Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • il y a 5 jours

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00Question israélo-palestinienne, clé de compréhension, un programme d'information pour mieux connaître et comprendre la situation au Proche-Orient.
00:22Bienvenue à Clé de compréhension, module d'entretien de référence sur les réalités israéliennes et palestiniennes pour évoquer avec le recul historique aussi depuis la création de l'État d'Israël les différentes périodes contrastées entre les conflits ouverts et armés et les périodes de paix qui ont eu lieu aussi entre Israéliens et le monde arabe pour globaliser.
00:48En tout cas, merci de votre présence et à Jean-Claude Lescure, nous avons la chance d'avoir cet historien aujourd'hui pour évoquer depuis la création de l'État d'Israël différentes étapes de ces confrontations ou de ces périodes de paix.
01:03Merci, vous êtes Jean-Claude Lescure universitaire, notamment à l'université de Cergy-Pontoise.
01:10Histoire contemporaine, c'est votre spécialité. Vous êtes aussi enseignant à l'Institut d'études politiques de Saint-Germain-en-Laye, en région parisienne.
01:19Et votre ouvrage, Le conflit israélo-palestinien en 100 questions, est publié chez Talandier.
01:25Merci de nous dire, à partir de l'origine de l'État d'Israël, 1948, ces confrontations n'ont pas opposé Israël à des groupes armés d'obédience, par exemple islamistes et avec des activités terroristes, mais à des États.
01:42À l'époque, c'était les États arabes de la région qui s'opposaient frontalement à la création de l'État d'Israël et à son développement.
01:49On a en fait, dans un premier temps qui irait de 1948 à 1967, voire 1973, des jeux d'acteurs qui vont d'abord opposer effectivement des États, Israël et tous les États arabes voisins, Liban, Syrie, Jordanie, Égypte notamment.
02:07Jeux d'acteurs là où il est important pour Israël d'affirmer sa présence internationale.
02:15Et vous allez avoir une série de conflits internationaux, 1956, l'affaire de Suez, où Israël est allié de la France et de la Grande-Bretagne.
02:23Et ça se termine mal pour les Français et les Britanniques.
02:27Et puis 1967, où il y a un conflit engagé à titre préventif par Israël, la guerre des six jours, qui permet aux Israéliens de battre tous leurs voisins et de positionner une situation dont nous sommes encore aujourd'hui des héritiers.
02:44Avec cette guerre des six jours, un enseignement sur la supériorité militaire israélienne sur ses voisins, parce qu'en six jours, c'est une guerre éclair victorieuse pour les Israéliens.
02:53Et qui va poser d'abord une extension territoriale d'Israël, puisqu'elle va s'emparer du Golan d'un côté, du désert du Sinaï, mais également de Gaza et de la Cisjordanie.
03:06Et puis, en relation internationale, ça pose autre chose, c'est une résolution 247 des Nations Unies, qui est extraordinaire, puisque vous avez, comme toutes les résolutions de l'ONU, une résolution bilingue.
03:19Alors d'abord, cette résolution, elle oublie les Palestiniens, c'est une affaire internationale.
03:24Et puis, surtout, dans sa version française, elle parle de l'évacuation des territoires occupés.
03:31Et dans sa version anglaise, elle parle de l'évacuation « some territories », donc de quelques territoires.
03:36Et du coup, vous avez une résolution qui est votée en 1967.
03:40Eh bien, si vous prenez l'application anglaise que vont faire les Israéliens dans les années 70, l'évacuation « some territories ».
03:47De quelques territoires ?
03:48De quelques territoires.
03:50Si vous prenez la version française d'évacuation des territoires, il faudrait dire évacuation de tout le monde.
03:54Donc, on a là un des summums de la diplomatie internationale qui va compliquer singulièrement les choses.
04:00Alors, les territoires, rappelez-nous, à l'époque, c'était ?
04:03C'est la Cisjordanie, c'est Gaza, c'est le Golan pour l'essentiel.
04:07Malgré cet épisode de guerre, il y a eu aussi des épisodes de rapprochement et d'accord de paix, Jean-Claude Lescure, dans cette période, fin années 60 et toutes les années 70.
04:19Dans ce jeu d'acteurs inter-étatiques qui opposent Israël à ses voisins, on a une scansion à peu près régulière.
04:26Au-delà de 67, qui voit cette défaite terrible et la fin du nasserisme, le chef d'État du Caire qui prenait une union des peuples arabes, un panarabisme.
04:39Il va avoir sa revanche qui est portée en 1974 par son successeur, où vous avez la séquence 73-74, la guerre du Kippour.
04:51Là, qui voit Israël encaisser une véritable défaite et qui est surprise par l'opération militaire.
04:58Une stabilisation pendant l'année 74 qui permet à Yasser Arafat d'être accueilli à l'ONU et de devenir le porte-parole du peuple palestinien.
05:09Et à partir de 74, l'honneur arabe a été lavé par la victoire qu'ils peuvent remporter.
05:17Et on va rentrer dans un autre moment, sous le parapluie américain, qui va déboucher sur des photos absolument extraordinaires, à Camp David, à Washington, etc.
05:28Entre, d'un côté, des Israéliens, de l'autre côté, des Égyptiens.
05:36Et les uns et les autres se serrent la main.
05:37Et cet accord-là, il est toujours en vigueur jusqu'à aujourd'hui.
05:42Et c'est vraiment un des accords de stabilisation entre l'Égypte et Israël.
05:48Oui, qui montre d'ailleurs une chose qui a pu se répéter.
05:52C'est que ceux qui se sont fait la guerre peuvent très bien imaginer se faire la paix.
05:57Avec les conséquences parfois tragiques, la Noire et le Salat étant assassinée par les combattants des frères musulmans, les islamistes radicaux qui ont sévi contre lui.
06:11Et ça devient paradoxalement, après 77, une des zones d'équilibre, alors que le reste du Proche-Orient est secoué, notamment par la révolution iranienne en 1979.
06:24Et dans les années 80, vous avez comme cela également un accord important entre la Jordanie et Israël, qui a des conséquences.
06:37Puisque la Jordanie va reconnaître en réalité véritablement Israël, mais plus encore, va laisser tomber ses revendications sur la Cisjordanie.
06:49À partir de 87-88, la Jordanie ne veut plus de la Cisjordanie et elle va aller plus loin que cela.
06:56Elle va même retirer la nationalité jordanienne aux palestiniens de Cisjordanie, qui se retrouvent, c'est pratiquement unique, rejetés, mais qui n'ont plus de passeport.
07:05Ils n'ont plus de passeport jordanien à partir de...
07:07À patrides.
07:08Ils sont dans une situation internationale un petit peu compliquée.
07:12Mais en même temps, ça a l'avantage d'éclaircir la situation, d'abord pour Israël, et puis ensuite pour les palestiniens.
07:18Les palestiniens savent qu'ils ne sont plus jordaniennes, et que donc la patrie palestinienne n'est pas la Jordanie, mais ça doit être un autre territoire.
07:27Ça ouvrira des discussions ultérieures qui aboutiront ensuite aux fameux accords d'Oslo.
07:32Jusqu'à aujourd'hui, d'ailleurs, c'est un des éléments qui est mis en avant.
07:36Donc un jeu d'acteurs, vous voyez, où là on a les États, à la fois les États arabes voisins, et puis l'État d'Israël, et puis la communauté internationale.
07:45Mais vous avez d'autres acteurs qui sont là, qui sont les palestiniens.
07:49Et les palestiniens, en fait, dans la période des années 50 et des années 60, ils doivent d'abord inventer ce qui va devenir le nationalisme palestinien.
07:59Il y avait un nationalisme arabe jusqu'en 1947-1948, mais combattu par les États arabes voisins.
08:05Oui, c'est un point important qui a été oublié d'ailleurs, parce que les États arabes ont combattu l'idée même d'un État palestinien au départ.
08:13Et en fait, c'est lorsque les palestiniens vont se retrouver, pour l'essentiel, dans des camps de réfugiés, alors au Liban, ou en Jordanie, ou à Gaza,
08:21c'est à l'intérieur des camps que des unités nationales, qui vont donner naissance à douzaines d'organisations,
08:29qui vont ensuite confédérer sous le nom de l'OLP à la fin des années 60,
08:34vont faire tout un travail pédagogique auprès de l'opinion publique en termes de constitution chez les palestiniens,
08:42pour inventer un nationalisme palestinien et un droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
08:46Et ces organisations palestiniennes, qui à partir de 1967 vont être dirigées par Yasser Arafat sous le drapeau de l'OLP,
08:55qui est une confédération d'organisations, réussissent à obtenir auprès des États arabes voisins une reconnaissance internationale.
09:02Et en 1974, Arafat est reçu à l'ONU, où il obtient le titre de seul représentant du peuple palestinien.
09:11Et là, c'est une nouveauté, vous voyez, dans ce jeu d'acteurs, c'est que désormais, à partir de 1974,
09:17vous avez une organisation politique qui est proche des organisations de décolonisation,
09:25type le FLN algérien, dont il s'est beaucoup inspiré, pour porter en fait une parole originale,
09:30qui serait une parole palestinienne.
09:33Oui, et qui est le grand changement, et que c'est non plus combattu par les États arabes,
09:38mais intégré à la cause du monde arabe comme un des étendards.
09:44Sachant que c'est plus ambigu que ça dans certains cas, par exemple pour la Jordanie,
09:49quand on sait qu'elle souhaitait intégrer les Palestiniens dans la nation jordanienne,
09:55contrairement à l'Égypte, avec les Gazaouis, et que cet État jordanien n'a pas été très tendre,
10:03c'est le moins qu'on puisse dire, avec les réfugiés palestiniens qu'on fère septembre noir.
10:07En fait, la Jordanie ne voulait pas d'un État palestinien.
10:12Jusqu'en 1987, la Jordanie refusera l'existence d'un État palestinien.
10:17Et en fait, l'agenda de ces nationalistes palestiniens,
10:21ça va être de s'affirmer face aux voisins, et s'affirmer à l'échelon international.
10:26Et pour faire ça, à partir de 1967, comme les États arabes ont été défaits dans la guerre des six jours,
10:31ils vont entamer une campagne de terrorisme international.
10:34Et cette campagne de terrorisme international prend toute une série de figures,
10:39et entre autres, ce qui est resté le plus célèbre, c'est les fameux détournements d'avions.
10:42Les détournements d'avions, d'un point de vue militaire, ça ne sert à rien.
10:45Mais en revanche, ça fait parler.
10:47Et ça inscrit à l'agenda international la question palestinienne,
10:52qui devient absolument centrale dans ces années 70.
10:55En fait, est-ce qu'on peut dire que ce qui n'a pas été réussi par les États arabes
10:59dans les confrontations guerrières d'État à État,
11:01a été, sinon réussi en termes de résultats, mais en tout cas d'opérations, par le terrorisme ?
11:07Il a permis aux Palestiniens d'affirmer leurs revendications nationales
11:10contre les États arabes et contre Israël.
11:13Parce que vous avez des opérations spectaculaires.
11:161972, c'est les opérations à Munich au moment des Jeux Olympiques.
11:20Bref, l'actualité internationale jusqu'en 1974 et au-delà
11:23est rythmée par du terrorisme international mené par Yasser Arafat et les organisations palestiniennes.
11:28Du coup, pour Israël, jusqu'aux années 90, l'OLP est une organisation terroriste.
11:35Mais les Israéliens vont opérer, là aussi, des actions tout à fait intelligentes.
11:41Il s'agit de diviser les Palestiniens,
11:44d'éviter que les Palestiniens n'apparaissent comme étant les seules organisations représentatives.
11:49Et du coup, face aux Palestiniens nationalistes,
11:52vous avez un autre courant qui existe depuis les années 1900,
11:55c'est le courant du renouveau islamiste.
11:58Et entre autres, bien connu après 1928,
12:02avec les frères musulmans qui a le nom de Hamas dans la zone de Gaza.
12:06Et là, dans les années 80, vous allez avoir des Israéliens
12:10qui vont favoriser l'émergence des courants frères musulmans
12:14comme étant une concurrence à l'intérieur de l'OLP.
12:17Une manière dans leur esprit de diviser,
12:19en prenant non pas la part nationaliste arabe,
12:23mais une part religieuse pour diviser...
12:25Exactement.
12:25Et là, dans les années 80, le problème, c'est que la donne internationale a changé.
12:30Et la dimension religieuse internationale,
12:33c'est 1979 et la chute du Shah d'Iran
12:36et le triomphe de Roménie en Iran.
12:39C'est une tentative de coup d'État en Arabie Saoudite
12:41menée par des ultras et l'intervention du GIGN français à la Mecque.
12:46Bref, 1979, vous avez un vrai effet de bascule.
12:49Et cet effet de bascule va en fait renforcer les courants religieux
12:53qui se veulent pan-islamiques,
12:55donc une union de tous les musulmans,
12:58contre les courants les plus nationalistes palestiniens.
13:01Et à partir de cela, donc années 80,
13:04eh bien ça va avoir un effet important
13:07sur la façon dont ces Palestiniens vont pouvoir se situer
13:11par rapport à la question de l'existence d'Israël.
13:15En effet, les Palestiniens ont eu,
13:19à partir des années 70,
13:20quelques difficultés avec les voisins arabes.
13:22Mais 1970, vous l'avez indiqué,
13:26c'est septembre noir,
13:27c'est-à-dire une action du roi de Jordanie
13:29contre les camps de réfugiés palestiniens
13:32qui sont en Jordanie
13:33et qui utilisent la Jordanie comme un terrain arrière
13:36pour mener des opérations militaires contre Israël.
13:38Quand vous dites contre les réfugiés palestiniens,
13:41bombardant, massacrant beaucoup de Palestiniens.
13:4510 000 morts au mois de septembre 1970.
13:48C'est 1975, on a un cas similaire
13:50avec le début de la guerre civile au Liban,
13:53l'une des plus compliquées du monde,
13:54avec des changements d'alliances toutes les semaines.
13:56La situation la plus difficile à comprendre,
14:00mais les Palestiniens là sont chassés en 1982
14:03à la suite d'une opération israélienne qui va jusqu'à Beyrouth.
14:06Et c'est des bateaux français qui vont évacuer
14:09des combattants palestiniens
14:10pour les amener essentiellement vers la Tunisie.
14:12Bien.
14:13Du coup, début des années 80,
14:14on est dans une situation où les Palestiniens d'abord sont divisés
14:17avec des nouvelles mouvances d'un côté religieuse,
14:22de l'autre côté nationaliste.
14:23Les nationalistes sont éloignés du territoire d'action.
14:27Ils ont été chassés de la proximité immédiate d'Israël.
14:30Le terrain est le temps laissé, du coup, aux islamistes.
14:33Aux islamistes du Hamas et du djihad islamiste,
14:37encore plus extrémiste dans le côté religieux.
14:40Et du coup, fin des années 80,
14:42Eh bien, Yasser Arafat va jouer une nouvelle carte,
14:46qui est la carte de la négociation avec Israël.
14:48Il va commencer par reconnaître Israël,
14:50dire que la charte de l'OLP qui refusait l'existence
14:54de l'État d'Israël est caduque,
14:56pour reprendre son expression.
14:57Donc, c'est la reconnaissance par l'OLP de l'État d'Israël.
15:01Qu'est-ce qui a fait cette évolution ?
15:03C'est le réalisme politique ?
15:04Absolument, il n'a plus de place.
15:06C'est aussi les compagnons de route, on va dire,
15:08de certains pays qui ont pu inciter.
15:11On est en 89, c'est la chute du mur,
15:13c'est la fin de l'URSS.
15:14Donc, on est dans une redistribution des cartes internationales.
15:18Et aussi les protagonistes israéliens qui étaient peut-être...
15:20Et les protagonistes israéliens, alors qu'ils vont longuement hésiter
15:23parce que l'OLP, c'est quand même une organisation terroriste.
15:27Il y a les pressions américaines qui sont présentes.
15:29Il y a les situations avec la première guerre du Golfe de 1991
15:32et l'attaque de l'Irak contre le Koweït.
15:36Bref, début des années 90,
15:38on a un Moyen-Orient qui est totalement chamboulé.
15:41Et le sujet des négociations secrètes.
15:43Et le sujet des négociations secrètes
15:45qui vont déboucher sur des accords,
15:46les fameux accords d'Oslo,
15:48qui vont fonder ce qu'on espère être un nouvel ordre international.
15:52Et ces accords d'Oslo, entre 1993 et 1995,
15:56sont des accords dits intérimaires.
15:58L'idée étant qu'ils doivent permettre
16:00d'établir une situation progressive d'évolution.
16:05D'abord, ramener la paix,
16:07puisque la paix entre israéliens
16:09dans les territoires occupés et palestiniens
16:12depuis 1989 est devenue très compliquée.
16:14C'est la première intifada,
16:16qui est une guerre des pierres.
16:18Il y a peu d'attentats,
16:20mais ce sont l'opinion publique,
16:23les jeunes, qui sont en révolte.
16:25Et jusqu'en 1993-1994,
16:28la situation n'est pas militairement dangereuse,
16:32mais on est en situation de tension.
16:34Il y a un moins explosif potentiel.
16:34Voilà, exactement.
16:35Du coup, là, Yasser Arafat va utiliser bien évidemment cela.
16:41Les Israéliens ont besoin de diminuer aussi
16:43le coût du maintien de l'ordre dans la région.
16:46Et avec l'aide financière américaine,
16:51espère pouvoir amener à une négociation.
16:54Ce qui débouche sur des accords,
16:56des accords d'Oslo,
16:57qui doivent être appliqués à partir de 1995,
17:00et qui divisent les territoires en trois zones.
17:03Les territoires de la Cisjordanie, principalement ?
17:06La Cisjordanie et Gaza.
17:08Donc, en trois zones.
17:10Une zone A, B, C.
17:12Une zone A qui doit être sous autorité palestinienne.
17:16Une zone B qui doit être une autorité mixte palestinienne-israélienne.
17:20Et une zone C, contrôle israélien sur le territoire.
17:24Et qui doit, là, un accord intérimaire.
17:27Une complexité géographique entremêlée
17:31d'une complexité de gouvernance.
17:33Oui, mais les choses sont à peu près posées.
17:35Il y a juste un problème qui demeure,
17:37qui est la place de Jérusalem.
17:39Est-ce que Jérusalem doit devenir la capitale des Palestiniens
17:43ou être simplement la capitale des Israéliens ?
17:45Et quelle est la place du mur,
17:49du cotel israélien d'un côté,
17:51et puis de l'autre côté, de l'esplanade des mosquées
17:53ou du monde du Temple, selon le vocabulaire qu'on utilise ?
17:56Oui, mais quand on met à part le contentieux,
17:58qui continue toujours, d'ailleurs, concernant Jérusalem,
18:01est-ce qu'on peut dire que ce qui concerne le reste de la Cisjordanie
18:05est finalement l'objet d'une entente, sinon cordiale,
18:09mais en tout cas d'une entente provisoire intérimaire ?
18:11Elle n'est pas cordiale, mais il y a une entente,
18:13il y a une forme de réalisme politique qui fait que...
18:16Et puis, la zone B, c'est la plus grande
18:19et c'est celle qui doit être négociée,
18:21donc dans les cinq ans qui viennent.
18:24Sauf que ça ne va pas se passer comme cela.
18:26Et vous allez avoir d'un côté des actions terroristes
18:29de juifs extrémistes, de sionistes extrémistes,
18:32et c'est un attentat qui va tuer le Premier ministre israélien.
18:38Et de l'autre côté, vous allez avoir les mouvements non-nationalistes,
18:43les mouvements anti-Yasser Arafat,
18:45les mouvements du Hamas, notamment, et du djihad islamique,
18:48qui vont multiplier les opérations en Israël et des attentats.
18:52Et éclate comme cela en 2000 la deuxième intifada.
18:56Yasser Arafat, pour ne pas perdre la main,
18:58va se rallier à cette intifada,
19:00qui est aussi une intifada cette fois-ci par les armes.
19:03Donc avec, entre 2000 et 2003,
19:06une situation qui est pire que la première intifada,
19:09et avec mort d'homme côté israélien, côté palestinien, etc.
19:14Et là, on est dans une situation où les accords d'Oslo,
19:18ils ont, à cause des jeux des extrémistes,
19:21quelque peu volé en éclats.
19:23Et cette situation va empirer encore.
19:26Lorsque Israël applique et se retire de Gaza,
19:31démantèle les colonies israéliennes de Gaza.
19:33Oui, le premier ministre, Ariel Sharon,
19:35à la surprise générale, décide de désimplanter
19:39l'implantation juive qui faisait à peu près 8-10 000 personnes,
19:42sur une population de 2 millions d'habitants,
19:45et décide de quitter définitivement Gaza.
19:49Et normalement, c'est l'autorité palestinienne de Yasser Arafat
19:52qui doit prendre la direction de Gaza.
19:54Et garantir la paix.
19:55Et les accords qui ont été signés.
19:58Sauf que ça ne se passe pas comme cela.
20:00Et très vite, il y a une guerre civile intra-palestinienne qui se développe,
20:04qui oppose les hommes de l'OLP d'un côté,
20:06les hommes du Hamas et du djihad islamique de l'autre.
20:09Et ce sont ces derniers, djihad islamique et Hamas, qui l'emportent.
20:13C'est une vraie bataille à la Kalachnikov et aux pneus incendiés.
20:18Et du coup, les agents de l'OLP doivent quitter Gaza.
20:22Et vous vous retrouvez dans une situation où Gaza est contrôlée par le Hamas.
20:25La Cisjordanie et les villes palestiniennes sont contrôlées par l'OLP, l'autorité palestinienne.
20:32Il y a déjà près de 20 ans.
20:33Il y a 20 ans.
20:35Et il n'y a plus de dialogue entre les deux.
20:37Et du même coup, les Israéliens, à partir de cette période, se disent
20:40« Mais ok, avec qui on négocie ?
20:43Vous avez un peuple palestinien, peut-être, c'est même pas sûr, disent-ils.
20:47Mais quel est le représentant légitime et avec qui va-t-on négocier ? »
20:53Et dans cette situation qui, objectivement, ne permet pas un rapprochement entre les Palestiniens.
21:00Oui, elle est duale.
21:01Elle est duale.
21:02Vous allez avoir un gouvernement israélien qui va jouer, bien évidemment, de ces divisions.
21:07Et maintenir l'ordre à Gaza en intervenant de façon régulière, tous les deux ou trois ans.
21:13Il s'agit, disait un journaliste, d'aller entretenir le jardin, couper la pelouse, bref, être dans quelque chose où, tous les deux ou trois ans, il faut faire quelques opérations militaires contre Gaza.
21:25Et en Cisjordanie, pour l'essentiel, les choses sont sous contrôle parce qu'ont été installées des mesures de protection importantes, notamment depuis la deuxième intifada.
21:36Il y a une barrière qui est sous forme de grillage sur près de 700 kilomètres.
21:42Et puis, là où le grillage n'est pas efficace lorsqu'il s'agit de traverser des villes, c'est des murs de béton de 7 mètres de haut qui permettent de sécuriser le territoire.
21:52Et Israël, du coup, va sécuriser l'intérieur de son territoire, mais ça a un effet derrière, c'est que les bons nombres de jeunes Israéliens ne voient plus jamais de Palestiniens.
22:04Les Palestiniens ne viennent plus travailler en Israël.
22:06Et ce qui va compliquer aussi, là, des éléments qu'attendent les chancelleries occidentales, avec ce qui est la règle depuis 1948, depuis le plan de partage de l'ONU, deux peuples, deux États.
22:22Et la diplomatie française est restée toujours et défend encore aujourd'hui cette posture.
22:28Oui, cette posture et cet objectif qu'on va évoquer.
22:30Mais auparavant, c'est vrai que cette stratégie de diviser, finalement, a provoqué aussi, quelque part, on peut considérer,
22:38a provoqué le pire des radicalités côté Gaza avec le Hamas,
22:42qui, en plus, essayait sans doute d'amoindrir, en tout cas de pilonner aussi, les accords d'Abraham qui rapprochaient Israël d'États arabes dits modérés,
22:55comme les Émirats arabes unis et Bahreïn, et le Maroc et le Soudan,
23:00avec sans doute aussi la bienveillance de l'Iran.
23:03Donc cette stratégie a conduit au pire du scénario, à savoir la première, la plus grande, la plus importante opération terroriste
23:12contre l'État d'Israël depuis sa création, qui était le 7 octobre 2023.
23:16C'est donc aussi un échec de cette stratégie de division des Palestiniens.
23:20C'est l'un des éléments sur lesquels, aujourd'hui, les autorités militaires israéliennes sont en train d'enquêter.
23:27On commence à avoir quelques retours sur la...
23:32Parce que les Israéliens sont les champions des commissions d'enquête, pas tellement pour juger,
23:37mais plutôt pour tirer des enseignements, en fait, de ce qui a pu être fait.
23:42Bon, et donc là, on est dans la phase d'évaluation, bien évidemment.
23:45Oui, tout à fait, dans cet aspect-là.
23:49Et pour la prospectique que vous commenciez d'évoquer sur l'après-trêve d'aujourd'hui à Gaza,
23:55vu l'ampleur de ces événements, la tragédie des événements,
23:58est-ce qu'on peut imaginer, pas demain matin, mais dans un an, deux ans, peut-être trois ans,
24:03qu'une gouvernance nouvelle puisse voir le jour pour Gaza,
24:07avec des conciliations des deux côtés,
24:10du côté à la fois des Palestiniens dits modérés de Cisjordanie,
24:15peut-être l'intermédiation des pays arabes du Golfe et des Européens et des États-Unis,
24:21et pour que la partie israélienne et la partie arabe puissent s'entendre sur un avenir plus pacifique que ces derniers temps.
24:28Une fois encore, les Palestiniens voient leur destin de leur échapper.
24:31Ça se voue ailleurs à l'heure actuelle.
24:33Ça se voue d'une part à Washington, avec les prises de position du président Trump,
24:37rêvant de faire de Gaza une rivière et d'une possible expulsion de la population à l'extérieur.
24:43– Qu'aucun pays arabe ne souhaite, ça s'est confirmé.
24:47Donc le principe du réel peut revenir d'actualité.
24:50– Tout à fait, mais les accords d'Abraham avaient été portés par le président Trump
24:55et ont quand même débouché sur des rapprochements entre le Maroc et Israël d'un côté,
24:59et puis des rapprochements étaient en cours entre l'Arabe saoudite et Israël,
25:03ce qui n'était pas son surprendre.
25:05Donc des formes de diplomatie qui échappent totalement aux Palestiniens.
25:09Quant à l'émergence d'un pouvoir palestinien propre,
25:14pour l'instant, on est dans l'expectative.
25:17Vous avez une autorité palestinienne en Cisjordanie
25:20qui est rongée par la corruption pour l'essentiel,
25:25dont le chef Marmoud Abbas est un vieil homme de 87 ans
25:29qui n'a pas prévu de céder le pouvoir
25:33et qui s'est débarrassé régulièrement de tous ceux qui pourraient le remplacer.
25:38Donc se pose le problème de la transition de l'autorité palestinienne.
25:42– Et là, les pays du Nord peuvent intervenir quand même plus fermement ou pas ?
25:46– Ils ont quelques moyens,
25:48mais en même temps vous avez des dynamiques internes aux Palestiniens qui sont réelles.
25:54Donc il y a un point d'interrogation sur l'autorité à Ramallah
25:58et surtout sur la démocratisation.
26:01Et puis, est-ce qu'elle est encore représentative ?
26:03Il n'y a pas eu d'élection depuis 2007.
26:06S'il y a un endroit où le processus électoral a été cassé.
26:09– À Gaza comme en Cisjordanie.
26:12– À Gaza comme en Cisjordanie.
26:12– Donc ça fait près de 20 ans qu'il n'y a pas eu une échéance électorale.
26:16– Exactement.
26:17Donc côté israélien, au contraire, on a eu une multiple échéance électorale
26:22et une instabilité là.
26:24– Côté israélien, les plus durs incarnés par quelques courants politiques
26:30sont au gouvernement Netanyahou.
26:31Alors ça ne représente qu'une dizaine de députés à la Knesset,
26:34mais en fait ils tiennent des portefeuilles importants de sécurité intérieure,
26:38d'économie, etc.
26:38et eux militent pour une annexion pure et simple de la Cisjordanie,
26:43remettant complètement en cause les partages abaissés.
26:48Donc aujourd'hui, dans le jeu d'acteurs qui existe,
26:51on est dans un moment d'instabilité extrêmement forte
26:54entre les velléités des puissances extérieures,
26:58entre autres les États-Unis,
27:01les dynamiques immédiates de l'environnement,
27:04alors c'est le Caire et l'Arabie Saoudite et les États du Golfe.
27:10Et puis ensuite, la dynamique politique propre à Israël,
27:14qui est une société extrêmement clivée à l'heure actuelle,
27:17avec d'immenses manifestations tous les samedis,
27:20soir à Jérusalem et à Tel Aviv,
27:23et avec une Knesset, une majorité parlementaire,
27:27qui est extrêmement divisée,
27:28et un gouvernement de coalition.
27:30Maintenant que les opérations militaires sont terminées...
27:35En cours de terminer, effectivement,
27:37avec peut-être la libération totale des otages,
27:40est-ce qu'on peut imaginer comme ça s'est produit dans l'histoire,
27:43où il y a des surprises qui sont intervenues
27:45entre finalement des faucons devenus des colombes ?
27:48Est-ce que du côté israélien aussi,
27:50il peut y avoir une hypothèse selon laquelle
27:52il y ait une projection vers l'après-trêve et l'après-guerre à Gaza
27:57pour établir des relations normalisées
28:00avec une partie palestinienne qui reconnaisse l'État d'Israël
28:04et garantisse la sécurité ?
28:06Je ne sais pas si le raisonnement en se disant
28:08des relations normalisées...
28:10Des relations normalisées, ça ferait référence
28:12à l'émergence d'une amitié...
28:15Pacifiée.
28:15Voilà, comme les Français et les Allemands depuis 1963.
28:18Ça, je pense que c'est du rêve.
28:20Par contre, on peut penser, et c'est des choses qui...
28:24Qui ne se fassent pas la guerre, ça veut dire.
28:25Voilà, un statu quo.
28:27Qui est des moments d'équilibre, de statu quo,
28:30de conflits peut-être, de faible intensité,
28:32mais de quelque chose qui permette aux uns et aux autres
28:35d'avancer, aux Israéliens de retrouver une vraie paix
28:38et une véritable sécurité,
28:41aux Palestiniens de la même façon,
28:43de pouvoir reconstruire Gaza
28:45et de pouvoir rentrer dans autre chose
28:49et de s'occuper aussi de leurs enfants.
28:51Parce que la situation est absolument dramatique,
28:54bien évidemment, pour les Gazaouis.
28:56Et ensuite, du statut international
28:58de gens qui, pour beaucoup,
29:02ont à Gaza un statut de réfugié.
29:05Avec un statut tout à fait particulier,
29:07c'est le seul cas au monde
29:08où on peut être réfugié de père en fils
29:11avec une carte de l'honne-roi
29:12et une aide automatique
29:14à partir du moment où vous êtes
29:15avec cette carte de l'honne-roi,
29:17qui est aussi un des éléments
29:18qui a bloqué, bien évidemment,
29:20le processus de normalisation sur le territoire.
29:24En même temps, d'un point de vue droit humanitaire,
29:27on peut comprendre qu'il y ait
29:28des interventions internationales.
29:29Donc, on est à un moment-là
29:31de grande instabilité.
29:32C'est là où le pouvoir politique
29:33reprend vraiment ses droits.
29:38Ou la diplomatie française,
29:40qui a toujours réussi...
29:41Qui a toujours réussi à être à la fois
29:45proche des Arabes ou des Palestiniens,
29:49à avoir continué à avoir des relations
29:51avec les Israéliens,
29:52même si c'est parfois un petit peu compliqué.
29:55En tout cas, qui affirme le principe
29:57de sécurité de l'État d'Israël
29:58constamment, quand même,
30:00malgré les incompréhensions
30:02ou les distinctions de prise de position.
30:05Et c'est là où le personnel politique français
30:08peut avoir véritablement un rôle à jouer
30:10en tant que force de proposition,
30:14d'appui, etc.
30:15Parce que nous avons un capital de confiance
30:17dans la région.
30:18Oui.
30:19Donc, il faut pouvoir l'utiliser.
30:21Oui, notamment aussi avec la nouvelle donne
30:22en Syrie,
30:23qui peut aussi permettre de lever une hostilité
30:27du côté syrien, en tout cas affiché comme tel,
30:30cet arrêt d'hostilité potentiel
30:32concernant Israël.
30:33Et avec la présence française,
30:36par exemple, aux Émirats arabes unis,
30:39avec les trois bases françaises là-bas,
30:40qui fait qu'il y a un rôle d'influence,
30:42peut-être secondaire, évidemment,
30:44par rapport aux États-Unis,
30:45mais quand même présente dans les États-Unis.
30:48Oui, et puis...
30:49Pour intervenir...
30:50À Guevara...
30:51Pour finir, peut-être,
30:52notre entretien sur cet historique des conflits.
30:56Est-ce que, finalement,
30:56l'Arabie saoudite n'apparaît pas aujourd'hui,
30:59alors que les attaques contre l'État d'Israël
31:02et les trois proxys,
31:06Hezbollah, Hamas et Houthi,
31:09servaient la cause iranienne ?
31:11Est-ce que, finalement,
31:12deux, trois ou quatre ans après,
31:14la faiblesse de l'Iran ne se manifeste pas,
31:18en la faveur, finalement,
31:20de l'Arabie saoudite et des États du Golfe
31:22qui peuvent, entre guillemets,
31:23sur le plan géopolitique,
31:24ramasser la mise
31:25et permettre, peut-être,
31:26un État,
31:28une situation plus pacifique dans la région ?
31:30C'est véritablement l'un des enjeux,
31:32aujourd'hui,
31:33sur lequel...
31:34C'est une des rares notes d'espoir,
31:36en réalité,
31:37que l'on peut avoir à l'heure actuelle.
31:39Mais...
31:40le pragmatisme
31:44s'impose toujours dans la région
31:46et l'histoire a
31:48des idées longues
31:50et on a, quand même,
31:53là,
31:54un véritable traumatisme
31:56depuis le 7 octobre,
31:57côté israélien,
31:59parler de confiance avec des Palestiniens,
32:00c'est impossible à l'heure actuelle,
32:02et de l'autre côté,
32:03côté palestinien,
32:04le bilan
32:05et le devenir
32:08d'une jeunesse palestinienne,
32:09avoir 18 ans à Gaza,
32:10aujourd'hui,
32:12où est votre avenir ?
32:13Donc,
32:14il y a vraiment
32:15un gros travail
32:16de reconstruction
32:17et, bon,
32:18les Français ont une carte à jouer.
32:19À Gaza,
32:20on a un centre culturel
32:21qui fonctionne bien,
32:22qui fait un vrai boulot
32:22et on peut porter aussi
32:24une parole
32:25qui relève
32:26des valeurs
32:27de la République française.
32:28Ce sont pas mal,
32:29nos valeurs.
32:29Merci beaucoup,
32:30Jean-Claude Lescure.
32:31En tout cas,
32:31ne perdons pas espoir
32:32pour le moyen terme
32:34sinon pour le court terme,
32:36mais en tout cas,
32:37le moyen terme
32:37n'est pas forcément
32:38dénué de possibilités
32:40de vie meilleure.
32:41Merci beaucoup
32:42et à bientôt.

Recommandations