Retrouvez les émissions en intégralité sur https://www.france.tv/france-2/telematin/toutes-les-videos/ Dans « le grand témoin » Télématin reçoit l'ancien officier du KGB Sergueï Jirnov.
00:00On évoquait James Bond. En effet, peut-être que tous les jours, comme ça, dans la rue, dans le métro, vous croisez des espions sans le savoir.
00:05Quels sont leurs quotidiens ? Comment agissent-ils ? On va justement en parler avec le grand témoin de Télématins.
00:10Bonjour Sergueï Girneuf.
00:11Bonjour.
00:12Merci d'avoir accepté notre invitation ce matin. Vous êtes un ancien espion du KGB, désormais réfugié politique en France.
00:18On va revenir en détail dans un instant sur votre vie, sur votre carrière, mais les Russes, on peut dire aujourd'hui que ce ne sont pas vos copains.
00:24Non, les Russes, en général, on ne peut pas dire. Poutine, oui, et son régime.
00:30Mais, ah oui, ne sont pas vos amis ?
00:31Non, ne sont pas mes amis.
00:32D'accord, on a bien compris. Oui, oui, j'entendais par là, effectivement, Vladimir Poutine et son régime.
00:37Vous vous retournez toujours dans la rue en France ? Vous faites particulièrement attention à votre sécurité ?
00:42J'adore quand on me pose cette question devant des millions de téléspectateurs.
00:47C'est vrai. Mais en même temps, vous venez sur des plateaux de télévision pour en parler aussi et vous écrivez des livres.
00:51Effectivement, mais venir sur les plateaux, c'est la protection parce que quand on reste sous la lumière, d'ailleurs, c'est la seule protection des métiers de l'ombre.
01:03Bien sûr, oui, oui. Et votre métier de l'ombre, vous l'avez pratiqué pendant des années.
01:06On va revenir au début. Vous êtes né à Moscou en 1961, Sergeï.
01:11Comment un jeune moscovite comme vous se retrouve-t-il dans les services secrets soviétiques ?
01:16Il faut faire des études qui vont avec, c'est-à-dire les relations internationales, plus les langues, plus être bien vu par le parti.
01:24Et c'est le KGB qui vient vous chercher.
01:25Voilà.
01:26Il ne faut pas venir toquer à la porte comme l'a fait Poutine à 16 ans.
01:30C'est vous qui dites, effectivement, on ne choisit pas notre KGB, c'est le KGB qui vous choisit.
01:34Comment est-ce qu'il vous a choisi ? On vous passe un coup de fil et on vous dit, Sergeï, il faudrait venir servir ta nation ?
01:40En fait, pour moi, ça s'est passé un peu différemment parce que d'habitude, lorsque vous êtes à l'université, déjà, ils vous observent.
01:47Ils font l'enquête en douceur pendant deux ans.
01:50Et puis, vers la troisième année, ils vous contactent et puis commencent leur approche avec vous.
01:57Pour moi, ça ne s'est passé pas comme ça.
01:58Pour moi, ça s'est passé la première fois pendant les Jeux olympiques en 1980.
02:02J'ai travaillé comme volontaire à un central de téléphonie et j'ai reçu un coup de téléphone d'un Français qui a duré deux heures.
02:10Et après, j'ai été dénoncé et on m'a conduit à la Lubyanka en voiture officielle.
02:16Et celui qui m'a interrogé pendant deux heures, c'était un certain capitaine Vladimir.
02:21Vladimir Poutine ?
02:22C'est ça.
02:22Que vous avez rencontré à cette occasion ?
02:24Que j'ai eu le malheur de rencontrer pour la première fois.
02:28Donc, c'était très désagréable.
02:30C'est justement, à cette époque-là, il est capitaine, là, il a les épaulettes de capitaine.
02:35Après, on s'est rencontrés quatre ans après, lorsqu'on est rentrés la même année.
02:39Quatre années plus tard, à l'Institut Andropov, il était déjà commandant.
02:43Quels souvenirs est-ce que vous en gardez ?
02:45Exécrable.
02:47C'est-à-dire ?
02:47Exécrable.
02:48En fait, je ne savais pas qu'il venait de Léengrad juste pour les Jeux olympiques et qu'il voulait rester à Moscou.
02:54Et donc, il a tout fait pour me mettre en prison.
02:56Et donc, en gros, il me reprochait d'être un espion pour la France, pour le simple fait que j'ai eu la conversation avec un touriste ou un membre de délégation française qui était pour les Jeux.
03:07Et je lui ai expliqué gentiment que non, c'était mon métier.
03:11En fait, on m'a demandé d'être poli et de raconter à le pays ce que j'ai fait.
03:17Vladimir Poutine qui vous a à l'œil, encore aujourd'hui.
03:20Malheureusement, oui.
03:21Mais moi aussi, je l'ai à l'œil.
03:23Ça veut dire quoi avoir à l'œil ?
03:25Vous sentez une pression ?
03:27Ça veut dire qu'ils savent très très bien ce que je fais.
03:31L'ambassade à l'ambassade, il y a une antenne du SVR qui a remplacé le KGB.
03:35Et donc, bien évidemment, ils suivent toutes mes interventions, toutes les sorties de mes livres.
03:40D'ailleurs, ils sont acheteurs.
03:42Vous avez, évidemment, réussi à sortir du KGB.
03:46D'ordinaire, on n'en sort pas.
03:47Mais votre carrière, vous l'avez faite, effectivement, en infiltrant l'École nationale d'administration en France, le fameux ENA.
03:54C'est vrai que c'est Valérie Pécresse qui vous a recrutée pour l'ENA ?
03:57Elle n'aime pas qu'on lui rappelle ça.
04:00Parce qu'en fait, à cette époque-là, en 1991, elle était stagiaire de l'ENA.
04:05Et donc, moi, je ne suis pas assez pas Paris.
04:06L'école ne me connaissait pas du tout.
04:08Ils m'ont proposé d'entrer à l'école.
04:09J'étais très content.
04:10Mes généraux aussi.
04:11Et en fait, ils m'ont dit, pour être sûr, nous avons une stagiaire à Moscou.
04:15Elle va vous contacter et vous allez échanger avec elle.
04:18Et c'est là que vous l'avez vu arriver.
04:19Et donc, elle ne s'appelait pas Pécresse à l'époque.
04:22Elle s'appelait Valérie Roux.
04:24Et donc, on a eu le contact.
04:26On a passé quelques temps ensemble.
04:28On a passé eux-mêmes, on a fêté le jour de Pâques à l'église avec le patriarche de l'époque, le patriarche russe.
04:35Et vous avez pu, si je puis dire, pardon, mais la bernée.
04:37Et c'est ainsi que vous êtes rentré à l'ENA, entre autres.
04:40Oui, parce que donc, en réalité, il a regardé, il a dit, oui, oui, c'est un journaliste.
04:45Oui, je l'ai vu à la télévision.
04:46Oui, il a son propre programme en français.
04:48Oui, il est bon pour entrer à l'ENA.
04:49Mais quand on lui pose la question actuellement, elle a dit, non, non, non, je savais qu'elle était déjà au KGB.
04:54Alors, pourquoi elle m'a recommandé, alors ?
04:56Vous avez réussi à quitter le KGB ?
04:58Oui, en réalité, c'est le KGB qui m'a quitté.
05:01Ah, on vous a tiré ?
05:01Parce qu'en 1991, après le putsch contre Gorbatchev, le KGB a été dissous au mois d'octobre.
05:09Moi, j'étais à Paris, donc j'étais le soldat Ryan que le KGB a laissé derrière les lignes.
05:15D'accord, ok, et c'est ainsi que vous avez pu bénéficier un jour de la protection de la France.
05:20Vous écrivez des livres maintenant, vous êtes venu avec le dernier.
05:23Ce dernier, il s'appelle L'ombre des légendes, parce que vous aviez évidemment des légendes.
05:28C'est-à-dire, en fait, une identité tout autre que la réelle.
05:32Vous revenez sur des grandes affaires d'espionnage dans ce livre.
05:35Et alors, non seulement vous êtes venu avec le livre, mais je n'ai toujours pas compris ce que vous aviez en face de vous, là.
05:39C'est quoi, ça ?
05:40Parce qu'en fait, je voulais vous faire un petit clin d'œil, parce que vous m'avez invité après le secrétaire du Parti communiste français.
05:47Et donc, bien évidemment, pour vous rendre l'appareil, je vous ai amené ça.
05:54Qu'est-ce que c'est ?
05:54Je vous ai amené le tampon du KGB, enfin, avec les armoiries du KGB, pour faire la dédicace pour toute l'équipe.
06:02Je vous l'ai fait en russe.
06:04C'est un vrai tampon, c'est quoi ce tampon ?
06:06C'est un tampon que j'ai fabriqué pour les dédicaces, ça, vous savez.
06:09Une réplique du tampon du KGB de l'époque.
06:12En tout cas, ça s'appelle « L'ombre des légendes », c'est publié chez Istia et compagnie.
06:18Merci beaucoup, Sergei Girneuf, d'avoir accepté notre invitation et répondu à nos questions,
06:22de nous avoir plongé, effectivement, dans cette carrière si singulière.