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Les cafés et bistrots bientôt au patrimoine de l'Unesco ?
Sud Radio
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23/12/2024
Avec Alain Fontaine, bistrotier et président de l’Association des bistrots et cafés de France
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##LA_VIE_EN_VRAI-2024-12-23##
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00:00
Le Grand Matin Sud Radio, la vie en vrai.
00:04
Bonjour Alain Fontaine.
00:06
Bonjour.
00:07
Merci beaucoup d'être avec nous, je suis ravi de vous accueillir parce qu'on va parler quand même d'un vrai sujet,
00:12
le slogan de Sud Radio c'est parler vrai, la vie en vrai, on ne peut pas faire mieux que ce sujet.
00:16
Ce sont les bistrots et les cafés français, c'est de vrais lieux de convivialité actuellement
00:21
et vous avez annoncé vouloir demander votre inscription au patrimoine immatériel de l'humanité, c'est ça ?
00:27
Tout à fait, puisque c'est la marche obligatoire, nous avons déjà été inscrits il y a quelques mois,
00:33
enfin il n'y a pas très longtemps, au patrimoine immatériel français,
00:36
donc la marche suivante, si on le désire bien évidemment, ce n'est pas une obligation,
00:39
mais nous nous le désirons, nous l'avons même voté dans notre association,
00:42
aller au patrimoine immatériel de l'UNESCO, au patrimoine de l'humanité, tout à fait.
00:46
Et qu'est-ce que ça va changer, parce qu'il y a plein de gens qui se disent
00:49
bon c'est peut-être une démarche pour rien, alors qu'en réalité c'est une vraie portée symbolique.
00:53
C'est une vraie portée symbolique, s'il y a bien un élément en France, une façon de vivre,
01:00
un art de vivre qui doit être sauvé, c'est celui-là, juste deux chiffres,
01:03
500 000 bistrots et cafés en 1900, aujourd'hui en 2024, on va dire 2025, moins de 40 000.
01:10
C'est très souvent moins.
01:12
C'est très souvent moins, c'est considérable et c'est un pan de notre démocratie naturelle qui peut disparaître.
01:19
Quand je dis démocratie naturelle, c'est un endroit où vous l'avez dit fort justement
01:22
dans votre introduction, c'est là où la liberté, l'égalité et la fraternité sont le plus en avant,
01:28
sont le plus mis en avant. On n'a pas besoin d'avoir comme les bâtiments publics sur le fronton
01:34
liberté, égalité, fraternité, ça se vit tous les jours, tous les jours dans les bistrots et les cafés.
01:39
Et c'est ça qui est important.
01:41
C'est parce que là, les femmes et les hommes peuvent vivre et parler comme ils veulent.
01:47
C'est la liberté et justement quand on voit cette sincérité, cette facilité,
01:53
cette convivialité qu'il y a dans un bistrot dès qu'on y pousse la porte,
01:56
on se demande comment ça a pu fermer, vous le disiez à l'instant, 13 fois moins depuis 1990.
02:02
Qu'est-ce qui s'est passé en 30 ans pour que ce soit divisé par 13 ?
02:07
C'est une tradition qui se perd, c'est-à-dire qu'on ne va plus prendre le café au zinc le matin.
02:14
Je ne vais pas tout vous dire parce que c'est très long, mais vous avez d'abord la déruralisation
02:18
couplée avec la désindustrialisation qui ont fait que les bistrots ont disparu,
02:22
les cafés ont disparu en province et dans les villages.
02:25
Un village sans bistrot, c'est un village sans âme, qu'on soit taire.
02:29
Et vous le voyez, on parle de déserts médicaux, on peut aussi parler de déserts de sociabilité.
02:34
Et des fois, les déserts de sociabilité sont plus graves que les déserts médicaux pour le moral des gens.
02:39
Et on le voit de temps en temps.
02:40
Et puis dans les villes, vous avez bien sûr la restauration d'entreprises,
02:44
qui est un acquis social qu'on ne peut pas remettre en question.
02:46
Mais c'est vrai que les grandes sociétés de restauration ont fait des restaurants d'entreprises
02:50
en bas des tours, en haut des tours, un peu partout.
02:52
Ça a vidé bien entendu les bistrots, les cafés.
02:55
Et puis vous avez bien sûr les mesures de santé publique qu'on ne va pas contester,
02:59
la fin de la cigarette dans les lieux publics.
03:02
Alors ça, ça a nettoyé ce qu'on appelait le petit noir du matin.
03:06
Et ce sas de décompression entre la vie privée et la vie publique,
03:10
et dans le sens contraire de la vie publique à la vie professionnelle,
03:14
ce sas de décompression, ce sas de satisfaction aussi a complètement disparu.
03:21
Oui, parce qu'il faut le dire Alain Fontaine Bistrotier,
03:24
président de l'association des bistrots et cafés de France,
03:26
c'est-à-dire que souvent, avant d'aller au travail dans certaines villes,
03:29
dans certains villages encore, c'est-à-dire qu'on descend de l'appartement,
03:32
on quitte la maison, on s'arrête en terrasse, on prend le petit café
03:35
et on fait pareil peut-être avec la bière hors partant.
03:38
C'était presque une petite routine.
03:40
C'est une routine saine, c'est une routine aussi qui permettait de partager.
03:47
Aujourd'hui, les autres menacent, bien entendu, c'est la dégétilisation
03:51
et c'est ce qu'on appelle nous, de façon pas très gentille, le rentrisme.
03:55
C'est-à-dire que les gens rentrent de plus en plus chez eux
03:58
pour s'installer devant leur ordinateur ou devant leur télévision.
04:01
Et ce qui est un vrai problème, parce qu'ils ont oublié l'autre,
04:04
ils vivent avec leur communauté sur les réseaux sociaux que vous connaissez
04:07
et bien sûr, on ne discute plus.
04:10
Il n'y a plus d'échange et cet échange était très bénéfique, très sain.
04:16
Les bistrots et les cafés sont des catalyseurs de sociabilité.
04:20
Les catalyseurs de sociabilité, ça veut dire que vraiment tout le monde s'y retrouve.
04:23
Alors oui, il faut les sauver, c'est évident, il faut les sauvegarder.
04:27
Mais Alain Fontaine, c'est quoi un bon bistrot ?
04:29
Parce que de plus en plus, que ce soit dans les grandes villes ou dans les villages,
04:32
chaque restaurant maintenant affiche le mot bistrot comme si c'était un argument marketing.
04:37
Mais c'est quoi le vrai bistrot français ?
04:40
Alors dans votre question, il y a deux choses, deux affirmations et vous avez raison de le dire.
04:44
Le bistrot est un élément marketing, vous avez bien compris,
04:47
puisque derrière le bistrot, il y a cette promesse de conviabilité, d'humanité, de chaleur humaine,
04:52
ce qui n'est pas tout à fait vrai, parce que ce sont des restaurants
04:55
où vous allez avoir un formalisme, vous réservez tout ça.
04:58
Et le bistrot et le café, c'est effectivement quelque chose d'à part,
05:02
mais vous savez que la loi française fait que vous pouvez appeler pizzeria
05:05
alors que vous faites des choucroutes de la mer et vous pouvez appeler...
05:08
C'est vaste.
05:10
Oui, c'est très vaste.
05:11
Vous savez que la première chaîne de restauration en France, malheureusement, c'est les fast-foods,
05:15
et on ne va pas dire le nom là, mais la première chaîne de restauration en France,
05:18
parce que quand ils sont arrivés des Etats-Unis en France,
05:21
ils se sont mis sur le même code NAF que nous.
05:24
Mais le bistrot et le café, c'est quoi ?
05:26
C'est un comptoir, d'abord un comptoir où on consomme.
05:28
Vous êtes dans Paris, vous êtes dans certaines villes,
05:31
vous vous apercevez que certains restaurants ont des comptoirs magnifiques
05:34
sur lesquels vous ne pouvez pas consommer.
05:36
On vous dit que le café, c'est en salle.
05:38
Ou non, on ne sert pas de café.
05:39
Non, un bistrot, c'est un comptoir où on s'accoude, où on peut manger,
05:43
et c'est ouvert en continu.
05:44
C'est-à-dire que vous ouvrez à 7h ou 8h du matin.
05:46
Là, à ce temps-là, je sais quand je vous parle,
05:48
et depuis une heure des fois, ou même deux heures,
05:50
des cafés et des bistrots sont ouverts.
05:52
Je salue d'ailleurs toutes les femmes et les hommes qui font ce travail,
05:55
de même titre que les boulangers ou les bouchers.
05:57
Ils sont ouverts et c'est cette petite lumière dans un quartier ou dans un village
06:00
qui fait vivre.
06:01
Mais ils sont toujours en continu, des fois juste en 20h.
06:04
Qui donne de la convivialité pour tout le monde,
06:06
de l'espoir pour les gens qui vivent dehors, malheureusement.
06:09
Vous savez, pour les gens qui vivent dehors,
06:11
souvent d'abord leur café est offert le matin,
06:13
mais c'est la fin de l'angoisse, c'est de la peur d'une nuit passée dehors.
06:17
Donc oui, oui, ça a son rôle social aussi.
06:20
Et on rentre au show.
06:22
Et si jamais, je vais dans votre bistrot tout à l'heure, Alain Fontaine,
06:24
vous avez vu quand même, vous ne pouvez pas passer à côté de l'actualité.
06:27
En quelques mots, c'est quoi les discussions actuellement ?
06:29
On vous parle du gouvernement ? On vous parle de Mayotte ?
06:32
De quoi on vous parle si je viens chez vous tout à l'heure
06:34
et que je commande un petit express ?
06:37
On parle effectivement de tout.
06:39
On parle politique, bien évidemment.
06:41
Qu'est-ce que vous entendez, par exemple, ces derniers jours ?
06:43
Qu'est-ce que vous entendez chez les gens quand vous les servez ?
06:45
Qu'est-ce qu'ils vous disent ?
06:47
Beaucoup d'humour, je dirais, sur la bordélisation politique actuelle.
06:52
Ça, c'est clair.
06:53
Vous savez, un bistrot et un café, c'est un endroit où on s'amuse beaucoup.
06:56
Et évidemment, vous avez non pas du désarroi et de la tristesse,
07:01
mais plutôt une forme de franche rigolade autour de ce sujet-là.
07:05
Super Mayotte, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup moins drôle.
07:08
Bien sûr, ils en parlent et on a beaucoup de gens qu'on connaît
07:11
qui sont issus de cette région ou qui y vivent.
07:14
En plus, aujourd'hui, c'est un moment extrêmement triste.
07:17
Ce qui n'empêche pas que les bistrots et cafés vont quand même réveillonner là.
07:21
Et donc, on prépare aussi les réveillons, on vend du foie gras,
07:25
on fait des tas de choses parce que je crois que le meilleur moyen
07:29
d'oublier tous ces problèmes étrangers aussi,
07:32
parce qu'il y a aussi l'actualité internationale qui n'est pas vraiment rose,
07:36
c'est-à-dire qu'il faut quand même avoir les épaules solides en ce moment
07:39
quand on est un Français qui veut vivre normalement,
07:41
c'est dans les bistrots et les cafés qu'on arrive à retrouver de la convivialité,
07:45
de l'humanité, le sens des vraies choses.
07:49
Et bien sûr, les gens préparent leurs réveillons.
07:52
Alors, ils parlent aussi de ce qu'ils vont acheter, de ce qu'ils vont faire.
07:55
C'est les discussions du quotidien, en somme.
07:58
C'est les discussions du quotidien qui font du bien.
08:02
J'ai souvent l'habitude de dire que nous sommes les meilleurs concurrents
08:06
des psychologues et des psychiatres.
08:08
C'est bien dit et ce sera le mot de la fin.
08:10
Merci beaucoup Alain Fontaine, bistrotier et président de l'association
08:13
des bistrots et cafés de France, qui a entamé cette démarche formidable
08:16
dont on avait envie de vous parler ce matin sur CEUDS Radio,
08:18
qui est d'inscrire ces établissements au patrimoine immatériel de l'humanité.
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