Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, était l'invitée politique de franceinfo soir, lundi 12 mai 2025.
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00:00France Info Soir, l'invité, Agathe Lambret.
00:04Bonsoir Agnès Pannier-Renaché.
00:06Bonsoir Agathe Lambret.
00:07Vous êtes ministre de la Transition écologique et vous réunissiez aujourd'hui un roc-lore de la qualité de l'air.
00:13C'est un peu l'équivalent du Grenelle de l'école mais version qualité de l'air avec des ministres, des scientifiques, des élus locaux.
00:19C'est si difficile de trouver des mesures consensuelles pour lutter contre la pollution de l'air ?
00:24Je crois surtout qu'il fallait replanter le décor et rappeler à quel point c'est un sujet de santé publique majeur.
00:30Faire un peu de pédagogie, pourquoi c'est important ?
00:33La question de la pollution de l'air, c'est des dizaines de milliers de décès précoces chaque année.
00:38C'est aussi des dizaines de milliers de maladies, maladies chroniques, maladies graves également,
00:44qui touchent les enfants, qui touchent les adultes.
00:47C'est 30 000 asthmes chaque année supplémentaires chez l'enfant.
00:51Donc oui, c'est une espèce de menace invisible qui n'est pas suffisamment dénoncée
00:58et sur laquelle les politiques publiques ont un impact,
01:01puisqu'on a baissé la pollution de l'air de 31% dans les plus grandes villes françaises ces 7 dernières années.
01:08Donc ça veut dire que quand on agit, ça marche, mais il y a encore un long chemin
01:11pour atteindre les objectifs recommandés par l'Organisation mondiale de la santé.
01:17Et comment vous avez fait pour baisser cette pollution de 30% comme vous dites ?
01:21Eh bien, on a attaqué toutes les sources de pollution, c'est-à-dire les pollutions d'origine industrielle,
01:28les pollutions qui sont liées à l'agriculture, les pollutions qui sont liées au transport aérien,
01:34au transport maritime et au transport routier, et les pollutions qui sont liées au chauffage,
01:40au fioul et au bois.
01:41Et ça marche, c'est le constat qu'on a partagé aujourd'hui.
01:45Ça marche pour la santé des Françaises et des Français,
01:48et ça marche quand on regarde la baisse des trajectoires d'émissions de polluants.
01:52Mais il y a aussi des injonctions contradictoires entre ce besoin d'un air plus propre et le quotidien des Français.
01:59Il y a une mesure qui cristallise les courroux, ce sont les ZFE,
02:03ces zones à faible émission dans les villes, des zones d'où les voitures les plus polluantes sont exclues.
02:08On empêche les gens qu'on a mis dans des déserts médicaux de rejoindre l'oasis médicale qu'est le centre-ville,
02:13parce qu'ils ont une voiture de 1996, déplore David Lysnard, le maire de Cannes.
02:17Est-ce qu'il n'a pas raison ?
02:19Je crois qu'il a une façon très caricaturale de poser le problème,
02:22parce que la liberté de respirer un air de qualité, c'est un droit fondamental.
02:28La liberté de circuler aussi, c'est pour ça que les zones à faible émission,
02:31tout l'enjeu, c'est d'organiser la diminution du nombre de véhicules polluants
02:36en permettant à chacun d'avoir une solution de transport qui soit accessible.
02:41Vous savez que tout le monde n'a pas les moyens de changer sa vieille voiture polluante ?
02:46Tout à fait, mais d'abord, lorsque vous avez plus de transport en commun,
02:49vous permettez à chacun de se déplacer.
02:52Ensuite, quand vous donnez, vous apportez des aides à ceux qui ont des projets de changement de voiture,
02:58vous leur apportez une solution, et puis il y a un droit à circuler
03:02qui est prévu dans ces dispositifs de zone à faible émission.
03:06Et moi, ce que je regrette, c'est qu'en fait, les populistes aient instrumentalisé ce sujet
03:10et raconté n'importe quoi.
03:13C'est un populiste, David Lysnard ?
03:14En tout cas, ce qu'il raconte aujourd'hui,
03:19que ça concerne 13 millions de Français,
03:21alors que les questions de restrictions de circulation
03:25sont sur aujourd'hui deux agglomérations
03:29qui dépassent les seuils de pollution,
03:31c'est-à-dire l'agglomération de Paris et l'agglomération de Lyon.
03:35Ce que raconte, comme David Lysnard, qu'on ne peut pas aller voir son médecin,
03:38alors que c'est précisément un cas qui est prévu par toutes les dérogations.
03:43On peut, si on veut aller voir son médecin, passer dans cette zone,
03:45même avec une voiture polluante.
03:47Mais bien sûr.
03:47Parce que David Lysnard, il parle aussi d'une mesure technocratique
03:50qui a été conçue sans études environnementales sérieuses.
03:54Est-ce que c'est vrai ? Vous avez évalué l'impact environnemental ?
03:57Mais non seulement ça a été évalué,
03:58mais tous les chiffres sont disponibles sur le site de Santé publique France.
04:02C'est régulièrement réévalué.
04:04C'est plusieurs milliers, à nouveau, de pathologies, de maladies graves
04:11qui sont liées à cette pollution de l'air
04:15et qui sont évitées grâce aux zones à faible émission.
04:18Et je veux préciser une chose,
04:20c'est que ce n'est pas un dispositif qui est propre à la France.
04:23C'est un dispositif qui a montré son efficacité à l'étranger,
04:29au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, en Allemagne.
04:32Et ce n'est pas le seul outil dont nous disposons pour diminuer la pollution de l'air.
04:38C'est un outil parmi d'autres, parmi une boîte à outils.
04:42Moi, mon sujet, c'est de faire en sorte que chacun puisse avoir une solution.
04:46C'est-à-dire qu'on concilie bien cette liberté de respirer
04:49et cette liberté de circuler.
04:52Et je m'attendais à ce qu'on interpelle l'État sur
04:55« Donnez-nous plus d'aide, prévoyez plus de dérogations ».
04:59Non, ce que font aujourd'hui les populistes, les réactionnaires,
05:02c'est de jeter le bébé avec l'eau du bain en disant « Il faut tout enlever ».
05:06Tout enlever, c'est en fait attaquer les plus vulnérables,
05:10ceux qui sont deux fois plus nombreux.
05:11Vous savez que les enfants des familles les plus modestes
05:14sont deux fois plus concernés par des admissions aux urgences
05:17pour des cas d'asthme grave, en réanimation, en soins intensifs.
05:21Tout ça, personne n'en parle.
05:22Moi, je trouve ça révoltant.
05:24On vous entend, mais il n'y a pas que les populistes qui sont contre les députés,
05:27y compris certains dans le bloc central ou du camp présidentiel,
05:31ont voté le mois dernier en commission la suppression de ces zones à faible émission.
05:35C'était dans le cadre de la loi Simplification.
05:38Qu'est-ce que vous allez faire ?
05:39Est-ce que vous allez les rétablir ? Comment ? Où ?
05:42Moi, je constate que lorsqu'on a pris le temps d'expliquer
05:46ce qu'étaient les enjeux liés à la pollution de l'air,
05:50les mêmes groupes ont proposé, dans l'examen de ce projet de loi Simplification,
05:54des amendements de rétablissement des zones à faible émission.
05:58Le gouvernement porte pour sa part un amendement qui est un amendement de simplification,
06:03de clarification, qui vise à rassurer les Françaises et les Français.
06:07Deux éléments.
06:08Le premier élément, c'est de rendre obligatoires ces zones à faible émission
06:11dans les deux seules agglomérations qui franchissent les seuils réglementaires de pollution de l'air.
06:17Paris et Lyon, dans les autres agglomérations, ce seront les maires qui décideront de ce qu'ils feront
06:25et qui pourront maintenir ou pas ces zones.
06:29Et deuxième élément, c'est un droit à circuler qui est bien précisé de façon à s'assurer
06:33que chacun puisse avoir une solution.
06:35Et qu'est-ce que vous allez faire pour faciliter la vie des Français à Lyon, à Paris,
06:40qui ne peuvent pas changer leur voiture ?
06:42Eh bien, ce sont les aides qui sont aujourd'hui organisées.
06:45Je rappelle que, par exemple, sur l'agglomération du Grand Paris,
06:48pour acheter une voiture d'occasion, les aides s'élèvent à 5 000 euros
06:55et qu'elles sont accompagnées d'une aide au prêt avec une contre-garantie de l'État.
07:01Donc ça, c'est très concret et ça permet d'accéder effectivement à des offres de voitures d'occasion.
07:06Il y a également des aides sur les voitures neuves, mais tous les Français ne s'achètent pas des voitures neuves.
07:10Et dans le même temps, nous travaillons à développer de nouvelles voitures électriques
07:15qui soient à des prix plus compétitifs.
07:18Puisqu'on le sait bien, une voiture électrique, c'est plus cher qu'une voiture thermique.
07:22C'est moins coûteux, par contre, en carburant et à l'usage.
07:27Et avec les aides, on commence à voir le moment où les courbes vont se croiser
07:32et où une voiture électrique coûtera moins cher à l'usage qu'une voiture thermique.
07:36Juste d'un mot, parce qu'il y a une nouvelle directive européenne qui est encore plus stricte.
07:39Vous dites qu'aujourd'hui, Paris et Lyon sont au-dessus des seuils.
07:42Mais avec cette nouvelle directive européenne, beaucoup plus de villes d'agglomérations
07:45dépasseraient ce seuil. Qu'est-ce que vous allez faire ?
07:49Nous travaillons effectivement à continuer à améliorer la qualité de l'air.
07:53Et j'ai annoncé un plan sur la qualité de l'air qui va couvrir les années 2026-2029.
08:01Je rappelle que sur les années 2022-2025, nous avons tenu nos objectifs.
08:06Nous avons baissé tous les polluants, encore une fois, d'origine industrielle,
08:10enfin, liés au chauffage.
08:12Et nous allons continuer à baisser avec des mesures qui viendront en renfort,
08:18notamment sur le chauffage au bois ou au fioul.
08:20Agnès Pannier-Runacher, l'Assemblée nationale entamait aujourd'hui les discussions
08:23sur les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et à la fin de vie.
08:27C'est le texte sur la fin de vie qui divise, parce qu'il instaure un droit à l'aide à mourir.
08:31Au sein même du gouvernement, il y a des divergences.
08:34Quelle est votre position ?
08:35Moi, je soutiens ce texte sur le droit à la fin de vie.
08:38J'ai été constante sur ce sujet-là.
08:41Je trouve très important d'avoir effectivement un texte sur les soins palliatifs.
08:45Il se trouve que j'ai travaillé il y a une vingtaine d'années à l'hôpital.
08:47Je sais combien ces soins palliatifs sont absolument indispensables
08:51pour accompagner ceux d'entre nous qui sont confrontés à des souffrances terribles.
08:56Mais certaines de ces souffrances ne se soulagent pas.
08:58Et donc vous assumez les termes euthanasie, suicide assisté ?
09:02J'assume le terme d'aide active à mourir.
09:06Je crois que ça fait appel au libre arbitre de chacun d'entre nous.
09:10Je comprends que certains soient réticents.
09:12C'est des itinéraires spirituels, c'est des itinéraires de vie
09:15qui se dessinent derrière les positions.
09:18Mais il faut faire confiance aux Françaises et aux Français.
09:21Il faut faire confiance à leur libre arbitre.
09:22Je rappelle qu'ils sont majoritairement en soutien, très majoritairement en soutien de ce texte.
09:28Que le corps médical est également très majoritairement en soutien de ce texte.
09:33Et si l'on veut faire vivre la démocratie, il faut entendre cette voix des Françaises et des Français.
09:37Bruno Rotailleau, le ministre de l'Intérieur.
09:38Votre collègue au sein du gouvernement,
09:40fustige un texte profondément déséquilibré qui fait sauter tous les verrous.
09:43Pour lui, c'est une rupture anthropologique.
09:45C'est vrai que le texte a été modifié en commission.
09:48Qu'est-ce que vous lui répondez ?
09:48Je réponds que j'ai entendu le même type d'arguments et de doutes
09:53à chaque fois que l'on a voulu faire des progrès sociétaux.
09:58Je pense notamment à l'interruption volontaire de grossesse
10:01où vraiment on retrouve en miroir un certain nombre de ces arguments
10:05et de ces inquiétudes qui annonçaient la fin de notre société
10:11et un effondrement de nos modèles familiaux.
10:14Ça ne s'est pas passé pour l'IVG, ça ne s'est pas passé pour le PAX,
10:17ça ne s'est pas passé pour le mariage pour tous
10:21et ça ne se passera pas pour la fin de vie.
10:22Nous sommes en retard.
10:24Vous voulez dire que Bruno Rotailleau est rétrograde
10:26et qu'il alimente un peu les peurs ?
10:27Moi, ce que je dis, c'est ma position.
10:31Je vous dis que la France est en retard
10:33par rapport à la Belgique, par rapport à la Suisse,
10:35par rapport à un certain nombre de démocraties
10:37et que ça devrait nous interroger.
10:39Nous nous flattons d'être un pays de progrès,
10:42un pays de liberté.
10:43Je crois qu'il faut entendre ce que nous disent
10:45les Françaises et les Français.
10:47Encore une fois, j'entends très bien
10:48et sincèrement, je l'ai entendu de tous les bords.
10:51Je l'ai entendu de députés socialistes, de députés verts.
10:56C'est quelque chose qui va beaucoup plus loin
10:58que les positionnements partisans.
11:00Il y a des itinéraires de vie qui font qu'il y a des réticences
11:03et qu'il faut effectivement être précautionneux
11:07par rapport à cette loi.
11:08Mais entendons aussi ce que nous disent les Français
11:10et n'ayons pas peur de leur faire confiance.
11:13Justement, si vous voulez écouter les Français,
11:15est-ce qu'il ne faudrait pas les consulter sur ce sujet ?
11:16On sait que le Président envisage de consulter les Français.
11:20Il doit faire des annonces demain à l'occasion d'une émission spéciale
11:23et il n'est pas exclu qu'il veuille consulter sur la fin de vie, justement.
11:29Est-ce que ce serait une bonne chose, tant le sujet est épidermique ?
11:31Ou est-ce que vous dites, attention, laissons le Parlement agir ?
11:35Je crois qu'aujourd'hui, le Parlement est très engagé
11:38dans la lecture de ce texte et il faut respecter ce temps parlementaire.
11:43C'est vrai que la fin de vie est un type de sujet,
11:47un type de progrès sur lequel un référendum peut se prêter assez bien.
11:52Mais là, on est très engagé dans l'examen parlementaire.
11:56S'agissant du Président, vous savez,
11:58on est dans un moment géopolitique très complexe, très difficile,
12:02qui soulève beaucoup d'inquiétudes.
12:04Et je crois que ce que doit faire le Président de la République,
12:08c'est de nous donner une vision, un cap,
12:11et de la cohérence sur l'action collective.
12:14C'est en tout cas, moi, ce que j'attends de sa prise de parole demain.
12:18Mais ce qui prépare, en tout cas, d'après ce que l'on constate,
12:20c'est plutôt un retour sur le plan intérieur,
12:22un retour au national,
12:24à s'occuper des sujets qu'il avait un peu délaissés ces derniers mois,
12:27justement, pour s'occuper de la scène diplomatique.
12:29Sur la fin de vie, vous dites au Président,
12:31laissez-nous, Monsieur le Président,
12:33débattre au Parlement, et ensuite, on verra si on constate.
12:35Sur la fin de vie, je constate que les parlementaires
12:38sont au travail aujourd'hui,
12:39et font ce travail de lecture du texte.
12:43Moi, j'appelle à ce que ce texte soit voté,
12:47soit adopté, soit promulgué.
12:49Je pense que c'est un progrès pour les Françaises et les Français.
12:52Merci beaucoup Agnès Pannier-Runach,
12:53la ministre de la Transition écologique,
12:55d'avoir répondu aux questions de France Info.