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  • 27/05/2025
Jour de vote à l'Assemblée nationale sur la fin de vie, Olivier Falorni, député de Charente-Maritime, rapporteur de la proposition de loi relative à la fin de vie et Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs et présidente de la SFAP sont les invités de France Inter ce mardi.


Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous vous proposons un grand entretien en ce jour où la France pourrait entrer dans le cercle des pays qui, sous conditions strictes, autorisent l'aide à mourir.
00:12Nos invités, Léa ?
00:14Eh bien, ce sont les deux personnes qui ont sans doute le plus incarné ce débat et qui est, dans un sens différent pour l'un et pour l'autre, le combat de leur vie à l'un et à l'autre.
00:23Claire Fourcade, vous êtes médecin en soins palliatifs à Narbonne, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs.
00:29Nous vous avions reçu à ce micro au mois de mars pour votre livre « Journal de la fin de vie, l'État, la mort et le tragique » publié chez Fayard.
00:36C'est peu de dire que vous êtes opposé à cette proposition de loi.
00:40Face à vous, Olivier Falorni, député des démocrates de Charente-Maritime, vous êtes le rapporteur de cette proposition de loi relative à la fin de vie.
00:46Et c'est vous qui avez porté ce sujet à l'Assemblée nationale, vous qui en êtes devenu depuis des années maintenant le visage.
00:53Soyez tous les deux les bienvenus. Deux votes solennels auront lieu aujourd'hui à l'Assemblée nationale sur les deux propositions de loi.
01:00L'une consacrée aux soins palliatifs et l'autre relatif au droit à l'aide à mourir.
01:07On va venir au contenu de ces textes, mais rappelons juste le long cheminement qui a conduit à ce vote.
01:14Avis du comité d'éthique en septembre 2022, remise du rapport de la Convention citoyenne sur le sujet en avril 2023.
01:24La dissolution ayant finalement conduit à scinder le texte en deux propositions de loi.
01:30Au moment de voter, comment jugez-vous la tenue des débats, la méthode, le temps passé à échanger ?
01:37Ça a pris du temps, mais le processus a-t-il été vertueux selon vous, Olivier Falorni ?
01:44Oui, je pense que vous auriez pu remonter encore plus loin dans l'historique.
01:49En 2021, j'avais défendu déjà une proposition de loi dans ce qu'on appelait une niche parlementaire
01:54et qui avait subi d'ailleurs l'obstruction de milliers d'amendements.
01:57En 2013, vous aviez interpellé à l'Assemblée nationale, déjà il y a 12 ans, Marisol Touraine, à l'époque ministre de la Santé,
02:06en lui parlant de la fin de vie.
02:08C'est vraiment le combat de votre vie.
02:09Vous aviez d'ailleurs fait référence à la mort tourmentée, chaotique de votre propre mère à ce moment-là.
02:17Oui, mais mon engagement n'est pas un engagement émotionnel, si je peux le présenter comme cela.
02:23Je le présente comme un engagement très rationnel, c'est-à-dire que cet engagement n'est pas le fruit de mon expérience personnelle.
02:34Il l'a confirmé, il l'a conforté, mais il a précédé et de très loin ce moment douloureux, familial.
02:42Pour répondre à votre question, M. Demorand, je crois que finalement, cette Assemblée a été un peu à rebours
02:48de ce que nous connaissons depuis un an, depuis la dissolution.
02:51On nous présente cette Assemblée, et souvent a raison, comme une Assemblée hystérique,
02:55incapable de s'écouter, incapable de s'entendre, incapable de construire quelque chose de positif.
03:01Et elle a démontré le contraire.
03:02Sur ce sujet-là, le dialogue a été possible.
03:05Alors que l'histoire parlementaire française est faite de débats de société d'une violence rare.
03:12On peut remonter même en 1905, ça a été d'une violence rare.
03:15La loi Veil, on se souvient des mots qui ont été prononcés dans l'hémicycle.
03:19Simone Veil a été accusée de mettre en place des centres d'extermination d'embryons.
03:24Et je ne vous parle pas du mariage pour tous, que j'ai vécu personnellement dans l'hémicycle
03:28et qui avait entraîné des dérapages inouïs.
03:31Donc là, ça n'a pas été le cas.
03:32Ça n'a pas été le cas, et tant mieux.
03:34Et vous, Claire Fourcade, reconnaissez-vous que les débats ont été de bonne tenue,
03:37que toutes les voix ont pu s'exprimer, au fond, ces trois années de discussion,
03:42que chacun a pu poser les arguments sur la table, ou vous êtes plus réservé ?
03:46Non, non. Je pense que quand on a décidé, nous, soignants, de prendre la parole dans ce débat,
03:51c'était précisément après l'expérience du 8 avril 2021, de cette niche parlementaire,
03:55où le débat avait été extrêmement violent et extrêmement binaire,
03:58et où on s'était dit qu'on était aussi en partie responsable de ça.
04:01Que si nous, on ne venait pas dire aussi ce qui se passe dans le réel de l'accompagnement de la fin de vie,
04:05le débat allait rester un débat d'idées.
04:07Et moi, je suis engagée dans ce débat pour une expérience personnelle.
04:10C'est-à-dire que ça fait 25 ans que j'accompagne des patients,
04:12et c'est cette expérience qui m'a poussée, et qui nous pousse, soignants,
04:15je ne parle pas en mon nom, mais qui nous pousse, soignants, à prendre la parole dans ce débat,
04:19pour dire qu'il faut que le réel soit là.
04:21Et je pense que les Français qui voulaient être informés,
04:24ou qui se sont intéressés à ce sujet, ont eu accès à tous les points de vue.
04:28Par contre, le débat plus récent sur la proposition de loi qui arrive,
04:32pour moi, est une proposition de loi dans laquelle il y a beaucoup de tromperies.
04:35Et donc, je trouve que c'est important que ça puisse se dire.
04:38On va en parler.
04:39Par contre, le débat a permis à tout le monde de s'informer, je le crois.
04:42Olivier Falorni, ce texte-là, allons-y, ce texte qui va être voté cet après-midi,
04:49qui devrait passer, sauf coup de théâtre, probablement.
04:52Vous le pensez aussi, Claire Fourcade, que probablement le texte passe à l'Assemblée nationale
04:56et vous espérez que le Sénat le change.
04:58Comment ça se passe pour vous, qui êtes opposante à ce texte ?
05:00Je dis toujours aux patients, il faut sauter les unes après l'autre.
05:03Donc, la haie qui arrive, c'est cet après-midi.
05:05Après, je ne sais pas.
05:06En tout cas, on va voir.
05:08Olivier Falorni, ça devrait être acquis ?
05:11Vous savez, rien n'est jamais acquis.
05:12Mais ce serait paradoxal que le texte qui a été adopté en commission aux deux tiers,
05:17chacun des 20 articles de cette loi a été adopté en séance.
05:22Donc, il serait quand même assez étonnant que le texte final ne soit pas voté.
05:26C'est difficile à savoir parce qu'il y avait quand même très peu de députés présents
05:28dans l'hémicycle tout au long des débats.
05:29Ça, vous l'avez regretté ?
05:31En tout cas, c'est difficile à comprendre, je trouve, sur un sujet comme ça.
05:34Mais je pense qu'il y a rarement eu plus de 100, 150 députés présents.
05:38Donc, il y a tout un tas de députés dont on ne sait pas du tout ce qu'ils vont voter.
05:41Estimez-vous que le texte qui a été largement amendé est à la hauteur de vos attentes,
05:45Olivier Falorni, ou vous le trouvez trop restrictif à votre goût ?
05:49C'est un texte d'équilibre.
05:50Et d'ailleurs, les débats l'ont montré.
05:53Certains m'ont reproché qu'il soit trop permissif, d'autres trop restrictif.
05:57Et c'est vrai que dans ma mission de rapporteur général,
05:59j'ai essayé de trouver cet équilibre-là, ce compromis.
06:04J'utilise le mot.
06:07Voilà, je pense qu'on a un texte qui repose sur une colonne vertébrale solide,
06:13qui était d'ailleurs celle du texte initial,
06:15sur des critères stricts, définis depuis longtemps maintenant,
06:21sur des bases connues.
06:23On parlera sans doute de la phase avancée,
06:26qui est une notion qui était déjà dans la loi Léonetti de 2005,
06:30et était déjà dans le Code de la santé publique.
06:32Donc non, je pense qu'on a un texte qui est solidement charpenté,
06:37juridiquement précis,
06:39et qui, je crois, sera opérant
06:41lorsque les parlementaires auront définitivement voté ce texte.
06:45Qu'en pensez-vous, Claire Forcade ?
06:47Une colonne vertébrale, dit Olivier Falorni.
06:50Vous avez dit craindre une rupture éthique, anthropologique.
06:56Est-ce que le résultat qu'on a sous les yeux aujourd'hui
07:00présente suffisamment de garde-fous, selon vous ?
07:03Moi, je n'utilise jamais ces mots de rupture anthropologique,
07:05je ne dis jamais ça.
07:06Je trouve pour moi qu'il y a des choses qui ne sont pas claires dans ce texte.
07:09Je trouve, on a dit beaucoup aux députés, pour les rassurer,
07:13qu'il s'agissait d'un ultime recours pour des situations exceptionnelles.
07:16Or, précisément, les critères qui ont été choisis,
07:18qui sont très larges et très flous pour nous, les soignants,
07:21font qu'il s'agit en fait de créer un nouveau droit à choisir au moment de sa mort.
07:23Ce qui est un débat tout à fait légitime.
07:26Mais je ne pense pas qu'on ait dit bien clairement à tous les députés
07:29de quoi il était vraiment question.
07:30Et puis, je pense surtout que c'est une tromperie pour les Français.
07:33On leur a dit que c'était un grand texte d'autonomie et de liberté.
07:35Or, c'est un texte du pouvoir médical.
07:37Ce texte me donne un pouvoir énorme et je ne veux pas de ce pouvoir.
07:41Oui, sur cette question-là, vous êtes divisés.
07:43Les soignants sont divisés.
07:45Ils sont divisés, mais une immense majorité des soignants
07:49qui sont confrontés à ces questions de fin de vie
07:50sont quand même très opposants à ce texte.
07:53Alors que si tous les jours, dans les services où on travaille,
07:56on était confrontés, on devrait être les premiers à dire
07:58changer la loi, c'est intenable pour nous.
08:00Or, plus on est proche de la fin de vie,
08:02plus on est confrontés à cette question de la fin de vie au quotidien,
08:05plus on doute et plus on est en difficulté avec le texte qui est proposé.
08:08C'est vrai que cette proposition de loi permettra un droit à l'aide à mourir
08:12qui consiste dans l'article 2 à autoriser et à accompagner une personne
08:16qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale,
08:18soit qu'elle se l'administre elle-même,
08:21soit en la faisant administrer par un médecin,
08:23comme vous, Claire Fourcade,
08:24ou un infirmier lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder.
08:29Cette définition-là de votre article 2,
08:32n'est-ce pas la définition même du suicide assisté ou de l'euthanasie ?
08:35Pourquoi cette rétention a appelé les choses par leur nom ?
08:39Non, il y a eu tout un débat sémantique sur le nom.
08:43On parle d'aide à mourir,
08:44mais n'est-ce pas tout simplement du suicide assisté au moins ?
08:48Alors vous savez, je me suis longtemps posé la question
08:50pourquoi les opposants à l'aide à mourir utilisaient en permanence l'euthanasie ?
08:55Je me disais pourquoi ils assènent ce mot en permanence ?
08:58Pour moi, c'est un beau mot l'euthanasie.
09:00Son étymologie grecque veut dire bonne mort.
09:04Et puis j'ai compris, parce que vous savez,
09:07les mots sont parfois chargés d'histoires.
09:11Ils ont des connotations.
09:13Et il se trouve que l'euthanasie est un mot qui a été employé par Adolf Hitler,
09:17par le régime nazi,
09:18pour exterminer entre 200 et 300 000 personnes handicapées
09:23sous la Seconde Guerre mondiale.
09:25Donc il y a des mots comme ça qui sont très connotés.
09:28Et je disais aux collègues l'année dernière,
09:32au moment des élections européennes,
09:33lequel d'entre vous défendrait la notion de collaboration franco-allemande ?
09:39Personne, on parle d'amitié franco-allemande,
09:41de coopération franco-allemande.
09:43Il y a des mots comme ça qui sont chargés,
09:46qui sont profondément chargés par l'histoire.
09:49Donc c'est pour ça que je pense que le terme d'aide à mourir
09:52est quelque chose d'adapté.
09:54D'ailleurs, au Canada, on parle d'aide médicale à mourir.
09:58Dans les pays anglo-saxons,
10:00on n'utilise pas le mot euthanasie, suicide assisté.
10:03Et figurez-vous, l'Autriche qui a légiféré
10:04se garde bien d'utiliser le mot euthanasie
10:08qui fait référence à une histoire particulièrement douloureuse.
10:11Sur les mots, Claire Fourcade ?
10:12Oui, moi je trouve que c'est vraiment très important.
10:13Cette proposition de loi, elle s'appelle droit à l'aide à mourir.
10:16Ça fait 25 ans que je fais de l'aide à mourir.
10:18Et pourtant, dans ce texte, il n'y a rien qui concerne ma pratique actuelle, quotidienne.
10:22Je crois qu'en fait, il y a de la difficulté à utiliser les mots,
10:25mais ce ne sont pas les mots qui sont violents.
10:26C'est les choses qu'elles recouvrent.
10:28Et je pense que faire fi de la violence de l'acte,
10:31de ce que c'est pour le patient, pour le soignant,
10:33je crois qu'il est là le problème.
10:34On ne veut pas utiliser les mots parce que dessous,
10:37les actes sont difficiles.
10:38Et je crois que nommer les choses, c'est dire aussi
10:40la violence qui est demandée, en particulier aux soignants,
10:43mais la violence qui est concernée par ces sujets.
10:45La question centrale du texte, on y vient et qui a occupé les débats,
10:50et celle des conditions d'accès à cette aide active à mourir.
10:55Le texte prévoit cinq conditions cumulatives,
10:58être majeur de nationalité française ou résidence stable.
11:03La personne doit être atteinte d'une affection grave et incurable,
11:07quelle qu'en soit la cause qui engage le pronostic vital,
11:11en phase avancée ou terminale.
11:14Quatre, la personne doit présenter une souffrance physique
11:18ou psychologique constante qui est soit réfractaire au traitement,
11:23soit insupportable selon la personne lorsqu'elle a choisi
11:27de ne pas recevoir ou d'arrêter un traitement.
11:30Cinq, enfin, la personne doit être apte à manifester sa volonté
11:35de façon libre et éclairée.
11:37Conditions nombreuses donc, conditions suffisantes.
11:42Claire Fourcade ?
11:43Peut-être un exemple pour vos auditeurs.
11:45Une personne atteinte d'un cancer métastatique,
11:47c'est une maladie en phase avancée,
11:49qui aujourd'hui en tout cas est incurable,
11:52qui peut entraîner des souffrances physiques ou psychologiques,
11:54qui altère la qualité de vie,
11:56et qui dans une très grande majorité de cas n'altère pas le consentement.
11:59Il y a en France 450 000 personnes atteintes de cancer métastatique.
12:03Donc on voit bien ces critères-là,
12:04et qui va décider parmi ces personnes-là,
12:07qui a accès ou qui n'a pas accès à ce droit ?
12:09C'est moi.
12:09C'est moi qui vais devoir tracer la ligne et dire,
12:12vous, vous êtes de ce côté, vous, vous êtes de l'autre côté.
12:14Et je trouve que c'est donner aux médecins un pouvoir qui remonte aux années 80.
12:18Dans les années 80, on faisait ça.
12:20Quand on ne savait pas soulager, c'était le médecin qui décidait.
12:22Et moi, je trouve que ce texte est un retour à des pratiques de pouvoir pour les médecins,
12:26qu'on essaye justement, depuis 20 ans, par toutes les lois,
12:29de réguler et de rééquilibrer.
12:30Vous ententez ce point-là, Olivier Falorni ?
12:33C'est-à-dire que ce fameux critère de maladie avancée,
12:36de phase avancée de la maladie,
12:38qui pourrait donc concerner les 450 000 personnes...
12:41Et bien d'autres pathologies, je m'en suis tenue là.
12:43...des cancers métastasés.
12:45Et donc, c'est aux médecins qu'il appartiendra de choisir
12:49si cette personne peut avoir accès à l'aide à mourir ou pas.
12:53Pour répondre à Mme Faucard, qui parle d'acte violent,
12:56ce qui est violent, c'est la maladie.
12:59C'est la souffrance réfractaire ou insupportable,
13:02qui figure d'ailleurs dans les critères que vous avez évoqués, M. Demorand.
13:07C'est ça qui est très violent.
13:08C'est ça qui est violent.
13:10Et c'est ce à quoi nous voulons répondre.
13:13Vous savez, cet après-midi, on votera deux textes.
13:16Un texte pour renforcer et développer les soins palliatifs.
13:19Moi, je suis un fervent défenseur des soins palliatifs.
13:21La première chose que j'ai faite dans ma circonscription,
13:25c'est d'obtenir une unité de soins palliatifs.
13:27C'est le premier engagement que j'ai pris devant mes électeurs
13:31et que j'ai tenu.
13:32Donc, je crois aux soins palliatifs
13:34et je pense que c'est indispensable comme réponse principale.
13:38Tout le monde est d'accord sur les soins palliatifs.
13:40Je pense que ce sera voté quasi à l'unité.
13:41Oui, mais vous savez, toute médecine humaine
13:44atteint ses limites, les soins palliatifs, comme les autres.
13:48J'entends bien, mais cette question de la phase avancée de la maladie,
13:51on est d'accord que le texte va dire que c'est le médecin qui tranche
13:55si on peut avoir accès ou pas ?
13:58Non, c'est le malade.
13:59C'est le malade qui fait la demande de façon libre, éclairée et réitérée.
14:04Et ensuite, non, ça n'est pas le médecin,
14:07c'est une procédure collégiale
14:09où vous avez au minimum trois professionnels soignants
14:12qui, au minimum, prennent une décision.
14:16Vous savez aujourd'hui...
14:16C'est le médecin qui prend la décision.
14:17Vous savez, Madame Fourcade ?
14:18Oui, mais collégiale, c'est vrai, c'est écrit.
14:19La discussion est collégiale, mais c'est le médecin qui prend la décision
14:22et qui n'est pas obligé, c'est écrit dans le texte,
14:23de suivre l'avis des deux personnes qui l'ont consulté.
14:24Madame Fourcade, vous savez qu'aujourd'hui,
14:27une procédure collégiale peut décider
14:29de plonger quelqu'un dans le coma
14:31de façon irréversible.
14:32C'est mon quotidien.
14:34Irréversible.
14:34Vous prenez donc la décision de plonger
14:37quelqu'un dans le coma
14:38dont il ne se réveillera jamais.
14:40Et vous décidez d'arrêter
14:41l'hydratation et la nutrition.
14:44Ce ne sont pas des petites décisions.
14:47Donc effectivement,
14:48je ne conteste pas
14:50la difficulté de la décision.
14:52Et ce que je vous rappelle quand même,
14:53c'est que vous avez une clause de conscience
14:55qui est reconnue dans la loi.
14:56Une clause de conscience qui dit
14:58à chaque médecin, à chaque infirmier,
15:00vous n'aurez pas à faire le geste.
15:01Si vous ne souhaitez pas faire le geste,
15:02vous n'aurez pas à prendre la décision.
15:04C'est vrai, c'est écrit.
15:04Vous n'aurez pas à prendre la décision
15:06si vous ne voulez pas prendre la décision.
15:07C'est-à-dire que Madame Fourcade,
15:09la loi vous permettra
15:10de ne pas avoir à décider
15:12d'une aide à mourir ou pas.
15:13Il y a deux choses.
15:14Oui, je suis d'accord.
15:15Et c'est heureux qu'il y ait
15:16cette clause de conscience,
15:17au moins pour les médecins.
15:17Parce que par exemple,
15:18l'aide soignante qui, elle,
15:19fera la toilette mortuaire
15:20n'a pas de clause de conscience,
15:21bien entendu.
15:23Non, parce que c'est une personne décédée.
15:25Pourquoi on donnerait
15:26une clause de conscience
15:27à quelqu'un qui fait
15:28une toilette mortuelle ?
15:28Une personne décédée,
15:30quelle que soit la nature
15:31de son décès,
15:32est une personne décédée.
15:32On travaille en équipe.
15:33Notre travail est un travail d'équipe.
15:36Et protéger uniquement le médecin,
15:37c'est difficile.
15:38Ce qui est compliqué pour moi
15:39avec cette clause de conscience,
15:40c'est que la seule promesse
15:41que je peux faire au patient
15:41que je soigne,
15:42c'est le non-abandon.
15:43Quoi qu'il arrive,
15:44je serai là jusqu'au bout,
15:45on ne vous laissera pas tomber.
15:46On sera là pour vous accompagner,
15:47même si c'est difficile.
15:48Mais ça ne vous le fait pas,
15:49déjà, la clause de conscience,
15:51c'est un abandon.
15:52C'est déjà le cas, c'est ce que vous dites.
15:53Oui, c'est ce qu'on dit.
15:54Mais avec la clause de conscience,
15:55pour nous, et c'est pour ça
15:55que tellement de soignants
15:56sont mis en difficulté,
15:57la clause de conscience
15:58nous permet de partir,
15:59si c'est difficile.
16:00Mais de rompre, du coup,
16:01cette promesse,
16:02et c'est compliqué.
16:03Et puis, quand même,
16:04l'examen de ce projet de loi,
16:05il est venu se terminer
16:06par la question du délit d'entrave.
16:08Alors ça, c'est...
16:09Pardon, mais c'est très important,
16:11Olivier Falorni.
16:11C'est vrai que ce délit d'entrave,
16:13ça vous a valu un tweet
16:16de Bruno Retailleau,
16:17le ministre de l'Intérieur,
16:18qui était horrifié
16:19par ce délit d'entrave.
16:21C'est que, donc,
16:22est inscrite par un abondement
16:24dans cette loi
16:25une peine
16:29de deux ans de prison
16:30d'un délit d'entrave
16:32à l'aide à mourir.
16:34Bruno Retailleau juge
16:34que ce serait franchir
16:35une nouvelle limite
16:36pas supportable
16:37pour qu'on comprenne bien.
16:39Convaincre quelqu'un
16:40de ne pas en finir
16:41peut vous valoir
16:43deux ans de prison ?
16:44C'est pas du tout ça.
16:45Et je suis quand même ébahi
16:46qu'un ministre de l'Intérieur
16:48ne sache pas
16:49que le délit d'entrave,
16:51il existe dans la loi
16:52depuis des décennies
16:53concernant l'IVG.
16:55Qu'est-ce qui s'est passé
16:55après la loi Veil ?
16:57On s'est aperçu
16:57que des associations,
16:59des groupes
16:59empêchaient,
17:00empêchaient des femmes
17:01d'accéder à ce droit
17:03qu'est l'IVG.
17:04Voilà pourquoi
17:05il y a eu un délit d'entrave.
17:06Et l'article que vous mentionnez,
17:08il reprend mot pour mot,
17:10mot pour mot,
17:11à la fois les termes
17:12et le quantum de peine,
17:14puisque le délit d'entrave
17:15sur l'IVG,
17:16c'est deux ans de prison
17:17et 30 000 euros d'amende.
17:19En revanche,
17:20je veux le dire ici
17:21à cette antenne très clairement,
17:23il ne sera jamais interdit
17:24de convaincre quelqu'un
17:26de renoncer au droit
17:26à l'aide à mourir.
17:28Il sera interdit
17:28d'exercer des pressions morales,
17:30des pressions psychologiques,
17:32des menaces
17:32et d'entraver l'exercice
17:34de ce droit.
17:35Voilà ce qu'est
17:35le délit d'entrave.
17:36Il se cale totalement
17:38sur le délit d'entrave
17:39contre l'IVG.
17:40Déjà, je trouve le parallèle
17:42avec l'IVG
17:43est complètement sans objet
17:44parce que je sache
17:45qu'il n'existe pas
17:45de plan national
17:46de prévention de l'IVG
17:47comme il existe
17:48un plan national
17:49de prévention du suicide
17:50et donc il y a une politique
17:51publique de prévention du suicide
17:53et dans l'article
17:55il est écrit
17:55pression morale et psychologique.
17:57Qui va juger de ces pressions ?
17:58Notre travail
17:59à nous soignants
17:59et alors là
18:00qu'on soit en oncologie,
18:01en gériatrie,
18:01en soins palliatifs
18:02ou en psychiatrie
18:03c'est de soutenir
18:04le désir de vie.
18:05Parfois ce désir de vie
18:06est un brasier,
18:07parfois il est une toute
18:08petite flamme hyper fragile
18:09qui menace de s'éteindre
18:10et notre travail de soignants
18:11c'est de souffler
18:12sur cette braise
18:13pour qu'elle reste allumée
18:14et ce qu'on nous propose
18:15c'est non seulement
18:16de souffler sur cette flamme
18:17mais en plus
18:18d'être puni pour ça.
18:20Là pour le coup
18:20Olivier Falorni
18:21c'est vrai
18:22je vais vous dire
18:22de manière personnelle
18:25j'ai du mal à comprendre
18:26ce délit d'entrave
18:27c'est-à-dire que
18:28par exemple
18:28quelqu'un comme
18:29Claire Fourcade
18:30qui est quelqu'un
18:32qui est opposé à cette loi
18:33on le sait
18:33enfin je veux dire
18:34on connaît vos positions
18:35qui pousse les gens
18:37à vivre jusqu'au bout
18:38si j'ose dire
18:39elle, elle pourrait être
18:40condamnée
18:41pour délit d'entrave ?
18:43Absolument pas
18:43absolument pas
18:44et vous avez évoqué
18:47Madame Fourcade
18:48le suicide
18:49attention
18:50attention à
18:51ne pas
18:51jouer avec ce mot-là
18:53l'Observatoire National
18:55du Suicide
18:55français
18:56a sorti un rapport
18:58en février de cette année
18:59et indiqué que
19:00dans les pays
19:01qui avaient légiféré
19:02sur l'aide à mourir
19:04il y a un tas d'autres études
19:05qui disent le contraire
19:05vous savez très bien
19:06l'Observatoire National
19:07du Suicide
19:08est un organisme
19:10particulièrement reconnu
19:12dans le cadre
19:13du ministère de la Santé
19:14et a reconnu
19:15que les législations
19:17à l'étranger
19:17sur l'aide à mourir
19:18permettaient une meilleure prise en charge
19:21dans certains cas
19:22de justement
19:23des personnes
19:24qui étaient
19:25Aucun pays n'a de délit d'entrave
19:26aucun
19:27On va passer au
19:28c'est une spécificité française
19:29Au standard d'inter
19:30Mireille nous y attend
19:31Vous allez rajouter ce chiffon rouge
19:33là à la fin
19:33Et puis de doubler la peine
19:34en fin de discussion
19:35C'était une provocation
19:38Madame Salamé
19:38Ça n'est pas un chiffon rouge
19:39Je rappelle que le délit d'entrave
19:41existe dans la loi française
19:42pour empêcher
19:43des gens
19:44de s'opposer
19:45à l'exercice du droit
19:47C'est arrivé
19:48vous le savez comme moi
19:48Est-ce que vous avez vu
19:49quelqu'un là
19:50empêcher ?
19:51Oui madame
19:52Pendant des décennies
19:53on a vu des gens
19:53empêcher des femmes
19:54accéder à l'IVG
19:55enchaînés devant les centres
19:58sur les centres IVG
20:00On a vu des gens menottés
20:02qui bloquaient l'accès
20:03aux centres IVG
20:05Mais en France madame
20:07En tout cas aucun pays
20:07n'a jugé nécessaire
20:08d'infliger aux soignants
20:09la menace
20:10d'être poursuivis
20:12pour essayer de continuer à vivre
20:13Et des médecins
20:13qui pratiquent l'IVG
20:14ont été menacés madame
20:16Et si on a constitution
20:17Le standard
20:19On va aller au standard
20:21où Mireille nous attend
20:22Bonjour et bienvenue
20:23Bonjour
20:25Bonjour et merci
20:26de prendre mon témoignage
20:29J'ai 77 ans
20:33En 1990
20:35j'ai aidé
20:37enfin
20:38mon père à mourir
20:40mon père était atteint
20:41d'un cancer
20:42Le médecin m'avait appelé
20:46pour me dire
20:47qu'il n'avait que 5 jours à vivre
20:49Il souffrait physiquement
20:50et moralement
20:51Et ma raison
20:52ma raison principale
20:54c'était que
20:55j'adorais mon père
20:56mes parents étaient
20:58un couple
20:59extraordinaire
21:00qui s'aimaient
21:02depuis toujours
21:03et voilà
21:04et je ne voulais pas
21:05je ne voulais pas
21:06que mon père seule
21:08je ne voulais pas
21:08que l'hôpital m'appelle
21:10en me disant
21:11ben voilà
21:11venez vite
21:12c'est terminé
21:13il est parti
21:14je voulais que mon père
21:16soit accompagné
21:17je voulais être là
21:18et mon père est mort
21:21en tenant
21:22maman
21:22lui tenait la main droite
21:24je lui tenais la main gauche
21:26le médecin m'a appelé
21:31pour me dire
21:31que c'était la fin
21:32je suis allée chercher
21:34maman
21:34à l'hôpital
21:36j'ai vu
21:37en arrivant
21:38qu'il y avait
21:40la seringue
21:41avec la morphine
21:42la seringue était pleine
21:44au bout d'un moment
21:45le médecin
21:46avec une infirmière
21:47nous ont demandé
21:48de sortir
21:48comme habituellement
21:50pour les soins
21:51on est rentré
21:52quelques secondes après
21:53la seringue était vide
21:55maman
21:56tenait la main
21:57la main droite
21:58de mon père
21:59je tenais sa main gauche
22:00il est parti
22:02avec nous
22:03non seulement
22:04il n'était pas seul
22:05mais j'ai pu aider maman
22:06tout de suite après
22:07parce que
22:08elle a pris un malaise
22:09elle était à l'hôpital
22:10on était là
22:11et voilà
22:13c'est par amour
22:13pour mon père
22:14que j'ai demandé
22:15de l'aider
22:16étant donné
22:16qu'il était condamné
22:19merci Mireille
22:20merci pour
22:21pour ce témoignage
22:24dense
22:25douloureux
22:26vous souhaitez réagir
22:28Olivier Falorni
22:30écoutez
22:31c'est ce qui se passe
22:32souvent
22:33aujourd'hui
22:34dans le secret
22:35des chambres
22:37d'hôpital
22:38dans l'intimité
22:40des domiciles
22:41il y a des médecins
22:42qui aident à mourir
22:44alors sous différentes formes
22:46mais on sait bien
22:48qu'il y a aujourd'hui
22:49des aides à mourir
22:50clandestines
22:51et moi je ne me résous pas
22:52finalement
22:53à ce que la seule alternative
22:54en France
22:55pour pouvoir mourir
22:56comme on l'entend
22:57comme on l'entend
22:59c'est soit la clandestinité
23:00soit l'exil
23:01et ça je ne m'y résous pas
23:03Claire Forcat
23:03d'un mot
23:04réaction au témoignage
23:05ce témoignage qui est évidemment
23:06très touchant
23:07il date d'il y a 35 ans
23:08depuis on a eu 4 lois
23:09et il est écrit dans la loi
23:11et je pense que trop de français
23:12ne le savent pas
23:12il est écrit dans la loi actuelle
23:14que nous devons soulager
23:16quoi qu'il en coûte
23:16même si ça doit raccourcir la vie
23:18on doit prendre
23:19tous les risques
23:19pour soulager
23:20moi je le dis toujours aux patients
23:21on prendra tous les risques
23:22on n'aura peur de rien
23:23on utilisera tous les médicaments
23:25qu'il faut
23:25aux doses qu'il faut
23:26pour vous soulager
23:27c'est la loi qui nous l'impose
23:29et je pense que cette loi
23:30elle nous permet
23:31de répondre à ces situations-là
23:32on ne doit pas laisser souffrir
23:34et bien merci à tous les deux
23:36Claire Fourcade
23:37et Olivier Falorni
23:39merci d'avoir été à notre micro ce matin
23:41et je pense que c'est un peu plus
23:43on n'aura peur de rien
23:44on n'aura peur de rien
23:44on n'aura peur de rien

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