Antonin Bergeaud, spécialiste des systèmes d’innovation, de la productivité, et des effets de l’intelligence artificielle sur le travail, vient de recevoir le prix du Meilleur jeune économiste 2025 ! Il est ce matin l'invité de Mathilde Serrell.
Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Mathilde Serrell sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
00:00Place aux nouvelles têtes Mathilde Serrel, ce matin une tête chercheuse, votre invité a 36 ans et il vient de recevoir le prix du meilleur jeune économiste.
00:11Antonin Bergeau est dans notre studio.
00:24Bonjour Antonin Bergeau.
00:26Bonjour.
00:26Et bravo, on est ravis de vous accueillir modestement.
00:30Avec cette partition de Richard Strauss qui ouvre 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick.
00:35Alors vous, vous regardiez vers les étoiles, au départ vous vouliez être astronome, c'est ça ?
00:39Bah oui, oui, comme beaucoup quand j'étais petit, j'étais fasciné par l'espace.
00:45Et notamment tous les mystères qu'il y a dans l'espace.
00:47Donc chaque fois que je découvrais un petit peu plus, que je grandissais, je me rendais compte que c'était très compliqué.
00:52Et donc finalement je suis devenu économiste, ce qui n'a pas grand chose à voir.
00:55Bah oui, c'est quoi le rapport entre les mystères de l'espace et ceux de l'économie aujourd'hui,
00:59à part que les milliardaires de la tech font décoller des fusées ?
01:01Je pense que le rapport est lié au fait que c'est compliqué.
01:09Mais en fait finalement on essaie de comprendre comment évolue un monde
01:13où il y a énormément d'entités, plein de planètes qui interagissent entre eux.
01:17Et en économie il y a des gens qui interagissent entre eux, des entreprises, des pays.
01:20Qui sont un peu comme des systèmes et des planètes.
01:22Et voilà, un peu.
01:23Mais c'est plus compliqué en économie parce qu'en fait les planètes, les lois physiques sont rationnelles.
01:28On les connaît.
01:29C'est compliqué mathématiquement mais c'est rationnel.
01:31En économie les gens font parfois des choses un peu étonnantes.
01:34Il y a la variable humaine.
01:36La variable humaine.
01:36La variable humaine.
01:37Et puis parfois on est un peu à la frontière entre les mathématiques, la science un peu dure.
01:42Et puis après les comportements humains qu'on a un peu du mal à contrôler.
01:45Mais maintenant l'espace c'est devenu un sujet en économie.
01:47Puisqu'il y a un secteur spatial qui se développe.
01:50Donc ça se rejoint un peu finalement.
01:51Vous avez choisi donc l'économie.
01:53Diplômé de l'école polytechnique.
01:55D'un doctorat à la Paris School of Economics.
01:56Vous avez soutenu votre thèse.
01:58Et vous venez de recevoir ce prestigieux prix du meilleur économiste.
02:01Créé par Le Monde et le Sac des économistes il y a 25 ans.
02:04Qui récompense chaque année un jeune chercheur dont les travaux se démarquent par leur excellence académique.
02:09Et leur capacité à nourrir le débat public.
02:11Avant vous un certain Thomas Piketty a été lauréat.
02:14Mais aussi une certaine Esther Duflo.
02:15Devenue prix Nobel d'économie pas mal.
02:17Ou encore une certaine Julia Cagé.
02:19Pas mal.
02:20Ça représente quoi pour vous comme étape ce prix-là ?
02:23Ah bah c'est un honneur.
02:25Et notamment en voyant la liste des précédents lauréats.
02:28Je suis très heureux d'ajouter mon nom à cette liste.
02:32C'est aussi une forme de responsabilité.
02:33Puisque maintenant on m'écoute.
02:34Vous devez éclairer les politiques publiques.
02:37Ça fait partie aussi de ce qu'on attend dans cette voix qui émerge.
02:41On essaye parce que par exemple par rapport à l'astronomie.
02:44Effectivement l'économie on a cette chance.
02:46Parce qu'on touche un peu plus au quotidien, au réel.
02:49Je pense que l'intérêt qu'on a c'est qu'en tant que chercheur en économie on a un peu plus de temps.
02:54Et un peu plus les capacités de regarder en profondeur des questions qui sont assez compliquées.
02:59Donc je pense que c'est un peu notre rôle aussi d'éclairer.
03:00Ou qui sont parasités dans le débat parfois politique par les positions des uns des autres.
03:05On va en venir à vos travaux.
03:06Donc il porte sur les systèmes d'innovation, la productivité, les effets de l'intelligence artificielle sur le travail.
03:11Capital, on va en reparler.
03:12Vous êtes aussi professeur associé à HEC.
03:15Chercheur associé au Centre for Economics Performance.
03:18Et membre du laboratoire d'innovation du Collège de France.
03:20Donne tous vos tips parce que c'est important pour les universitaires.
03:22Commençons par les mauvaises nouvelles avant les bonnes.
03:24Votre constat partagé et même avéré aujourd'hui puisqu'il a été relié dans le rapport Draghi.
03:29C'était à l'automne 2024.
03:31C'est le décrochage de la France en matière de productivité que vous datez vous à partir des années 90.
03:36Je précise 1990.
03:39La productivité c'est quoi ?
03:41Et qu'est-ce qui nous est arrivé selon vous ?
03:43Alors la productivité c'est défini très précisément comme la quantité de valeur qu'on peut créer avec une heure de travail.
03:51Et donc dans le temps ça a augmenté assez fortement.
03:53En fait ça a même été multiplié par 20 en 100 ans en gros.
03:56C'est-à-dire qu'on produit 20 fois plus aujourd'hui de valeur parce qu'on utilise des machines plus performantes.
04:01Parce qu'on est mieux formé, on est plus éduqué, on apprend à travailler ensemble etc.
04:04Et donc cette productivité c'est quelque chose qui a été assez moteur dans l'économie.
04:09Surtout après la seconde guerre mondiale en Europe.
04:11Et qui a permis de financer notre système social.
04:14Qui a permis de faire augmenter les salaires.
04:16Et donc de générer le monde économique tel qu'on l'a connu.
04:19Il se trouve que depuis les années 90 mais en fait progressivement de pire en pire.
04:24La productivité en Europe et en France a très fortement ralenti.
04:28Aujourd'hui elle évolue presque plus.
04:30Ce que ça veut dire c'est qu'on est collectivement à peu près aussi efficace aujourd'hui que l'année dernière pour produire.
04:36Et la conséquence de ça c'est que la croissance ralentissant, on n'a plus une économie qui grossit.
04:41Quand l'économie reste à la même taille, le problème qui se pose c'est que quand il faut trouver de l'argent pour quelque chose, on est obligé de le prendre ailleurs.
04:50Là on le voit avec le budget par exemple, on est obligé de réfléchir où est-ce qu'on va enlever de l'argent pour payer la dette notamment.
04:55Donc pour conserver le modèle il faut de la productivité.
04:57Alors en tout cas le modèle qu'on a connu oui, le modèle social avec lequel on évolue, il repose sur l'idée qu'il va y avoir de la croissance chaque année.
05:05Et la croissance on peut penser que c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais en tout cas aujourd'hui on ne sait pas faire sans vu notre système social.
05:12Et la seule alternative à la productivité pour créer de la croissance c'est la démographie.
05:16C'est d'être de plus en plus nombreux chaque année ou travailler plus.
05:19Et malheureusement la démographie stagne voire même carrément décroît et on n'a pas spécialement envie de travailler plus.
05:25Donc en fait la productivité ça reste normalement le facteur sur lequel les discours politiques et économiques devraient se focaliser parce qu'en fait c'est la clé de beaucoup de nos soucis.
05:34Et vous, vous mettez aussi un peu d'intelligence artificielle, en tout cas de développement technologique français dans cette nouvelle productivité qu'il faudrait inventer tout en préservant notre modèle à nous.
05:45Et pour ça il faut suivre vos travaux, on n'a plus le temps de parler de tout ça.
05:48C'est dommage parce que c'est passionnant.
05:50L'économiste aujourd'hui, vivant.
05:53Alors je vais être obligé de dire Philippe Aguillon parce que sinon il va me poursuivre.
05:58Salut Philippe, c'est quoi ?
05:59Non non c'est vrai c'était mon directeur de thèse et je continue à travailler avec lui beaucoup.
06:04Je pense que c'est quand même un travail colossal d'avoir essayé de comprendre la croissance.
06:09C'est quelque chose qui paraît un peu de l'extérieur un petit peu étrange mais c'est très compliqué de comprendre comment tous ces gens, tous ces acteurs économiques se mettent ensemble, font des choses parfois irrationnelles.
06:18Et à la fin on génère de la croissance et on essaye de comprendre pourquoi il y en a plus ou moins.
06:23Antonin Bergeau, il faut suivre vos travaux et je pense que vous allez revenir.
06:28Vous aurez votre carte comme Thomas Piketty et Thomas Piketty.
06:30Avec grand plaisir.
06:31Bonne route à vous et merci à Marion Philippe qui m'aide à préparer de nouvelles têtes chaque semaine.