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  • 18/05/2025

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00:00Le cours du soir à ouvrir
00:30Le cours du soir à ouvrir
01:00Le cours du soir à ouvrir
01:29Le cours du soir à ouvrir
01:59Le cours du soir à ouvrir
02:30Je l'ai connu en 1932 à Alger
02:33Nous étions tous les deux à l'école normale de Boussaria
02:35Il était un élève très appliqué, très doué
02:38Et je me souviens qu'il était d'un caractère si doux et si aimable
02:41Qu'il ne comptait pas d'ennemi
02:44Et qu'au lieu d'élire le plus mauvais élève, comme on le faisait par dérision, souvent à la fin de l'année dans ses fêtes terminales
02:51On avait choisi d'élire le meilleur camarade
02:55Et c'était lui qui était devenu le meilleur camarade
02:56Ce qui l'avait rempli de confusion, qui a été d'une modestie exquise
02:59Et c'était quel genre d'homme ?
03:03Personnellement, vous venez de le définir, partiellement, par sa gentillesse, mais socialement
03:07Il était très bon et véritablement très lié à cet air cabile
03:10Le voyage d'Alger et le séjour d'Alger était pour lui un déracinement, un dessin dont il a beaucoup souffert
03:20Il aurait voulu toujours rester chez lui
03:22Ah, c'était son milieu, c'était l'atmosphère qu'il aimait
03:25Il se trouvait très bien en Kabylie, il l'a toujours regretté
03:27Mouloud Ferraoun était merveilleusement sensible à ses récits qui se colportent dans les villages cabiles les jours de marché
03:34Il entendait tout, il notait tout et à son tour il racontait ce conteur né
03:39C'est cela le journal, tous les bruits, toutes les rumeurs, toutes les histoires, les tristes histoires de ces années de guerre
03:44Notées avec colère parfois, avec désespoir toujours
03:48Toutes les confidences qu'on lui faisait à lui, l'instituteur, donc un notable dans son village
03:53D'une façon générale, qu'est-ce que vous pensez de l'écrivain ?
03:57Il avait commencé par un livre qui était un livre autobiographique et aussi un documentaire sur la Kabylie
04:02Il racontait pour les français, non pas pour les Kabylie, il racontait ce qui était la vie de tous les jours dans son pays
04:09Ensuite il a écrit un roman, mais véritablement un roman
04:13La terre et le sang, bien composé, mais encore une fois avec peut-être un apport de pittoresque
04:21Dans le troisième roman, Les chemins qui montent, là déjà il a donné sa pleine mesure
04:27A mon avis, il annonçait, c'est pour moi un chef d'oeuvre, les chemins qui montent, son meilleur, son meilleur roman
04:33Mais cela a annoncé un très grand écrivain, par le style, par la composition, par l'art très dépouillé, n'est-ce pas, d'analyser les âmes
04:41Cette investigation psychologique était déjà, à mon avis, très poussée
04:45Et en même temps, il avait supprimé tout ce pittoresque, tout cet exotisme qui pouvait figurer avec trop d'abondance
04:54C'est ce qu'on lui a souvent reproché dans son premier livre
04:57Il avait un roman en train, juste avant sa mort
04:59Il avait un roman en train, en effet, mais qu'il avait à peine commencé
05:03Il en avait écrit quatre chapitres
05:06Et il inscrivait en marge les dates de rédaction
05:09Et on peut lire la date du 11 mars, c'est-à-dire qui précédait de quatre jours seulement sa mort
05:16Pourquoi l'a-t-on tué ?
05:18J'en sais rien, je crois qu'il n'était pas visé
05:20Lui, en tant que feraoun, ni en tant qu'écrivain
05:23Il a été tué parce que c'était les centres sociaux même
05:27Les centres sociaux, c'était des cours de formation d'adultes, n'est-ce pas ?
05:30Uniquement
05:30Alors qu'est-ce qu'on leur reprochait ?
05:33Eh bien, je ne sais, il me semble qu'au cours d'un procès
05:36Au cours d'un procès, quelqu'un a signalé cette œuvre des centres sociaux
05:41Comme un nid, c'est l'expression, je la cite
05:45Comme un nid d'agitateurs FLN
05:50Et on les a choisis sur une simple liste
05:54Comme des condamnés de droit commun, n'est-ce pas ?
05:57Ça a été une chose atroce
05:58Et Feraoun s'est trouvé mêlé à d'autres hommes qui avaient autant de mérite que lui
06:02Je peux citer Max Marchand, Salahouldaoudia qui ont été, au même titre que lui, des martyrs d'une cause généreuse
06:08Celle de l'éducation permanente, celle de la générosité
06:11Une cause en faveur de tous ceux qui n'ont pas pu accéder à l'instruction et à la culture
06:16C'est-à-dire une promotion sociale éminemment valable
06:19Vous êtes français d'Algérie
06:21Je suis oranais
06:22Vous êtes pied noir
06:23Je fais partie d'un groupe social avec lequel Feraoun s'est heurté
06:28Pas du tout
06:29Feraoun avait une très... il n'avait aucune... c'était un homme sans haine, véritablement
06:33Et il avait une très grande sympathie
06:34Il les pléait, si vous lisez son journal, vous l'avez lu
06:37Vous retrouvez tout au long de ses pages
06:39Une très grande pitié
06:40Ce qui, évidemment, ce qu'il dénonçait
06:43C'était cette manière d'accaparer pour soi seul
06:46C'est pas un pays qui appartenait aussi aux autres
06:49Et il accusait, évidemment, certaines forces d'argent, etc.
06:53Qui, selon lui, avaient truqué ce pays
06:56Mais alors, pendant la guerre, l'amitié entre Feraoun et vous
06:59Entre Feraoun et d'autres Français d'Algérie
07:01Est-ce que ça est devenu plus difficile ?
07:04Pas du tout
07:05Les liens ont été, au contraire, très resserrés
07:07Nous souffrions beaucoup
07:08Nous étions déchirés par la situation qui était créée
07:10Des hommes tombaient tous les jours
07:12Et... chacun avait choisi son camp
07:16Mais c'était toujours un camarade ou un ami d'enfance
07:19Ou un voisin ou un ami qui tombait
07:21Toujours un être très proche de nous
07:23Et moi, j'ai vu tomber autour de moi des tas de gens
07:25Et peu importe la position politique qu'ils avaient prise
07:29Et le choix qu'ils avaient fait
07:30De toute façon, il y avait mort d'homme
07:31Et ça nous touchait énormément
07:32Et si nous étions déchirés, c'est parce que le drame nous touchait au cœur
07:36Il aimait les hommes, tout simplement
07:38Tout simplement
07:39Tout bêtement
07:39Il avait quel âge quand il a été fait ?
07:41Il avait 49 ans
07:4249 ans, une œuvre déjà remarquable
07:45Et ce journal interrompu par la mort
07:47Que nous donnent les éditions du Seuil

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