• il y a 2 mois

Chaque jour, découvrez la pépite du jour dans la France Bouge avec Elisabeth Assayag.
Retrouvez "La pépite" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-france-bouge-academie

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00:00Europe 1, la France bouge, la pépite.
00:03Vous êtes une pépite Clémentine Piazza, vous avez 39 ans, c'est ça, après de brillantes études à HEC, vous avez travaillé dans l'immobilier commercial.
00:11Oui.
00:11Au sein des centres commerciaux, unibail, c'était ça.
00:15Exactement.
00:15Ça a duré 8 ans.
00:16Oui.
00:17Mais vous avez tout quitté pour entreprendre et je crois, peut-être que je me trompe, que le déclic de tout ça c'est la perte, le décès de votre meilleure amie.
00:25Alors j'ai accompagné ma meilleure amie qui faisait face à un décès très difficile.
00:29Ah d'accord, c'est pas elle.
00:30Ah bah non, alors on est sur cette bonne santé surtout, moi j'ai pas compris ça.
00:33D'accord, donc elle a fait face à un décès difficile et là vous avez vu qu'il y avait plein de failles, plein de manquements dans l'organisation des obsèques.
00:40Exactement, oui, j'ai été marquée un peu par l'archaïsme des solutions proposées aux familles et par le parcours aussi des obsèques.
00:48Et donc j'ai décidé d'entreprendre pour être à la hauteur des attentes des familles et les soulager vraiment pour qu'elles puissent vivre ce moment de la perte et du deuil ensemble.
00:59Pourquoi elles n'étaient pas ensemble avant ?
01:01Elles étaient ensemble mais elles étaient très chargées par les formalités administratives, stressées par la charge financière des obsèques.
01:07Et j'ai été marquée par le fait que, alors qu'on a le droit d'être triste et ensemble, on était plutôt chargées par toutes les formalités administratives et stressées par le cri de douleur.
01:18Pas de place pour la tristesse.
01:20Et pour le recueillement.
01:22Exactement.
01:23Donc vous, vous dites quoi quand vous voyez ça ? On est en 2016, c'est ça, 2015 ?
01:26Exactement, on est en 2016. Alors d'abord, InMemory, j'ai créé un service d'hommage en ligne.
01:32C'est-à-dire que ce qui m'a d'abord frappée, c'est qu'il a fallu que je communique à tout le monde les informations sur les obsèques.
01:38On n'a pas toujours envie de s'appeler dans ces cas-là quand on est triste.
01:42Donc c'est des appels qui sont assez laborieux et pourtant, il est urgent de prévenir tous ceux qui ont connu le défunt pour que chacun puisse venir se recueillir et lui dire adieu.
01:50Donc je trouvais que ça, c'était assez archaïque.
01:52Et puis la deuxième chose, c'est que finalement, il y avait plein de messages d'hommages magnifiques, mais dispersés dans les téléphones des uns et des autres.
01:59Alors on a fait l'effort de les rassembler dans un livre d'or parce que c'était pour moi un acte de mémoire important.
02:06Mais c'était difficile à faire.
02:08Finalement, on est très fatigués et donc j'ai voulu simplifier déjà ce premier temps de l'hommage en créant un service qui permet de créer un espace dédié aux défunts.
02:16C'est un espace en ligne qui est privé, sur lequel j'ai très simplement d'abord les informations sur les obsèques et ensuite la possibilité de partager un mot de soutien, des photos, un souvenir, etc.
02:26Donc ça, c'était la première partie de votre entreprise, de votre start-up Clementine Piazza, c'est-à-dire une mémorie service d'hommage en ligne.
02:33Tout à fait.
02:34Là, on est en 2016, ça cartonne.
02:36Oui, on a 5 millions d'utilisateurs de ce service.
02:39Ça fait beaucoup de sens pour les familles.
02:41Pourquoi vous dites 5 millions d'utilisateurs ?
02:42Ça veut dire que même 3 ans après, on peut aller encore redéposer un mot, relire ce qui s'est passé ?
02:46Ah oui, alors ça, c'est très important.
02:48Comment vit ce service ? Parce qu'une fois que les obsèques sont passés, c'est fini, j'ai envie de dire.
02:51Cet espace, il est à la famille.
02:52Ça, c'est très important.
02:53C'est elle qui en a le contrôle, c'est sa propriété, c'est une œuvre collective qui ne nous appartient pas en tant que société, d'un point de vue légal, mais aussi symbolique.
03:02Donc, c'est la famille qui va décider de fermer cet espace ou pas.
03:07Et en réalité, c'est très peu fait parce que le deuil, c'est quelque chose de collectif.
03:11Donc, si je fais partie de la famille et que je le ferme, j'empêche d'autres personnes en deuil de venir se recueillir et de venir lire les messages.
03:18Ce qui est très beau dans l'espace d'hommage, c'est qu'on voit aussi vraiment toute la communauté du deuil.
03:22Bien sûr, il y a les proches, mais vous savez, il y a aussi les soignants, il y a les patients, il y a les anciens élèves, il y a les commerçants du quartier,
03:29qui, grâce à une mémorie, trouvent un espace pour s'exprimer.
03:32Et à la fin, c'est une vraie mosaïque de la vie vécue.
03:34C'est un petit peu un cimetière numérique, finalement.
03:36C'est un cimetière numérique avec la parole aux vivants, puisque là, le rite d'hommage, il est pour les vivants.
03:43Et le cimetière, c'est aussi la maison des morts où viennent se recueillir les vivants.
03:47Mais j'ajouterai cette nuance, c'est vraiment le cœur des vivants qui parle.
03:52Le cœur des vivants qui parle.
03:54Ensuite, vous vous dites qu'il y avait un gros besoin aussi du côté des obsèques.
03:59C'est là où une mémorie prend plus d'ampleur.
04:02On est en 2021, et là, je peux vous laisser pitcher ?
04:06Allez, c'est parti Clémentine, on vous écoute !
04:08On est dans la France Bouge.
04:10Alors, je vais vous raconter effectivement comment est-ce qu'on a réussi à faire bouger un secteur figé depuis des décennies.
04:16Alors concrètement, comment ça se passe quand une famille fait face à un décès ?
04:20Elle se rend dans une agence de pompe funèbre.
04:23C'est souvent très froid.
04:25Vous êtes chargé d'émotions, évidemment, de stress.
04:27On vous assomme de formalités administratives.
04:30Et vous signez un devis de 5000 euros en moyenne, sans vraiment savoir pourquoi.
04:35Donc, c'est ça qu'on a voulu arrêter.
04:37On s'est dit, c'est urgent que ça cesse.
04:39Et donc, quand j'ai créé les pompes funèbres in memory,
04:41j'ai d'abord fait appel à du bon sens en me disant à quoi devraient ressembler des pompes funèbres aujourd'hui.
04:46D'abord, ce qu'on a décidé d'arrêter, c'est la posture de commerçant.
04:49On n'a pas de promotion à la Toussaint, il n'y a pas de showroom de cercueil,
04:52il n'y a pas de conseiller commissionné à la vente.
04:55On est redevenu, en fait, un acteur du service à la personne et des soignants du deuil.
04:59Et ça, ça se traduit par trois aspects.
05:01D'abord, on a réinventé les lieux où sont reçus les familles.
05:04On n'a pas d'agence sur la rue.
05:06On a des lieux qui sont toujours en étage, qui sont intimes, qui sont chaleureux.
05:11Donc, on est présent à Paris, à Bordeaux, à Lyon, à Nantes, à Rennes aussi.
05:15Et toujours en plein cœur des villes.
05:17La deuxième chose qu'on a fait, c'est qu'on a clarifié l'offre.
05:20On parlait des cercueils tout à l'heure.
05:21Nous, on a fait un choix assez audacieux.
05:23On ne propose que deux formes de cercueils et pas un catalogue de 40 cercueils.
05:27On a sélectionné ces objets avec soin.
05:29Et aussi, ça nous permet de les proposer à un prix juste.
05:32Je vous arrête.
05:33On vous a laissé un peu plus d'une minute, Clémentine Piazzaff.
05:35On a très une mémorie parce que c'est passionnant ce que vous nous racontez.
05:39Vous êtes en train de bousculer un petit peu cet univers.
05:42Ce que je retiens, c'est le fait d'accueillir les familles,
05:47non plus dans un espèce de magasin en vitrine.
05:51C'est quoi ? C'est dans un appartement ?
05:53Ça ressemble à un appartement.
05:54C'est entre l'appartement et le bureau.
05:56C'est-à-dire qu'on a les codes de la maison.
05:58Effectivement, on a des voiles, on a un espace bibliothèque.
06:01Donc, ça enveloppe les familles qui sont très fragiles quand elles rentrent.
06:06Et on a voulu créer cet espace pour essayer de les apaiser
06:11et leur donner la force d'agir.
06:14Parce que quand elles sont avec nous, on leur pose beaucoup de questions.
06:16Quoi comme questions ?
06:18On leur demande déjà si elles veulent que ce soit une inhumation ou une crémation.
06:22Vous pensez qu'il y aura combien de personnes aux obsèques ?
06:25On leur demande leur rite.
06:27Les familles les connaissent plus ou moins parfois, donc on en parle aussi.
06:31Vous avez une spécificité par religion ?
06:33Ah oui, bien sûr, on connaît bien.
06:35Toutes les personnes de l'équipe sont expertes dans chaque rite.
06:40On aime ces rites.
06:43Les rites funéraires, c'est des rites pour survivre à la perte.
06:47Ils sont très importants et on connaît bien sûr les rites de chaque religion
06:51et aussi les rites laïcs.
06:53Et on est très sensibles à les réaliser avec du sens
06:58pour que ça apaise l'Assemblée qui s'est réunie.
07:01Et en termes de prix, vous avez fait baisser les prix.
07:05Si vous prenez que deux cercueils au lieu de 40 ?
07:07Oui, on a fait baisser les prix.
07:09La question d'achat du cercueil était une bonne question tout à l'heure.
07:12Effectivement, c'est les ponts funèbres qui choisissent le prix des cercueils.
07:16Aujourd'hui, on est deux fois moins cher sur les cercueils.
07:20Pourquoi ?
07:22Parce qu'on a décidé d'appliquer une marge moyenne par éthique.
07:28Ça veut dire qu'ils ont des très grosses marges.
07:32Mon point de vue, c'est que la marge sur les cercueils en France est trop importante.
07:36Elle est combien ?
07:38Je sais qu'elle est bien supérieure à 70% dans les groupes qui dominent le marché.
07:46Et c'est là où nous, on a voulu se remettre en ligne
07:49avec une marge moyenne de société de service, très simplement.
07:53Sur le cercueil, en effet, j'ai vu des exemples.
07:57Cercueil acheté 200 euros, vendu 2500.
08:00C'est des marges qui sont plus élevées que celles du luxe.
08:04Probablement parce que le produit est obligatoire
08:07et que malheureusement, les familles sont en détresse.
08:10Et il y a une situation de détresse, de vulnérabilité.
08:12C'est aussi pour ça, on n'a pas envie de négocier un cercueil
08:15quand on vient de perdre un proche.
08:17Il y a un aspect qui est très particulier dans notre métier, c'est l'urgence aussi.
08:20C'est-à-dire que la loi française prévoit qu'on a six jours maximum
08:23pour organiser des obsèques. C'est la loi.
08:25Donc quand on fait face à l'urgence, et qu'en plus on est fatigué,
08:28parfois on vient d'accompagner une personne des mois à l'hôpital,
08:31ces familles qu'on reçoit,
08:33l'énergie pour comparer, pour résister,
08:36elle est difficile à avoir.
08:38Il y a beaucoup de personnes qui préparent leurs obsèques en avance,
08:42où vous voyez des familles qui arrivent et qui débarquent.
08:45En général, c'est quand même assez préparé.
08:47Comment c'est en France ? Quel est le tableau aujourd'hui des familles endeuillées ?
08:51Je trouve que ça pourrait être plus préparé.
08:54Je pense que là, on fait face au tabou de la mort.
08:57Plus c'est préparé, plus c'est apaisé,
09:00plus les proches se sentent soulagés.
09:02Donc c'est important de partager en famille ces volontés funéraires.
09:05La question de l'inhumation ou de la crémation,
09:07si on n'a pas la réponse, c'est terriblement inconfortable.
09:10Et c'est souvent le cas ?
09:11Ce n'est pas souvent le cas sur ce sujet-là,
09:13parce qu'il y a soit le rite de la famille religieuse laïque,
09:16où ça a quand même été évoqué,
09:18mais oui, on pourrait aller plus loin.
09:20Par exemple, je prends le rite chrétien.
09:22Est-ce que ça doit être une messe ou est-ce que ça doit être une bénédiction ?
09:25Là, les gens n'en savent rien, ça n'a pas la même signification.
09:27Comment vous les conseillez ?
09:28D'abord, on les écoute.
09:31C'est fondamental et on prend le temps de les écouter
09:34pour qu'elles aillent jusqu'au bout de ce qui leur semble être juste.
09:37Ce ne sont pas des questions faciles qu'on pose.
09:39Donc le temps, c'est très important dans notre accompagnement.
09:41Là, il faut prendre du temps et avouer votre rapide.
09:44Parce que dans certains rites, il faut enterrer dès le lendemain.
09:46Exactement.
09:47Alors, ces rites-là, généralement, la famille a choisi que c'était ce rite.
09:51Et à ce moment-là, on est à la hauteur du rite.
09:55C'est notamment le rite juif, par exemple.
09:57Ce qui est très important, c'est d'enterrer vite.
09:59Et nous, on a des équipes renforcées pour réaliser ce rite.
10:03Parce qu'être à la hauteur de ce rite, c'est être rapide.
10:06Donc là, dans ces cas-là, on a moins ce temps de la discussion
10:09parce qu'on sait que l'essentiel du rite est la rapidité.
10:11En revanche, quand par exemple, on va préparer une cérémonie laïque,
10:14les rites laïcs en France, ils sont en train de se définir.
10:17Exactement, tout est à inventer.
10:19On n'est pas dans la situation du mariage, on n'a pas un an devant nous.
10:21Là, on a toujours deux rendez-vous.
10:23Ça, c'est une spécificité chez une mémoire.
10:25On a un premier rendez-vous très organisation.
10:27On réserve les lieux, le crématorium, le cimetière.
10:30On passe les appels, on donne les dates aux familles.
10:32Elles ont le parcours qui est très clair.
10:34On a un deuxième rendez-vous.
10:35Là, on prend du temps.
10:36Nos maisons jouent un joli rôle dans cette discussion
10:39parce que les gens se sentent un peu à part aussi.
10:41Et là, on leur dit qu'on va réaliser ce rite ensemble.
10:45Et on a des célébrants pour les communautés laïques
10:48qui sont formés à la prise de parole.
10:49Ça, c'est aussi une spécificité chez une mémoire.
10:51Le métier d'accompagnant,
10:53c'est-à-dire, on appelle ça accompagnant chez nous,
10:55mais de conseiller funéraire,
10:56ce n'est pas le même que le métier de célébrant.
10:58Pour moi, ce n'est pas normal que ce soit les mêmes personnes.
11:00Et c'est les mêmes personnes, les autres dans les maisons ?
11:02C'est toujours les mêmes personnes qui font tous les métiers.
11:04Alors que c'est des métiers,
11:05soit c'est un métier de pédagogie, d'intimité,
11:08de créer la confiance.
11:09Vous devez les déranger, Clémentine Piazza, les inosaures ?
11:13Oui, on les dérange.
11:14Après, mon souhait, c'est que les standards changent.
11:17Si jamais ça crée une autre façon de faire
11:21et plus de temps passer, tant mieux.
11:23Julien ?
11:24Oui, en fait, Clémentine, elle incarne avec douceur et empathie son métier.
11:29Ce qu'il faut voir aussi,
11:30c'est qu'elle a beaucoup de courage de se lancer dans cette activité.
11:33Super courageux.
11:34Oui, parce qu'elle le fait comme une entrepreneur.
11:37C'est-à-dire qu'elle est allée étudier étape par étape ce qui se passe.
11:42Elle allait se confronter au deuil, à la mort, etc.
11:47Elle s'est dit, moi, comment j'aimerais, comment j'aurais aimé que ce soit.
11:52Mais c'est très courageux parce qu'il faut vraiment se confronter à ça.
11:55J'ai écouté dans un podcast que tu disais que la décision d'aller dans ce secteur d'activité
12:02avait été pour toi très difficile à prendre.
12:04Exactement, parce que tu as raison.
12:06Je savais que je le ferais comme une entrepreneur,
12:08donc en vivant chaque étape.
12:10Et donc, j'ai eu peur.
12:12J'ai senti que c'était important qu'il y ait un autre acteur.
12:15J'ai senti que ça ne pouvait pas durer comme ça.
12:17J'avais une forme de colère, une envie que ça change pour les familles.
12:20Et j'avais peur aussi.
12:22Vous aviez peur de quoi, Clémentine ?
12:24De prendre soin des défunts.
12:26On réalise des toilettes mortuaires, sauf quand elle est rituelle.
12:28Dans ces cas-là, on fait appel aux associations.
12:30Vous l'avez fait, déjà ?
12:31J'ai assisté à ça, bien sûr.
12:33Et j'ai un point de vue là-dessus comme un entrepreneur.
12:35C'est-à-dire, je me suis posé la question de qu'est-ce que c'est un recueillement réussi ?
12:39C'est quoi, finalement, quand on va dans la chambre mortuaire de l'hôpital,
12:42quand on va dans la chambre funéraire ?
12:45C'est terriblement froid.
12:47Et qu'il faut rapporter de la chaleur.
12:49Je me suis dit, mais qu'est-ce que ça veut dire ?
12:51D'abord, la première réponse, c'est qu'il faut que le défunt se ressemble.
12:53Il faut que dans la façon dont on a réalisé la toilette,
12:57qu'on a apporté de la couleur, qu'on l'a habillé,
13:01il faut que chacun retrouve son grand-père, sa grand-mère.
13:04Parfois, j'entendais, elle a trop été maquillée.
13:07Ça, ce n'est pas possible parce que, déjà, c'est dur.
13:10On ne peut pas être gêné en plus que ce soit dur.
13:12Ça, ce n'est pas possible.
13:13Ça, c'est notre responsabilité à nous.
13:14Chez InMemory, toutes nos équipes ont une petite valise roulante
13:17et on arrive avec nos éclairages, nos nappes, nos enceintes
13:22et quelque chose pour aussi mettre des photos, si c'est le choix de la famille.
13:25Autour du cercueil ?
13:26Parce que la chambre mortuaire de l'hôpital, elle est trop froide.
13:29Vous la customisez ?
13:31Exactement, parce qu'on ne peut pas avoir un plafonnier blanc quand on se recueille.
13:35C'est vrai, c'est le cas.
13:36On mérite tous mieux.
13:37Du coup, on s'est dit, comment je l'aurais fait moi-même ?
13:41Je l'aurais fait avec mes petits lampions chaleureux, etc.
13:44Donc, c'est vrai que j'avais peur aussi de recevoir la douleur dans mes lieux.
13:48Bon, après, finalement, la vocation reprend le dessus.
13:51C'était assez dingue de vivre ça.
13:52Mais vous prenez du plaisir à travailler dans cet univers des morts ?
13:55Je parlerais plutôt de vocation.
13:57C'est-à-dire, je me sens complètement à ma place
13:59et je ne me vois pas faire autre chose.
14:01Je ne sais pas ce que je pourrais faire d'autre après avoir fait ça.
14:03Le soir, quand vous rentrez à la maison, vous êtes comment ?
14:06On a été dans la gravité la journée, c'est sûr.
14:09C'est une vraie réalité.
14:11Tous ceux qui travaillent dans ce secteur sont des héros.
14:14Mes équipes, quand elles prennent la parole
14:16et que la mort est arrivée trop tôt et que c'est injuste
14:19et que l'Assemblée est vraiment mal, est très bouleversée,
14:24il faut apprendre à faire circuler pour nous pouvoir le vivre, ce métier.
14:29Mais on est dans la gravité.
14:31Et le soir, vous arrivez à déconnecter ?
14:33En fait, tout est lié.
14:35Dans la vocation, j'en parle à mon compagnon,
14:38ma famille sait que je fais ça.
14:40C'est des choses qui se vivent, je pense, comme les soignants de l'hôpital.
14:43J'ai de la chance parce que j'ai des personnes autour de moi
14:46qui acceptent de m'écouter sur des sujets lourds.
14:49Mais je pense que la vie, elle est poreuse.
14:52C'est un tel métier.
14:54Les gens ont besoin d'en parler aussi quand on parle du tabou.
14:58Mais moi, je ne rencontre pas le tabou
15:00parce que quand on fait ce métier,
15:02dans les dîners où jamais personne ne parle de la mort,
15:04du coup, on en parle.
15:06Et les gens en ont besoin.
15:08Vous brisez en quelque sorte le tabou, Clémentine Piazza ?
15:10Oui, on est société à mission.
15:12C'est un choix que j'ai fait.
15:14Et notre mission dans nos statuts,
15:16c'est de libérer la parole autour de la mort
15:18parce qu'on pense que mieux en parler, c'est mieux s'y préparer,
15:20mieux la traverser.
15:22Et ensuite, mieux se soutenir ensemble sur le chemin du deuil.
15:24C'est extraordinaire ce que vous racontez.
15:26Nous sommes conquises, Clémentine Piazza, fondatrice d'InMemory.
15:29Vous restez évidemment autour de la table de la France Bouge.
15:32On va prendre des nouvelles dans un instant de repos digital.
15:35Mais on a encore quelques questions à vous poser, Clémentine,
15:37mais aussi à Olivier Bernier du groupe Bernier.
15:40Mais d'abord, on va encore écouter un petit peu de musique.
15:43On va écouter Daft Punk, Pharrell Williams, Get Lucky.
15:46C'est demandé souvent en enterrement, Daft Punk ?
15:48Ce n'est pas le plus fréquent.
15:50C'est quoi le plus demandé ?
15:52Il y a une très belle chanson de Grégoire
15:55qui s'appelle « Chanson pour un enterrement ».
15:58Qu'il a écrit parce qu'il a fait face à deux décès difficiles et douloureux.
16:02Et qu'il a cherché, qu'il y avait beaucoup de chansons en anglais,
16:05mais pas en français.
16:06Du coup, il s'est dit, tiens, je vais en écrire une.
16:08Et ça a eu un succès sur les réseaux.
16:10Les gens se sont passés cette chanson
16:14pour qu'on puisse avoir une chanson en français
16:17qui met les mots sur ce que les familles sont en train de vivre.
16:20Nous parlons des morts.
16:22Ce soir, on célèbre les morts à travers le marché de ce monde funéraire.
16:26Nous sommes avec Olivier Bernier,
16:28le directeur général du groupe Bernier,
16:30entreprise familiale.
16:32Vous travaillez avec qui ?
16:34Avec votre sœur, je crois ?
16:36Je travaille avec ma sœur et mon cousin Laurent, effectivement.
16:38Et c'est vos parents qui ont fondé l'entreprise ?
16:40C'est mon père et mon oncle qui ont créé la société en 1974.
16:44Et vous continuez à travailler au-delà de votre sœur et votre cousin ?
16:47Il y a d'autres personnes de la famille qui vous ont rejoint ?
16:49Nous avons chacun nos conjoints qui travaillent également avec nous.
16:52Et nous avons également une cousine qui nous a rejoint.
16:56Et vous nous l'avez dit depuis le début de l'émission,
16:58des enterrements de plus en plus personnalisés,
17:01un univers de plus en plus féminin.
17:06Benjamin, il y a peu de femmes dans le secteur du funéraire ?
17:09Oui, on compte au total 18 000 salariés,
17:12dont seulement 29% de femmes.
17:15La moitié des salariés ont au moins 10 ans d'ancienneté.
17:18On en a une ce soir parmi nous,
17:20Philippe Piazza, la fondatrice InMemory,
17:22qui est en train de bousculer tout ce monde du funéraire.
17:25Vous nous avez emporté avec vous tout à l'heure.
17:27Vous vous êtes lancée.
17:29Vous parlez de vocation et non pas d'un métier.
17:33C'était une mission pour vous de faire ça ?
17:35Oui, vous parliez des personnes qui font ce métier.
17:40Ça a été une vraie question quand j'ai démarré mon entreprise.
17:43Je me suis dit, ceux qui font ce métier,
17:46déjà par vocation, j'aimerais qu'ils me rejoignent.
17:48J'étais assez convaincue qu'il y avait des vocations enfouies.
17:51Je me suis dit, si jamais on crée une jolie marque qui fait du sens,
17:56il y a des personnes qui vont oser nous rejoindre.
17:59C'est une vraie mission en tant que patronne
18:02de raconter combien ce métier est essentiel et doit être mis en lumière.
18:06C'est pour ça qu'on a créé une académie interne
18:08qui s'appelle l'Académie InMemory,
18:10pour rassurer ces personnes qui hésitent à se lancer.
18:14On les accompagne pendant trois mois.
18:16On leur explique bien sûr la réglementation, le parcours des obsèques.
18:20Et puis, on a aussi nos formations spécifiques
18:23sur quelle est la bonne posture face à une famille en deuil,
18:26comment réagir face aux émotions,
18:28comment prendre la parole quand on célèbre une cérémonie.
18:31C'est un pari gagné.
18:34Je suis très heureuse de ça.
18:36Aujourd'hui, il y a 60% des personnes qui sont accompagnants chez nous,
18:40qui n'étaient pas conseillers funéraires avant.
18:42Je crois que cette mixité de parcours,
18:44c'est souvent des personnes qui viennent du soin,
18:46des personnes qui viennent aussi de l'hospitality.
18:50C'est ça aussi la richesse de nos équipes que perçoivent les familles.
18:53Donc une centaine de personnes aujourd'hui, une centaine de salariés.
18:56Exactement.
18:57Et c'est un métier où on gagne bien sa vie ?
18:58C'est un métier où on gagne bien sa vie.
19:00En tout cas, chez InMemory,
19:01on a souhaité que les salaires soient plus importants que la moyenne du secteur
19:05pour traduire l'engagement des équipes.
19:08C'est un métier quand même incroyable.
19:11On est dans les cimetières quand il fait très froid.
19:15On est dans les églises qui ne sont pas souvent chauffées.
19:18Il y a une pénibilité à la fois physique,
19:20parce qu'on est debout, on tient bon,
19:22et puis on tient bon aussi face aux émotions qu'on reçoit.
19:25Et bien sûr, un engagement de cœur, d'empathie,
19:29qui consomme de l'énergie aussi.
19:31Donc je voulais être à la hauteur de cet engagement
19:33aussi à travers les rémunérations.
19:35Julien Honneur, vous êtes le coach de ce soir sur Europe 1.
19:37Vous vouliez ajouter quelque chose, je crois, sur les rémunérations, non ?
19:41Sur un métier en particulier ?
19:42Oui, alors le métier qui fait la toilette des défunts,
19:46c'est le thanatopracteur.
19:48Ou thanatopractrice.
19:50D'accord, alors on connaît peu ces métiers.
19:52Racontez-nous peut-être qui sont ces gens ?
19:55Est-ce que justement c'est bien rémunéré ?
19:59Parce que j'imagine que c'est quand même un métier très difficile.
20:01C'est un métier très difficile.
20:03C'est souvent des anciens soignants.
20:05Là vraiment, je dirais que presque 100% des thanatopracteurs
20:09ont été infirmiers à l'hôpital,
20:11ont été dans le soin.
20:13C'est important.
20:15Pour moi, ce moment-là, c'est vraiment aussi
20:17le moment de la transition entre le milieu du soin
20:20et le monde de l'adieu.
20:22C'est un métier important
20:24parce qu'il permet la dernière conversation avec le défunt.
20:27Donc j'ai été particulièrement sensible
20:33au choix des personnes
20:35qui réalisaient ces toilettes pour nos familles.
20:37C'est vous qui recrutez ?
20:38Oui, moi je vois tout le monde.
20:41En fin de processus,
20:43souvent on me dit mais comment tu recrutes l'empathie ?
20:46Ce qu'on fait, c'est qu'une fois qu'on se dit
20:49que ça peut marcher avec quelqu'un,
20:50on organise une journée de vie ma vie
20:52qui a deux vertus.
20:53D'abord, c'est est-ce que cette personne
20:55se sent capable de faire ce métier ?
20:57Oui, parce que là on est sur la théorie et la pratique.
21:01Exactement, c'est pour moi important
21:04de lui offrir cette possibilité.
21:07Surtout quand on recrute des gens
21:08qui ne sont pas de ce métier.
21:09Et puis pour nous, ça permet de voir en direct
21:12le choix des mots d'une personne.
21:13On l'accompagne en rendez-vous famille.
21:15Elle est en observation bien sûr,
21:16mais elle assiste à une cérémonie et j'écoute.
21:18Comment est-ce qu'elle reformule ce qui s'est passé ?
21:20Comment est-ce qu'elle met des mots sur les émotions ?
21:22Est-ce qu'elle a bien une posture
21:24d'écoute active, d'empathie ?
21:28Et ça, c'est...
21:29Mais tout ça, vous l'avez appris où, vous ?
21:31C'est inné ?
21:32En fait, je pense que l'empathie,
21:35on a l'impression que c'est magique,
21:36c'est une compétence.
21:37Alors oui, j'ai cette compétence.
21:38Et là, ce qu'on fait chez InMemory,
21:40c'est qu'on a un vrai protocole
21:41pour identifier cette compétence.
21:43Alors malheureusement, dans les CV,
21:44il y a rarement écrit empathie,
21:46parce que l'entreprise n'a pas créé encore.
21:48Et puis c'est moins valorisé.
21:49C'est moins valorisé.
21:50En fait, ça s'identifie.
21:52Et donc, oui, j'ai cette compétence
21:55et mes équipes l'ont.
21:56Et je sais aussi l'identifier
21:57dans un processus de recrutement.
21:59Est-ce qu'il y a une famille ou un enterrement
22:02qui vous a particulièrement marqué,
22:04Clémentine Piazza ?
22:05Vous êtes la fondatrice InMemory,
22:07ce soir, sur Europe 1.
22:09Oui, bien sûr.
22:10On est habité par ces cérémonies.
22:14Vous assistez à toutes les cérémonies ?
22:15Je n'assiste pas à toutes.
22:16Je ne peux pas,
22:17parce qu'on se développe rapidement.
22:20Mais j'ai installé un rituel,
22:22parce que justement,
22:23je ne voulais pas être déconnectée.
22:24Je me suis dit,
22:25en fait, à la fin,
22:26je fais ce métier pour ce métier.
22:27Il ne faut pas faire que du business.
22:28Comment ne pas être que patronne,
22:30en charge du recrutement,
22:31en charge des procès, etc.
22:32Bien sûr, c'est important.
22:34Et donc, on a créé un rituel
22:35qui s'appelle le récit de cérémonie.
22:36Donc, on a un outil
22:37de communication collectif,
22:39classiquement,
22:40ça s'appelle Slack.
22:42Chaque accompagnant,
22:43après avoir accompagné la cérémonie,
22:45raconte comme il le souhaite.
22:48Parfois, il va particulièrement
22:49parler du défunt,
22:50parce qu'il y a des cérémonies
22:51où le défunt est tellement présent,
22:52ses personnalités.
22:53Vraiment, les gens sont là.
22:56On est entre deux mondes
22:57et c'est vrai qu'il y a parfois
22:58des présences incroyables.
22:59Donc, on va beaucoup entendre
23:00parler de la vie qui a été vécue.
23:02Parfois, ça va être de la famille.
23:03Parfois, ça va être
23:04d'un geste d'hommage,
23:05comme écrire sur un cercueil.
23:10Ça, c'est fait quelques fois.
23:12Et donc, c'est ce qui nous permet,
23:14d'abord, de dire merci aux équipes,
23:15parce qu'elles nous racontent
23:17leur quotidien.
23:18Et c'est un quotidien
23:19qui mérite du temps
23:20pour être raconté.
23:21Et moi, ça me permet, du coup,
23:22de savoir à qui on a dit adieu.
23:24Et alors, est-ce qu'il y en a un
23:25qui vous a marqué ?
23:26Qu'est-ce que vous pensez,
23:27là, ce soir ?
23:28Oui, il y a une anecdote.
23:32C'est moi qui ai répondu au téléphone
23:34et il y a une dame qui me dit
23:36« Vous savez, on est très pudiques,
23:40on ne veut pas de cérémonie. »
23:42Alors, très bien.
23:43Et puis, moi, je suis à l'écoute
23:45de ce qu'on me dit.
23:46Mais je dis « Ok, s'il n'y a pas
23:48de cérémonie, mais est-ce que
23:51les autres ont besoin
23:53d'un temps d'adieu ? »
23:54Et puis, elle me dit « En fait,
23:55je crois qu'on aimerait bien
23:56qu'il y ait de la musique. »
23:57Alors, je dis « Mais vous savez,
23:58de la musique, c'est une cérémonie,
23:59si c'est ça qui compte pour vous. »
24:01Et donc, on est partis de là.
24:02Et à la fin, c'était au crématorium,
24:04on a installé dix chaises
24:06et la famille était là.
24:08Et il y avait un fond musical
24:10et chacun racontait un souvenir
24:11avec le défunt.
24:12Et nous, on était simplement
24:14en retrait à permettre ce moment.
24:16Et ça, je me suis dit
24:19C'est ça, notre métier.
24:21C'est que chacun se sente
24:23fier de l'adieu.
24:25Et que ça corresponde à ce que
24:27la personne voulait et pas
24:29par rapport à une norme particulière.
24:31Donc là aussi, on est dans le sur-mesure
24:33et dans le personnalisable
24:35pour chacune et chacun.

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