- 07/06/2025
Requalification des entrées de ville, régénération urbaine, nouveaux modes constructifs...quels sont les défis pour bâtir la ville de demain ? Nicolas Joly, directeur général du groupe Icade et Maud Caubet, architecte, sont invités de l'émission Figaro Immo, animée par Olivier Marin.
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00:00Comment bâtir la ville de 2050 ? L'acte de construire est en pleine révolution.
00:05Nouveaux modèles, nouvelles architectures, on va parler bas carbone dans cette émission.
00:10Figaro Imo, c'est parti !
00:14Deux invités dans cette émission pour se projeter sur la ville de 2050, bâtir 2050.
00:26Nicolas, je lis bonjour.
00:27Bonjour Olivier.
00:28Bonjour, directeur général du groupe ICAD, Maude Cobet, bonjour.
00:32Bonjour.
00:32Architecte et fondatrice de Maude Cobet Architecte.
00:36Alors, en introduction à tous les deux, j'ai envie de vous demander, on parle beaucoup de régénération urbaine, de régénération du patrimoine, de nouveaux modèles.
00:44Tout cela tourne autour de l'immobilier bas carbone. Quel sens donner à l'immobilier bas carbone aujourd'hui ? Nicolas.
00:50Pour un acteur de la ville depuis plus de 70 ans comme ICAD, le sens de l'immobilier bas carbone, je pense que c'est l'engagement.
00:59L'engagement à un moment où justement, on peut être beaucoup à s'interroger sur ralentir, renoncer.
01:04Au contraire, notre conviction, c'est qu'il faut rester engagé, il ne faut pas renoncer et c'est ce qui va nous pousser à se transformer.
01:12Et chez ICAD, comme on travaille au-delà de l'immeuble à l'échelle du quartier, on met la biodiversité aussi au même niveau que l'immobilier bas carbone.
01:19Très bien. Maude Cobet, l'immobilier bas carbone.
01:22Alors je dirais déjà pour la profession que je représente, architecte, c'est la remise en question d'un métier, la remise en question de savoir-faire.
01:30On travaille plus horizontalement avec les maîtres d'ouvrage et avec les constructeurs.
01:34Et on essaie de remettre au cœur, je dirais, les hommes et les femmes qui vont vivre dans les bâtiments.
01:38Donc le bas carbone, oui, avec plaisir. Mais autour d'un objectif, c'est l'homme.
01:43Très bien. Alors Nicolas, déjà peut-être resituer le groupe ICAD, en quelques mots.
01:48Volontiers. Effectivement, je vous le disais, on est un acteur de la ville depuis plus de 70 ans.
01:54ICAD, c'est un groupe qui est coté, qui a la Caisse des dépôts comme actionnaire de référence.
01:59Et vous le verrez, on a l'avantage de toucher à toute la ville, aux hommes et les femmes qui vivent au quotidien, parce qu'on fait boulot dodo.
02:07On fait boulot parce qu'on est une foncière qui a 6 milliards et demi de patrimoine, essentiellement du bureau en Ile-de-France.
02:14A peu près de 2 millions de mètres carrés, c'est l'équivalent de la moitié de la défense, si vous voulez.
02:17Et puis, on est un promoteur logement. C'est-à-dire, notre mission numéro 1, c'est de produire du logement, du logement abordable.
02:23Et on sait que dans le contexte actuel, c'est un enjeu majeur. Et on produit un peu plus de 5000 logements par an.
02:29Donc, on construit l'équivalent d'une ville, si vous voulez, comme hier, tous les 5 ans, à peu près.
02:35Donc, voilà un peu ce qui est ICAD aujourd'hui. Et on est confronté aux enjeux qui sont ceux de notre secteur, de se réinventer une fois qu'on aura traversé la crise qu'on traverse aujourd'hui.
02:45On va justement les voir, évidemment, on va les évoquer. Bâtir mieux avec moins la ville de demain, c'est une promesse, c'est possible ?
02:51Je pense qu'en fait, la promesse, c'est bâtir différemment. Déjà, c'est rebâtir. Parce que cette ville 2050 que vous citiez, et que chez ICAD, on s'est donné comme cap,
03:01de bâtir la ville de 2050, c'est déjà rebâtir l'existence. Parce que 80% de la ville de 2050, elle est là, elle est sous nos pieds.
03:09Et il faut la transformer. J'étais à Lyon il y a une quinzaine de jours, justement, et on avait tout un quartier au sein de la part Dieu où on vient transformer des immeubles de bureaux,
03:20une tour de bureaux qu'on transforme en une centaine de logements sociaux et logements libres, et puis des immeubles tertiaires qu'on adapte aux besoins de nos clients de demain.
03:29Donc, c'est avant tout construire différemment. C'est recycler aussi l'existant. Et là, on parle de matériaux, on parle de mobilier.
03:36Et puis, c'est aussi travailler avec des nouveaux matériaux qui sont pour beaucoup des matériaux anciens.
03:43La terre crue, et justement, on aura l'occasion d'en parler avec Maud, mais le bas carbone, justement, le bois, effectivement, avec des enjeux d'organiser des filières.
03:51Donc, c'est construire différemment. Et puis, c'est aussi construire différemment au-delà des matériaux dans la manière dont on le fait.
03:56C'est construire ensemble. Construire pas uniquement ICAD, pas uniquement ICAD promoteurs ou investisseurs,
04:02mais construire avec les acteurs de la filière, évidemment les architectes, mais aussi les constructeurs, les industriels.
04:09Et c'est possible. C'est la bonne nouvelle. C'est que c'est possible. On l'a vécu avec le village des athlètes l'an dernier, justement.
04:17La filière a su s'organiser. Il a fallu les Jeux olympiques pour ça, mais pour réussir ce tour de force qui était de transformer une friche
04:24en un quartier bas carbone, puisqu'on a eu un projet qui est une empreinte réduite par deux,
04:29sur quelque chose qui était à l'échelle, parce qu'on a tous réussi à faire preuve d'innovation de manière collective.
04:36On est allé chercher des choses différentes dont la profession peut aujourd'hui s'inspirer.
04:40Et c'est ce qu'on fait aujourd'hui sur des nouveaux développements qu'on a à Metz, par exemple.
04:43Donc, on est à la fois à construire différemment avec des matériaux qu'il faut s'approprier,
04:49et puis à construire aussi différemment dans la manière dont on le fait avec la filière.
04:52Et tenir compte de l'existant, vous le disiez Nicolas, c'est-à-dire aussi réinventer des lieux de vie,
04:57des nouvelles destinations, aussi la transformation de bureaux en logement, c'est l'une des pistes.
05:03Il y en a bien sûr d'autres. Qu'est-ce que vous explorez dans les nouveaux usages, notamment ?
05:08Alors, en fait, les nouveaux usages, ils sont effectivement partout.
05:10Ils occupent 24 heures sur 24 de la vie des gens.
05:14Ils attendent des choses différentes dans leur logement, qui est le sujet numéro un,
05:18parce qu'on parle de la ville de 2050, mais il faut aussi s'occuper de la crise,
05:22qui est là, qui est, encore une fois, je vous le disais, notre mission numéro un.
05:26Donc, il faut des logements qui sont adaptés.
05:28Et là, le bas carbone, l'efficacité énergétique rentrent aussi en ligne de compte.
05:33Pourquoi ? Parce que c'est aussi un sujet de pouvoir d'achat, réellement.
05:36Donc, on a cet enjeu-là. On a des nouveaux usages dans les bureaux, on en parlait,
05:41où nos utilisateurs, d'il y a 20 ans, aujourd'hui, sont des clients.
05:44Quand aujourd'hui, on construit, on gère, on investit dans des bureaux,
05:47on se préoccupe, certes, de l'immeuble, mais on se préoccupe aussi de la vie
05:51qu'il y a dedans. Et donc, il faut connaître les gens, leurs problèmes
05:54et y apporter des réponses appropriées. Et puis, au-delà des immeubles,
05:57il faut élargir. C'est-à-dire qu'il faut travailler à l'échelle,
06:00c'est rendre un immeuble à son quartier, c'est réouvrir des immeubles,
06:05des quartiers à la ville, renaturer, recréer des connexions
06:08au sens de l'urbanisme. Donc, voilà un peu tout ce sur quoi on porte notre attention,
06:14nous, aujourd'hui, acteurs de la ville. Et ça, ça ne se fait pas tout seul.
06:17Ça se fait avec les élus. Ça se fait, évidemment, avec les futurs habitants.
06:22Et on a des terrains de jeu qui s'élargissent. On parle des bureaux en logement.
06:25Mais on a également des grands terrains de jeu autour des entrées de ville,
06:28qui est un sujet qui nous tient à cœur côté ICAD, qui sont des grands territoires
06:32qu'on veut travailler, dans lesquels on veut intégrer de la mixité.
06:35Alors, justement, vous avez sorti une enquête, un baromètre sur ces entrées de ville.
06:39Quels sont les principaux enseignements sur ces requalifications ?
06:43Alors, c'est un sujet qui est particulièrement intéressant, les entrées de ville,
06:46qui passionnent aussi, parce que ça parle à tout le monde.
06:48Les entrées de ville, ces zones commerciales, qui finalement se sont développées
06:52en périphérie des villes, parlent à tout à chacun, parce que tout le monde y va.
06:57Et donc, on a travaillé avec la CET, qui est une filiale du groupe Caisse des dépôts,
07:02pour faire trois choses.
07:03Un, recenser, effectivement, ce dont on parle.
07:07Quelles sont ces entrées de ville qui ont été urbanisées,
07:09de manière plus ou moins structurée sur le plan commercial,
07:13Parce qu'il y a un potentiel énorme ?
07:14Un potentiel énorme.
07:15La CET a recensé 3 800 sites en France, plus de 3 800 sites,
07:21sur des choses qui représentent, vous le voyez, environ 80 000 hectares.
07:2680 000 hectares artificialisés aujourd'hui,
07:28c'est l'équivalent de quatre fois l'artificialisation annuelle en France,
07:33avec des terrains de jeu qui vont sur des zones petites,
07:36de 1 à 3 hectares, jusqu'à des zones qui font plus de 15 hectares.
07:39Donc là, on a un enjeu de transformation qui est extrêmement fort.
07:42Donc ça y est, on voit à peu près de quoi on parle.
07:44Et ça, c'est un potentiel qui est important,
07:46parce qu'on a tiré le trait avec la CET pour se dire,
07:49quel serait le potentiel si on développait des projets mixtes ?
07:52Un des savoir-faire d'ICAD et d'un certain nombre d'acteurs.
07:55Donc à la fois des bureaux, des logements ?
07:56Des bureaux, des logements.
07:58Et vous verrez, on a aussi interrogé et les élus et les Français.
08:01Mais quand on regarde en termes de potentiel de logement,
08:03sur ces 80 000 hectares, on a un potentiel de plus d'un million six de logements.
08:08Un million six...
08:09À horizon 15 ans.
08:10Plus de 15 ans.
08:11Plus de 15 ans.
08:11C'est vraiment, si on tire le trait, un million six, c'est Paris intra-muros.
08:15Donc c'est significatif.
08:17Et alors, ce qui est important, vous parliez de cette ligne temporelle,
08:20c'est qu'est-ce qu'on peut faire à court terme ?
08:22À court terme, se concentrer peut-être sur les zones qui sont les plus faciles à muter.
08:26Zone d'un à trois hectares.
08:28Pourquoi ? Parce que ça sera l'enjeu de la prochaine mandature municipale, 26-32.
08:322026.
08:33Et là-dessus, on peut, selon ce qu'on pense, travailler.
08:37Il y a un potentiel pour 120 000 logements, à peu près.
08:40On ne va pas perdre de temps, parce qu'on sait que le temps de construction,
08:44on parle de sept ans éventuellement.
08:45Sur des grosses opérations, c'est un temps long.
08:47C'est long.
08:48Et puis, il faut les porter.
08:49Parce que, contrairement à ce qu'on peut penser,
08:52ce ne sont pas des friches commerciales pour l'essentiel.
08:54Vous avez des friches commerciales, mais vous avez aussi des zones dynamiques.
08:58dans lesquelles les Français et les Françaises aiment aller de manière régulière.
09:01Et il faut tenir compte des commerçants en place
09:04qui profiteront de ces projets pour rénover leurs outils,
09:06mais qui ne peuvent pas baisser le rideau.
09:08Il y a une vraie complexité.
09:09Et plus que jamais, associer le public et le privé dans le travail collectif.
09:13C'est très important.
09:14Complètement.
09:15Et ça, c'est le deuxième point.
09:16On a interrogé les élus.
09:18Et ils veulent qu'on retravaille ces espaces.
09:20Ils sont convaincus que ça se passe par des partenariats entre le public et le privé.
09:25Ils veulent qu'on retravaille ces espaces un 9 sur 10 disent que c'est un des enjeux.
09:30Et d'ailleurs, c'est amusant parce que les élus le voient par un prisme urbanisme,
09:34renaturation, on n'en parlait qu'un enjeu fort.
09:36On a un potentiel de renaturation de 10 000 hectares.
09:4010 000 hectares, c'est, je vous le disais, la moitié de l'artificialisation annuelle en France.
09:45Et ça, les élus le perçoivent.
09:47Ce qu'ils perçoivent un peu moins spontanément, c'est le potentiel de mixité.
09:51Et là, les Français le perçoivent.
09:53Et ça, c'est intéressant parce qu'on a aussi interrogé les Français.
09:56Et là, vous avez près de 7 Français sur 10 qui disent qu'il y a du potentiel
10:00et qu'il faut intégrer du logement dans ces zones-là.
10:04Et on a, allez, vous avez un Français sur 4 qui serait prêt à habiter dans ces zones-là,
10:11dans des redéveloppements mixtes.
10:12Et vous allez même jusqu'à 2 Français sur 5 quand vous êtes sur des populations plus jeunes
10:17qui sont, elles, directement impactées par la crise du logement.
10:20Donc, c'est un enjeu qui est fort.
10:24Le secteur est en train de s'emparer de ce sujet-là.
10:26Pour ICAD, c'est un sujet extrêmement concret puisqu'on a déjà sécurisé un certain nombre d'opérations
10:31sur lesquelles on travaille en partenariat.
10:34Mais voilà, qui fait aussi partie de se bâtir la ville de 2050,
10:38de se bâtir différemment, rebâtir l'existant, être un promoteur de l'existant.
10:41Pour nous, c'est un peu un métier nouveau.
10:43Alors, justement, à propos de métier, à propos de nouveautés,
10:46à propos de bâtir justement cette ville de 2050, Maud-Cobet,
10:51qu'est-ce qui change dans vos métiers, dans votre métier d'architecte ?
10:54Alors, l'approche, elle est radicalement différente depuis, je dirais, une quinzaine d'années.
10:58Mais là, il y a une accélération à cause ou grâce, finalement,
11:01à toutes les obligations qui nous incombent.
11:04La première, c'est qu'à l'époque, on partait de la table rase, on démolisait, on reconstruisait.
11:08Il y a eu l'époque, après-guerre, où on avait cette volonté moderniste de construire pour le plus grand nombre.
11:13Il fallait aller vite, il fallait faire pas cher.
11:16Il y avait ce grand mouvement autour du bar house qui était très intéressant.
11:19Et en 2025, en 2030, comment peut-on faire, tous ensemble,
11:23avec les industriels, avec les maîtres d'ouvrage, avec les architectes, avec les constructeurs,
11:27pour construire pour les hommes et les femmes, autour du vivant ?
11:30La notion de vivant est extrêmement importante, c'est-à-dire que, comment arrivons-nous à densifier la ville,
11:36à construire pour le plus grand nombre, avec un objectif économique qui est assez contraint, évidemment,
11:41de construire mieux avec moins, et en préservant nos ressources.
11:47Et les ressources, elles sont nombreuses.
11:48Il y a l'eau, on ne parle pas suffisamment de l'eau.
11:50Donc, effectivement, l'intérêt du matériau biosourcé, biosourcé, vous avez géosourcé, biosourcé.
11:55Les géos, c'est tout ce qui vient de la terre, donc la pierre.
11:58On redécouvre la pierre, qui est cette pierre magnifique, qu'Haussmann utilisait avec brio.
12:04Il a réussi, cet architecte, sans le savoir, à construire des bâtiments réversibles,
12:08puisqu'un immeuble d'Haussmannien a cette capacité de pouvoir, à chaque étage, changer d'usage.
12:14Donc, comment peut-on, nous, en 2030, en 2020, être capables de construire des bâtiments réversibles ?
12:19Donc, la notion d'usage, la notion de matériau biosourcé, j'en reviens, donc le géosourcé, la pierre.
12:24Vous avez également la terre, que l'on redécouvre.
12:27Donc, cette volonté vernaculaire de revenir à du bon sens, construire avec des matériaux qui existent déjà,
12:33réemploiable à l'infini, recyclable à l'infini, la pierre, la terre, le bois,
12:37à condition, évidemment, que les filières s'organisent.
12:39Et on le sait que la forêt française, malheureusement, n'a pas été plantée pour du bois de construction.
12:46Donc, organiser le long terme sur cette capacité à...
12:49Il faudrait massifier, notamment.
12:50Exactement. Donc, la massification pour éviter d'importer le bois, le transformer, donc d'éviter ce saccage de carbone.
12:57Et puis ensuite, il y a cette notion de confort d'été qui est extrêmement importante dans la pratique,
13:03puisqu'on sait qu'effectivement, le froid, jusqu'à maintenant, on construisait autour du froid.
13:07Comment isoler ? On avait peur du froid.
13:09Et on se rend compte avec le réchauffement climatique que finalement, la vraie contrainte, c'est le chaud.
13:13C'est-à-dire, comment on va pouvoir faire face à ce réchauffement climatique qui va faire que Paris va devenir Bordeaux dans 20 ans,
13:19Bordeaux va devenir Alger dans 30 ans, etc.
13:22Donc, on appelle ça le confort d'été.
13:24Et la bonne nouvelle, c'est qu'effectivement, on va revenir à des solutions de bon sens qui existent à l'époque,
13:28c'est-à-dire, en utilisant ces matériaux biosourcés et géosourcés qui coûteront moins cher à terme,
13:33parce qu'on va les massifier, on va construire des bâtiments plus beaux, plus durables, plus respectueux de l'environnement
13:38et qui seront, encore une fois, élégants et désirables, puisqu'on sait que ces matériaux, les gens l'aiment.
13:45Les gens aiment la pierre, les gens aiment la terre, les gens aiment le bois.
13:50Alors justement, en illustration, on va voir deux exemples emblématiques de réalisation.
13:55La première, c'est direction Lyon, à partir de, notamment en partie en terre crue,
14:02c'est l'immeuble Via Terra et puis Via Nova.
14:05Donc, on est à Lyon. Vous allez pouvoir commenter, Maud.
14:07Oui, alors c'est un projet que j'ai eu la chance de faire avec les équipes d'ICAD.
14:12On est sur travailler la notion de déjà là.
14:17Vous savez qu'à Lyon, c'est une des villes les plus denses et qui ont été les plus artificialisées,
14:21puisqu'à l'époque, c'était construit. On avait un maire qui adorait la voiture.
14:24C'était l'époque de la bagnole et donc la ville était construite autour de la voiture.
14:28Et donc, la part du territoire autour de la gare,
14:32elle a la particularité d'avoir des bâtiments extrêmement denses, très bétonnés,
14:37construits autour de la voiture.
14:39Et donc là, vous aviez un bâtiment des années 70.
14:41C'était l'avant, oui.
14:42L'avant, exactement. C'est un silo, c'est un ensemble de bâtiments qui loge des voitures.
14:46Et puis au-dessus, vous aviez un restaurant.
14:48Et donc, on a gardé le socle du projet et on est venu construire au-dessus de ce socle
14:52huit niveaux d'étages,
14:56avec comme particularité d'avoir un mix des matériaux utilisés.
15:03Donc, de la terre crue, on partit.
15:04Exactement.
15:05Donc, vous avez des planchers qui sont en béton bas carbone
15:08et la façade, elle utilise, pardon, en termes de remplissage de la terre.
15:12Donc, on a des blocs de terre qui font 40 cm d'épaisseur sur 1 mètre de haut,
15:16qui sont posés les uns à côté des autres
15:17et qui ont finalement cette capacité de déphasage thermique.
15:21La terre, elle permet de capter la chaleur
15:24et elle décale l'arrivée de l'air chaud à l'intérieur du bâtiment.
15:30Donc, vous avez, je dirais, vous gagnez huit heures, entre guillemets,
15:32de temps entre le temps où il fait chaud et le temps où il fait froid à l'intérieur du bâtiment.
15:36Donc, on va limiter la porcholaire à l'intérieur du bâtiment.
15:38Deuxième vertu de la terre crue, c'est qu'elle existe déjà.
15:42Lyon est une ville qui utilise depuis toujours la terre.
15:46Et donc, on va récupérer cette terre localement à 30 km du site.
15:51On va la compacter.
15:52On va utiliser une vieille méthode qui est la terre de Pizé.
15:55Donc, ça permettra à terme, si la filière, tu en parlais tout à l'heure,
15:58de réorganiser la filière de béton.
16:02Les anciens qui travaillaient le béton et le banche,
16:04vous utilisez leur savoir-faire.
16:05Et vous le transformez pour pouvoir faire de la terre de Pizé.
16:09Et donc, plus on va massifier cette pratique,
16:11plus le matériau sera le moins cher possible, évidemment.
16:14Et puis, on va voir un deuxième exemple, emblématique aussi.
16:17Là, on est en direction du côté de Nanterre, en région parisienne.
16:22C'est l'immeuble Origine.
16:24Oui, alors c'est un bâtiment qu'on a livré il y a trois ans maintenant,
16:26pour le compte de Dicade également.
16:28Et c'est un bâtiment qui a une autre particularité.
16:31Construire en ville, c'est reconstruire sur la ville.
16:36Premier projet que je vous ai présenté.
16:37Et celui-ci, on part sur un territoire où il fallait absolument densifier,
16:41puisqu'on sait qu'à Paris, en région parisienne, la surface est précieuse.
16:45Et donc, on a gagné ce concours à l'époque pour pouvoir construire un immeuble de bureau
16:50qui avait la capacité de monter très haut et qui utilise à 60% des matériaux plus sourcés.
16:56Donc là, vous voyez des façades en métal.
16:57Mais à l'intérieur, les planchers sont en partie construits en bois.
17:00Donc, c'est un des bâtiments les plus environnementaux au monde.
17:03Il a le classement un peu technique E3-C2.
17:06Alors E, c'est pour l'énergie. C, c'est pour le carbone.
17:09Et donc, l'intérêt de ce projet-là, c'est qu'il utilise du bois
17:12et il produit plus d'énergie qu'il en consomme.
17:16Donc, d'où le classement E3.
17:17Et donc, ce bâtiment qui est à destination d'usage de bureaux,
17:22il a comme avantage exceptionnel de ne consommer très peu d'énergie.
17:26Et donc, on sait que c'est un élément extrêmement précieux pour les ressources.
17:30Très bien. Merci en tout cas pour ce tour d'horizon.
17:33Merci.
17:34Comment justement produire des logements qui soient écologiquement responsables,
17:38socialement inclusifs, économiquement abordables ?
17:42Comment fait-on, Nicolas ?
17:44C'est une équation qui est difficile, effectivement.
17:46Donc déjà, je reviens sur le point de départ qui était de s'engager.
17:50Il faut s'engager parce que la base, c'est montrer que c'est possible.
17:53On parlait avec Maud.
17:55Et il y a des démonstrateurs qui montrent que c'est possible.
17:58Mais avant de démontrer que c'est possible à l'échelle et d'organiser une filière,
18:02il faut déjà oser s'engager pour le faire.
18:05Et ensuite, nous, ça implique aussi une transformation profonde.
18:09De vos métiers aussi.
18:10Des expertises nouvelles, même notre business model, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
18:14un promoteur, ICAD, est un animal assez unique qui est à la fois promoteur et investisseur,
18:18vous l'avez compris.
18:19Et on a besoin des fonds propres de l'investisseur pour mener notre métier de promoteur
18:24qui implique de racheter un peu la ville et de la porter sur son bilan le temps de la transformer.
18:28Donc même notre business model, au fond, change.
18:30Et nos équipes changent parce que nos expertises changent.
18:35Rebâtir, c'est différent de bâtir.
18:37Utiliser des nouveaux matériaux, c'est également différent.
18:41Donc c'est vraiment ce sur quoi on travaille.
18:43Et le but, c'est d'innover.
18:44C'est d'innover en s'appuyant sur un écosystème qui est celui des entreprises, des industriels.
18:50Je citais tout à l'heure le village olympique, c'est ce qu'on a fait.
18:52On s'appuie aussi sur des startups.
18:55Typiquement, l'exemple que vous présentez, Maude,
18:59est appuyé sur une startup Thério qui est issue de notre startup studio Urban Odyssey.
19:05Et c'est ce qu'il faut faire.
19:06C'est-à-dire qu'il faut identifier ces modèles-là et nous les nourrir en business.
19:10C'est là le sens de cet engagement pour montrer que c'est possible,
19:15pour travailler sur un prix de revient qui reste malgré tout contraint,
19:17qui a augmenté significativement ces dernières années.
19:20Une équation qui reste contrainte.
19:22Il faut savoir se transformer là-dessus.
19:25Et puis, il faut aussi agir, j'y reviendrai tout à l'heure, sur la demande.
19:28Parce qu'on n'innove pas uniquement dans l'acte de construire et la manière d'organiser la filière,
19:32mais c'est aussi dans la demande.
19:34Comment on peut solvabiliser davantage la demande avec des innovations financières,
19:37comme du démembrement, comme le bail réel solidaire,
19:40qui permettent aussi de resolvabiliser une partie de gens
19:44qui aujourd'hui ne peuvent pas prétendre à être accédents.
19:46Pour compléter justement sur ces nouveaux modèles, sur l'innovation,
19:50il y a aussi le hors-site qui se développe beaucoup, Maud.
19:53Oui, le hors-site, c'est la capacité à, un, les architectes de dessiner des projets
19:59qui utilisent des matériaux qui pourront être fabriqués en nombre à terme.
20:06Et ensuite, c'est la capacité d'une filière à s'organiser pour construire plus,
20:10plus de terre, plus de bois, plus de matériaux qu'on va pouvoir, nous,
20:15avec notre savoir-faire, imbriquer intelligemment.
20:17Faire des éléments préfabriqués déjà en usine avant,
20:20ce qui permet aussi moins de rotation de camions, moins de bruit, moins de poussière.
20:24On sait que c'est important pour les riverains aussi.
20:25On favorise le cycle court, etc.
20:27Après, il y a une notion extrêmement importante qui ne faudra pas oublier.
20:30C'est toujours mon petit bémol quand je parle de la préfabrication.
20:33C'est qu'il y a, alors je prêche évidemment l'intérêt de l'architecte,
20:37mais cette notion de beauté qui est essentielle.
20:39Ne tombons pas sur la même erreur que nous avions fait après la Seconde Guerre mondiale.
20:41On a construit au plus grand nombre des grandes barres
20:43que nous rénovons péniblement actuellement et qui sont nécessaires, évidemment.
20:46Construisons avec cette notion de désirabilité, de beauté, d'inspiration.
20:52Et c'est là où le recours au décorum, à l'art décoratif, à la mode et nature est essentiel.
20:57Un bâtiment qui est bien dessiné, qui est généreux dans sa façade,
21:00elle permettra de passer les effets de mode
21:02et elle permettra aussi d'être le plus durable possible.
21:05Je prends un autre exemple.
21:05Si vous fabriquez un bâtiment extrêmement écologique,
21:08la boîte compacte, mais qui n'a pas d'espace extérieur,
21:11qui n'a pas d'élégance vis-à-vis de la ville,
21:14c'est un bâtiment qui sera inexploité.
21:16Et qu'on finira par démolir un jour.
21:18Donc il y a toujours cette notion d'équilibre entre l'industrie et l'art.
21:22Et c'est l'intérêt de l'architecture.
21:24Oui.
21:24Construire des bâtiments à la fois et des logements, bien sûr, de qualité.
21:27Alors, le gouvernement a lancé le prêt à taux zéro pour le neuf.
21:32La possibilité d'avoir un prêt sans intérêt garanti par l'État jusqu'à hauteur de 30% pour une maison neuve et 50% pour un logement neuf.
21:41Donc on sent que là, sur le volet primo-excession, on va sans doute y aller.
21:45C'est un des leviers.
21:46Par contre, sur le volet investisseurs privés, on réfléchit à un futur statut du bailleur privé.
21:51Comment donner envie d'investir dans l'immobilier, qui peut être un acte citoyen ?
21:55Ça permet de loger des familles aussi, des étudiants, Nicolas ?
21:58Vous posez une question clé.
22:00C'est-à-dire que la crise du logement, qui est aujourd'hui dans le débat public, tout le monde a conscience, elle vient de trois choses.
22:06L'augmentation des prix de revient, une offre qui a chuté.
22:10Enfin, on a mis en construction, je crois, cette année, autant de logements qu'en 1950.
22:16Il faut remonter à 75 ans.
22:18Les permis de construire, ça faisait 25 ans qu'on n'avait pas eu si peu d'autorisation.
22:22On a ce sujet de l'offre qu'on a évoqué et on a la demande.
22:24Donc on a ce triptyque.
22:25Il faut arriver à travailler sur la demande.
22:28En étant aussi parfaitement lucide sur l'état des finances publiques, complètement.
22:33Mais il y a cette envie aussi du particulier d'investir.
22:37Donc on solvabilise l'accédant avec des dispositifs comme l'extension du prêt à taux zéro que vous avez évoqué.
22:43Il y a un certain nombre de dispositifs également d'exonération sur des donations,
22:48successions dans une certaine mesure qui ont été mises en place cette année.
22:51Et sur l'investissement particulier, effectivement, créer un statut du bailleur privé.
22:57Et à un moment où, effectivement, le Pinel s'est arrêté en 2024, c'est une des réponses à la solution de la crise du logement.
23:04Parce qu'il faut de la demande.
23:06C'est-à-dire qu'il faut qu'on ait des investisseurs qui soient capables de porter une partie du parc locatif.
23:13Parce que si vous avez moins de production de logement, en fait, vous avez un sujet de pouvoir d'achat.
23:17C'est-à-dire que ça met de la pression sur le parc locatif.
23:20Vous avez une baisse de l'offre locative de 50% sur les trois dernières années.
23:25Donc, en fait, vous avez un effet en chaîne.
23:27Si vous n'avez pas d'investisseurs, on produit moins de logements.
23:30Donc, vous avez un parc locatif qui est plus que jamais sous tension.
23:35Et s'il est plus que jamais sous tension, vous avez des gens qui ont du mal à se loger.
23:38Et si on prend ensuite le parc social, vous avez 2,5 millions de personnes aujourd'hui qui sont en attente d'un logement social.
23:43Donc, on a aussi cet enjeu autour de la demande.
23:47Il faut qu'on arrive à résoudre cette équation à triple inconnue, prix de revient, offre et demande.
23:52Et vous avez compris que je pense que la réponse, c'est qu'on n'arrivera pas à la résoudre seul.
23:56On ne peut pas être seul dans sa ligne d'eau.
23:57C'est une question de secteur.
23:59C'est une question de filière qui doit s'organiser.
24:02Maud le souligne à raison.
24:03Sans renoncer à l'environnement, sans renoncer à la désirabilité.
24:08Je pense que c'est des sujets clés.
24:09Mais c'est aujourd'hui dans le débat public.
24:11Et c'est porté.
24:14Et nous, on s'inscrit effectivement de manière active et dynamique dans les différents groupes de travail,
24:18de manière alignée avec la profession.
24:21Ne pas renoncer à l'environnement, à l'écologie, dans l'acte de bâtir ?
24:24Non, bien sûr.
24:25Et surtout qu'en France, on est précurseur.
24:27Donc, il faut être fier à cette réglementation environnementale.
24:29Vous savez, à l'époque, on était tenu par la RT, la réglementation thermique.
24:33Et là, la révolution depuis deux ans maintenant, c'est de considérer dans l'acte de bâtir l'environnement.
24:38Donc, c'est la partie intégrante du projet.
24:40Mais ne revenons pas en arrière.
24:42Il y a des hésitations sur le ZAN.
24:43Il y a des discussions sur l'ARE.
24:45Nous avons été précurseurs en France.
24:47Nous le devons l'être encore à l'échelle européenne.
24:49Restez exemplaires.
24:50Restons exemplaires.
24:52On a inventé le Minitel.
24:53On ne va pas s'arrêter au Minitel.
24:54On a prolongé.
24:55Vous voyez ce que je veux dire ?
24:56C'est bien d'être toujours à la clé au début.
24:58Mais il faut tenir ses promesses.
25:01Il y a effectivement cette crise, mais qui s'additionne aux autres et qu'on les connaît toutes récurrentes.
25:06Profitons de ce moment un peu clé pour se remettre en question et travaillons différemment.
25:13La notion de long terme est effectivement compliquée.
25:16Alors, le promoteur, le maître d'ouvrage a la notion de rentabilité rapide.
25:20Donc, le métier se réinvente.
25:21On fait aussi un peu nettoyage dans la pratique des métiers qui a été peut-être un peu abusive.
25:27Les architectes aussi se re-questionnent et visons effectivement des objectifs dans le long terme
25:32puisqu'on sait que tout le monde sera gagnant et on restera peut-être mieux dans le futur.
25:37Nicolas, oui ?
25:37Oui, effectivement, je pense qu'on peut simplifier sans renoncer.
25:43Ça, c'est absolument clé.
25:44Et ces engagements, nous, en tout cas chez ICAD, on les maintient clairement.
25:49Et ce que disait Maud est essentiel, on est à un moment clé où on traverse une crise qui est profonde,
25:58qui est multifactorielle.
25:59On a des événements exogènes qui ont agi comme révélateurs de transformations plus profondes qui sont à l'œuvre.
26:06On a un enjeu, nous, qui est de ne pas gâcher cette crise.
26:10Il y a aussi des façons de réussir, de transformer en tout cas.
26:15C'est une opportunité de transformation.
26:16On n'a pas un après-la-crise qui ressemblera à l'avant-la-crise.
26:20Les choses seront différentes, que ce soit sur le plan économique, que ce soit sur le plan industriel,
26:25que ce soit dans les usages que vous soulignez.
26:28Et donc, nous, on doit profiter de ce moment pour se questionner, en toute sincérité,
26:34se transformer en profondeur, à la fois avec notre écosystème et à la fois dans nos modes constructifs,
26:39dans la manière qu'on a d'appréhender notre métier, qui est celui de bâtir la ville,
26:44en ayant ce cap, justement, de 2050.
26:46Donc, ne gâchons pas cette crise.
26:48Pas gâcher cette crise, Maude, en conclusion ?
26:49Non, et profitons pour, justement, remettre tout à plat et s'adapter également aux nouveaux usages.
26:56Construire un bâtiment ou rénover un bâtiment pour une famille dont on sait que la moitié se recompose.
27:02Donc, comment on est capable de proposer des espaces d'habitation avec des familles une semaine sur deux
27:08qui changent de deux à cinq parfois, avec beaucoup de femmes qui vivent seules avec leurs enfants,
27:14avec la problématique de vieillir en ville, puisqu'on sait que la population va venir de plus en plus,
27:19avec comment étudier en ville, comment redonner la ville à la place aux enfants.
27:24Un enfant qui joue dans la rue, on sait que c'est essentiel et qu'un enfant en sécurité, c'est que la ville est plus belle.
27:29Comment préserver les ressources ? Comment ramener la nature en ville ?
27:34Tous ces, je dirais, tous ces challenges sont source d'inspiration pour demain.
27:40Et je pense que c'est une opportunité assez exceptionnelle et je suis très contente de vivre cette époque.
27:45Bon, content de vivre cette époque aussi, Nicolas, en conclusion ?
27:49Également, ça ne veut pas nécessairement dire que c'est facile tous les jours.
27:52Et encore une fois, j'en profite pour saluer les équipes qui, effectivement, sont tous les jours sur le terrain et se battent, on le sait.
27:57Mais c'est une opportunité, c'est une vraie opportunité de se transformer.
28:02Et donc, on a la chance d'être là, on doit en faire quelque chose.
28:06C'est notre responsabilité.
28:08Eh bien, merci à tous les deux. Merci pour vos éclairages.
28:10Merci à vous.
28:11Nicolas Joly, merci beaucoup.
28:13Merci Olivier.
28:13Maud Cobet, merci infiniment.
28:15Merci à vous.
28:16Et à très bientôt pour une prochaine émission de Figaro.
28:19Vimbo.
28:20Vimbo.
28:20Vimbo.
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