Christel Bories, présidente du conseil d'administration de l'entreprise minière Eramet.
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00:00L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04Bonsoir à toutes et à tous, vous ne connaissez sans doute pas le nom de cette entreprise française
00:09et pourtant elle est essentielle à la fabrication des batteries de vos voitures électriques et de vos téléphones portables.
00:16Il s'agit d'Eramet qui exploite des gisements de minerais à travers le monde nickel, lithium, manganèse.
00:24Bonsoir Christelle Bory.
00:25Bonsoir.
00:26Invité éco de France Info, ce soir il y a 24 heures encore, vous étiez le PDG d'Eramet.
00:31Hier lors de son assemblée générale, l'entreprise a scindé la fonction en deux
00:35et vous êtes désormais présidente du conseil d'administration avec un directeur général, Paolo Castellari.
00:442017-2025, PDG pendant 8 ans, donc vous avez transformé Eramet.
00:50Vous êtes passé de la métallurgie à la mine. Pourquoi ce tournant à ce moment-là, l'urgence de s'approprier des métaux critiques n'était pourtant pas la même à l'époque j'imagine ?
01:02Alors effectivement l'urgence n'était pas la même à l'époque mais on commençait à anticiper le virage.
01:08Et c'est vrai que Eramet était surtout une entreprise assez franco-française et très focalisée sur la transformation des métaux.
01:17Mais elle avait dans son portefeuille des gisements fabuleux de manganèse, de nickel, de lithium, pas exploité ou peu exploité parce qu'elle était surtout focalisée sur la métallurgie.
01:30Alors que ces métaux sont les métaux critiques de la transition énergétique.
01:35Donc ma stratégie a été assez simple.
01:37Elle a été en fait de céder les activités de transformation métallurgique et de focaliser le développement de l'entreprise sur le développement de ces gisements
01:47qui sont vraiment de tout premier rang, parmi les meilleurs au monde.
01:51Aujourd'hui donc Eramet exploite la plus grosse mine de manganèse au monde au Gabon et partenaire de la plus grosse mine de nickel au monde en Indonésie.
02:01Et on vient d'ouvrir un des plus gros gisements au monde de lithium en Argentine.
02:05On peut dire donc que vous avez eu du nez puisque les besoins en métaux critiques ont augmenté de façon considérable en même temps.
02:11Et c'est vrai que quand j'ai rejoint Eramet, honnêtement quand on parlait de sécurisation des métaux critiques en Europe,
02:17on nous regardait avec un drôle de regard.
02:21Aujourd'hui évidemment le regard est très différent.
02:24On a compris l'importance de ces chaînes de valeurs, l'importance de la souveraineté en métaux critiques.
02:30Et donc Eramet là maintenant a un rôle effectivement très stratégique à jouer pour l'alimentation des chaînes de valeurs occidentales.
02:37Alors sachant que la Chine exploite quasiment la moitié des gisements de minerais dans le monde,
02:45vous exploitez, vous l'avez mentionné, un gisement de nickel en Indonésie avec un groupe chinois.
02:53Pourquoi est-ce que vous êtes allé à un chinois ?
02:55Alors en fait c'est que...
02:57J'imagine que c'est un des premiers groupes mondiaux.
02:58Oui alors en 2016 c'était encore une mine qui appartenait à 100% à Eramet.
03:03A l'époque Eramet a eu des problèmes financiers et elle a dû céder la majorité de cette mine à ce partenaire chinois.
03:11Et donc nous l'avons effectivement ouverte et développée depuis.
03:15Mais clairement c'est quelque chose qu'on ne souhaiterait pas renouveler dans l'avenir.
03:20Et vous êtes désengagée, vous êtes désengagée.
03:23Il y avait une autre mine que vous exploitiez avec le même groupe.
03:26Et là on a racheté les 100%.
03:29Alors pourquoi est-ce que vous ne souhaitez pas, Christelle Bory, renouveler l'expérience ?
03:33Est-ce qu'en gros vous n'avez pas les mêmes façons d'exploiter les mines ?
03:36Soyons claires.
03:36On n'a pas les mêmes façons forcément d'exploiter les mines.
03:39Et puis notre vocation est d'être un opérateur minier.
03:43Donc on préfère être majoritaire.
03:47Et on préfère pouvoir appliquer nos standards qui sont des standards de la mine responsable.
03:52Parmi les plus exigeants au monde.
03:55Et c'est vrai que c'est plus confortable quand on est aux manettes.
03:57Et c'est pour ça qu'aujourd'hui vous préférez exploiter vos mines tout seules.
04:03Dans les projets à venir, il y a donc une mine de lithium au Chili.
04:08Il y a un savoir-faire français, vous avez commencé à le dire.
04:11En gros, vous êtes moins gourmand en eau, plus acceptable socialement aussi ?
04:14Alors nous avons développé une technologie qui était une technologie d'extraction directe,
04:20qui évite les grands bassins d'évaporation qui sont très consommateurs,
04:24non seulement en eau mais en ressources, puisqu'en fait le rendement est bien inférieur.
04:28Donc il faut pomper en gros deux fois plus de saumures pour avoir une quantité de lithium.
04:32Nous, on a une technologie qui est à la fois économe en eau et qui a un très bon rendement.
04:38Donc on pompe le juste nécessaire pour produire le lithium dont on a besoin.
04:42Cette technologie, elle vient de rentrer en service dans cette nouvelle usine
04:46que nous avons développée en Argentine sur un salaire argentin.
04:51Et c'est la technologie que l'on veut développer maintenant sur les nouveaux projets
04:55que nous aurons potentiellement au Chili.
04:57Et donc parlons de l'Europe maintenant.
04:59L'Europe qui s'est fixée des objectifs sur les matériaux critiques.
05:0210% des métaux consommés doivent être extraits de son sol d'ici 2030.
05:06Est-ce que c'est réalisable ?
05:08Alors c'est ambitieux, on va dire.
05:10C'est ambitieux, mais déjà on voit que c'est que 10%.
05:14Non mais déjà 10%, est-ce qu'on peut le faire ?
05:16Effectivement, ça correspond à peu près à la géologie.
05:18L'Europe n'est pas très riche dans ces matériaux.
05:22Et effectivement, on n'a plus vraiment de tradition minière en Europe.
05:27On a peu d'acteurs miniers.
05:29Mais enfin, on avoue, on a Eramet.
05:31Absolument, il y a Eramet, il y a quelques autres acteurs.
05:34Mais c'est vrai que l'acceptation sociale et sociétale de la mine traditionnelle en Europe est assez faible.
05:41On est sur un continent qui est très peuplé.
05:44Et donc, c'est comme certains renouvelables ou les éoliennes.
05:49Tout le monde est pour, sauf qu'on ne veut pas les avoir à côté de chez soi.
05:52Et donc, c'est compliqué de développer de la mine traditionnelle en Europe aujourd'hui.
05:56Vous avez un projet de lithium géothermale en Alsace.
05:59Comment ça se passe ?
06:00Alors, ce n'est pas de la mine traditionnelle justement parce qu'on extrait de la saumure qui est déjà pompée actuellement dans le sous-sol pour faire de la géothermie.
06:09Donc, tout se passe dans le sous-sol.
06:11Il n'y a pas d'exploitation minière traditionnelle.
06:16Et on pompe cette saumure, on récupère la chaleur et on récupère le lithium qu'il y a dedans et on la réinjecte dans le sol.
06:23Il y a très peu d'emprise au sol.
06:26Et donc, ça va marcher ça, Christelle Bory ?
06:27Alors, ça, la technologie marche.
06:29Les saumures ne sont pas à très forte teneur.
06:33Donc, il va falloir faire des investissements importants pour pouvoir avoir une production qui soit importante également.
06:41Mais la technologie peut marcher et surtout, l'empreinte environnementale et sociale est assez faible.
06:48Donc, c'est une acceptabilité.
06:49Ça fait partie des solutions ?
06:50Ça fait partie des solutions que l'on peut avoir en Europe.
06:53pour pouvoir atteindre ces 10% des matériaux consommés extraits sur le sol européen d'ici 2030.
07:00Merci beaucoup, Christelle Bory, présidente du conseil d'administration d'Eramet.
07:05Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.
07:07Merci.