- 20/05/2025
Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", Edouard Chanot reçoit Raphaëlle Auclert, enseignante et chercheuse en études russes.
Deux heures et cinq minutes de discussion téléphonique : Trump et Poutine se sont parlés en fin de journée hier 19 mai. Un entretien très attendu après l'échec des négociations entre Kiev et Moscou à Istanbul. Le dirigeant russe a, dans la foulée, annoncé un "mémorandum relatif à un éventuel accord de paix futur". Ce document doit définir les positions, principes et le calendrier d'un éventuel accord de paix. Les dirigeants américains et russes semblent s'entendre, mais derrière ces négociations, toutes les stratégies des grandes puissances pour 2040 semblent se déployer.
Deux heures et cinq minutes de discussion téléphonique : Trump et Poutine se sont parlés en fin de journée hier 19 mai. Un entretien très attendu après l'échec des négociations entre Kiev et Moscou à Istanbul. Le dirigeant russe a, dans la foulée, annoncé un "mémorandum relatif à un éventuel accord de paix futur". Ce document doit définir les positions, principes et le calendrier d'un éventuel accord de paix. Les dirigeants américains et russes semblent s'entendre, mais derrière ces négociations, toutes les stratégies des grandes puissances pour 2040 semblent se déployer.
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00:00Bonjour à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises de la prospective
00:26internationale de TVL. Deux heures et cinq minutes de discussion téléphonique. Vladimir Poutine et
00:32Donald Trump se sont parlé en fin de journée hier 19 mai. Les deux dirigeants s'appelaient par
00:37leur prénom et aucun des deux ne voulait raccrocher, selon Uchakov, le conseiller diplomatique de Poutine.
00:43Un coup de fil qui arrive dans la foulée de négociations entre Kiev et Moscou à Istanbul,
00:48qui n'avait pas encore débouché sur un cessez-le-feu tant espéré. Alors pour en parler,
00:52nous recevons Raphaël Auclair, enseignante et chercheuse en études russes, qui a récemment
00:57collaboré avec le colonel Pierre de Jong pour publier Poutine Lord of War aux éditions Mareuil.
01:02Raphaël Auclair, bonjour. Bonjour. Et merci beaucoup de votre présence ici, d'avoir répondu présente
01:06à l'appel de Choc du Monde. Ces négociations Trump-Poutine semblent déterminantes. Alors je
01:11vous propose, Raphaël Auclair, d'écouter ce que le dirigeant russe en a dit après avoir raccroché
01:16avec son homologue américain. Il a annoncé un mémorandum relatif à un éventuel accord de paix
01:21sur le futur. Écoutons-nous.
01:23...
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02:43Un mémorandum donc relatif à un éventuel accord de paix futur.
03:01Cet accord doit définir un certain nombre de positions, les principes et le calendrier d'un éventuel accord de paix éventuel.
03:08Raphaël Euclair, y croyez-vous ?
03:11Je crois ce que je vois en l'occurrence, c'est-à-dire qu'il n'y a pas grand-chose.
03:16On est vraiment dans une sorte d'accord fiction avec certains cadres qui sont même inconnus.
03:24Donc la seule chose qu'on peut constater, c'est qu'il y a un nouveau dialogue qui est renoué.
03:30Il y a eu quand même trois coups de fil, c'est le troisième entre Trump et Poutine depuis l'élection de Trump à la Maison-Blanche.
03:38Officiellement, effectivement.
03:38Donc voilà, il existe un contact, ce qu'on pourrait appeler une ligne rouge.
03:44Elle fonctionne bien, c'est déjà un bon signe.
03:47Ça permet effectivement d'éviter l'escalade, de maintenir l'intensité du conflit sous un certain niveau.
03:55Mais je pense que c'est quand même beaucoup de ce qu'on appelle de l'ordre des gesticulations et qu'il ne va pas se passer grand-chose.
04:02J'ai écouté ce matin l'intervention d'Ushakov, justement, le conseiller spécial de Poutine, qui parle pendant cinq minutes.
04:12Mais c'est creux. Il n'y a rien du tout dans ce qu'il dit.
04:15Oui, c'est des bonnes intentions, des formules un petit peu toutes faites.
04:20Mais il n'y a absolument rien.
04:22Enfin, mon avis, c'est qu'ils n'ont absolument pas avancé.
04:25Au moins, ils discutent.
04:26Et c'est déjà ce qui est positif.
04:28C'est le grand paradoxe.
04:28On n'entend pas grand-chose.
04:29Et puis, bon, de l'autre côté, il y a quand même eu deux heures et cinq minutes de discussion, visiblement.
04:33Donc, on peut supposer que c'est substantiel.
04:35Mais c'est resté dans ce crâne de Dieu.
04:37Je pense qu'ils sont d'accord pour dire qu'ils ne sont pas d'accord.
04:41Il y a une chose qui est importante à comprendre.
04:43C'est que, et ça s'est vu notamment lors des discussions à Istanbul, les deux délégations n'ont pas du tout le même objectif.
04:51L'objectif de la délégation ukrainienne, c'est d'obtenir un cessez-le-feu, et qui est soutenu d'ailleurs par les Européens et le président Trump.
05:00Tout est centré sur ce cessez-le-feu.
05:02On va le voir pourquoi.
05:03Parce que, en fait, l'enjeu, disons, le Graal, en fait, dans ces négociations, qu'est-ce que tout le monde veut ?
05:11C'est du temps.
05:12Tout le monde a besoin de temps.
05:14C'est vraiment la ressource essentielle.
05:17Je vais le détailler ensuite.
05:20Mais voilà, c'est pour gagner du temps.
05:22Pourquoi ? Parce que les Ukrainiens, on le sait bien, sont acculés.
05:25Ils sont en grande difficulté sur le terrain.
05:28Et ils ont besoin d'une sorte de répit stratégique.
05:30pour se remettre en ordre, etc.
05:33Ça ne va évidemment pas leur permettre une victoire.
05:35Mais au moins, ils vont pouvoir un petit peu être réarmés, se remettre en place, etc.
05:39Et c'est précisément pour cette raison que les Russes ne veulent pas du tout de ce répit.
05:44Parce que, justement, ils comprennent parfaitement que ça va aider les Ukrainiens à se réorganiser, à être plus opérationnels.
05:51Et d'ailleurs, ils en ont fait la mère expérience à deux occasions, lors des accords de Minsk,
05:58où à chaque fois, les trêves n'ont servi qu'à fournir de nouvelles armes à l'Ukraine, à se renforcer.
06:04Et également, pendant les accords d'Istanbul, d'il y a trois ans.
06:08Donc, voilà, c'est déjà éprouvé par deux fois.
06:11Voilà, de 2022.
06:13Et donc, c'est éprouvé par trois fois.
06:15Et ce que veulent les Ukrainiens, c'est précisément ce dont ne veulent pas les Russes.
06:19Alors, Trump, de son côté, a exulté sur son réseau social.
06:22Comme toujours.
06:23On le connaît.
06:23Il s'est évidemment réjoui de négociations directes entre Kiev et Moscou,
06:27en vue donc de se cesser le feu, que tout le monde espère sans le vouloir, si j'ai bien compris.
06:32Juste avant, donc, la rencontre hier 19 mai,
06:35J.D. Vance, le vice-président américain, avait déclaré être conscient d'une impasse.
06:40Sommes-nous toujours face à une impasse, selon vous, 24 heures plus tard ?
06:42Vous avez l'air de dire oui, Raphaël Leclerc.
06:45Peskov a dit quelque chose après son grand patron, Vladimir Poutine.
06:49Le porte-parole d'Ukraine a aussi souligné que la Russie n'était pas si pressée, je le cite.
06:53Il est clair que tout le monde veut le faire aussi vite que possible,
06:56mais le diable est dans les détails, s'a-t-il précisé.
06:59Confirmez-vous ça, le diable est dans les détails pour la partie russe.
07:01Comme toujours, et surtout, le diable serait pour la Russie,
07:06justement, dans ce cesser le feu auquel elle n'a absolument aucun intérêt.
07:10Pourquoi ? Parce que l'intérêt de la Russie,
07:13et c'est vraiment ça, on ne peut pas reprocher aux Russes leur manque de cohérence,
07:18parce que depuis ce qu'on appelle l'ultimatum de décembre 21,
07:22où la Russie avait formulé, Poutine lui-même avait transmis au département d'État américain
07:28des propositions.
07:32C'était Karen Donfrid à l'époque, qui était secrétaire d'État aux États-Unis.
07:37Et il avait transmis le 15 décembre 2021
07:39des propositions pour des garanties de sécurité.
07:44Donc, je les rappelle brièvement.
07:45Il y avait la renonciation par les États-Unis à créer des bases militaires
07:50dans l'ancien espace soviétique.
07:54Il y avait également le renoncement à l'élargissement de l'OTAN,
07:57en particulier à l'Ukraine, puisque c'était ça qui était dans la ligne de mire.
08:00Le retrait même des anciennes bases construites par les États-Unis
08:05dans les pays qui ont intégré l'OTAN depuis 1997.
08:09Donc, bon, ça, c'était le document de départ.
08:12Ça aurait fait l'objet de négociations, évidemment.
08:15Le retrait des missiles nucléaires disposés hors des États-Unis.
08:23La renonciation.
08:24En fait, tout ce qui était les zones de friction
08:26où les Russes sentaient un petit peu qu'on mordait sur leurs zones d'influence.
08:29Par exemple, les bombardiers militaires en mer noire,
08:32le survol par les vaisseaux militaires en mer noire,
08:36les bombardiers, les survols.
08:38D'ailleurs, c'est intéressant parce que ça rappelle, en 1955,
08:41il y avait les accords entre Khrouchev et Eisenhower.
08:44Moi, je compare très souvent pour moi.
08:47Poutine a énormément de points communs avec Khrouchev.
08:53Ce serait l'objet d'une autre discussion.
08:55Mais pour moi, il a énormément de points communs.
08:57Et c'est vrai qu'on voit un petit peu les mêmes exigences.
09:02Il y avait donc en 1955 les accords Open Skies,
09:06ciel ouvert lors des accords de Genève entre Eisenhower et Khrouchev.
09:12Et c'était justement l'idée de créer une zone de contact
09:16qui soit assez fluide, désarmée, neutre.
09:20En fait, c'est exactement ce que demandent les Russes depuis le début.
09:23Il y avait également l'absence d'ingérence des États-Unis dans les pays d'ancienne Union soviétique.
09:32Évidemment, suivi mon regard à l'Ukraine.
09:34Donc, c'est toujours d'avoir une ligne de contact apaisée
09:38où ils ne sentent pas la pression de l'ingérence et surtout du soutien militaire américain.
09:43Et on en est toujours là.
09:45Et c'est toujours ce que Poutine appelle Karine et Pritchin,
09:48c'est-à-dire les causes profondes du conflit.
09:51Donc, à la limite, la délégation russe arrive à Istanbul pour discuter avec Zelensky.
09:56Zelensky, enfin, avec leur contrepartie ukrainienne,
10:00puisque finalement, Poutine n'a pas donné suite à la proposition de Zelensky
10:04de se rencontrer en personne.
10:06Donc, on a les deux parties qui, finalement, n'ont pas du tout les mêmes objectifs.
10:10L'Ukraine qui veut une pause et les Russes qui arrivent et qui disent
10:13« Non, mais nous, on veut vraiment une paix durable. »
10:16Donc, c'est pour ça qu'ils ne se comprennent pas.
10:17Et pour les causes profondes.
10:18Alors, Zelensky, que vous mentionnez, a affirmé à la suite de la discussion de Trump-Poutine
10:23ne pas avoir de détails sur un éventuel mémordome avec la Russie.
10:27Mais évidemment, il s'est dit, en tout cas en façade, prêt à étudier l'offre russe.
10:31Par contre, il a dit une chose intéressante.
10:32Il n'accepterait pas de retirer son armée des régions qu'elle contrôle déjà en ce moment,
10:36ce qui n'est pas très surprenant, bien sûr.
10:38Mais cela relance une information qui avait circulé après les négociations d'Istanbul la semaine passée.
10:44Selon CNN, la Russie avait demandé, encore une fois, à Istanbul,
10:47que l'Ukraine cède des territoires qui sont encore sous contrôle de Kiev,
10:50en gros, les quatre oblasts, dans leur intégralité,
10:54puisque Moscou contrôle après 70% de ces oblasts.
10:59Cela avait confirmé des propos de Jay Devance,
11:02qu'il avait évoqués dès le 8 mai sur Fox News.
11:04Est-ce une option valable pour les Occidentaux de manière générale ?
11:09Trump, les Européens, évidemment Zelensky ne le veut pas.
11:11Mais peut-on envisager cet abandon de territoire aujourd'hui occupé par l'Ukraine, par l'armée ukrainienne ?
11:18Pour les Russes, étant donné qu'il y a eu un référendum qui a été mené dans ces régions,
11:25la population a officiellement souhaité son rattachement.
11:29D'ailleurs, entre parenthèses, j'ai un ami qui est là-bas, qui habite à Donetsk.
11:34Quand je lui demandais « Comment est-ce que tu te sens ? Est-ce que tu te sens ukrainien ou russe ? »
11:38Lui me disait « Mais je me sens russe du Donbass. »
11:40Voilà, c'était sa réponse.
11:41Alors, je ne dis pas qu'il parle pour tous,
11:43mais disons que ça fait partie des sensibilités de cette population qui est russophone,
11:49et qui n'a pas du tout l'intention de renoncer à sa culture, à sa langue,
11:54pour se fondre dans le moule clairement anti-russe,
11:59comme on dit, qui a tendance à désoviétiser, dérussifier complètement ces populations,
12:05pour qui c'est leur culture, c'est leur langue maternelle.
12:08Donc, à mon avis, pour les populations comme pour la Russie,
12:12ça fait partie des choses non négociables.
12:15C'est-à-dire, il est évident que la Russie veut garder ces régions.
12:21Alors, après, la question, est-ce qu'elle va pousser jusqu'à Odessa ?
12:23Oui, parce qu'à Odessa aussi.
12:25Alors bon, après, c'est toujours pareil.
12:27J'ai vu plusieurs micro-trottoirs.
12:29Et d'ailleurs, il y avait des Ukrainiens qui étaient venus là où j'habite,
12:33suite à l'invasion, et qui me disaient que pour eux,
12:37ils en avaient à la limite peu leur importé d'être russe ou ukrainien,
12:42parce qu'ils parlaient russe tous les jours.
12:44Et d'ailleurs, une me disait que depuis l'interdiction des musiques russes,
12:49parce que tout est interdit, les médias russes, les musiques russes,
12:51les télérusses, ça lui manquait.
12:53Parce que ce qui montre quand même le fait que c'était d'une part de son identité.
12:57Donc, voilà, est-ce que la Russie va pousser jusqu'à Odessa ?
13:00Après, tout dépendra de la réalité du terrain.
13:02Nous allons revenir là-dessus.
13:03Parce que justement, en toile de fond de cette tractation médiatico-diplomatique,
13:08il y a cette situation militaire qui est défavorable à la CAF, de facto.
13:12Je vous propose, Raphaël Leclerc, de faire le point là-dessus,
13:15sur ces déclarations sur le front.
13:17Les gains territoriaux russes ont quintuplé en trois jours
13:21par rapport aux valeurs du dernier mois,
13:24a confié un officier français au Figaro le 15 mai.
13:26Avec les beaux jours, la pression russe se fait en effet plus rude,
13:30notamment dans le Donbass vers Pokrovsk, Konstantinovka
13:33et dans la ville de Tchassov-Yar.
13:35C'est d'ailleurs dans celle-ci que se livre le plus long combat urbain
13:38depuis le début de la guerre.
13:39Les Ukrainiens flanchent, estimait un autre officier français.
13:43La résilience du système ukrainien semble désormais peu en capacité
13:47d'absorber les chocs successifs.
13:49En cause, la quasi-absence de réserve en cas de brèche.
13:53De quoi faire redouter à Kiev et ses alliés une vaste offensive.
13:57Selon des militaires américains cités par CNN le 15 mai,
14:00même une poussée russe vers la capitale ukrainienne
14:02ne serait plus à exclure.
14:04Une vaste offensive, Raphaël Auclair, y croyez-vous ?
14:11Est-ce une option valide, valable, alors même qu'il y a des négociations
14:15qui sont en cours à Istanbul ou entre Washington et Moscou directement,
14:18entre Trump et Poutine ?
14:19J'ai envie de vous demander, en référence évidemment au titre de votre essai,
14:23Poutine est-il en fait à ce point un seigneur de guerre ?
14:26Alors oui, il est effectivement maître d'une machine de guerre absolument phénoménale
14:35qu'il a construite à partir des années 2013.
14:38Alors bon, nous, dans le livre, on parle beaucoup de Wagner
14:40qui a été vraiment le bras armé de la Russie,
14:44à la fois au service des intérêts russes,
14:48mais ce qu'on appelle avec empreinte légère,
14:51donc permettant d'intervenir sur des terrains en défendant les intérêts russes
14:54sans emporter non plus, sans assumer la responsabilité
14:57et la marque claire de Moscou.
15:01Donc c'est beaucoup plus souple.
15:04Donc effectivement, on voit que Poutine a clairement mené
15:07une politique à la fois diplomatique et militaire tous azimuts,
15:12à commencer bien sûr par la guerre en Ukraine,
15:17où il a lancé toute une économie de guerre.
15:18Bon, je ne vais pas revenir dessus, c'est quelque chose qui est assez connu.
15:22Donc il y a vraiment une guerre extrêmement intense qui est menée
15:29concernant le front.
15:31Moi, je ne crois pas à un effondrement du front,
15:34parce que certes, la Russie a fourni un effort considérable.
15:39Il y a énormément de recrutements constamment,
15:42puisque ce sont des recrutements par contrat.
15:43D'ailleurs, quand j'étais à Moscou, on voit partout des affiches.
15:47Voilà, toi, pratiquement comme à l'époque soviétique,
15:51toi, rejoins les contracteurs russes, etc.,
15:55en présentant tous les avantages,
15:57l'aventure, l'argent, l'honneur, etc.
16:03Et ça marche très bien.
16:04Il y a énormément de recrutements tous les mois.
16:06Donc l'armée russe est extrêmement renforcée.
16:08Pour autant, il ne faut pas nier que du côté ukrainien,
16:11les Ukrainiens sont extrêmement bien équipés en drones.
16:16Il y a carrément une parité en drones ukrainiens et russes,
16:21voire une supériorité du côté ukrainien,
16:25en particulier pour les drones navals.
16:28Et notamment en mer Noire,
16:30les drones navals ukrainiens mènent vraiment la vie dure à la flotte russe.
16:36Et pour l'instant, les Russes commencent à peine à développer les drones navals.
16:39Donc ils sont en retard là-dessus.
16:41Les premières usines ont ouvert.
16:42Donc il y a vraiment une très grande solidité du côté ukrainien.
16:48Et des personnes que j'ai rencontrées à Moscou,
16:51lorsque j'y étais en janvier et qui étaient sur le terrain,
16:53m'ont dit que les Ukrainiens sont extrêmement bien équipés.
16:56Ils tiennent bien les lignes de front.
16:58Des fois, effectivement, ils reculent sur certaines positions.
17:02Mais dans les positions plus éloignées,
17:05ils ont notamment des abris pour le repos, etc.,
17:07qui permettent de tenir vraiment à long terme.
17:09et en particulier avec l'utilisation de drones.
17:12Et récemment, on a parlé aussi beaucoup des drones filaires,
17:16vous savez, qui permettent, qui sont une avancée,
17:17puisque effectivement, vous avez un fil qui va jusqu'à 20 km.
17:20C'est une fibre optique.
17:22Et ça permet de déjouer les problèmes de brouillage,
17:25qui ont commencé évidemment dans la surenchère tactique,
17:28à créer des problèmes dans l'emploi des drones.
17:30Maintenant, il y a des problèmes parce que les fils se prennent des fois dans les arbres.
17:33Donc, ça nécessite une formation particulière.
17:37Mais voilà, ça n'arrête pas.
17:39Il y a toujours de l'innovation.
17:40Il y a toujours une surenchère, une action.
17:43Et les drones permettent vraiment de tenir la ligne de front
17:47auxquelles s'ajoutent effectivement les SMP,
17:50les sociétés militaires privées du côté de l'OTAN,
17:53qui emploient beaucoup de contractants.
17:56En particulier, il y a eu beaucoup de Polonais.
17:58Et maintenant aussi, on trouve beaucoup de personnes,
18:00de ressortissants d'Amérique du Sud.
18:02Pour répondre aux problèmes, j'ai envie de dire RH,
18:05mais en tout cas de réserve potentielle du côté ukrainien.
18:09Revenons sur un aspect des discussions entre les Américains et les Russes,
18:14si vous le voulez bien, Raphaël Leclerc.
18:15Parce que Uchakov, mais ceux-ci Donald Trump,
18:18ont évoqué l'intérêt que la Russie et les États-Unis
18:21pourraient avoir à renouveler leurs discussions,
18:24à normaliser leurs relations.
18:28La Russie souhaite effectuer des échanges commerciaux à grande échelle
18:31avec les États-Unis, a écrit Donald Trump,
18:33pour une fois que le bain de sang sera terminé.
18:36Il y a ça, cette espèce d'incitation commerciale.
18:38Et puis, évidemment, il y a le spectre des sanctions
18:40qui a été évoqué maintes fois depuis quelques jours.
18:42Trump a évoqué ces sanctions.
18:45Macron a évoqué ces sanctions.
18:46Zelensky a évoqué ces sanctions.
18:47On a bien entendu parler des tanks et des avions.
18:51On a aussi l'impression que les sanctions,
18:52c'est cette espèce de Wunderwaffen, d'armes fatales,
18:55que sortent à chaque fois les Occidentaux face à la Russie.
18:58Est-ce encore crédible, trois ans après les premières ?
19:00D'ailleurs, ce n'était pas les premières,
19:02mais en tout cas, d'après toutes ces sanctions
19:04qui ont été imposées à la Russie par l'Occident.
19:06Non, évidemment.
19:09Et puis, on voit que finalement, ils proposent les sanctions
19:11parce que c'est tout ce qui leur reste.
19:13Et encore, même les sanctions ne fonctionnent pas
19:15puisqu'on a vu que malgré les 17 paquets de sanctions...
19:18Le 17e est en cours.
19:20Voilà, le 17e qui se succède,
19:23ça n'a pas du tout entravé les Russes.
19:25Alors, il ne faut pas non plus nier que,
19:26évidemment, ça pèse,
19:28mais ça pèse à la marge.
19:29Et ce que me disait un ami qui est journaliste
19:33et spécialiste des questions de défense qui est à Moscou,
19:37il faisait remarquer très justement que, paradoxalement,
19:41c'est un peu comme le principe,
19:43un petit peu comme l'amélioration des temps, vous savez.
19:46À chaque fois qu'on met une pression sur la Russie,
19:48finalement, ça la contraint à s'améliorer.
19:52Et alors, c'est vrai qu'au début, par exemple, de la guerre,
19:53c'était catastrophique.
19:54Après, petit à petit, l'organisation militaire s'est améliorée.
19:58Et on a la même chose au niveau des sanctions, finalement.
20:01Alors, évidemment, les Russes en rajoutent un peu.
20:04Il y a quelque chose de culturel aussi.
20:05Oui.
20:06Oui, oui, oui.
20:07Oui, oui, tout à fait.
20:08De faculté d'adaptation.
20:10Oui, de faculté d'adaptation, une souplesse,
20:11d'ailleurs, qui n'existait pas.
20:15On a reproché beaucoup à l'Union soviétique d'être rigide.
20:18Et c'est vrai que ça fait énormément de tort à l'Union soviétique
20:21d'être un peu coincée dans son dogme
20:22et dans son fonctionnement obsolète.
20:25Mais en revanche, la Russie actuelle est extrêmement pragmatique
20:30et c'est ce qui nous manque un petit peu en Union européenne.
20:32C'est nous, maintenant, qui sommes devenus dogmatiques et obsolètes
20:34et on voit que ça ne marche pas.
20:35Vous qualifiez, Poutine, dans votre bouquin,
20:37non seulement de seigneur de guerre, mais aussi de maître des horloges.
20:40Oui, oui, c'est ça.
20:41Oui, oui.
20:41Alors là, justement, je voudrais parler du temps.
20:44Il faut voir que vraiment, l'enjeu de toutes ces négociations, c'est le temps.
20:48On pourrait dire que c'est un petit peu à la recherche du temps perdu,
20:50si on voulait faire un petit clin d'œil.
20:54Mais pourquoi ?
20:55Parce que c'est vrai que si on commente ces négociations comme ça au fil de l'eau,
21:00il n'en ressort rien de décisif.
21:02On voit Whitcoff, l'envoyé, l'émissaire spécial de Trump qui fait des allers-retours.
21:08On voit les négociations qui ont lieu, qui n'ont pas lieu, les rencontres, les coups de téléphone.
21:15Donc, ça paraît extrêmement opaque et on ne voit pas où ils veulent en venir.
21:18Et pour cause, c'est parce qu'on se trouve,
21:21alors on se trouve, en fait, on a changé de mode de temporalité.
21:25Alors bon, c'est vrai que pour faire un petit parallèle,
21:29il y a Jacques Le Goff, le grand médiéviste,
21:32qui parlait du temps des banquiers et du temps de l'Église.
21:35Donc, il avait fait toutes ses recherches sur une différence,
21:38une sorte de charnière de perception du temps.
21:41qui modifiait complètement à la fois la perception de la réalité
21:46et du coup, l'organisation même de la société.
21:51À l'époque, c'était en France, au Moyen-Âge.
21:54Et il se trouve la même chose.
21:55Et je pense que c'est pour ça que beaucoup d'observateurs sont un petit peu déroutés.
21:59C'est-à-dire qu'ils n'ont pas la bonne grille, à mon avis.
22:01C'est-à-dire qu'on est passé d'un temps extrêmement continu,
22:06organisé, dans le cadre des systèmes,
22:09puisqu'on était dans le cadre du système de l'ONU,
22:14le système de la charte de l'ONU qui date de 1945,
22:18donc depuis 80 ans.
22:19Donc, autant dire que tout le monde, aujourd'hui, est né dans ce système
22:23et a grandi, donc c'est la grille classique.
22:26Un système que je qualifierais de beaucoup plus étiré, voire déchiré.
22:30Alors, c'est-à-dire qu'on a d'un côté un temps extrêmement ramassé.
22:35Alors, moi, j'appellerais ça un peu le temps des gladiateurs.
22:38Alors, c'est comme ça, ce sont des sortes de combats qui se livrent comme ça,
22:42d'une manière extrêmement spectaculaire dans l'instant.
22:45Évidemment, on pense à ce qui s'est passé au bureau Oval, d'ailleurs,
22:48comme ce qui ressemble un peu à un colisée.
22:50Et d'ailleurs...
22:51Entre Zelensky et Trump, c'était vraiment un combat de gladiateur, complètement.
22:56C'était spectaculaire.
22:57Et d'ailleurs, Trump a dit à la fin, ça, ça va faire un bon moment de télé et tout.
23:05Il a produit des combats de catch.
23:06Voilà, il était dans son domaine.
23:08On a vu aussi Poutine qui venait en uniforme quand il est venu sur le front.
23:13Il venait en uniforme.
23:14Il vient en combattant.
23:15Poutine, Zelensky.
23:15Non, Poutine.
23:16Poutine aussi.
23:17Après, il a changé.
23:18Mais Zelensky est toujours gladiateur.
23:20Lui, ça ne change pas.
23:21Poutine, qui ne quitte jamais, normalement, qui ne fait jamais tomber le costume.
23:25Eh bien, on l'a vu venir quand il est venu à Koursk,
23:28juste avant que la poche ne soit reprise.
23:31Il est venu quand même en uniforme.
23:33On ne l'avait jamais vu comme ça.
23:34Donc voilà, il est prêt à en découdre.
23:36Pourquoi ?
23:37Parce que le temps des systèmes avant ne fonctionne plus.
23:40On le voit bien.
23:41Et d'ailleurs, malheureusement, les dirigeants européens qui résonnent encore dans les vieilles catégories
23:47ne sont pas du tout opérants.
23:49Finalement, tout ce qu'ils proposent, ils peuvent proposer ce qu'ils veulent.
23:51Mais tant qu'il n'y a pas le veto ou le go de Trump, tout ça reste lettre morte.
23:57Pourquoi ?
23:57Parce que justement, maintenant, tout ce qui marche, c'est tout ce qui est un petit peu navigué,
24:04comme ça, à vue.
24:06Et c'est les relations d'homme à homme, comme les gladiateurs, en fait.
24:10Donc, on a vu, maintenant, c'est Trump, Zelensky, Trump, Poutine.
24:14Donc, ça ne marche que comme ça.
24:15Et donc, on a d'un côté un temps dans l'immédiat, extrêmement rapide, spectaculaire.
24:22On a à peine le temps de comprendre ce qui se passe, en général, surtout avec Trump
24:25et ses déclarations fracassantes.
24:27Et Poutine, qui est tout à fait dans le même registre, il répond du tac au tac.
24:32Donc, il fonctionne très bien comme ça, en tandem.
24:35Et d'autre part, il y a un temps très long.
24:38Alors là, pour le coup, qui est vraiment… et qu'on a du mal aussi à percevoir,
24:41parce qu'on est aussi un petit peu dans le continu des décisions institutionnelles, etc.
24:49Donc, on se met dans ce continuum.
24:51Alors que non, à mon avis, c'est plus pertinent d'envisager les choses sur le temps long.
24:55Alors, il y a un historien russe qui s'appelle Foursov, qui parle d'une guerre de 30 ans.
25:02Et je pense que c'est très pertinent.
25:03Donc, ce serait à peu près…
25:04En fait, l'échelle, c'est 2014-2044.
25:08Pourquoi ?
25:09Alors, premièrement, parce que déjà, en fait, tous les gros blocs,
25:14donc si on prend les futurs dominants du monde,
25:19donc à savoir les États-Unis, la Chine et la Russie,
25:25ceux qui prétendent l'hégémonie.
25:27Donc, on sait que la Chine s'est fixée 2049 pour être l'hégémonie mondiale.
25:31L'OTAN, de son côté, effectivement, est extrêmement virulent.
25:35Et on sait qu'il y a une base, notamment en Roumanie,
25:38qui va accueillir à peu près 140 000 militaires,
25:42qui sera postée donc vraiment sur les marges de la Russie.
25:45Et son ouverture, c'est prévu 2040, comme par hasard.
25:48Voilà, donc ça, c'est pareil, c'est un horizon de 30 ans.
25:51Et dernier indice aussi, qui peut laisser envisager ce genre de catégorie,
25:57c'est Poutine qui, à Valdaï, à l'automne 2024,
26:01aurait dit « les 20 prochaines années seront plus dures pour la Russie
26:06que les 20 dernières ».
26:07Donc, lui aussi, 2024 plus 24, on se retrouve 2044.
26:11Donc, il y a vraiment cette logique du temps long
26:15que nous n'ont absolument pas…
26:17Alors, vraiment pas…
26:18Donc, on a le sentiment, en fait, que le basculement du monde est en cours.
26:21Mais ce que vous nous dites, c'est que le basculement prendra encore 20 ans.
26:24Oui, clairement, oui.
26:25Comme on a eu, vous voyez, quand on a eu le congrès de Versailles
26:29et qui a basculé à peu près en 1945, vous voyez.
26:32Donc, on est, voilà, 1919-1945, ça a pris 25 ans.
26:37Donc, on est sur ce genre de catégorie, tout à fait.
26:39Donc, c'est la même chose qui se passe.
26:42Donc, en fait, voilà, la façon dont je vois les choses,
26:45c'est que vous avez les trois grands,
26:47donc États-Unis, Chine, Russie,
26:49qui se positionnent en termes, voilà, sur le temps long.
26:54Donc, eux, ils voient déjà l'horizon 2040.
26:56C'est ça, voilà, 2040, la décennie 2040.
26:59Et leur but, eh bien, c'est d'atteindre une masse critique
27:03le plus vite possible, de gagner du temps.
27:05Donc, c'est pour ça que, pour revenir à la question,
27:07ces négociations vont prendre du temps.
27:09Clairement, ça va prendre un certain temps.
27:11Et de toute façon, le but n'est pas qu'elles aboutissent.
27:14C'est ça, parce que nous, c'est quand même un peu un film,
27:15on a envie de voir à la fin.
27:16Mais le but, ce n'est pas qu'elles aboutissent,
27:18c'est juste qu'elles se tiennent, voilà.
27:19Et que pendant ce temps-là, les processus sur le temps long
27:22des différents acteurs puissent se poursuivre.
27:25Des processus, un processus sur le temps long,
27:27eh bien, ce sera le mot de la fin.
27:29Raphaël Leclerc, merci infiniment d'avoir répondu présente
27:31à l'appel de Choc du Monde.
27:33Je rappelle que vous avez co-écrit avec le colonel
27:35Pierre de Manon, Poutine, Lord of War, aux éditions Marailles.
27:38Merci à tous d'avoir suivi cet épisode de Choc du Monde.
27:41Surtout, n'oubliez pas de le commenter et de le partager.
27:44Et puis, rendez-vous la semaine prochaine.
27:45Merci à tous.