02:48C'est-à-dire que toute l'histoire des droites, entre la droite orléaniste, légitimiste, bonapartiste, etc.,
02:52la droite de Bruno Retailleau, qui est une droite identitaire, n'a juste absolument rien à voir avec la partie de droite du macronisme.
02:59Il n'a absolument rien à voir même avec Édouard Philippe.
03:01Bruno Retailleau n'est pas identitaire.
03:02Et ce n'est pas nécessairement une droite identitaire.
03:04Moi je prends le pari avec...
03:04C'est évidemment une droite identitaire.
03:06Il vient de là Bruno Retailleau.
03:07Il vient de là, c'est toute sa trajectoire politique.
03:09C'est une droite qui a des accents identitaires.
03:10Il parlait de peut-être conservatrice, mais pas nécessairement identitaire.
03:12Et avec l'idée d'une subversion migratoire, avec l'idée d'un ensauvagement,
03:18avec l'idée d'une identité de la France qui serait menacée par un certain nombre de problèmes extérieurs,
03:24c'est son droit d'ailleurs d'avoir la...
03:26J'ai l'impression que ces craintes-là, elles n'étaient pas essentiellement exclusives à Bruno Retailleau au gouvernement.
03:31François Bayrou a parlé de subversion migratoire.
03:33Gérald Darmanin parle d'ensauvagement de la société.
03:35Je n'ai pas l'impression qu'ils soient les représentants d'une droite identitaire.
03:38Mais en réalité, ce que je voulais dire sur Emmanuel Macron, qui n'a plus de légitimité,
03:43c'est qu'il ne tient plus personne.
03:44Il a un Premier ministre qui s'est autonommé à Matignon.
03:47Il a un gouvernement qu'il ne tient plus puisqu'il n'a nommé aucun.
03:50Normalement, le Premier ministre propose et le Président dispose.
03:55Là, c'est le Premier ministre qui a choisi et qui a disposé.
03:58Donc en réalité, c'est pour ça qu'il ne contrôle plus personne
04:00et qu'on savait qu'on n'en tirera rien de ce rendez-vous.
04:04Ce qui est intéressant, c'est de voir que ce qu'Emmanuel Macron critique aujourd'hui,
04:07c'est exactement ce qu'il a fait à François Hollande.
04:09C'est là où c'est quand même exceptionnel.
04:11Dès l'année 2015, quand Emmanuel Macron commence à dire...
04:14Il l'a fait peut-être un peu plus tard quand même, Jules Torres.
04:17Non, non, non, on est deux ans avant.
04:19Dès 2015, quand il commence à aller chercher à Londres des fonds
04:22et qu'il sait très bien qu'il va être candidat à la Présidente.
04:25Oui, mais en fait, le problème, c'est qu'on n'était pas du tout dans la même configuration politique.
04:29C'est-à-dire qu'il y avait 340 députés socialistes.
04:32François Hollande était certes pas dans la meilleure forme de sa vie en termes sondagiers.
04:37Il avait une assise électorale et parlementaire beaucoup plus forte qu'Emmanuel Macron aujourd'hui.
04:42Et c'est en ce sens-là où je vous dis qu'il n'a plus de légitimité.
04:44C'est qu'il n'a aucune autorité sur ses ministres.
04:46Il n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale.
04:48Et pardonnez-moi, dans les sondages et dans les dernières élections qu'on a eues,
04:52il a perdu les élections initiatives de 2022.
04:54Il a perdu les européennes de 2024.
04:56Il a perdu les statuts de 2024.
04:57Et le dernier baron de Trifo, il a 19% de Français satisfaites.
05:02Je prends un pari avec vous.
05:03Vous êtes un fin à l'analyse de la vie politique.
05:05Des présidents dans l'histoire qui ont pu baisser de popularité en fin de mandat, ça existe.
05:10Bruno Retailleau a une hausse de popularité deux ans avant une élection présidentielle.
05:15Il vient de nulle part.
05:17Il vient de nulle part au sens où il n'avait pas une popularité nationale présentée comme présidentielle.
05:22Il vient de nulle part.
05:23Et je pense que cette forme d'hubris qui est la sienne, alors que d'ailleurs Emmanuel Macron, je pense que ce n'était pas exclu.
05:30Il vient encore moins de plus de nulle part.
05:32Emmanuel Macron aurait peut-être pu éventuellement ne pas complètement être opposé à la candidature de Bruno Retailleau.
05:38Mais le fait que Bruno Retailleau ait cette forme d'hubris deux ans avant la présidentielle,
05:43en général dans l'histoire de la Vème République,
05:46quand quelqu'un se prend à se comporter ainsi deux ans avant l'élection,
05:48on sait comment ça finit.
05:49C'est vrai qu'il est partout, parce que tout le monde a en tête quand même, Jules Torres,
05:53on ne va pas se voiler la face, tout le monde a en tête en 2027.
05:57D'ailleurs, le maire aussi de Cannes, vous avez entendu, David Lysnard,
06:00qui appelle les formations de droite à se mettre d'accord sur 10 mesures.
06:04Il y a une stratégie plus intelligente.
06:06Il est moins dans l'attaque frontale, il est dans la préparation.
06:09Il est moins en première ligne.
06:11Attendez, David Lysnard qui appelle à des primaires ouvertes à droite
06:15pour désigner un candidat unique à la présence présidentielle.
06:19Il sera d'ailleurs notre invité demain sur Europe 1, David Lysnard.
06:23Il la voit autour de mai, cette primaire, Jules Torres ?
06:26Elle a extrêmement bien marché, la dernière primaire ouverte des Républicains.
06:29Elle a extrêmement bien marché.
06:31Elle a terminé avec une candidate qui fait moins de 5% à la présidentielle,
06:34ce qui est un score historiquement faible pour la droite.
06:36Et moi, je pense à titre personnel, après ce n'est pas une vérité générale,
06:39que la primaire est une machine à perdre, en effet.
06:41Mais ce qui est intéressant, c'est où est-ce qu'on la situe ?
06:44David Lysnard nous dit que c'est du centre droit à la droite dure.
06:48Est-ce qu'on intègre, par exemple, quelqu'un comme Éric Zemmour ?
06:50Est-ce qu'on exclut complètement le Rassemblement National,
06:52alors qu'aujourd'hui, LR ne pourrait jamais gagner
06:54s'il ne récupère pas les électeurs du RN ?
06:56Bruno Rotaio n'a pas l'air très chaud non plus pour une union des droites.
06:59Je pense que Bruno Rotaio n'a aucun intérêt aujourd'hui à être pour la primaire,
07:02vu l'hubris dont on a tant parle,
07:04vu la cote de popularité qui est la sienne aujourd'hui.
07:06Mais c'est intéressant, moi je trouve, ce qu'il fait, c'est qu'en disant finalement,
07:11non pas que le macronisme n'existe pas, ça je ne suis pas tout à fait d'accord,
07:13il dit que le macronisme a existé, qu'il termina avec Emmanuel Macron,
07:16mais que le macronisme, qui est une sorte de en même temps, condamne à l'impuissance.
07:20En réalité, c'est une analyse politique qu'on peut faire.
07:22Le en même temps, on l'a beaucoup critiqué depuis des années.
07:25Sur la question algérienne, on a aussi dû en même temps.
07:27Sur toutes les questions migratoires, sécuritaires et même d'économies, on a dû en même temps.
07:32Qu'est-ce qu'il fait, Bruno Rotaio ?
07:34Eh bien, il va séduire un électorat de centre droit,
07:37qui pourrait être potentiellement celui-là de Loire-Philippe,
07:39qui commence à agacer, qui commence à être agacé par les postures d'Emmanuel Macron,
07:46notamment sur ces sujets où on sent quand même, dans l'opinion,
07:48il y a un durcissement sur les questions migratoires, sur les questions sécuritaires.
07:52Et Emmanuel Macron n'a pas vraiment beaucoup fait sur ces questions-là.
07:55Donc pour vous, il est susceptible de séduire de la droite dure, comme vous dites,
07:59au centre droit, Bruno Rotaio ?
08:00Pour l'instant, Bruno Rotaio séduit plutôt, oui, du centre droit, les électeurs,
08:03mais même deux tiers des électeurs du RN.
08:05Ça ne veut pas dire qu'il va les récupérer.
08:06Parce que moi, je pense que le problème pour la droite, il est là.
08:08Je pense que les électeurs qui sont partis au Rassemblement National ne reviendront jamais.
08:12Jamais.
08:13Et d'ailleurs, on le voit, Bruno Rotaio a des très bons sondages.
08:16Il a des sondages à 10, 12, 13 %,
08:18qui ne font jamais baisser Marine Le Pen ou Jordan Bardella, selon les hypothèses.
08:23Donc c'est bien que l'électorat qu'il va chercher,
08:26c'est qu'il ressuscite une sorte d'électorat de droite
08:28qui ne se retrouvait plus dans le jeu politique.
08:31Et il a récupéré aussi les électeurs des déçus du macronisme.
08:35Bruno Rotaio agace beaucoup le RN.
08:38Nathan Devers, sur l'analyse, c'est intéressant, c'est vrai.
08:42Ce que vient de nous dire Jules Torres.
08:45Il y a plusieurs.
08:46D'abord, sur le RN, il y a deux RN, comme tout le monde le sait.
08:50Il y a le RN, entre guillemets, du Nord,
08:52c'est-à-dire d'un vote de gens qui ont mal vécu la désindustrialisation
08:58et qui ont été poussés dans le RN et dans le RN de Marine Le Pen,
09:04vers le RN de Marine Le Pen, par leur paupérisation.
09:08Et puis il y a le RN du Sud, du Sud-Est.
09:10Le RN du Sud-Est, peut-être que Bruno Rotaio aurait des choses à leur dire
09:13qui pourraient les intéresser.
09:14précisément parce que c'est un vote essentiellement,
09:17et ce n'est pas une critique, c'est un constat identitaire.
09:20Et que Bruno Rotaio, j'insiste là-dessus,
09:22c'est ça sa marque de droite,
09:23par rapport à d'autres personnes,
09:25même par rapport à quelqu'un comme Laurent Wauquiez,
09:27c'est que c'est quelqu'un qui, on peut lui reconnaître la constance,
09:29qui a toujours été dans cette vision-là de la société française
09:32et du rôle que la droite devait avoir dans la vie politique.