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00:00Gabriel Cluzel est arrivé dans ce studio ainsi que Philippe Guibert, je dois avouer qu'on a écouté, vous avez écouté évidemment ce témoignage, ce témoignage qui était très fort, je suis un peu encore marqué par les mots que nous venons d'entendre, le droit de droit à vivre, je sais pas, je voudrais qu'on en parle peut-être quelques minutes avant de rentrer dans l'actualité, mais c'était bouleversant non ? Ces mots, je sais pas.
00:24Il faut se rendre compte que ce qui se passe actuellement, dans une relative indifférence d'ailleurs, moi ça me frappe beaucoup parce que c'est une loi sur un sujet extrêmement grave, du reste, quelle que soit la vie qu'on porte dessus, on devrait à minima être vraiment fortement marqué par ce qui se passe, on voit que l'hémicycle est souvent vide, que finalement il y a une actualité qui prend le pas là-dessus, on s'est beaucoup plus occupé de la réforme des retraites qu'on s'occupe de ce vote de l'euthanasie.
00:53Donc c'est quand même, moi c'est quelque chose qui frappe.
00:55C'est mardi à la sonnerie.
00:56Et ce qui me frappe, c'est que c'est extrêmement violent pour un certain nombre de gens, qu'ils soient accompagnants ou qu'ils soient malades, parce qu'on met un curseur sur la valeur de leur vie, avec cette notion d'éligibilité qui va être éligible, qui va pas l'être, c'est une façon de leur dire, c'est vous qui voyez, mais votre vie franchement, elle vaut pas la peine.
01:14Elle vaut pas la peine, c'est ça qu'on leur dit.
01:15Et presque, j'entends presque un pointillé, et en plus elle coûte cher.
01:17Voilà, mais bien sûr, vous croyez que les mutuelles qui sont pour cette loi-là, c'est des organismes philanthropiques ? Non mais attendez, bien sûr.
01:25Et moi ce qui me frappe, c'est qu'on le sait, alors chez les personnes qui ont un handicap, mais aussi chez les personnes très âgées, c'est qu'elles ont cette idée dans la tête qu'elles sont un poids.
01:33Quand vous allez les voir, elles vous disent, oh tu es gentille, parce que vraiment, moi je te fais perdre ton temps, oh là là, je t'ai demandé ça, et c'est vraiment difficile.
01:43Donc si vous voulez, ça instille cette idée dans leur tête qu'il faut qu'elle s'efface finalement.
01:50Et alors, quand j'entends dire oui, c'est la liberté de chacun, ben non, parce qu'il y a une pression psychologique induite, extrêmement subtile, mais pour moi extrêmement perverse derrière cela.
02:00Non mais je suis d'accord avec vous, Philippe Guibert, comment vous voyez les choses ?
02:03C'est vrai que quand vous mettez des visages sur des personnes qui sont éligibles au droit à mourir, pardon, ça prend un sens tout à fait particulier.
02:12Est-ce qu'on est d'accord avec ça, Philippe Guibert ?
02:15Mais oui, mais ce sujet est très marqué par ce qu'on a vécu.
02:19Moi j'ai vécu pour ma mère, j'ai déjà eu l'occasion de le dire sur cette scène.
02:24Pas à moi.
02:25Pas à vous, mais...
02:26Ou aux éditeurs qui nous écoutent.
02:27Et donc, ce qui me gêne beaucoup dans cette discussion, c'est d'une part l'hypocrisie, puisque la chose se fait déjà.
02:36Je l'ai vécu personnellement.
02:39Et donc, je préfère, quand une personne âgée, très âgée, très malade, très affaiblie...
02:46Oui, mais on parle pas de ça, Philippe Guibert.
02:47Attendez, juste, si je peux me permettre, a envie de partir, elle partira.
02:53Elle partira.
02:54Et donc, je préfère, pour ma part, que ça soit encadré par la loi, plutôt que les choses se fassent dans un flou relatif, même si les soignants, la famille, est étroitement associée déjà aujourd'hui.
03:10Donc, je trouve que là, il y a un élément qui manque dans la discussion, qui est que ça se fait déjà aujourd'hui, qu'une personne qui veut partir aujourd'hui, elle peut partir.
03:22Et donc, je ne comprends pas, mais tout ça est une question de sensibilité.
03:26Je ne veux pas du tout critiquer les témoignages qu'on a.
03:27Si je n'ai pas très bien compris, vous dites que les personnes peuvent partir.
03:30C'est-à-dire qu'en substance, vous laissez entendre que certains médecins complaisants...
03:35Pas complaisants.
03:37Certains médecins...
03:38Ils n'ont pas le droit.
03:39Ils n'ont pas le droit, oui, ils n'ont pas le droit.
03:41On est très nombreux à avoir des parents très âgés qui ont décidé de partir, et en contournant la loi.
03:48C'est ça, la réalité.
03:48Oui, oui, mais c'était bien ce que je comprenais.
03:50Et c'est ça, cette réalité que personne ne veut entendre.
03:53Et je comprends des soignants qui disent qu'on n'est pas là pour donner la mort.
03:57Alors, je comprends, mais la réalité est qu'aujourd'hui, il y a des soignants qui aident des personnes à partir.
04:01C'est contraire.
04:01Je vais vous poser la question à Magali Janteur, qui est médecin.
04:03Oui, c'est ça, c'est intéressant d'ailleurs, parce qu'elle a une double casquette, si je veux dire.
04:06Oui, l'interdit de donner la mort.
04:08Mais, excusez-moi, juste un mot, Gabriel, je ne suis pas complètement convaincu par cet argument.
04:13Parce qu'on est tous au courant que des soignants, des docteurs, des médecins sont là pour soigner des malades.
04:19Mais ça peut être aussi un geste de respect à l'égard d'une personne qui souhaite partir,
04:25de l'aider à partir dans de bonnes conditions.
04:27Je pense qu'il faut aussi entendre cet argument-là.
04:30Et j'ai beaucoup de mal à entendre, je termine juste d'un mot,
04:34que cette loi, qui est une loi de liberté, serait une loi d'incitation à mourir.
04:39Ce n'est absolument pas le cas.
04:40Bah écoutez, si, moi je crois, déjà c'est pas parce que certains médecins le font déjà dans la clandestinité,
04:50qu'il faut que ce soit généralisé, ça ne me semble pas une nécessité.
04:56Si vous voulez, d'ailleurs, quand je vous écoute, je me dis, mais mon Dieu, j'ai le doute qui s'instille dans ma tête.
05:01Je me dis, mais donc, moi j'ai une mère âgée, est-ce que je peux encore avoir, est-ce que je, après cette loi, je pourrais encore avoir confiance ?
05:09Est-ce qu'elle pourra encore avoir confiance dans son médecin ?
05:12Est-ce que, si déjà certains le font, est-ce que cette loi, avec cette loi, ils ne vont pas se dire,
05:17bah écoutez, nous on va décider, finalement, que là, c'est le bout du chemin.
05:23Par ailleurs, vous savez, je trouve que cette notion ambiguë d'aide à mieux mourir,
05:28je suis très frappée quand même par la manipulation des mots.
05:31Bon, déjà, il y a tout un tas d'acronymes, l'aide à mourir dans la dignité,
05:35comme si les gens, pardon, moi j'ai vu des gens mourir et ils ne mourraient pas dans la dignité,
05:39on n'a pas besoin d'avoir recours à la tannésie pour mourir dignement, même par la maladie de Charcot,
05:45parce que j'entends toujours cet exemple-là.
05:47Et je trouve qu'il y a des gens qui meurent aujourd'hui de la maladie de Charcot,
05:50très dignement, entourés de leur famille,
05:52et heureusement, il y a les moyens aujourd'hui de faire en sorte qu'ils ne souffrent pas atrocement.
05:58Et puis, cette aide à mourir, mais les soins palliatifs sont une aide à mourir dans l'absolu.
06:02Vous voyez, c'est des mauvais mots.
06:05Les soins palliatifs permettent aux gens de partir doucement, sans cette souffrance qu'ils redoutent.
06:14Vous savez, on a beaucoup dit pendant le Covid, on joue avec les peurs des gens.
06:21La peur, ça paralyse.
06:22On a fait beaucoup d'analyses là-dessus, même au moment des crises géopolitiques.
06:26On dit, voilà, les gens sont paralysés par la peur.
06:28Je trouve que là, on manipule la peur.
06:30Tout le monde a peur de la fin de vie.
06:31Je vais vous dire, même le vote de cette loi ne changera rien au fait que le grand passage,
06:35ben pardon, ça fait quand même froid dans le dos.
06:37Nous sommes d'accord.
06:38Ça, ça ne changera rien à ça.
06:40Et donc, on manipule cette peur de la fin de vie pour établir ce droit qui me paraît être paléolithique,
06:49pardon, mais pas trouver d'autres solutions pour soulager la souffrance que tuer son prochain.
06:53L'homme de Néandertal aurait pu l'imaginer.
06:55Oui, du Gabriel.
06:57J'ai une petite limite avec votre raisonnement, même une grosse.
06:59C'est, nous ne sommes pas, mais ça vaut pour vous comme ça vaut pour moi,
07:05à la place des malades pour dire ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils doivent ressentir.
07:10Vous n'avez pas le droit de ça.
07:12Je n'ai pas le droit, vous n'avez pas le droit.
07:14Et donc, si vous prenez l'exemple de la maladie de Charcot,
07:17j'ai eu deux proches qui ont été atteints de cette maladie.
07:19L'une qui a choisi de vivre jusqu'au bout, jusqu'au bout.
07:24Et l'autre qui a décidé de partir.
07:26Qui suis-je ? Qui êtes-vous ? Qui sommes-nous ?
07:29Pour décider à la place de ces malades qui avaient toute leur tête.
07:32En l'occurrence, la maladie de Charcot vous laisse vos capacités cognitives totalement intactes.
07:39Et je me dis, mais qui sommes-nous pour décider à la place des malades qui vivent ce qu'ils vivent ?
07:45Et au nom de quoi, on devrait empêcher des malades qui le souhaitent,
07:51qui l'expriment tout à fait explicitement, en toute lucidité,
07:55de vouloir partir ?
07:56Et je retombe sur mon hypocrisie, c'est que, dans les deux exemples que je vous ai cités,
08:00la personne qui a souhaité partir, elle a trouvé le moyen de partir,
08:04ce qui est quand bien même, ce n'est pas dans la loi.
08:06Donc tout ça me paraît être une discussion un peu hypocrite.
08:12et ce n'est pas à vous, personnellement, que je fais cette critique,
08:16mais un peu hypocrite, dans la mesure où tous les gens qui ont été confrontés à ça,
08:19ont été confrontés déjà à cette question.
08:22Et de nombreux enfants, comme moi, ont perdu leurs parents,
08:27parce que leurs parents, à un moment donné, ont décidé de partir,
08:30et ont trouvé le moyen de partir.
08:31Voilà.
08:32Non mais, si je peux me permettre, moi, je ne veux pas rentrer dans votre...
08:36Enfin, je veux dire, je ne me permettrai pas de parler de votre histoire familiale,
08:39parce qu'évidemment, c'est quelque chose de très sensible qui ne me regarde pas.
08:42Mais simplement, aujourd'hui, quand quelqu'un veut se suicider,
08:47c'est ce qu'il a, de façon générale,
08:50c'est qu'il a souvent des grandes souffrances psychologiques, si nous sommes d'accord.
08:53On continue de récompenser les pompiers qui vont les repêcher,
08:57et on les réprimanderait, s'il, au contraire, il les poussait dans le dos,
09:01en disant, ah, vous êtes dans une détresse effroyable,
09:04écoutez, je n'ai pas d'autre solution que vous poussez.
09:06Enfin, donc, si vous voulez, moi, vous dites que c'est hypocrite,
09:08moi, je trouve que nous sommes dans un monde complètement schizophrénique.
09:11C'est-à-dire que, d'un côté, on continue à dire,
09:14vous voyez une jeune fille qui saute le parapet,
09:16ou une jeune fille ou pas une jeune fille, une belle dame,
09:17vous sautez dans l'eau pour aller la sauver,
09:19et là, on dit, c'est son choix, et on va l'aider à partir.
09:22En plus, ce n'est même plus elle qui le fait,
09:25on participe à son départ,
09:27et on ne trouve pas d'autre solution à ses souffrances que ça.
09:29Mais je trouve que c'est une crise de la charité,
09:33une crise de l'amour, tout simplement, qui me paraît immense.
09:37Absolument pas.
09:38La notion de détresse et de souffrance est une notion complexe.
09:44Et pour des personnes qui sont très âgées,
09:46et qui n'ont pas envie de vivre parce qu'elles ne s'estiment plus
09:50dans la situation de vivre comme elles le souhaitent,
09:53comme elles l'auraient souhaité,
09:56eh bien, cette question se pose.
09:59Et comme elle se pose pour un certain nombre de personnes
10:02qui sont dans des maladies incurables.
10:04Que cette question se pose, elle se posera.
10:07Elle se posera un jour à tout le monde.
10:09Ensuite, c'est une liberté de choix du malade,
10:13librement consentie, librement réfléchie.
10:17Et donc, comme vous disiez, on a joué avec les peurs,
10:19vous avez raison, on joue un peu trop avec les peurs.
10:21Ne jouons pas trop non plus avec la peur,
10:23de dire qu'avec cette loi, on en prêchait le droit de vivre.
10:27C'est absolument pas vrai.
10:29Vous savez bien.
10:29C'est absolument pas vrai.
10:30Donc, ne jouons pas chacun avec les peurs des uns et des autres.
10:34On est sur un sujet hypersensible.
10:37Donc, je comprends la réaction des témoignages
10:39que nous avons entendus.
10:42Mais que personne ne joue avec les peurs là-dessus.
10:45Ce n'est pas du tout une loi.
10:46Mais je crois que personne ne joue avec les peurs.
10:48Le vrai sujet, c'est qu'on est en train de mettre
10:51un curseur subjectif sur la valeur d'une vie.
10:54C'est-à-dire qu'autrefois, on se disait
10:55la vie est sacrée, c'était objectif
11:00que nous trouvions cette vie.
11:02Parce que vous savez, on peut porter un regard sur beaucoup de gens
11:05en se disant, moi, cette vie-là, franchement,
11:07je n'aimerais pas la vivre.
11:08Vous voyez, ça va loin.
11:09On peut se dire, la personne qui est dans la rue,
11:11sa vie est vraiment atroce.
11:13Et là, on fait la même chose avec les malades.
11:14On se dit, moi, je trouve que cette vie,
11:17on devrait permettre qu'elle soit interrompue.
11:19Et c'est ça qui est dramatique.
11:20Gabriel, c'est à eux de décider.
11:21Oui, mais c'est à eux de décider.
11:22Mais on l'instille dans leur tête, cette idée,
11:24tous les matins, qu'ils vont avoir le choix
11:26de partir pour ne plus être un poids pour la société
11:29ou de rester.
11:31Je comprends votre interpellation,
11:32mais je redis que le choix de partir,
11:35vous l'avez déjà.
11:36Et dans des conditions qui ne sont pas d'une...
11:38Non, non, écoutez, quand même,
11:39il y a beaucoup de médecins.
11:40Moi, je trouve que c'est un petit peu
11:41faire insulte aux médecins d'imaginer
11:42que c'est banal.
11:44La plupart des médecins respectent
11:45le serment d'Hippocrate.
11:46La plupart des médecins,
11:48et dans des grands CHU,
11:49et dans des gros hôpitaux,
11:50vous pouvez choisir de partir.
11:53Mais alors, dans ces cas-là,
11:54Philippe Guibert,
11:55si ça existe déjà,
11:56quelle est la nécessité, effectivement,
11:58de légaliser ce départ ?
12:01Ça, c'est une vraie question,
12:03une bonne question.
12:04Merci.
12:04Moi, je pense que...
12:05Je vous en prie, Pascal.
12:07Non, mais ça fait du bien de sourire un peu
12:08sur ce sujet aussi.
12:10On peut estimer qu'on continuerait comme ça
12:14et que l'hypocrisie fait partie
12:16de la vie en société.
12:18Et qu'après tout,
12:19si des soignants,
12:20des malades rencontrent la même volonté
12:22à un moment donné,
12:24eh bien, on ferme les yeux.
12:25Et puis, tant que ça se passe
12:26avec le consentement du malade,
12:29du médecin et de la famille environnante,
12:33après tout, on ferme les yeux.
12:35On peut aussi penser que,
12:38dans un domaine,
12:39l'hôpital qui est profondément en crise,
12:41face à la gestion des malades,
12:44il n'est pas mauvais d'encadrer sérieusement
12:46cette pratique qui est très douloureuse,
12:49qui est un cas limite,
12:51et que la loi donne plus de garanties
12:54que l'absence de loi.
12:55Parce que tout ce que vous avez dit
12:56sur les craintes,
12:57que je comprends,
12:58je ne suis pas en train de dire
12:59que je ne les comprends pas,
13:01vous pouvez aussi les avoir
13:02dans un système
13:04où il n'y a pas de loi,
13:05dans la mesure où
13:06beaucoup de soignants
13:08vous expliqueront
13:08que de facto,
13:10il y a parfois des questions
13:11de, pardonnez-moi,
13:12le terme est horrible,
13:13de tri entre les malades
13:14qui peut se faire.
13:15Mais bien sûr.
13:15On en a parlé au moment du Covid.
13:16Mais vous avez raison.
13:17Mais précisément,
13:18pour le moment,
13:19ce tri qui est catroce,
13:21nous sommes d'accord pour le dire,
13:22on en a parlé au moment du Covid,
13:24c'est-à-dire se dire,
13:25ah oui,
13:25entre un vieux de 85 ans,
13:27délabré,
13:28et puis quelqu'un de...
13:29C'est terrible.
13:29Mais là,
13:30vous êtes précisément
13:32en train de dire
13:32que ce tri,
13:33finalement,
13:34va être d'une certaine façon
13:35légalisé,
13:36puisque la loi inscrit
13:38par cette notion d'éligibilité
13:39qu'il y a des gens
13:41qui ont une vie
13:45moins intéressante que d'autres
13:47et qui potentiellement,
13:49donc potentiellement,
13:50on pourrait comprendre
13:51qu'elle arrive à son terme
13:54de façon artificielle,
13:56c'est-à-dire qu'on tue, quoi.
13:57Moi, je peux se dire,
13:58vous parliez d'hypocrisie,
13:59on va arrêter de tourner
14:00autour des mots.
14:01Si vous voulez,
14:01c'est quand même
14:01un permis de tuer.
14:03Après, vous pouvez dire,
14:04il y a des meurtriers
14:05miséricordieux,
14:06je ne sais pas,
14:06mais au moins,
14:08osons dire les mots,
14:09c'est un permis de tuer.
14:10Et reconnaissons
14:10que c'est une bascule,
14:12mais sur un plan
14:13de la civilisation
14:14qui est extrêmement forte.
14:16C'est un permis
14:17d'aider quelqu'un à se suicider,
14:19ouais.
14:20Voilà,
14:21donc c'est ça.
14:21Donc aider quelqu'un à se suicider...
14:23Ce n'est pas un permis de tuer,
14:24de tuer...
14:25Est-ce qu'on dure à la mort,
14:26c'est tuer ?
14:27Une personne qui n'aurait
14:28fait au état
14:30d'aucune volonté.
14:31C'est quelqu'un,
14:32Gabriel,
14:32soyons bien clairs.
14:34Oui, moi,
14:34j'aime bien la cohérence.
14:36Même aujourd'hui,
14:36quand ça se fait
14:37en lousse dé,
14:39on va l'appeler comme ça,
14:40ça repose sur l'expression
14:42de la volonté
14:43du malade.
14:45Oui, mais est-ce que
14:46quelqu'un aujourd'hui
14:48vous dit
14:48hors de l'hôpital,
14:50je suis,
14:51j'ai de grandes souffrances
14:52psychologiques,
14:53je veux me suicider,
14:55voilà,
14:56j'ai besoin de ton aide,
14:57celui qui l'aidera,
14:58le tuera.
15:00Que voulez-vous
15:00que je vous dise ?
15:01Il faut quand même employer,
15:02moi je crois qu'en tout cas,
15:03dans ce débat,
15:04ça me paraît extrêmement important
15:06d'utiliser les bons termes.
15:07Parce qu'on a des mots
15:08lénifiants,
15:09donc les gens se disent
15:10ah, une aide,
15:11une aide c'est altruiste,
15:12on l'aide à mourir.
15:13Non,
15:13conduire quelqu'un
15:17à la mort,
15:17c'est le tuer,
15:18voilà.
15:18Après vous pouvez défendre
15:20les raisons pour le faire,
15:20mais...
15:21Non, mais parce que
15:21le débat est intéressant
15:22et je trouve que c'est bien
15:23d'aller jusqu'au bout.
15:25Quand vous faites
15:25des soins palliatifs,
15:26vous aidez aussi
15:27quelqu'un à partir.
15:28C'est tout à fait différent
15:28et vous savez pourquoi ?
15:30Je ne crois pas
15:30pour avoir vécu les deux
15:31sur mes deux parents,
15:34je suis désolé,
15:34je ne crois pas.
15:35La sédation profonde,
15:37c'est un processus
15:38qui peut,
15:39in fine,
15:41accélérer la mort
15:42si...
15:43Bien sûr.
15:43Voilà,
15:44nous sommes d'accord,
15:45mais ce n'est pas son but.
15:46Ce n'est pas son but.
15:47C'est-à-dire qu'elle dit
15:47qu'on va faire en sorte
15:48que la personne ne souffre pas
15:50et si à la fin
15:51il meurt de toute façon
15:52et ça va peut-être
15:53accélérer de quelques minutes,
15:54mais ce n'est pas le but.
15:55C'est fondamentalement différent.
15:57Non,
15:58Gabriel,
15:59là on joue,
15:59là c'est vous qui jouez.
16:00Alors sinon,
16:01on n'aurait pas besoin
16:02de cette loi
16:02puisqu'il y a déjà
16:03la sédation profonde
16:04si c'est la même chose.
16:04Sauf qu'elle n'existe pas partout.
16:06On veut faire une bascule
16:07et qu'elle n'est pas valable
16:08pour toutes les maladies.
16:09Alors nous sommes d'accord,
16:10il n'y a pas de soins palliatifs
16:11partout et ça c'est un sujet.
16:13Au moins,
16:13on sera d'accord là-dessus.
16:14Voilà,
16:14on est d'accord là-dessus.
16:16Mais ne soyons quand même
16:16pas trop hypocrites,
16:18les soins palliatifs
16:18c'est aussi une aide à partir.
16:19Ah non,
16:20ce n'est pas une façon de tuer.
16:21Vous savez,
16:21les soignants en ce temps palliatif,
16:23je pense à Jeanne Garnier,
16:24etc.,
16:25ils trouveraient extrêmement violent
16:26que vous disiez
16:27que c'est une façon de tuer.
16:28Je ne crois pas,
16:28les discussions que j'ai eues
16:29moi avec les soignants,
16:31ce ne correspond pas
16:32à mon expérience.
16:33Et d'ailleurs,
16:33vous voyez bien
16:33que c'est différent,
16:34sinon on n'aurait pas besoin
16:35de cette loi.
16:36Mais ce qui est compliqué,
16:37c'est qu'effectivement,
16:37l'Assemblée est assez vide
16:38que ce texte va passer.
16:40Ah oui, c'est évident.
16:41Il va passer.
16:42Ça a été tellement labouré,
16:43et l'opinion publique
16:44sur ce sujet.
16:44Ah là là, c'est terrible.
16:45Non, non, mais c'est ça,
16:46ce texte...
16:46Je crois que l'opinion publique
16:47a été labourée aussi
16:48par des expériences
16:49telles que moi,
16:49je les ai vécues.
16:50Je suis loin d'être le seul
16:51d'avoir vécu ça.
16:52Philippe Libère,
16:52on comprend,
16:53et on comprend,
16:53on a tous vécu
16:54la perte d'un proche
16:56avec des questions
16:56et des fins de vie douloureuses.
16:58Ça, je pense que...
17:00Il y a des fins de vie
17:00très paisibles.
17:01Moi, je dois dire
17:01que mon père est mort
17:02de façon extrêmement paisible
17:03et de façon très belle.
17:05Et les derniers jours
17:06autour de lui,
17:07ça a été...
17:08Je n'aurais pas voulu
17:09qu'il soit écourté.
17:11Voilà.
17:11Parce que c'est souvent
17:12très fort.
17:12C'est comme quand quelqu'un
17:13part en voyage,
17:14je dirais,
17:15c'est-à-dire que le moment
17:15où vous lui dites au revoir,
17:16c'est extrêmement fort.
17:17Je n'aurais pas voulu cela.
17:20Et on me disait justement,
17:21vous savez,
17:22je peux en parler aussi,
17:22parce qu'on m'avait dit
17:23« Ah, ton père,
17:24il a des problèmes cardiaques,
17:25il va avoir la mort du Christ. »
17:26Je me souviens de cette expression.
17:28C'est la pire
17:28parce qu'on meurt par étouffement.
17:31Vous voyez ?
17:32On m'avait dit ça.
17:32Quelqu'un m'avait dit ça.
17:33Je ne sais pas si c'était
17:34un soignant qui était
17:34pour l'euthanasie,
17:35mais je m'étais dit
17:36« Mon Dieu,
17:37mais c'est affreux ! »
17:38Et pour le coup,
17:41évidemment,
17:41mon père,
17:42ce n'était pas du tout ça.
17:44Il voulait aller
17:45jusqu'au bout du chemin.
17:46Mais je me suis dit
17:47« Ça va être terrible. »
17:48Et il est mort
17:48d'une façon extrêmement paisible.
17:51Je comprends.
17:52Vous avez tout à fait raison
17:53de le dire aussi.
17:54En fait,
17:55on a peur pour les faibles.
17:55C'était surtout ça
17:56la question, je pense.
17:57Philippe Guibert,
17:58est-ce que les faibles,
17:59il n'y aura pas des abus
18:00sur les personnes
18:02et Magali Janteur
18:03avait ce témoignage incroyable.
18:05Son mari,
18:05qui faisait un signe
18:07qui avait mal été interprété
18:08par les médecins.
18:10Vous voyez,
18:10c'est ça en fait.
18:11C'est horrible.
18:12Mais c'est horrible.
18:13Mais ce qu'elle disait,
18:14c'est vrai.
18:14Le médecin comprenait.
18:16Parce que dans la tête du médecin,
18:17la vie de ce monsieur
18:18ne valait pas le coup
18:20d'être vécu.
18:21Oui, c'est ça.
18:22Et moi,
18:22ce que je trouve très dur,
18:23c'est qu'on porte un regard
18:24sur des gens
18:25avec notre ressenti
18:29de bien portant.
18:30Non, mais je comprends.
18:31Et la grande différence
18:33avec ce que vous avez dit,
18:34que je comprends parfaitement,
18:35c'est que ça suppose
18:36une expression
18:37tout à fait explicite
18:39de la personne.
18:40Et ça,
18:41ça fait une différence
18:41considérable
18:42par rapport
18:43à ce que vous décrivez.
18:43Oui, mais simplement,
18:46encore une fois,
18:47mais aujourd'hui,
18:47non, mais parce que
18:48j'essaie de comprendre
18:49et je ne vois pas
18:50la cohérence entre les deux.
18:53Il me semble
18:53qu'il y a une contradiction énorme.
18:54Pourquoi continue-t-on
18:56d'aller sauver
18:57les gens
18:58qui font une tentative
18:58de suicide ?
18:59À ce moment-là,
19:00il faudrait au contraire
19:01les aider,
19:02les aider à se suicider
19:03plus vite,
19:03vous voyez ?
19:04Alors que là,
19:04on tend la main,
19:05on dit,
19:05non, vas-y,
19:06je vais t'aider.
19:07Prends ma main,
19:08je vais te sortir de l'eau.
19:09La personne
19:10qui fait une tentative
19:11de suicide,
19:11elle n'est pas forcément
19:12malade.
19:13Elle a des grandes
19:14souffrances psychologiques,
19:15comme ceux qui sont
19:16en famille.
19:18Aujourd'hui,
19:18il y a des jeunes femmes
19:19qui sont euthanasiées
19:20parce qu'elles ont
19:20des grandes souffrances
19:21psychologiques.
19:22On ne dit jamais
19:23le mot de malheureux.
19:24On peut choisir
19:25parfois de mourir.
19:26Oui, oui,
19:26vous voyez,
19:27c'est un débat,
19:27c'est quand même incroyable.
19:29Oui, mais moi,
19:29ce qui m'effraie,
19:30c'est que vous voyez,
19:30il n'y a même pas ce débat-là.
19:31Ce débat que nous avons
19:32entre nous,
19:32je trouve que
19:33il n'existe
19:39mais vous dites
19:39des choses personnelles.
19:40Merci de jouer le jeu
19:41parce que les auditeurs
19:42et les auditrices
19:43d'Europe 1
19:43doivent se reconnaître
19:44dans chacun de vos mots.
19:46Mais ils ont partagé
19:46nos expériences.
19:47Mais c'est exactement ça
19:49et on voit bien
19:49que c'est un sujet
19:50qui était extrêmement sensible
19:51et là,
19:52on s'interroge sur le fait
19:53que ça va passer
19:54à l'Assemblée
19:55un peu comme une lettre
19:56à la poste.
19:57C'est fou,
19:58il y a des choses
19:58dérisoires qui intéressent
20:00mille fois plus.
20:01Il y a des débats
20:01là-dessus depuis longtemps.
20:03Non, mais c'est ça
20:03et qu'on oublie parfois
20:04de parler de certains cas.
20:06C'est une boîte de pendants
20:07qui va s'ouvrir.
20:09Je ne porte pas
20:10le jugement moi.
20:11Aucun jugement
20:12sur rien.
20:13Comme le dit Gabriel,
20:14chaque vie
20:15est ce qu'elle est,
20:17elle nous appartient.
20:19Je ne jette
20:20le prof sur rien
20:20mais je voulais justement
20:21et j'ai demandé
20:22aux équipes techniques,
20:24j'ai dit
20:24enlever,
20:25déplacer la pume,
20:28restons concentrés
20:28parce que ce débat là,
20:29je trouvais
20:30que c'était très important
20:31après un témoignage,
20:32deux témoignages
20:33très forts
20:33de pouvoir en discuter
20:35ensemble
20:36et d'avoir chacun
20:37des points de vue
20:37et chacun se reconnaîtra
20:39dans ce que vous dites.
20:40Il n'y a pas de bon
20:41ou de mauvais jugement,
20:42ce n'est pas l'objet
20:43mais je trouve que
20:44c'est très important
20:45de l'entendre
20:45et qu'on n'en a pas assez discuté,
20:47qu'on n'en a pas entendu,
20:48c'est un sujet qui est tabou.
20:49Qui est encore un sujet tabou.
20:49Mais vous avez complètement raison.
20:51Ce que je raconte est tabou.
20:52Mais il me semble
20:52qu'il est important
20:54Vous avez courageux le dire.
20:55Il est important quand même
20:57puisque nous on part
20:59sur une ligne de départ
21:00déjà plus avancée
21:01puisque par exemple
21:03le délit d'entrave,
21:05le fait qu'il y ait
21:05un délit d'entrave
21:06et pas de délit d'incitation
21:07il y a quand même
21:08un manque de parallélisme
21:09des formes
21:09qui est quand même frappant.
21:11Et bien ces pays-là
21:12toutes les digons sautés.
21:13Toutes les digons sautés
21:14et c'est vrai que
21:15déjà que ce soit
21:16M. Touraine,
21:17M. Falorni
21:18quand ils s'adressent en privé
21:19à des militants
21:21pour l'euthanasie
21:21ils disent
21:22vous inquiétez pas
21:23c'est la politique
21:23du pied dans la porte.
21:24Là on a déjà
21:25les deux pieds dans la porte.
21:26Alors moi je m'inquiète
21:28pour l'aspect.
21:28Ce n'est pas M. Falorni
21:29et M. Touraine
21:30qui vont décider
21:31de quoi que ce soit
21:32tout seul.
21:32Mais il y a une expérience
21:33de ça.
21:33Si M. Falorni
21:34est je crois rapporteur
21:35de la proposition de moi
21:37c'est parce qu'il y aura
21:38une majorité
21:39ou une minorité
21:40pour la voter
21:41ou ne pas la voter.
21:43Donc M. Falorni
21:44et M. Touraine
21:44ils n'ont aucun pouvoir.
21:46Vous êtes d'accord
21:47pour juger
21:47que ce qui se passe
21:48quand même
21:48dans des pays étrangers
21:49est assez effrayant ?
21:50Il y a eu des dérives
21:51mais vous avez raison
21:53mais il faut les aborder aussi.
21:55Il faut tout mettre
21:55sur la table.
21:56Vous avez raison.
21:57Mais je pense vraiment
21:59qu'on a les moyens
22:00de mettre des verrous
22:02dans cette loi.
22:04Il y en a quand même
22:04un certain nombre.
22:05Là je trouve
22:06que vous êtes
22:06un peu trop sévère
22:07et que là
22:09telle qu'elle est
22:10elle a été rédigée
22:11après de nombreux
22:12travaux parlementaires
22:13je trouve qu'il y a
22:13des vraies garanties
22:15en l'état actuel
22:16puisque c'est des situations
22:18de maladies
22:19très particulières.
22:20On est loin d'ouvrir
22:21de ce point de vue-là
22:23la boîte de Pandore
22:24a été refermée
22:25je trouve dans la rédaction
22:26du texte de loi.
22:28Pas du tout
22:29mais simplement
22:30sur le délit
22:31vous vous rendez compte
22:31délit d'entrave
22:33délit d'incitation
22:34ça ne vous paraît pas
22:34complètement dingue
22:35c'est-à-dire qu'on peut
22:36inciter quelqu'un
22:37puis il ne faut pas être naïf
22:39il y a des enfants
22:40qui aiment leurs parents
22:40puis il y en a d'autres
22:41qui aiment bien l'argent aussi
22:42je veux dire
22:44la littérature
22:45est truffée de tout cela
22:46donc quand vous avez
22:47une personne âgée
22:47face à vous
22:48qui vous coûte
22:49Exactement
22:50donc il ne faut pas être naïf
22:51donc vous pouvez avoir
22:52des enfants
22:53des conjoints
22:53j'en sais rien
22:54des tas de gens
22:54des médecins
22:55qui seront en situation
22:57d'abus de faiblesse
22:58finalement
22:59et qui diront
22:59tu sais toi
23:01moi je serai toi
23:03moi je serai toi
23:04ça c'est juste
23:05ce que vous décrivez
23:06de l'humanité
23:07de ce qui peut être
23:08son horreur
23:08à l'humanité
23:09c'est déjà le cas
23:10excusez-moi
23:11ça existe déjà
23:12le délit d'incitation
23:14on ne le reconnaît pas
23:14on ne le reconnaît pas
23:16n'oubliez pas ça
23:17il y a un point de comparaison
23:18avec le débat sur l'avortement
23:19qui n'est pas le même
23:20mais il y a un point de comparaison
23:21l'avortement
23:23il se faisait
23:24dans des conditions
23:24clandestines
23:25épouvantables
23:26vous voyez d'ailleurs
23:27quand Simone Veil
23:28au début disait
23:29c'est une exception
23:30dans des cas gravissimes
23:32et c'est toujours un drame
23:32et aujourd'hui
23:33plus personne n'a le droit
23:35de dire un mot
23:35sur ce sujet
23:36et il y a un délit d'entrave
23:37également
23:38qui fait qu'aujourd'hui
23:39on ne peut plus écouter
23:39des femmes
23:40qui potentiellement
23:41pourraient avoir envie
23:41de garder leur rencontre
23:42merci beaucoup
23:43merci beaucoup à vous deux
23:44on a vu que c'était un débat
23:45qui était très sensible
23:45et je trouvais que c'était bien
23:46de l'avoir ce soir
23:47sur Europe 1
23:48et de vous laisser
23:48c'est le temps d'échanger
23:49c'est exactement ça
23:50c'était très important
23:52voilà nous on l'a fait
23:5320h56