«L'islamo-gauchisme n'existe pas» ? Gabrielle Cluzel répond au ministre de l'Enseignement supérieur

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Lors de l'émission Face à l'Info du 9 juillet, la journaliste Gabrielle Cluzel revient sur la déclaration du ministre de l'Enseignement supérieur qui a affirmé que «l'islamo-gauchisme n'existe pas».

Transcript

00:00Alors, on ne va pas se mentir, Philippe Baptiste, c'est un peu comme l'islamo-gauchisme.

00:03On peut penser jusque-là qu'il n'existait pas, pour être tout à fait franche.

00:08Personne n'en avait entendu parler, mais on peut dire qu'il a fait une entrée fracassante dans le paysage politique.

00:15C'est vrai que c'est un peu le technocrate, transparent, invisible,

00:19qui est dans l'entourage d'Emmanuel Macron depuis un moment, et qui a été aussi avec Édouard Philippe.

00:26Donc, que nous explique-t-il ? Circuler, il n'y a rien à voir.

00:31Il n'y a pas plus d'islamo-gauchisme que de pouce sur la tête d'un sauve.

00:35L'islamo-gauchisme va rejoindre la grande étagère avec tous les concepts qui n'existent pas.

00:41Mais elle commence à être très encombrée, cette étagère.

00:43On pourrait faire un dictionnaire, une anthologie des fantasmes français.

00:47Alors, le racisme anti-blanc, ça n'existe pas.

00:50Le grand remplacement n'existe pas.

00:51La théorie du genre qui n'existe pas.

00:53La submersion migratoire qui n'existe pas.

00:54La sécurité qui n'existe pas, parce qu'elle n'est qu'un sentiment.

00:57L'effet de société qui n'existe pas, puisque ce ne sont que des faits divers.

01:00Et c'est fou le nombre de Français qui sont victimes d'un phénomène d'hallucination collective.

01:06Alors, dernier en date, l'islamo-gauchisme.

01:09Alors, la séquence est quand même intéressante.

01:11Ceux qui sont intéressés par la question devraient aller la revoir,

01:14parce que toute la séquence vaut le coup.

01:16Alors, Philippe Baptiste, il écarte toutes les objections.

01:18Alors, il dit, oui, bien sûr, l'université est d'extrême-gauche.

01:23Mais ça, c'est normal, c'est une tradition.

01:27Voilà.

01:28Et vous savez, les traditions, ça a du bon.

01:30Il ne faut pas toucher aux traditions.

01:33Donc, c'est nouveau, ça vient de sortir.

01:34Quand, du côté des macronistes, on devient traditionnaliste.

01:39Donc, l'université française est d'extrême-gauche et doit le rester au nom de la tradition.

01:44Et il dit même que c'est de l'histoire.

01:45Ce n'est plus de l'idéologie, c'est de l'histoire.

01:47Alors, on imagine quand même, cas extrême,

01:49que si historiquement, l'université avait été nazie,

01:53on peut imaginer, d'ailleurs, c'est arrivé chez certains universitaires

01:56qu'ils aient collaboré pendant la dernière guerre,

01:58je crois qu'on ne se serait pas contenté de hausser les épaules

02:01en disant, ma brave dame, que voulez-vous ?

02:03C'est l'histoire, c'est comme ça.

02:05On aurait promis de dénazifier.

02:07Et bien là, l'extrême-gauche, qui a quand même été réchauffée

02:09dans l'idéologie communiste aux centaines de millions de morts,

02:14eh bien, l'histoire et la tradition nous commandent de lui ficher la paix.

02:17Donc, elle va donc continuer à endoctriner tranquillement nos enfants.

02:21Comment expliquer un tel revirement après les déclarations ?

02:24On se souvient de Frédéric Vidal qui l'a précédé à ce poste.

02:27Alors, vous avez raison, cette affaire d'islamo-gauchisme,

02:30Frédéric Vidal l'avait abordée tambour battant en février 2021.

02:35Elle avait parlé d'islamo-gauchisme qui gangrénait l'université.

02:40C'était son mot, c'était fort.

02:41À l'Assemblée, devant les députés, elle avait même annoncé,

02:44demandé un rapport au CNRS.

02:47Mais elle n'était pas la seule.

02:48Quelques mois auparavant, en octobre 2020,

02:50Jean-Michel Blanquer avait pointé du doigt, je cite,

02:53les ravages de l'islamo-gauchisme.

02:55Et lui, il avait désigné clairement l'UNEF et LFI.

02:58Le même mois, Gérald Darmanin, à l'Assemblée,

03:02il s'est attaqué avec des mots très très forts à Alexis Corbière.

03:05Un parti, comme le vôtre, qui a dénoncé pendant longtemps l'opium du peuple,

03:10la religion, est désormais lié avec un islamo-gauchisme

03:13qui détruit la République.

03:15Donc, un ministre de l'Éducation, un ministre de l'Intérieur,

03:17c'est Paris.

03:18Il y a un Sylvie Retailleau, aussi, après le 9 octobre 2023,

03:22au vu des inquiétantes réactions dans les universités.

03:28Elle avait demandé au président d'établissement d'enseignement supérieur

03:32d'être extrêmement vigilante.

03:34Elle avait fait une lettre ouverte.

03:36Et elle s'était inquiétée de ce sujet-là.

03:39Et voilà qu'aujourd'hui, Philippe Baptiste,

03:41qui, il y a quelque temps, il s'était un peu distingué sur ce sujet,

03:44ou plutôt, j'ai retrouvé depuis,

03:45parce que, comme je vous le disais à l'époque,

03:47on ne s'intéressait pas tellement à lui,

03:48il s'était opposé à l'hypothèse d'interdire,

03:51par exemple, le voile à l'université.

03:54On voit un peu son positionnement.

03:56Lui, il prend le contre-pied d'où tout cela.

03:59Alors déjà, c'est quand même un peu surprenant,

04:00parce que le président n'a pas changé.

04:02Je veux dire, c'est des ministres du même président.

04:05Vous voyez ? C'est ça qui est fou.

04:07En fait, on se rend compte que...

04:08Où est la ligne ?

04:10C'est la vraie question.

04:12Alors, à ce stade, le macronisme,

04:15ce n'est plus une girouette, c'est une éolienne.

04:17On comprend mieux le positionnement de ce parti

04:20sur les énergies renouvelables.

04:21Il y a une identification.

04:23Alors, rappelons aussi que, quand même,

04:27tout de suite après sa sortie,

04:28parce que ça aussi, c'est intéressant,

04:30Frédéric Vidal avait été lâché par Emmanuel Macron.

04:32Tout à fait.

04:33Il avait pris ses distances par Gabriel Attal Interposé,

04:36qui était porte-parole à l'époque,

04:38et qui avait dit, oui, le président de la République

04:40est extrêmement attaché, absolument attaché,

04:43à l'indépendance des enseignants-chercheurs.

04:45Et il faut savoir qu'en fait,

04:47la demande de Frédéric Vidal,

04:50semble-t-il, si l'on en croit,

04:51un article du Monde qui a creusé la question,

04:54en fait, n'a jamais existé.

04:56Le CNRS n'a jamais été saisi de cette question.

05:01On ne lui a pas demandé de faire de rapport.

05:02Alors, il faut dire que le CNRS,

05:04il avait préventivement frappé, si j'ose dire,

05:07puisqu'il avait expliqué que le terme islamo-gauchisme

05:09ne correspondait à aucune réalité scientifique.

05:14Est-ce que prouver à l'existence de l'islamo-gauchisme

05:17serait finalement plus compliqué qu'on puisse l'imaginer ?

05:22Trop difficile, peut-être ?

05:23Alors, pas du tout,

05:24parce que c'est démontré son inexistence

05:26qui serait en réalité impossible.

05:28Encore faut-il s'adresser aux bonnes personnes,

05:30à aller poser la question aux universitaires eux-mêmes

05:32qui sont largement touchés, gangrénés,

05:36pour reprendre l'expression de Frédéric Vidal

05:38et qui, en plus, se cooptent largement pour beaucoup.

05:42C'est un peu comme si au Clieu d'eau,

05:43on croyait sur parole le colonel Moutarde

05:45quand il nous dit que la clé anglaise n'existe pas

05:47et qu'il ne sait même pas où est la bibliothèque.

05:48Vous voyez ?

05:49Donc, le mantra, c'est répéter

05:52qu'on ne sait pas définir l'islamo-gauchisme.

05:54Vous voyez ?

05:55On dit qu'on ne sait pas le définir.

05:56Mais c'est faux.

05:57Tout le monde sait bien le définir n'importe qui.

05:59Il ne sait bien le définir.

05:59Pas besoin d'avoir fait polytechnique.

06:01Tout le monde sait que c'est la collusion

06:02entre la gauche et l'islam conquérant.

06:06Et d'ailleurs, si ce mot valise a fait floresse,

06:10c'est bien parce que chacun voit très bien

06:13de quoi il s'agit.

06:15En réalité, on a une gauche et un islamisme

06:19qui se font mutuellement à la courte échelle.

06:21Donc, c'est très clair.

06:24La gauche prête ses outils sémantiques et conceptuels.

06:27L'islamophobie, c'est vraiment l'exemple patent.

06:30Sa force de frappe dans les universités,

06:31l'éducation nationale, dans les médias,

06:33dans les syndicats, tout ce qu'elle a investi

06:35de façon hégémonique depuis 60 ans.

06:37Dans la mobilisation militante de rue.

06:40Et puis, l'islamisme met à son service

06:43les communautés issues de l'immigration

06:46qu'elle travaille et dont elle arrive

06:48à galvaniser une forte partie.

06:53Donc, remarquera que tout ce que la gauche a investi,

06:55tous les domaines que je vous ai cités,

06:58sont eux aussi phagocytés par l'islamisme.

07:02C'est bien que la gauche a laissé la porte grande ouverte

07:05et a déroulé le tapis rouge.

07:07Les universités, conférences interdites,

07:09profs menacés, c'est flagrant avec le sujet palestinien.

07:12L'éducation nationale, profs menacés,

07:15combat sur la baïa, le voile islamique,

07:17les médias, je ne vais pas les citer,

07:19tout le monde les connaît, les syndicats.

07:21Ça, c'est très frappant parce que, par exemple,

07:23moi, j'ai entendu des vieux militants ségétistes

07:26qui m'ont dit actuellement, il y a des secteurs,

07:27nous nous sommes évincés par des militants communautaristes,

07:31avec là aussi une forte coeptation.

07:34Et en réalité, ce n'est pas un phénomène nouveau.

07:37Michel Foucault et Jean-Paul Sartre

07:38faisaient déjà les yeux de chimène à l'islam.

07:42Je ne sais pas si vous vous souvenez,

07:44avec la révolution iranienne en 78-79,

07:46Michel Foucault, il est théoriste,

07:48il est hyper enthousiaste,

07:49l'hybridation entre la révolution et l'islam.

07:53L'islam est pour lui vraiment un levier de la révolution.

07:56Pendant la guerre d'Algérie aussi,

07:57la religion a joué un fort rôle identitaire et culturel

08:01pour mobiliser.

08:02On a dit que le colon était chrétien.

08:05Donc l'islamo-gauchisme n'est pas neuf.

08:07Il a même une famille aujourd'hui.

08:09On parle d'islamo-droitisme.

08:10Alors c'est une petite sœur plus discrète

08:12parce que plus honteuse,

08:13mais elle existe néanmoins.

08:15Et on a même parlé,

08:16certains, à propos de Dominique de Villepin,

08:19d'islamo-gaullisme.

08:21Vous voyez, ça fait des émules.

08:23Alors, Philippe Baptiste,

08:25on a l'impression qu'il est adepte

08:27de la prophétie auto-réalisatrice.

08:29Vous voyez,

08:30c'est un peu ma sœur-sœur bien-aimée.

08:32Il pense qu'il suffit de froncer le nez,

08:35de dire une chose

08:36pour qu'elle arrive.

08:38L'islamo-gauchisme n'existe pas.

08:41On l'a vu pour d'autres secteurs.

08:42C'est une façon de gouverner, d'ailleurs.

08:44Les JO,

08:45on a dit que ça allait être faramineux

08:46pour le tourisme.

08:48Merveilleux.

08:48On a fait des gros investissements,

08:49mais ça va être génial.

08:50On se rend compte qu'en fait,

08:51sur le plan touristique,

08:53en tout cas,

08:53en termes de résultats,

08:55eh bien,

08:56la France a largement régressé.

08:59Mais le plus grave

09:00dans cette déclaration,

09:01c'est qu'elle intervient,

09:03et vous l'avez dit

09:03au début de cette chronique,

09:05c'est qu'elle intervient

09:06après un acclablant rapport

09:07sur l'antrisme des frères musulmans.

09:09Et donc là,

09:10Emmanuel Macron,

09:11il est censé lancer

09:12un grand plan,

09:13vous voyez,

09:14pour lutter contre cet antrisme

09:15des frères musulmans.

09:17Alors,

09:17ça commence drôlement bien,

09:19c'est vrai.

09:19Donc,

09:20on peut déjà le résumer.

09:21Trois mots,

09:22c'est l'histoire d'une autruche

09:23qui mettait la poussière

09:24sous le tapis.

09:25Musique.

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