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  • 22/05/2025
Le Premier ministre François Bayrou consulte depuis fin avril en vue d’introduire le scrutin proportionnel aux prochaines législatives. Cette perspective n'enthousiasme pas Anne Rosencher.

Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne Rosencher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite

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Transcription
00:007h21 en toute subjectivité avec la directrice déléguée de la rédaction de l'Express, s'il vous plaît, Anne Rosencher.
00:07François Bayrou consulte à Anne depuis fin avril en vue d'introduire le scrutin proportionnel aux prochaines législatives.
00:15Et cette perspective ne vous emballe pas vraiment.
00:18Et oui Nicolas, réfléchir au mode de scrutin revient toujours à réfléchir aux deux missions fondamentales d'une élection,
00:25à savoir assurer la représentativité et la gouvernabilité.
00:30Car oui, nous élisons des gens à la fois pour nous représenter, ce qui ne veut pas dire d'ailleurs nous ressembler,
00:36mais prendre en compte nos diagnostics et nos aspirations, et on les élit aussi pour nous gouverner.
00:43C'est en cela que la politique doit aspirer à convaincre une majorité de citoyens.
00:48Car le principe majoritaire donne non seulement les marges de manœuvre dans les faits pour agir,
00:53et on le voit aujourd'hui cruellement avec l'embolie de la situation où nous nous trouvons.
00:58Mais il fonde aussi ce principe majoritaire, la légitimité du pouvoir.
01:03Alors vous me direz, depuis quelques années, proportionnelle ou pas,
01:06cette vocation de la politique de convaincre une majorité est un peu dans les choux.
01:11Et vous aurez raison, notamment parce que les partis traditionnels ont fait le pari de cultiver des segments,
01:17de faire le plein de clientèle en comptant sur un deuxième tour face au RN pour gagner grâce au vote barrage.
01:25Non seulement ça fonctionne de moins en moins, mais en plus, ça éloigne la politique de son objet.
01:32Et je crains, oui, que la proportionnelle ne fasse qu'aggraver la pente.
01:35Car c'est un mode de scrutin où on ne va pas chercher la majorité en amont de l'élection,
01:40mais en aval par le jeu des coalitions.
01:43Et c'est pourquoi, je redoute, que la proportionnelle n'accélère encore le passage de la société politique
01:49à la société de la clientèle, qui est en vérité la définition de la dépolitisation.
01:56Les partis et leurs dirigeants, Anne, sont-ils les seuls responsables de ce changement ?
02:01Non, it takes two, tout tango, disent les anglo-saxons.
02:04Il faut être deux pour danser le tango, Nicolas.
02:07Et dans cette crise-là, les électeurs ont aussi leur part de responsabilité.
02:12Car beaucoup ne cherchent plus à élire pour qu'on les gouverne,
02:16mais à voter pour s'exprimer, pour qu'on représente leur priorité, leur cause, comme étant la cause.
02:24Or, gouverner, c'est prendre le tout, hiérarchiser, agir.
02:28Ça n'est pas répondre par de la communication au catalogue des revendications d'une société découpée en segments.
02:35Partout en Occident, cette crise du principe majoritaire débouche sur le populisme.
02:42Car ce dernier, c'est sa marque de fabrique, constitue, lui, des majorités en défense.
02:47Prenez le cas français.
02:49Sur l'Europe, l'immigration, le pouvoir d'achat ou l'islamisme,
02:51le RN ne fait pas de propositions en tant que telle ou alors très peu.
02:56Mais il travaille méticuleusement à flatter une majorité en réaction.
03:02Il mise sur le fait que face à cette aspiration-là, un jour,
03:05les votes barrages et les plafonds de verre ne tiendront plus.
03:08Et que le mode de scrutin n'y pourra alors rien changer.
03:11Anne Rosencher, merci et à jeudi prochain.

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