Appel à l'aide des habitants de Gaza, espoir de paix qui s'éloigne en Ukraine : écoutez l'interview de Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
Regardez L'invité RTL de 7h40 avec Thomas Sotto du 06 juin 2025.
Regardez L'invité RTL de 7h40 avec Thomas Sotto du 06 juin 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Et tout de suite l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez aujourd'hui Jean-Noël Barraud, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.
00:10Bonjour et bienvenue sur RTL, Jean-Noël Barraud.
00:12Bonjour Thomas Soto.
00:13Leur divorce est donc aussi spectaculaire que leur idylle avait été tapageuse, on en parlait avec François Langlais à l'instant, entre Trump et Musk, rien ne va plus.
00:20Est-ce que cela vous fait sourire ou est-ce que cela vous inquiète ?
00:23Je crois que surtout que c'était attendu, c'était prévisible parce que ces deux-là n'étaient pas faits pour s'entendre.
00:28Et ça nous rappelle que, comme François Langlais l'a dit, la politique et les intérêts privés, ça ne fait pas bon ménage.
00:33Mais ça vous inquiète ou pas ? Ça change quelque chose ou finalement, comme vous l'aviez anticipé, bon...
00:37Je vous le dis, il y a beaucoup de choses imprévisibles en ce moment, mais celle-ci l'était.
00:42Et ce n'est pas sur les tweets d'Elon Musk que la France indexe sa politique internationale.
00:48Et avec Trump, est-ce qu'on peut travailler avec des gens comme ça qui changent radicalement d'avis entre le début et la fin d'une même phrase ?
00:53D'abord, il faut mettre les choses un petit peu en perspective.
00:55Vous m'interrogez en ce matin du 6 juin, qui est la date du débarquement,
00:59et qui nous rappelle qu'il y a quelque chose de commun dans l'âme américaine et l'âme française.
01:02C'est l'amour de la liberté.
01:04Ensuite, nous avons déjà, pendant 4 ans, travaillé avec Donald Trump, il y a 4 ans.
01:09Et nous allons continuer de le faire en ayant à l'esprit nos intérêts en matière de sécurité, en matière industrielle, en matière commerciale.
01:18Sauf qu'il y a 81 ans, les uns et les autres, les alliés, ne se traitaient pas de dingue.
01:21Mais Trump l'a dit de Vladimir Poutine il y a quelques jours, Vladimir Poutine est devenu complètement fou.
01:27Vous le pensez aussi ou pas ? On en est là aujourd'hui dans les relations avec Vladimir Poutine.
01:30Ce qu'on constate, c'est que Vladimir Poutine, qui a lancé sa guerre d'agression, son invasion à grande échelle de l'Ukraine,
01:36alors que l'Ukraine n'avait rien demandé et ne représentait aucune menace,
01:39est aujourd'hui dans une posture où il refuse de cesser le feu alors que l'Ukraine y a consenti depuis bien longtemps.
01:47Ça commence à exaspérer le président Trump, ça exaspère l'opinion publique américaine,
01:51les sénateurs américains qui s'apprêtent à faire adopter, dans quelques jours, des sanctions dévastatrices pour l'économie russe.
01:59Je crois qu'il est temps que...
02:00Vous les soutenez ces sanctions ? Est-ce que la France va s'y assurer ?
02:02Non seulement nous les soutenons, mais nous préparons, avec nos alliés européens,
02:07un paquet de sanctions coordonnées avec celui qui est préparé au Sénat et à la Chambre des représentants.
02:11Ça consistera en quoi ?
02:13Ça consiste tout simplement à alourdir la facture pour Vladimir Poutine,
02:16tant qu'il n'aura pas accepté de cesser le feu.
02:18Ça consiste aussi à se tourner vers un certain nombre de pays autour du monde
02:22qui ont permis à Vladimir Poutine de contourner les sanctions que nous avions...
02:27Oui, parce que pour l'instant, ça ne fonctionne pas beaucoup.
02:29Exactement.
02:30Sans quoi nous pourrions être, à notre tour, conduits à prendre des mesures à leur rencontre.
02:35Et quel est le calendrier de ces sanctions ?
02:37Eh bien, c'est une question de jour, puisque nous avons adressé hier nos propositions
02:42à la Commission européenne, qui doit maintenant les intégrer dans ce paquet
02:46dont j'espère qu'elle le présentera avant la fin du mois de juin.
02:48Jean-Noël Barraud, on est sans nouvelles depuis plusieurs jours d'un jeune Français
02:51qui s'est fait la lune du progrès ce matin, Eric, présumé mort sur le front en Ukraine.
02:56Est-ce que vous pouvez nous confirmer que ce jeune homme a été tué
02:59alors qu'il combattait aux côtés des Ukrainiens ?
03:01Non, je n'ai pas d'informations me permettant de confirmer son décès ou non.
03:06Nous avons pris connaissance de ces articles et notre poste diplomatique à Kiev est parti aux nouvelles.
03:15Je voudrais simplement rappeler que cette nuit a été l'occasion pour Poutine
03:21de faire pleuvoir des centaines de drones sur Kiev.
03:23Et je veux rendre hommage aux agents de notre ambassade sur place,
03:26aux attachés de défense qui sont présents sur place,
03:29qui ont dû passer la nuit dans les bunkers.
03:30Vous avez une idée du nombre de Français qui sont partis combattre à Kiev, en Ukraine, aux côtés des Ukrainiens ?
03:35Non, parce qu'ils ne se déclarent pas spontanément à l'ambassade.
03:39Autre sujet brûlant, Jean-Noël Barraud, les massacres qui continuent à Gaza,
03:42les chancelleries palabres, l'ONU discute.
03:44Monsieur le ministre des Affaires étrangères, la France, comme d'autres pays,
03:47par son impuissance, est-elle en train de devenir complice des massacres perpétrés
03:51dans la bande de Gaza par le gouvernement de Benjamin Netanyahou ?
03:53Non, la France s'est mobilisée dès le premier jour.
03:56Je rappelle qu'un mois après le début de la guerre déclenchée par le massacre antisémite du 7 octobre,
04:02c'est la France qui a accueilli la première conférence internationale
04:04qui a permis de lever un milliard d'euros d'aide humanitaire pour Gaza.
04:08C'est aussi la France qui est le premier pays occidental à avoir déployé,
04:12à proximité de Gaza, un porte-hélicoptère pour pouvoir soigner les médecins gazawis.
04:17C'est encore la France qui soutient activement, qui est l'un des rares pays à le faire,
04:21l'autorité palestinienne.
04:22Et c'est la France qui prépare cette conférence sur les deux États
04:25qui se tiendra dans quelques jours à New York.
04:27Pardon ? Et la caravane passe ?
04:29Et Benjamin Netanyahou ?
04:30Si tous les pays du monde avaient adopté la même politique que la France,
04:33alors nous n'en serions pas là.
04:35Il n'y a qu'un jour, vous disiez que le gouvernement israélien avait fait de Gaza un mouroir,
04:39pour ne pas dire un cimetière.
04:40Qu'un jour plus tard, qu'est-ce qui a changé ?
04:42Ce sont désormais des personnalités de premier plan de la vie politique israélienne qui le disent.
04:48Ce sont deux premiers ministres, Ehud Olmert et Ehud Barak, qui ont parlé d'une guerre illégitime,
04:53d'une guerre de dévastation, de violence meurtrière, aveugle.
04:57On a l'impression qu'on est avec Netanyahou comme on est avec Poutine, finalement.
04:59On hausse le ton, on peut envisager des sanctions, mais rien ne les fait varier.
05:04Rien ne les fait bouger.
05:06C'est vrai, ça ?
05:07Non, je pense que la pression que nous avons exercée a conduit le gouvernement israélien
05:12à réouvrir de manière totalement insuffisante l'accès de l'aide humanitaire
05:16qui était tant attendue par les populations civiles à Gaza.
05:18Malheureusement, le gouvernement israélien a retenu une idée que nous avions dénoncée,
05:23qui est celle d'un système militarisé de distribution de cette aide humanitaire,
05:26plutôt que de laisser les travailleurs humanitaires faire le travail.
05:29Le résultat, c'est le chaos.
05:30Ce système de distribution a provoqué des émeutes et des violences meurtrières.
05:34Au mois d'avril, Emmanuel Macron disait que la France pourrait reconnaître l'État palestinien en juin.
05:38Plus tard, il a aussi dit que cette reconnaissance ne constituait pas simplement un devoir moral,
05:43mais une exigence politique.
05:44Nous sommes le 6 juin, on en est où ?
05:46Est-ce que la France va reconnaître l'État palestinien ?
05:48Nous sommes déterminés à le faire.
05:50Quand ?
05:50Et à l'occasion de cette conférence qui se tiendra dans quelques jours à New York,
05:55d'entraîner avec nous un certain nombre de pays,
05:57mais d'entraîner aussi toutes les parties prenantes,
05:59et notamment l'autorité palestinienne, les pays arabes de la région,
06:03à prendre des engagements pour retirer tous les obstacles sur le chemin vers la création,
06:09l'existence même d'un État de Palestine.
06:11Et il y a une nécessité absolue, bien sûr,
06:14c'est de traiter de la question du désarmement du Hamas.
06:16Parce qu'il n'y a pas d'avenir possible de paix et de stabilité pour Gaza et pour la Palestine
06:21sans en exclure le Hamas.
06:24Je vous pose ma question, Jean-Henri Barraud.
06:25Est-ce qu'on reconnaîtra l'État palestinien seul,
06:27même si les autres n'y vont pas lors de cette conférence du 17 au 20 juin ?
06:30Ce n'est pas dans cette option que je me place.
06:32Nous aurions pu, la France aurait pu, prendre une décision à portée symbolique.
06:35Ce n'est pas le choix que nous avons retenu,
06:36parce que nous avons une responsabilité particulière.
06:39C'est la France, c'est un membre permanent du Conseil de sécurité.
06:41Si nous le faisons, c'est pour changer les choses
06:44et faire en sorte que l'existence de cet État de Palestine
06:46devienne plus crédible, plus possible.
06:48On apprend à l'instant qu'une plainte contre X pour meurtre et génocide
06:51va être déposée ce matin en France par une grand-mère
06:53accusant les autorités israéliennes d'être responsables
06:55de la mort de ses deux petits-enfants à Gaza.
06:59Le mot qui est prononcé, c'est génocide, pour le coup ?
07:01C'est une qualification juridique.
07:03Il appartient à la Cour internationale de justice,
07:05notamment, qui a été saisie sur le sujet,
07:07de trancher.
07:08Cette Cour internationale de justice a émis des ordonnances,
07:12il y a quelques mois déjà,
07:13évoquant le risque de génocide.
07:15C'est la première fois qu'il y a une plainte qui sera déposée à Paris.
07:18Et appelant le gouvernement israélien
07:20à réduire ce risque à zéro.
07:21Il y a une plainte qui est déposée devant une autre juridiction.
07:24Je ne veux pas me substituer au juge, chacun son métier.
07:27Une autre question se pose.
07:27La France livre-t-elle des armes sans en avoir l'air
07:29en pièces détachées à Israël ?
07:30Je vous pose la question parce que les dockers de fosse-sur-mer
07:32le pensent.
07:33Ils se sont mis en grève car ils ne veulent pas charger
07:35des composants militaires qui devaient partir en Israël.
07:38Est-ce que c'est un problème ?
07:39Il faut raison garder.
07:41Rien n'a changé, si je puis dire.
07:42Nous ne livrons pas de matériel militaire utilisé à Gaza.
07:46Il y a deux exceptions.
07:48Ce sont les composantes qui permettent à Israël de se défendre.
07:51Notamment avec le dôme de fer.
07:53Nous reconnaissons le droit d'Israël à se défendre.
07:56Et puis par ailleurs, du matériel qui peut être assemblé en Israël
07:59mais qui a vocation à être réexporté.
08:02C'est dans ce cadre-là que se situent ces exportations.
08:04On y croit ça.
08:05En l'occurrence, c'est des petites pièces métalliques
08:06qui permettent au fusil mitrailleur de tirer en rafale.
08:08Mais qui n'ont pas vocation à être utilisées à Gaza
08:11Et ils ne le sont pas ? Vous en êtes sûr ?
08:13S'ils l'étaient, alors l'entreprise qui les exporte
08:16se placerait en contravention vis-à-vis du droit.
08:20Quelques mots de Boilem sans salle.
08:21Ça fait plus de 200 jours désormais que l'écrivain franco-algérien
08:23est en détention en Algérie pour crime de plume, si on peut dire.
08:26La situation est toujours au point mort ?
08:28Nous restons très attentifs à son sort,
08:31préoccupés par son état de santé.
08:34Nous attendons le procès en appel
08:37et le jugement du procès en appel
08:40qui devrait intervenir tout début juillet.
08:42Et nous appelons les autorités algériennes
08:44à un geste d'humanité, comme nous l'avons fait depuis de nombreux mois.
08:47On sait que vous êtes dans un bras de fer difficile avec l'Algérie,
08:49mais il y a quelques jours, le président de l'armateur français
08:51CMA-CGM, Rodolphe Saadé,
08:52était dans le bureau du président algérien,
08:54Abdelmadjid Teboun, pour parler business.
08:56Il a raison ou ça vous gêne ?
08:58Ça gêne la diplomatie française ?
09:00Nous avons en Algérie des intérêts économiques.
09:03Il y a un certain nombre d'entreprises qui continuent
09:05à exercer leurs activités,
09:07malgré les mesures restrictives
09:08qui ont été prises par les autorités algériennes
09:11ces derniers mois.
09:12C'est une des raisons pour lesquelles
09:14nous considérons qu'un dialogue
09:17aurait mérité d'être réouvert avec l'Algérie.
09:21Parce qu'à côté des intérêts économiques,
09:23il y a la lutte contre l'immigration irrégulière,
09:26la lutte contre le terrorisme
09:27qui font qu'Algérie et France ont intérêt à se parler.
09:29Mais ce sont les autorités algériennes
09:31qui ont décidé de bloquer le dialogue
09:32par des décisions injustifiées et injustifiées.
09:35Dernière question.
09:36Nice sera le centre du monde,
09:37comme le titre Nice Matin.
09:38Absolument.
09:39À partir de dimanche,
09:39vous vous rendrez à Nice
09:40pour l'ouverture officielle du sommet des océans,
09:42le volet onusien de ce sommet.
09:45L'activiste climatique,
09:47Claire Nouvian a dit,
09:48c'est une autoroute de coquilles vides
09:49pour faire de la com'.
09:51Donald Trump,
09:52on sait ce qu'il a fait du traité de Paris
09:53sur le climat,
09:54il l'a déchiré,
09:55il ne veut pas entendre parler,
09:55il ne sera pas là.
09:56Il va servir à quoi ?
09:57Alors, le traité de Paris,
09:59l'accord de Paris
09:59dont nous fêtons le dixième anniversaire,
10:01c'est sans doute
10:01l'un des plus grands succès
10:03de la diplomatie française.
10:04Il a permis d'entraîner
10:05quasiment tous les pays du monde,
10:07même si certains en sont sortis,
10:09sur une trajectoire de baisse
10:10des émissions de gaz à effet de serre.
10:13Si nous n'avions pas eu l'accord de Paris,
10:14si nous n'avions pas réussi
10:15ce tour de force,
10:16alors nous aurions une situation
10:17encore plus dégradée
10:18sur le front du climat.
10:19Eh bien, cette conférence
10:20qui va s'ouvrir à Nice,
10:22qui est la plus grande jamais organisée
10:23sur la préservation des océans,
10:24elle a vocation à être,
10:26pour l'océan,
10:26ce bien commun de l'humanité,
10:27l'équivalent de ce que l'accord de Paris
10:30a été il y a dix ans pour le climat.
10:32Donc, ce n'est pas que de la com'.
10:33Évidemment que non.
10:34Vous verrez que des engagements
10:35très forts seront pris.
10:36Et une nouvelle fois,
10:37ce continent oublié qu'est l'océan
10:39sera au centre du monde.
10:40Et c'est bien l'honneur de la France
10:41que d'avoir rendu possible.
10:42Merci Jean-Méla.