Le poète Paul Joubert, connu sous le nom de “Grosso Modo” sur les réseaux sociaux, nous présente son roman “La théorie du bourdon” (Maison Pop, Mai 2025).
Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Mathilde Serrell sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
00:00Place aux Nouvelles Têtes avec vous Mathilde Serrel ce matin.
00:03Votre invité a 31 ans et c'est un pourvoyeur de merveilleux.
00:08Il diffuse sa poésie urbaine sur les réseaux et son art du rêve dans ses romans.
00:13L'écrivain Paul Joubert, alias Grosso Modo, est dans notre studio.
00:17En me baladant cette semaine, j'ai assisté à un plan cuxinelle.
00:22Bienvenue dans les balades de mon imagination.
00:25Sous un verre, j'ai découvert une rose d'étable.
00:28Quand je prends un Ouigo, j'ai toujours l'impression de rentrer dans un paquet de bublis.
00:34Bonjour Paul Joubert, alias Grosso Modo, sur les réseaux, j'ai précisé que vous faisiez tout ça sans drogue, évidemment.
00:41Absolument, oui, c'est confirmé.
00:43Vous faites ces balades de mon imagination, d'entendre un extrait, qui ont un succès fou sur les réseaux.
00:48C'est déjà plus de 90 millions de vues, vous avez plus de 600 000 abonnés cumulés.
00:54Et puis vous avez une mascotte, c'est votre nuage de compagnie.
00:57Vous êtes venu avec lui ?
01:00Non, malheureusement, là, au-dessus de Paris, visiblement, il va falloir que je regarde la météo pour avoir des informations sur lui, savoir où il est exactement.
01:06D'accord, vous lui avez laissé sa liberté quand vous n'êtes pas à la maison ?
01:09Oui, absolument, la fenêtre est ouverte.
01:11Vous l'avez apprivoisé en lui donnant de l'eau d'ailleurs, on voit ça dans une vidéo.
01:15Ces balades de mon imagination, vous laissez en fait votre rêverie s'accrocher à des détails autour de vous.
01:22Il me semble que vous faites un peu ce qu'en font les enfants quand on regarde les nuages.
01:25On imagine tout d'un coup des dragons, ou Bruno Retailleau en tout cas.
01:29On voit ce qu'on veut dans les nuages.
01:31C'est ça votre démarche ? C'est de vous laisser aller à ces mêmes jeux-là ?
01:36Oui.
01:36Vous regardez une rame de métro ou un Ouigo quoi ?
01:39Oui, complètement. C'est-à-dire que voiler le monde d'un petit peu de merveilleux, généralement, ça le rend quand même plus sympathique.
01:46Et donc oui, cet exercice est ce que je faisais dans ma tête régulièrement.
01:49Et en fait, je l'ai proposé sur les réseaux sociaux et ça a rapidement pris.
01:53Alors, pourvoyeur de merveilleux l'expression, elle vient de Mathias Malzieux, chanteur et conteur qui signe la préface de votre livre,
01:58La théorie du bourdon aux éditions Maison Pop, on va en reparler.
02:02Mais ces vidéos, elles sont venues vraiment par hasard dans votre parcours, parce que vous êtes un écrivain qui est rentré par la fenêtre,
02:07on pourrait dire, parce que la porte était fermée. Vous avez envoyé énormément de manuscrits, vous avez eu énormément de refus.
02:12Alors depuis que vous avez 16 ans, vous voulez écrire et vous êtes lancé sur les réseaux.
02:17Vous avez commencé par faire les pitches des livres que vous n'aviez pas écrits, mais que vous aviez l'intention de faire, c'est ça ?
02:22Oui, c'est ça. D'où le pseudonyme, grosso modo, en fait.
02:26C'est qu'au tout début, effectivement, j'écrivais le titre et la quatrième de couverture d'un roman que j'imaginais, mais que j'écrirais jamais.
02:31En fait, c'était une manière pour moi, effectivement, d'utiliser toutes les idées que j'avais mises au tiroir et les réutiliser de manière un peu sympathique.
02:38Et ça, c'était d'abord sur... Voilà, c'était le premier concept sur les réseaux sociaux.
02:42Et puis ensuite, les balades, pour le coup, ce n'était pas du tout prémédité.
02:44C'est simplement une fois en me disant, tiens, ce serait rigolo de poser ma voix sur mes petites rêveries ou les petites histoires que je me fais dans la tête.
02:51Et ça, tout d'un coup, ça marche.
02:52C'est-à-dire que vous aviez 20 000 personnes qui vous suivaient à peu près quand vous faisiez ces fausses quatrièmes de couverture.
02:58Et tout d'un coup, boum, 100 000 personnes.
03:00Donc on se dit, vous n'aviez pas prévu ça, c'était un hasard total.
03:03Qu'est-ce que les gens vous disent ? Qu'est-ce qu'ils sont allés chercher ?
03:06Ah oui, c'était complètement un hasard total.
03:07En quelques jours, ils se sont rués sur ces contenus-là.
03:11Oui, c'est ça, c'est ça.
03:12En plus, ce mois trentenaire, ce n'était pas du tout mon but dans la vie.
03:15J'avais mon métier, tout va bien.
03:17Mais non, je pense que j'ai proposé un regard qu'on oublie peut-être souvent,
03:23qui est simplement le regard de s'émerveiller un peu facilement et naïvement, soit.
03:27Mais ça reste quand même important pour supporter le monde et la vie de manière générale.
03:31C'est ça, au départ, vous vouliez être magicien.
03:32C'était votre façon de négocier avec le réel.
03:36On le retrouve dans ce livre, La théorie du bourdon.
03:38Rapidement, La théorie du bourdon.
03:40Le bourdon ne peut pas voler, en théorie.
03:41Il est beaucoup trop lourd pour ses ailes.
03:43Alors, selon un entomologiste, Antoine Magnan, c'est drôle, au début du siècle,
03:46voit le bourdon et conclut qu'il ne peut pas voler.
03:50Et moi, j'ai trouvé que c'était une très jolie allégorie de nos rêves qu'on a enfant
03:54et qu'on essaie de poursuivre.
03:55Et il y aura toujours quelqu'un pour nous dire
03:57« Non, désolé, ce n'est pas possible, vous ne pouvez pas voler. »
04:00Et donc, à partir de là, effectivement, on suit Peter et Amandine.
04:03Notre narrateur, oui.
04:04Exactement, qui lui, s'est volé pour le coup.
04:06Amandine, elle, dessine et ses dessins prennent vie.
04:08Et en fait, à partir de là, ils vont entrer vraiment dans une quête
04:11pour préserver leurs rêves face aux injonctions du monde adulte.
04:15Ils sont incarnés par un certain Virgule.
04:18Exactement, la carte Joker du monde adulte et Virgule,
04:21c'est littéralement le prêteur sur gage de nos rêves.
04:24Donc en fait, on lui file nos rêves et en échange, il nous donne une situation.
04:28Un bon bac, des bonnes études, une bonne famille, une bonne maison,
04:33un bon labrador, une bonne retraite et une bonne mort.
04:36La vie aura été belle, mais qu'est-ce qu'elle aura été chiante ?
04:39C'est ce que vous écrivez.
04:40Les rêveurs, on imagine qu'ils flottent comme ça, que c'est tout léger pour eux.
04:43Mais non, c'est un poids d'être un rêveur.
04:45Je voudrais vous liser un extrait de ce livre, parce que vous le décrivez très bien.
04:52Si j'avais pu choisir, je ne serais pas un rêveur.
04:55J'aurais préféré être quelqu'un de rationnel,
04:56qui voit la vie entre une abscisse et une ordonnée,
04:59de la naissance à la mort.
05:01J'aurais aimé m'en tenir à une définition athée de mon existence,
05:04simple à comprendre et facile à conclure.
05:07On imagine souvent que la vie est légère pour les rêveurs.
05:09C'est tout le contraire.
05:10Les rêves écrasent tout par leur poids.
05:13Nous sommes des atlas, sans la force de porter notre monde.
05:17La vie est implacable avec nous.
05:18Et si nous nous permettons de rêver un peu trop sans gagner d'argent,
05:21nous serons cloués aux pilories.
05:23Notre problème, c'est que nous sommes des clandestins.
05:26Flâner la tête en l'air est vu comme de la prétention,
05:28si ce n'est de l'irrévérence.
05:30Alors que c'est simplement plus joli de voir les nuages que la rue.
05:33Le rêveur ne se repose pas, il s'épuise.
05:36Merci beaucoup Paul Joubert.
05:38C'est magnifique la théorie du bourdon aux éditions Maison Pop.
05:41On vous suit donc grosso modo sur Instagram.
05:43Et puis il y a ce premier livre aussi, Tuez le temps, sorti aux éditions de l'archipel.
05:47Une femme qui se donne la mort, mais se réveille dans une autre époque.
05:50C'est ça qui est génial.
05:51Ça c'était votre premier thriller, vous vouliez en parler ce matin.
05:54Tuez le temps.
05:55Oui absolument.
05:56On ne se donne pas la mort, mais en fait on renaît dans une autre époque.
05:59Oui, c'était une manière, alors effectivement j'ai peut-être une obsession sur la question de qu'est-ce qui se passe après.
06:04Et avec mes humbles armes romanesques pour ce premier roman, j'avais imaginé ce qui se passerait après.
06:10Effectivement si on se donne la mort, on change d'époque et on peut voyager au gré de ses envies.
06:15C'est bien aussi de voir la vie comme ça.
06:17En tout cas merci beaucoup à vous.
06:19Gabriel Garcia Marquez qui vous inspire, qui est un écrivain du réalisme magique,
06:22cite Jules César en disant que le pire qui peut arriver à un homme, c'est bien de vivre la vie qu'on attendait de lui en fait.
06:30C'est ça qui vous obsède et qui vous fait le plus peur ?
06:31Complètement, ça veut dire qu'on a été victime des injonctions.
06:35Oui, il y a Ursula Le Guin je crois, qui disait qu'un artiste est un enfant qui a survécu.
06:41Ça je trouve ça assez juste, mais j'aurais élargi, il n'y a pas simplement artiste en fait.
06:45Je pense que simplement survivre déjà c'est déjà bien.
06:49Oui, alors si vous voulez retrouver votre enfant intérieur, vous lisez.
