Le député Aurélien Rousseau était l'invité de France Inter mardi 20 mai. L'ancien ministre de la Santé admet "une erreur d'appréciation" au sujet du scandale des eaux minérales traitées par Nestlé. Le député défend aussi le texte sur la fin de vie, examiné à l'Assemblée nationale.
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00Il est 7h48, Sonia De Villers, vous recevez ce matin le député Place Publique des Yvelines
00:06qui siège avec les socialistes à l'Assemblée Nationale.
00:09Début d'une semaine cruciale de débats avant le vote de la loi sur la fin de vie.
00:14L'hémicycle va-t-il vivre un tournant historique ?
00:17Mon invité, qui a été ministre de la Santé, défend ardemment cette loi.
00:21Bonjour Aurélien Rousseau.
00:22Bonjour.
00:23Mais avant d'y venir, j'ai une question sur un scandale qui prend une ampleur politique.
00:28Les eaux minérales du groupe Nestlé.
00:31Hier, exactement à ce micro, il y avait le sénateur Alexandre Ouzi.
00:36La marque Perrier, notamment, elle filtre des eaux polluées et contaminées aux bactéries
00:40avant de les mettre en bouteille et ce, avec l'aval des autorités sanitaires et du gouvernement.
00:44Vous étiez directeur de cabinet d'Elisabeth Borne, première ministre.
00:48Vous avez été auditionné par le Sénat à ce sujet.
00:51Vous avez admis une erreur d'appréciation sur ce dossier.
00:54Alors, quand on fait le retour en arrière et quand on voit la situation aujourd'hui,
01:00il vaut mieux être clair et admettre, oui, sans doute une erreur d'appréciation,
01:05mais même pas sans doute une erreur d'appréciation.
01:07De quoi parle-t-on ?
01:08On parle d'un scandale, puisque c'est le mot qui est toujours là,
01:12d'une tromperie commerciale de très grande ampleur,
01:15organisée par Perrier, par Nestlé, et c'est grave.
01:19De quoi ne parle-t-on pas ? Je tiens à le dire.
01:22Une tromperie commerciale, c'est-à-dire des gens qui achètent au prix d'une eau minérale en bouteille,
01:27une eau qui, en réalité, a été filtrée et traitée.
01:30A été traitée, et précisément parce qu'elle a été traitée,
01:34c'est une eau qui ne présente pas de danger sanitaire.
01:37Donc, on ne parle pas, et moi je tiens à le redire,
01:41et à chaque fois que j'ai été saisi de ce dossier, c'était toujours le préalable,
01:45on ne parle pas d'un sujet de risque ou de scandale sanitaire.
01:50On est sur quelque chose que je ne balaye pas du tout.
01:54C'est grave, parce que c'est les consommateurs qui ont payé l'addition,
01:57mais ils n'ont pas payé l'addition sur leur santé.
02:00Est-ce que tout a été bien fait ? C'était votre question.
02:03Évidemment que non, notamment parce que,
02:05en fait, moi, quand je suis saisi en tant que directeur de cabinet,
02:09on me dit, voilà, en 2021, Nestlé est venu voir l'État,
02:13et lui a dit, nous appliquons des traitements sur l'eau,
02:16dont on sait qu'ils sont illégaux, laissez-nous du temps.
02:21Donc, j'y viens.
02:23Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on est en 2025, ils ont eu le temps.
02:25Absolument, j'y viens.
02:27Donc, du coup, je suis saisi presque un an après,
02:30on me dit, pas de risque sanitaire,
02:33et on va demander à Nestlé de rentrer dans les clous.
02:38Ce qui est sûr, c'est qu'on est en 2025.
02:40En effet, Nestlé n'est pas encore rentré dans les clous,
02:43donc aujourd'hui, ne devrait pas avoir le droit à cette application,
02:46à cette appellation d'eau minérale,
02:48mais on n'a changé aucune règle sanitaire.
02:51Et, un instant, je fais le raisonnement inverse,
02:55parce qu'il faut toujours s'orienter là-dessus.
02:59Si, en 2022, Nestlé étant venu voir les autorités,
03:05qu'il n'y avait aucun risque sanitaire,
03:07on avait décidé de dire,
03:08ah ben tiens, c'est terminé, vous n'êtes plus au minéral,
03:11je pense que Nestlé aurait sans doute dit,
03:14comme ils le disent aujourd'hui,
03:14ben on va fermer ses sources.
03:16Eh bien, je pense qu'on nous aurait traité de technocrates,
03:19ma boule.
03:20C'est ça la réalité de ce qui se serait passé.
03:23Maintenant, il faut une vigilance renforcée.
03:27Il est certain que la question sanitaire reste la première,
03:31et il faut qu'ils aient à rendre des comptes,
03:33y compris devant la justice, en matière de tromperie commerciale.
03:35Alors, Aurélien Rousseau, je l'ai dit,
03:36le droit à mourir, c'est maintenant,
03:38c'est à l'Assemblée Nationale,
03:39le vote solennel aura lieu dans quelques jours,
03:42et pour vous, c'est sans doute le débat le plus décisif
03:46de cette législature.
03:48Pourquoi ?
03:50Parce que c'est, d'une certaine manière,
03:52un débat qui est présent,
03:56dans la tête de beaucoup de gens,
03:57qu'ils le disent à haute voix,
03:59ou qu'ils le vivent dans leur intimité,
04:01depuis très longtemps.
04:02Parce que c'est un débat,
04:05et c'est souligné par beaucoup,
04:07où l'Assemblée Nationale retrouve un peu la profondeur
04:11d'un débat démocratique,
04:13avec des arguments de fond,
04:14avec des désaccords de fond,
04:16mais avec de la qualité dans ce débat.
04:18Et puis, parce que,
04:20moi, je repense souvent à cette phrase de Simone Veil,
04:23pendant le débat sur l'IVG,
04:25elle disait,
04:26« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement ».
04:30On n'est pas là dans quelque chose
04:33qui serait une loi,
04:35juste un grand progrès social,
04:39une loi de liberté.
04:40On est d'abord dans une loi de gravité,
04:42la loi qui permet de ne pas souffrir,
04:45de ne pas subir,
04:46de savoir plus exactement qu'on pourra
04:48ne pas souffrir ou ne pas subir jusqu'au bout.
04:51Moi, je pense que c'est un texte très important.
04:55C'est un texte très important
04:57et on entend des voix,
04:58des voix fortes pour le mettre en cause.
05:02Et on entend peut-être un peu moins
05:03des voix qu'on a plus dans des discussions entre nous.
05:07La voix...
05:08Pour le défendre, vous voulez dire ?
05:09Pour le défendre, oui.
05:10Ce qui est intéressant,
05:11c'est que la tribune dimanche a publié très récemment un sondage
05:15montrant que 74% des personnels soignants
05:18étaient favorables à ce que la France légifère.
05:23Or, ces dernières années,
05:23c'est vrai qu'on a entendu beaucoup plus
05:25parmi les personnels soignants des opposants.
05:28Oui, mais en fait,
05:29le terme opposant, soutien,
05:33personne n'est,
05:34il y en a certains,
05:36mais n'est absolument radical.
05:37On est tous traversés par des questions.
05:39Mais oui,
05:40moi j'étais la semaine dernière encore
05:41dans les Yvelines,
05:43je discutais avec un médecin
05:45qui m'expliquait, généraliste,
05:47que plusieurs fois,
05:48elle avait accompagné la fin de vie.
05:51quand on dit cette formule,
05:52c'est qu'elle a aidé à accélérer le départ.
05:56Et donc,
05:56elle était au sens strict,
05:58hors la loi.
05:59Et donc,
06:00les soignants,
06:01ce que beaucoup demandent,
06:03c'est qu'il y ait un encadrement,
06:04un encadrement qui sera assez strict
06:06à l'issue de ce texte,
06:08mais pour qu'il ne soit pas juste
06:10dans le,
06:10ce qu'on appelle le colloque singulier,
06:12le dialogue uniquement avec leurs patients
06:14et avec leur conscience,
06:16et qu'il y ait justement cet encadrement.
06:18Et c'est un peu la même chose
06:19pour les proches
06:21qui ont vécu
06:22la mort,
06:24l'agonie.
06:25Donc,
06:25c'est aussi cette voix intime
06:28qu'il faut entendre.
06:28Vous avez été
06:29ministre de la Santé,
06:31vous avez contribué
06:32à élaborer ces textes.
06:35Vous défendez
06:36quatre critères cumulatifs
06:37pour accéder
06:38à ce droit à l'aide
06:39à mourir,
06:40que la volonté du patient
06:41soit libre,
06:42éclairée et réitérée.
06:43Là-dessus,
06:43je crois qu'il y a vraiment
06:44un consensus.
06:45Lorsque la maladie
06:46est incurable,
06:47là,
06:48il n'y a pas tout à fait
06:49consensus incurable.
06:51À quel terme ?
06:52Alors,
06:53hier,
06:54la ministre
06:55Catherine Vautrin,
06:57la ministre de la Santé,
06:59qui avait saisi
07:00la Haute Autorité de Santé,
07:01a présenté un amendement
07:02qui a été très largement
07:03approuvé
07:04pour,
07:06comment dirais-je,
07:07préciser
07:07ces critères
07:09et notamment
07:10l'aggravation,
07:11le principe
07:12de l'aggravation
07:13de la situation,
07:14du caractère
07:15insoutenable,
07:15du caractère
07:16réfractaire au traitement
07:18et un point
07:19qui est très important,
07:20c'est jusqu'au bout,
07:21entendre la voix
07:22du patient.
07:24Le patient,
07:24il aura jusqu'au bout,
07:26jusqu'à la dernière seconde,
07:27le droit de changer d'avis.
07:29C'est quelque chose
07:29d'essentiel.
07:31Et moi,
07:32de façon intime
07:33et peut-être
07:33que je me trompe,
07:35je pense que
07:35l'existence
07:37de ce droit
07:37à ne pas souffrir
07:40est déjà
07:41une aide
07:41au moment
07:42où vous êtes
07:43dans la souffrance.
07:45Oui,
07:45mais soyons précis.
07:46Vous,
07:46vous parlez
07:47d'une souffrance
07:47qui est insupportable.
07:48Vous savez très bien,
07:50M. le ministre
07:50et M. le député,
07:52que faire entrer
07:52la notion de souffrance
07:53dans une loi,
07:54c'est extrêmement complexe.
07:55Qui évalue la souffrance ?
07:56C'est précisément
07:57un des points
07:58sur lesquels
07:58moi je suis aussi
08:00très engagé.
08:01C'est le principe
08:02de collégialité
08:03dans cette prise
08:05de décision.
08:06Aujourd'hui,
08:06pour n'importe quelle
08:07maladie un peu lourde,
08:08par exemple un cancer,
08:10vous avez des process
08:11dans lesquels
08:12plusieurs médecins
08:13vont parler d'un cas.
08:14Et bien là,
08:15c'est la même chose.
08:15On aura ce débat
08:16dans les heures
08:17et les jours qui viennent
08:18sur la collégialité.
08:20Vous voulez un collège
08:20pluridisciplinaire
08:21qui va prendre la décision.
08:23Absolument.
08:23Est-ce que c'est un collège
08:24qui est interne à l'hôpital
08:25ou à la clinique ?
08:26Est-ce que c'est un collège
08:26qui est extérieur ?
08:28Le premier contact,
08:29ce sera souvent
08:30le médecin généraliste.
08:31Donc,
08:32il faut qu'il y ait
08:33les professionnels
08:33qui suivent cette personne,
08:35y compris des gens
08:36qui ne sont pas des médecins
08:37mais des psychologues
08:38pour savoir.
08:39Et puis,
08:40les spécialistes
08:41de la pathologie
08:42pour savoir
08:43s'il y a bien
08:43ce caractère
08:44d'irréversibilité.
08:46Voilà.
08:47Et donc,
08:47c'est ça
08:48qu'il faut mettre en place
08:49aujourd'hui
08:50dans la première version.
08:51Sans doute
08:51qu'on était dans quelque chose
08:53peut-être d'un peu trop resserré
08:55comme collégialité.
08:56Les médecins,
08:57les soignants en général,
08:58ils pratiquent ça
08:58tous les jours.
08:59Donc,
08:59il faut qu'on ait quelque chose
09:00d'extrêmement robuste
09:02pour qu'on ait aucun doute
09:03sur la situation.
09:04Et sur les délais,
09:05vos collègues de gauche
09:06et écologistes,
09:08sont pour raccourcir
09:09le délai de rétractation.
09:11C'est-à-dire,
09:1115 jours
09:12pour que ce collège
09:13rende une décision,
09:15oui ou non,
09:16et ensuite,
09:172 jours
09:17pour avoir le droit
09:18de changer d'avis.
09:19Vous,
09:19vous n'êtes pas
09:20pour qu'on raccourcisse
09:20les délais ?
09:21Alors,
09:22aujourd'hui,
09:22c'est 2 jours
09:23dans la proposition.
09:24Il y aurait l'idée
09:25de revenir éventuellement
09:26à un jour.
09:27Moi,
09:28je pense qu'on l'a tous vécu
09:29autour de nous.
09:31Quand on est dans la souffrance,
09:33on peut,
09:33à quelques heures d'intervalle,
09:34vouloir en finir ou pas.
09:36Et de toute façon,
09:37jusqu'à la dernière seconde,
09:39on peut changer d'avis.
09:41Donc moi,
09:41je pense que 2 jours,
09:43sachant qu'on est sur des maladies
09:45qui sont prises en charge,
09:47on doit laisser ce temps.
09:49Et je le dis,
09:50ça dépasse gauche-droite,
09:51mais le travail est de qualité.
09:53Moi,
09:53je suis très en accord
09:54avec ce qui se dit aujourd'hui.
09:56Et je salue notamment
09:57le boulot d'Agnès Firmin-Le Baudot,
09:59qui a été ma ministre déléguée,
10:01qui a piloté ça.
10:01On n'est pas du même bord politique,
10:03mais ça signifie aussi
10:03que sur des grands textes comme ça,
10:06on est capable de discuter
10:07au-delà des clivages.
10:08Merci Aurélien Rousseau.