"L'autre 8 mai 1945" avec Jacky Mallea, du collectif "Pour une histoire franco-algérienne non falsifiée"

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00:00Il est 7h45, il y a 80 ans, Simon Colbock, l'Allemagne nazie capitule, la paix revient en Europe, à l'inverse en Algérie.

00:07C'est le début d'une terrible répression, on en parle avec notre invité.

00:11Bonjour Jacquie Maléa.

00:12Bonjour.

00:12Vous faites partie à Perpignan du collectif pour une histoire franco-algérienne non falsifiée.

00:18Demain, une cérémonie d'hommage est prévue à Anne, on va en reparler.

00:21Mais d'abord, il faut expliquer à tous nos auditeurs ce qui s'est passé il y a 80 ans, de l'autre côté de la mer Méditerranée.

00:27Tout le monde ne le sait pas. Vous vous y étiez, Jacquie Maléa. Vous aviez alors 5 ans. De quoi vous souvenez-vous ?

00:33Alors, tout d'abord, je précise aussi que je suis membre fondateur de l'Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes.

00:39C'est à ce titre que je siège avec d'autres au collectif de Perpignan.

00:44Alors, ce qui s'est passé à Gelma le 8 mai 1945.

00:48La guerre venait d'être terminée et de nombreux Algériens avaient participé à la chasse aux nazis, bien entendu.

00:56En France, dans l'armée française.

00:58Algérie était même la capitale de la France libre pendant des années.

01:00Voilà. Et on avait laissé entendre aux Algériens que, ma foi, si la France...

01:05Parce que depuis 1940, ça commençait déjà...

01:08Félrat Abbas avait alerté le gouvernement en disant, attention, ça commence à chauffer en Algérie,

01:13on voudrait être les égaux de nos confrères français, etc.

01:18Donc, le 8 mai 1945, ils vont faire une manifestation autorisée par les préfets et sous-préfets, pacifique.

01:28Mais le problème pour l'administration, c'était de ne pas porter un drapeau algérien.

01:34Et, bien entendu, à Gelma, il y a un drapeau algérien.

01:39Et vous êtes dans cette manifestation, il y a 80 ans ?

01:41Je suis à côté sur un trottoir avec ma tante, qui me ramène chez moi.

01:46Et donc, au moment où on arrive rue Victor Bernès, c'est exactement là que ça s'est passé.

01:52À ce moment-là, le sous-préfet arrive et veut arracher le drapeau algérien qui est lancé en arrière.

01:59Il y a une panique. Le sous-préfet prend son revolver et tire en l'air.

02:03Il y a eu, après, un mort, mais pas tué par le préfet.

02:07Voilà. Pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale, effectivement, des manifestations s'organisent un peu partout en Algérie.

02:13Les nationalistes algériens veulent en profiter pour se faire entendre.

02:16Et à Sétif, un jeune scout, il s'appelle Bouzid Saal, brandit, lui, le drapeau algérien.

02:21Et lui, est abattu par un policier français.

02:24Commence alors des émeutes, des massacres.

02:26Ça va durer sept semaines.

02:27Les historiens évoquent 102 Européens tués.

02:30Et côté algérien, entre 5 et 30 000 victimes, le gouvernement algérien parle lui de 45 000 morts.

02:37Pourquoi est-ce qu'on n'a pas de chiffre plus précis ?

02:40Alors, on n'a pas de chiffre plus précis, simplement pour une raison.

02:44C'est qu'à Gelma, par exemple, quand on a appris qu'il y avait un émissaire qui arrivait de Paris pour remettre un peu d'ordre,

02:52on a déterré les cadavres et on les a brûlés dans un four à chaud.

02:57On a cramé des milliers de personnes.

03:02D'autres ont été enterrés dans des fosses communes.

03:04Donc les traces ont été effacées.

03:05Les traces ont été effacées.

03:07Ça veut dire que les familles algériennes, si vous voulez, ne pouvaient même pas aller porter plainte.

03:11Parce qu'on leur disait, mais il est où votre mari ou votre fils ?

03:14Ben, ils ont disparu.

03:16Et ces massacres vont donc durer pendant sept semaines.

03:18En 2005, pour le 60e anniversaire de ces massacres en Algérie, Jacques Chirac avait envoyé sur place à Sétif,

03:26pour les commémorations, l'ambassadeur de France en Algérie.

03:29En 2015, pour le 70e anniversaire, François Hollande avait envoyé un secrétaire d'État pour le 80e anniversaire hier.

03:37Il n'y avait aucun membre du gouvernement français.

03:39Une douzaine de parlementaires étaient présents.

03:43Pourquoi ce recul en arrière ?

03:45Alors, écoutez, moi je crois qu'il y a déjà le gros problème, si vous voulez.

03:49Et ce que nous, nous demandons, c'est que la France reconnaisse ces crimes contre l'humanité.

03:56C'était des Français, ces gens-là.

03:58Et l'armée française, avec, bien entendu, les milices d'Européens d'Algérie,

04:05se sont armés contre ces gens et les ont massacrés.

04:09Et est-ce que si la France avait reconnu déjà ces crimes-là,

04:12il y aurait une autre position ?

04:15Par contre, bien entendu, le climat se dégrade de plus en plus entre l'Algérie et la France aujourd'hui.

04:21Mais si vous voulez, la France a ses torts, un petit peu,

04:23par rapport à tous ces massacres qui ne sont pas reconnus aujourd'hui.

04:26Il est 7h50, vous écoutez, ici Roussillon,

04:29Simon Colbock, notre invité,

04:31Jacquie Maléa du collectif pour une histoire franco-algérienne non falsifiée.

04:34Vous l'avez dit, les relations se tendent très sérieusement entre la France et l'Algérie.

04:37Ces dernières années, ces derniers mois, encore plus,

04:40l'Algérie refuse de délivrer les documents pour expulser les Algériens en situation irrégulière,

04:44les fameux OQTF.

04:45L'écrivain franco-algérien Boilem Sansal est incarcéré depuis maintenant près de 6 mois.

04:50Un autre écrivain opposant au régime algérien,

04:52le Prégoncourt, Kamel Daoud,

04:54est lui maintenant visé par deux mandats d'arrêt internationaux.

04:57Dans ce contexte, est-ce que le gouvernement français

04:58devait quand même participer aux commémorations hier ?

05:01Ben, je pense que oui.

05:04Parce que ces massacres font partie de l'histoire de France.

05:08Malheureusement.

05:10La colonisation n'a pas fait de bien.

05:13Quand on dit, oui, on a construit des routes, bien entendu.

05:16Mais le problème, c'est que, si vous voulez,

05:18aujourd'hui, les Algériens ressentent un petit peu tous ces manquements,

05:22la reconnaissance.

05:23Alors qu'au plus haut de l'État,

05:26on a eu des regrets par rapport à des assassinats de pieds noirs,

05:32comme par exemple la rue Disney, le 26 mars 1962.

05:37La France s'est excusée.

05:39Pourquoi pas aussi reconnaître qu'en 1945,

05:42il y a eu des crimes contre l'humanité ?

05:44Le chef des députés Les Républicains à l'Assemblée,

05:47Laurent Wauquiez, parle pour ses commémorations

05:49d'une séance d'autoflagellation et d'humiliation.

05:53Vous lui répondez quoi ?

05:54Je lui réponds que ce monsieur,

05:57il devrait lire beaucoup de livres qui ont été écrits sur cette période.

06:02Moi, j'en ai un dans ma sacoche,

06:04celui de Guelma 1945,

06:07qui a été écrit par Jean-Pierre Peroulou,

06:09où tous les faits sont notés,

06:11tous les noms sont notés à l'intérieur.

06:14Et ce monsieur, Jean-Pierre Peroulou,

06:15sera avec nous demain à Elna.

06:18On va parler du programme de cette cérémonie dans un instant,

06:21mais on voit bien qu'il y a deux versions des faits

06:24qui s'affrontent autour de ces événements.

06:26Deux camps qui semblent irréconciliables,

06:2980 ans après.

06:30Est-ce que vous avez espoir qu'un jour,

06:32on puisse parler sereinement de ces événements,

06:35de ces massacres ?

06:36Peut-être au moment où tous ceux qui sont rentrés d'Algérie,

06:41surtout au niveau des pieds noirs,

06:42si vous voulez, auront disparu.

06:45Quand je vois ici à Perpignan,

06:47que le 19 mars,

06:49on expose des photos de massacres du FLN,

06:51c'est de l'huile sur le feu que l'on jette là.

06:53C'est la mairie de Perpignan qui en 2021

06:55avait fait cette exposition consacrée

06:57aux massacres, aux exactions du FLN,

06:59effectivement pendant la guerre d'Algérie.

07:01C'est ça qui hante un petit peu,

07:03si vous voulez,

07:04ça renforce un peu le racisme actuel, etc.

07:07C'est très grave dans notre période.

07:08Vous parlez aussi des massacres du FLN ?

07:10Elles ont eu lieu ces exactions, non ?

07:12Mais bien sûr,

07:13il y a eu des exactions.

07:15Moi, j'en ai vu pendant mes 30 mois

07:17dans le Djebel algérien.

07:19J'en ai vu.

07:20Ok, mais il faut se poser toujours la question

07:22pourquoi les Algériens sont arrivés là ?

07:26Pourquoi on n'a pas écouté Falhat Abbas

07:27quand il a dit

07:28« Attention, il faut revoir le statut de l'Algérie,

07:31ça va péter un jour, etc. »

07:34On n'a pas voulu.

07:35On a toujours répondu par la répression.

07:37Eh bien, un jour, les Algériens.

07:40Vous savez, celui qui est venu remettre de l'ordre

07:42en 1945 en Algérie,

07:44quand il est repassé au gouvernement à Alger,

07:46il a dit « Je vous rends les clés de l'Algérie

07:48pour 10 ans. »

07:50Il avait vu juste,

07:529 ans après,

07:53la guerre a éclaté.

07:55Vous avez 85 ans, Jacques-Yves Maldéa.

07:57Je sens qu'il y a de la colère quand même,

07:58de l'agacement quand on parle

08:00de ces relations franco-algériennes.

08:02Je sens aussi de la tristesse.

08:04De la tristesse.

08:05Oui, parce que, si vous voulez,

08:06dans les noms qui sont cités

08:09dans ce livre de Guelma,

08:11je les connaissais tous.

08:12Il y avait même mon premier employeur.

08:15Mais les noms de ceux qui ont été assassinés,

08:18comme par exemple la famille Reggie,

08:20où il y a un livre qui est sorti,

08:22écrit par Marcel Reggie,

08:24tous ces gens, je les connaissais.

08:25Et donc, j'avais autant,

08:28j'ai perdu,

08:29avant de partir à l'armée,

08:30j'ai perdu un copain algérien

08:32et un copain français.

08:33Tuer l'un et l'autre par...

08:35Vous voyez le problème ?

08:36Il est là.

08:37Demain, il y a donc une cérémonie à Helne,

08:39un dépôt de gerbe à partir de 11h,

08:41et puis surtout à partir de 17h.

08:42Ça se passera au Casal.

08:44Projection d'un documentaire,

08:45ça s'appelle

08:46« Les massacres de Sétif »,

08:47un certain 8 mai 1945.

08:50Et un débat ensuite,

08:51un suivi après ce documentaire,

08:53auquel vous allez participer rapidement,

08:55s'il vous plaît.

08:55Absolument, mais à 9h,

08:56il y a la conférence par M. Jean-Pierre Peroulou.

08:59Il y a une conférence à 9h,

09:00de 9h à midi.

09:02Merci beaucoup, Jackie Maléa.

09:03Je rappelle que vous êtes donc membre du collectif

09:07pour une histoire franco-algérienne non falsifiée.

09:10Bonne journée à vous.

09:10Merci à vous.

09:12Ici, au Sillon.

09:13Actu local et musique.

09:15Ici, matin.

09:17Et on parle circulation à 7h55.

09:19avec un message WhatsApp de Corinne

09:21qui nous dit « Attention, il y a visible... »

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