La fin du règne actionnarial : vers une gouvernance d'entreprise partagée [Dominique Turcq]

Xerfi Canal

17/01/2025

Pour comprendre pourquoi la gouvernance suprême des entreprises, celle du CA, est obsolète aujourd’hui il faut comprendre d’où elle vient. Elle repose sur ce qu’on appelle le pouvoir souverain : les actionnaires. Les membres du CA sont nommés par eux. Mais ce pouvoir est-il encore légitime ? Il est né au XIXème siècle, à une époque où la ressource rare était le capital, où le travail était fongible et était un intrant relativement illimité [...]

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00:00Pour comprendre pourquoi la gouvernance suprême des entreprises, celle du CA, est obsolète

00:14aujourd'hui, il faut comprendre d'où elle vient.

00:16Elle repose sur ce qu'on appelle le pouvoir souverain, les actionnaires.

00:22Les membres du CA sont nommés par eux.

00:25Mais ce pouvoir est-il encore légitime ?

00:28Il est né au XIXe siècle, à une époque où la ressource rare était le capital, où

00:33le travail était fongible et était un intrant relativement illimité, notamment avec l'exode

00:39rural, où les ressources de la planète étaient considérées comme gratuites, où les déchets

00:44pouvaient être jetés dans la nature, notamment la mer, car celle-ci pouvait tout absorber,

00:49où les émissions de gaz dans l'atmosphère étaient sans danger car le vaste ciel absorbait

00:53tout et où les savants n'avaient pas encore souligné les enjeux du réchauffement climatique,

00:59où les produits chimiques pouvaient être utilisés sans limite car ils se dégraderaient

01:03sans problème, où les plastiques n'existaient pas, où la nature était aussi une ennemie

01:08à travers ses mauvaises herbes, ses parasites, ses nuisibles, ses colères imprévisibles.

01:12Bref, où l'effondrement environnemental et la responsabilité sociale et environnementale

01:17de l'entreprise pouvaient être ignorées.

01:21Ne condamnons pas trop vite, la Terre comptait seulement 1,7 milliard d'habitants en 1900

01:27et les axiomes ci-dessus n'étaient pas absurdes.

01:30Nos mots viennent de notre croissance économique et démographique, pas seulement de notre

01:36aveuglement.

01:37Au début, seul le capital était un intrant important, puis progressivement, avec les

01:42revendications sociales, le travail des salariés a été un peu reconnu dans la gouvernance.

01:47Les administrateurs salariés, quand ils existent, sont aujourd'hui les seuls administrateurs

01:52non nommés par les actionnaires.

01:54Les autres intrants n'y existent toujours pas, ni la nature, ni les ressources, ni les

02:00non salariés, ni la société n'ont droit à une part des décisions qui pourtant les

02:04concernent.

02:05Seuls quelques principes comme celui de pollueur-payeur ou celui de la prise en considération des

02:12enjeux RSE par l'entreprise grâce à la loi Pacte ont fait un peu progresser leur

02:17visibilité, mais pas encore vraiment leur participation aux décisions.

02:21Les manques de prise en compte dans les domaines des pollutions, des substances nocives, de

02:26la biodiversité, de la pollution plastique, d'émissions de gaz à effet de serre, etc.

02:30sont encore criants.

02:31Mais cela change.

02:33Il va falloir désormais de façon croissante tenir compte de nouvelles conditions.

02:37De nouveaux acteurs exigeant un changement sont nombreux et puissants.

02:42La nature tout d'abord, par ses colères et ses affaiblissements, nous signale que

02:46nous lui avons trop pris et interpelle les citoyens dans leur santé, les politiques

02:51dans leur réglementation, les actionnaires dans leur crainte.

02:53La société, par ses exigences de qualité de vie et de réduction des inégalités,

02:59veut être plus écoutée.

03:00Elle le manifeste un peu en politique et désormais beaucoup à travers les réseaux sociaux.

03:04Cette force colossale, dont l'impact est encore sous-estimé par beaucoup de dirigeants

03:10qui n'ont pas compris qu'elle bouleverse toute la vie sociale et politique.

03:13Les ONG, qui ne sont plus des groupements idéalistes mais qui sont désormais des multinationales

03:19de grande puissance, avec des vraies ressources financières et matérielles, et disposant

03:24de juristes de premier plan, savent utiliser les lois, informer les opinions, saisir tout

03:29moyen d'action pour faire bouger les lignes.

03:31La science, qui démontre chaque jour l'obsolescence des anciennes croyances et la stupidité de

03:37maintenir certaines habitudes.

03:39Les jeunes qui veulent que le monde protège les générations futures et qui vont se battre

03:43pour que cela change, entraînant avec eux une partie de plus en plus importante de la

03:48société.

03:49Les juges qui reconnaissent de façon croissante à des parties prenantes le droit à vivre

03:54en bonne santé sur la base des accords internationaux ou des constitutions, ces dernières rappelant

03:59souvent l'injonction pour l'État de protéger les citoyens.

04:02Il est évident que la gouvernance doit changer et que si elle ne change pas par elle-même,

04:08les changements législatifs l'y obligeront.

04:10Sans une loi, il n'y aurait pas encore beaucoup de femmes dans les conseils d'administration.

04:15Sans de nouvelles lois, la nature n'y entrera probablement jamais, sauf par la porte étroite

04:20des activistes et de quelques investisseurs responsables.

04:24Ce sera insuffisant.

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